Quatrines tétracéphales
[Robert Rapilly a remarqué la
beauté formelle des « quatrines »,
c'est-à-dire des pseudo-quenines
d'ordre 4, dont l'ordre des mots-rimes est 1234/4132/2431.
Elles permettent tout d'abord d'illustrer l'ensemble des
schémas de rimes des quatrains, par exemple abab/baab/bbaa.
La prétendue faiblesse du troisième mot-rime
ne permutant pas avec les autres peut aussi être
retournée en avantage : Robert a eu l'idée
d'attribuer à ce troisième vers une citation
célèbre invariable, qui oriente ainsi le
thème du poème. Les six quatrines qui suivent
ont chacune été écrites par quatre personnes,
à savoir Robert Rapilly,
Nicolas Graner, moi-même
(Gef), et un auteur classique
jouant le rôle du « mort » des
jeux de cartes. Celui qui compose le premier vers d'une
quatrine choisit les mots-rimes, la citation du troisième
vers, les règles prosodiques à respecter, et
in fine le titre du poème. Le faux nom d'auteur est
formé du prénom du mort et des deux
premières lettres de nos prénoms respectifs
dans l'ordre de composition de la première
strophe.]
El Desdiquatrino
par Oskar Rogini
Quatrine ton prénom outrepasse les bornes
Et plonge dans la nuit mon refrain constellé
Dans le jardin c'est une orange avec deux cornes
Dans mon coeur un tourment nullement consolé
Quatrine c'est pourtant toi qui m'as consolé
Toi la comète noire on sait ce que tu bornes
Dans le jardin c'est une orange avec deux cornes
Sous mon crâne un dédale au plafond constellé
Quatrine taisez-vous l'Astérion constellé
Brave plus que l'enfant qu'Ariane a consolé
Dans le jardin c'est une orange avec deux cornes
N'aiguillant vous ni toit ni Calabre sans bornes
[Troisième vers d'Oskar Pastior et mots-rimes choisis par Robert Rapilly, auteur des vers 1, 6 & 12. Je me suis chargé des vers 2, 8 & 9, et Nicolas Graner des 4, 5 & 10.]
Shepherd's mate
par Jean de Nirogi
Jamais l'esprit humain n'a paru plus futile
Ne faites société qu'après satin d'un loup
Ce service vous peut quelque jour être utile
Pour masquer les échecs ou jouer un bon coup
Arlequin l'entendit sitôt troisième coup
Offrant à Colombine un couvert bien futile
Ce service vous peut quelque jour être utile
Dame qui redoutez les fous plus que le loup
Vivent les distractions les fous rires mon loup
Les ponts que j'ai dressés resteront dans le coup
Ce service vous peut quelque jour être utile
Traversât-il vainqueur tout pion se sait futile
[Troisième vers de Jean de La Fontaine et mots-rimes choisis par Nicolas Graner, auteur des vers 1, 8 & 10. Robert Rapilly s'est chargé des vers 2, 5 & 12, et moi-même des 4, 6 & 9. L'ordre des contributions, défini par Nicolas, permet aux trois vivants de traiter une fois chaque mot-rime permutant.]
Le rêve de Tzinacán
par Catherine Giniro
Le tigre et moi le sage au fond de nos prisons
Contemplons le progrès du mal qui nous terrasse
Et l'effroyable mort dans l'horrible crevasse
D'un miroir où ma chambre engloutit les toisons
L'autre tigre frissonne en vain ne le toisons
Fallait-il que je visse et la nuit des prisons
Et l'effroyable mort dans l'horrible crevasse
Fallait-il que je fuisse ou que je me terrasse
Le cauchemar m'éveille à poil sur la terrasse
Fuir ce vide papier où s'enivrent oisons
Et l'effroyable mort dans l'horrible crevasse
Renaître sous le fauve astre que nous prisons
[Troisième vers de Catherine Des Roches et mots-rimes choisis par Gef, auteur des vers 1, 6 & 12. Nicolas Graner s'est chargé des vers 2, 8 & 9, et Robert Rapilly des 4, 5 & 10. Le fait de débuter par la strophe embrassée donne à la quatrine (abba/aabb/baba) un air de famille avec les sonnets (abba/abba/ccd/ede) & dizains (abba/ccd/ede) classiques : un ou deux quatrains embrassés, un ou deux distiques plats, et un quatrain croisé pour finir.]
Shogun Shadow
par Lubin Ronigi
L'horizon s'allume
L'étoile pâlit
Prête-moi ta plume
Car je rame au lit
S'il faut qu'on me lie
Dans un blanc velum
Prête-moi ta plume
Et crois ce qu'on lit
Bois jusqu'à la lie
Mon douloureux lied
Prête-moi ta plume
J'épingle un péplum
Retentit l'enclume
Quand le Khan en short
Au clair de la lune
Se tapa Hayworth
Cognant à la porte
L'insolent Shogun
Au clair de la lune
Veut trancher Wordsworth
Les cornes qu'il porte
D'Honshu sur Newport
Au clair de la lune
Ombrent la Full Moon
[Troisièmes vers tirés d'une chanson populaire et mots-rimes choisis par Robert Rapilly, auteur des vers 1, 2, 12, 13, 22 & 24. Nicolas Graner s'est chargé des vers 4, 5, 14, 16, 17 & 18, et moi-même des 6, 8, 9, 10, 20 & 21. Cette double quatrine forme trois sélénets successifs.]
La tirade des noms d'oiseaux
par Edmond Gironi
Héron héron patte à paon marabout
Khan arrimé descend ce volatile
C'est bien plus beau lorsque c'est inutile
Un bec si long qu'on n'en voit pas le bout
Quand un rat passe ou qu'un oeuf pourri bout
Qu'on dort serein qu'hui cuit le marabout
C'est bien plus beau lorsque c'est inutile
Sachant tant d'eau d'émoi nô volatile
Le boeuf n'en a pourquoi le volatile
En a-t-il plus mais l'écaille du bout
C'est bien plus beau lorsque c'est inutile
Qu'on soit dragon pape gay marabout
[Troisième vers d'Edmond Rostand et mots-rimes choisis par Gef, auteur des vers 1, 6 & 12. Robert Rapilly s'est chargé des vers 2, 8 & 9, et Nicolas Graner des 4, 5 & 10. On remarquera que les rimes de Gironi, dans ce pénultième poème, sont les mêmes que celles de Nirogi dans le deuxième poème ci-dessus.]
Quatrinette nouvelle
par Alphonse Nigiro
À Mourmelon-le-Grand, le vingt-cinq novembre,
Dès l'issue de la confection en chambre,
Amène ta bonne amie, ça nous fera plaisir :
Hors gaudriole, Pompée Faure eût-il été vizir ?
Organisons la fête : offrons du gingembre,
Amourachons-nous de fière Sicambre...
Amène ta bonne, amie, ça nous fera plaisir,
Des lys et des gardénias sur son chef en équilibre !
Délice d'en avaler suc et fibre,
Or, grenats, diamants, saphirs... Non ! ça ferait mauvais genre.
Amène ta bonne amie : ça nous fera plaisir
À mourir, un brame ou rire en la baisant.
[Troisième vers d'Alphonse Allais et antérimes choisies par Nicolas Graner, auteur des vers 1, 8 & 10. Je me suis chargé des vers 2, 5 & 12, et Robert Rapilly des 4, 6 & 9. Nicolas a imposé la composition de vers néo-alexandrins, antérimés et en moyenne de 12 syllabes. Plus précisément, chaque strophe comporte des vers de 10, 11, 13 et 14 syllabes, les e caducs entre voyelle & consonne étant autorisés. Les rimes plates du début sont volontairement dégradées en assonances berrychonnes à la fin.]
Renga d'automne
[En octobre & novembre 2008, un
groupe d'amis de la
liste oulipo a expérimenté
par courriel la forme japonaise nommée
renga. Il s'agit d'un
poème collectif alternant strophes de 5/7/5 et 7/7
syllabes, chacune devant être reliée à la
précédente mais dévier des thèmes
abordés auparavant. Aucune autre contrainte formelle
n'était imposée, même pas de rimes, mais
ça n'a pas empêché certains d'en respecter
parfois de très dures. Le résultat est baroque,
comme un collier associant graines de tournesol peintes &
diamants, ou bien nouilles crues & perles. Le mouvement
brownien de ses thèmes les fait parfois repasser au
voisinage d'images précédemment
évoquées. Les lettres entre crochets en fin
de strophes désignent leurs auteurs, dont
les noms sont donnés après
le poème. Leur ordre d'intervention a été
déterminé à l'aide de
quenines
généralisées, dont l'intérêt
principal était d'interdire toute
contestation !]
[a] Didier Bergeret
[b] Alain Chevrier
[c] Michel Clavel
[d] Patrice Debry
[e] Gilles Esposito-Farèse
[f] Patrick Flandrin
[g] Nicolas Graner
[h] Martin Granger
[i] Jacques Perry-Salkow
[j] Robert Rapilly
[k] Frédéric Schmitter
[l] Stéphane Susana
[m] Alain Zalmanski
Kasenine
Du 22 octobre au 15 novembre 2008,
Robert Rapilly a proposé à
Martin Granger &
moi-même de combiner les formes
quatrine et
renga. Plus précisément,
un « kasen » de 36 versets est
décomposé en trois
quatrines tétracéphales de
chacune 12 strophes. L'auteur de la première strophe
de chaque quatrine a choisi (et adapté à la
métrique française) une citation d'un poète
japonais, répétée comme refrain aux strophes
3, 7 & 11. Robert a choisi un haïku de Kobayashi
Issa ; Martin de Matsuo Bashô,
aux strophes 15, 19 & 23 ; et j'ai cité le
troisième grand maître de l'époque d'Edo,
Yosa Buson, aux strophes 27, 31 & 35. Pour la
première quatrine, strophes 1 à 12, Robert a
également imposé deux surcontraintes : chaque
strophe doit mentionner une forte opposition, et aucun mot
significatif ne peut être répété.
Pour la deuxième quatrine, strophes 13 à 24, Martin
a demandé que chaque hokku (de 5/7/5 syllabes) cite un
texte canonique de la langue française dans l'un de ses
pentasyllabes, et il a interdit l'utilisation d'apostrophes dans
les ageku (de 7/7 syllabes). Pour la troisième quatrine,
strophes 25 à 36, j'ai imité la citation de Buson
en demandant que chaque strophe emploie une hypallage, une
prosopopée ou tout autre type de personnification.
Le lecteur attentif repérera sans doute d'autres
surcontraintes isolées. Les lettres entre crochets en fin
de strophes désignent leurs auteurs (par l'initiale de leur
nom de famille), à savoir Issa [k], Bashô [m], Buson
[y], Robert [r], Martin [g] et Gilles [e].
[Vous pouvez agrandir l'image ci-dessus à
la taille de votre fenêtre en cliquant dessus.]
Panligatures
[Jacques André a proposé
à la
liste oulipo de construire de courtes phrases ou
expressions contenant l'ensemble de ces ligatures françaises :
æ œ ct st fi fl ff ffi ffl.
Élisabeth Chamontin
a trouvé du tac au tac :
« Væ victis », affirma-t-il,
l'œil fixé sur le flanc affaissé de
l'imposteur soufflé.
Éric Angelini en a aussi
proposé la belle variante :
« Væ victis... fin d'un officier »,
souffla Castro affaibli, l'œil flou.
Voici ce que j'ai pu obtenir de mon côté.]
Concis :
Bœuf bouffi & fictif buffle
flastroffois ex æquo.
Astrophysique :
L'œil est à l'affût d'un flot affine : l'afflux fictif des novæ.
Apollinervalien :
Enflez, novæ ! C'est le défi
D'un cœur off, d'affliction bouffi.
Éric Angelini en a obtenu une variante un peu plus
longue mais grammaticalement plus élégante :
Enflez, novæ ! C'est la fiction
D'un cœur off bouffi d'affliction.
[Par la suite, Éric a construit plusieurs
autres distiques, de plus en
plus économiques en nombre de lettres. Voici sa
dernière trouvaille :
Novæ : l'œil s'époustoufle ;
Fier greffier, l'affect souffle.]
Le 9/12/08, j'ai proposé ce
menu malhonnêtement rimé,
record actuel de concision :
Cæcum de buffle, blaff fin,
Rœsti, flan lacté, muffin.
P.S. du 13/05/21 : enrichissement
du dernier menu afin d'y inclure 20 ligatures
en tout, à savoir
æ œ ch ck ct sp st fb ff fh fi fj fk fl ft ffh ffi ffl fft Th
(les ch et ck ne se repèrent pas
vraiment dans l'image ci-contre en Garamond,
que vous pouvez agrandir à la taille de votre
fenêtre en cliquant dessus)
Rœsti schaffhousois,
Buffle d'aspect fin,
Bæckeoffe affin,
Thé, flan neufboscois,
Sulfhydre swiftien,
Pfft ! fjord kafkaïen.
Jeu des deux réponses (sonnet)
[En contrepied de notre ancien
jeu des deux questions, j'ai proposé
à la liste oulipo d'écrire un sonnet
de quatorze questions auquel deux poèmes
classiques puissent indépendamment jouer le rôle
de réponses. Robert Rapilly a immédiatement
relevé le défi en combinant d'abord
deux sonnets de Mallarmé puis
trois sélénets.
J'ai pour ma part choisi ci-dessous deux des sonnets les
plus célèbres de la littérature
française, qui ont déjà inspiré
de nombreuses
réécritures
oulipiennes. Les conflits entre leurs temps ou leurs nombres
ont été imparfaitement résolus grâce
à des ambiguïtés syntaxiques.]
1. Drôle d'oiseau, comment te définirais-tu ?
a. Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal
b. Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé
2. Et ces nobles déchus, que prétendent-ils être ?
a. Fatigués de porter leurs misères hautaines
b. Le prince d'Aquitaine à la tour abolie
3. D'où vient cette inquiétude et que voit-on paraître ?
a. De Palos de Moguer, routiers et capitaines
b. Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
4. Mes chimères étaient quelle action ou vertu ?
a. Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal
b. Porte le soleil noir de la Mélancolie !
5. Sans fortune en ce lieu, que chercher in situ ?
a. Ils allaient conquérir le fabuleux métal
b. Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé
6. De ce pays ravi, que peux-tu reconnaître ?
a. Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines
b. Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie
7. Le cafard, le bourdon inspiraient le pyrèthre ?
a. Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
b. La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé
8. Connais-tu l'interface où le globe est pointu ?
a. Aux bords mystérieux du monde occidental
b. Et la treille où le pampre à la rose s'allie
9. Quand te sens-tu brillant, richissime, érotique ?
a. Chaque soir, espérant des lendemains épiques
b. Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
10. Quelle couleur emplit ton cerveau névrotique ?
a. L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
b. Mon front est rouge encor du baiser de la reine
11. Que faisait la naïade au creux de l'inconscient ?
a. Enchantait leur sommeil d'un mirage doré
b. J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...
12. Mais sur un pédalo, tentons-nous des prouesses ?
a. Ou penchés à l'avant de blanches caravelles
b. Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron
13. Comment, si plane Icare, en rester insouciant ?
a. Ils regardaient monter en un ciel ignoré
b. Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
14. Que percevons-nous donc, ô trop vagues déesses ?
a. Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
b. Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.
15. Quels furent les auteurs et titres de ces pièces ?
a. Les conquérants, José-Maria de Heredia
b. Nom : Gérard de Nerval, titre : El Desdichado
Voeux hétéropanphonétiques
Versification (un peu anar) d'une chaîne de synonymes
trouvée par
ce programme de Laurent Le Brun
pour relier deux antonymes
L'oulipien est un rat transcendant la contrainte
Des servitudes où, comme en un labyrinthe,
Il s'adonne à la traite et des noirs et des blancs,
Cette affaire de prote ou de typos tremblants.
Si le jeu lui plaît c'est qu'en maintes occurrences
La possibilité d'ancrer des différences
Langagières fournit des latitudes, té !
Résistez aux lois pour gagner la liberté.
Formes fixes vocaliques
Arnaud Gazagnes a réattiré
mon attention sur ce court
poème que j'avais composé il y a plus de onze
ans sur la liste oulipo, utilisant un carré
bi-latin orthogonal de voyelles.
Il peut être intéressant d'adapter d'autres
contraintes classiques à de tels enchaînements
vocaliques.
Voici par exemple le schéma d'une sextine de
voyelles :
aeiouy / yaueoi / iyoaeu / uieyao / ouaiye / eoyuia
En y insérant des consonnes, ça peut donner
cette phrase symbolico-surréaliste :
Acheminons un lynx /
cyan sur le toit /
d'Issy, novateurs /
cubistes rythmant nos /
souhaits cryptés /
en l'onyx luisant
La notion de sonnet vocalique,
par exemple de schéma
aeea aeea iio uou
donne des
« poèmes » plus courts encore,
mais aussi subtils à construire que les classiques
séquences vocaliques (aeiou aeiou...).
En voici quelques premiers exemples :
S'absenter ad aeternam : fiction, humour ?
La mer jeta lames et raz illico sur nos surfs.
Malentendants, assez de blanc : imprimons sur tout !
Choisissons l'opinion gargantuesque !
On pourrait également essayer les petite ballade
(aeaeeiei aeaeeiei aeaeeiei eiei),
ballade (aeaeeiioio aeaeeiioio aeaeeiioio iioio)
et chant royal (aeaeiioouou aeaeiioouou
aeaeiioouou aeaeiioouou aeaeiioouou [ii]oouou).
Par ailleurs, toutes ces formes fixes mériteraient
aussi d'être expérimentées sur des
enchaînements de syllabes, bien que
ça semble a priori aussi complexe à
construire que des
holorimes
multiples,
grands
poèmes
carrés
ou autres variantes.
[Voir ci-dessous les sextines et douzine syllabiques que j'ai composées quelques mois plus tard]
Robert Rapilly a proposé à la liste oulipo de récrire le passage suivant en respectant les contraintes que l'on veut :
Passer une frontière est toujours quelque chose d'un peu
émouvant : une limite imaginaire,
matérialisée par une barrière de bois (...)
suffit pour tout changer, et jusqu'au paysage même :
c'est le même air, c'est la même terre, mais la route
n'est plus tout à fait la même, la graphie des
panneaux routiers change, les boulangeries ne ressemblent plus
tout à fait à ce que nous appelions, un instant
avant, boulangerie, les pains n'ont plus la même forme
(...).
Georges Perec, « Espèces
d'espaces » (éd. Galilée)
Comme les années précédentes, mon programme de baragouinage fournit évidemment un grand nombre de réécritures automatiques, notamment cet amusant S+7.
On peut aussi se contenter, certes métatextuellement, d'un bébête aller-retour via l'anglais dans Babel Fish :
Pour passer une frontière est toujours quelque chose d'un
déplacement : une limite imaginaire,
matérialisée par une barrière en bois (...)
est assez pour que tous changent, et jusqu'avec le paysage
même : c'est le même air, c'est la même
terre, mais la route n'est plus complètement le
même, la communication d'onde entretenue des changements de
panneaux de route, boulangeries ne ressemblent pas plus
complètement avec que nous appelons, un moment avant,
boulangerie, les pains n'ayez plus la même forme (...).
Georges Perec, « espèces d'les
espaces » (ED. Galilée)
Anagramme
[Ma première réécriture
sérieuse est une anagramme de l'extrait choisi, tenant
compte de ses coupures et de l'indication bibliographique.
Cette anagramme paraphrase un autre extrait du même
chapitre.]
La frontière est une ligne. Des millions d'hommes sont
morts par ce trait. Des milliers d'hommes sont morts
amputés parce qu'ils n'ont pu l'enjamber : la survie
exigeait alors qu'on fugue au hameau et franchisse un simple
gué, une petite montagne, une forêt calme :
l'autre côté eût été en Suisse,
beau pays neutre, rase pampa au camp paumé, étape
à boue, issue jugée libre...
(« La Grande Illusion » : on n'abat pas
un séquestré en fuite qui a traversé la
frontière...)
Égorges Percé, « Espèce
à espace » (Égaillé)
[Voir aussi mes précédentes réécritures anagrammatiques d'Annan de Le Tellier, de Diomira de Calvino et de la Musique de table de Pastior]
Bon gros monovoc'
Sortons hors nos clos donc morfondons grosso modo nos fors
profonds, fronçons nos fronts : bornons nos sols
d'oblongs troncs, mordons nos bords, (...) lors opposons nos
cosmos : confondons nos flots, nos rocs, nos monts,
bon ; or, vos ponts ont d'ostrogoths noms, vos stops vont
hors-propos, vos mots sont trop mongols, vos shops d'oblong son
corrompront l'or blond dont nos hot-dogs sont forts (...).
John Pollock, « Ordonnons nos cosmos »
(Oxford)
Si mon sol finit, ô frontière, tu m'apparus
Plus d'amusant bun n'afflua... et l'émotion prit
Autoréférence indirecte
Oh ! _toute_ phrase du texte original devient pangrammatique si j'y sors le vocable « pains » final, reformulé en dégueu « zwiebacks ». [Ce panscrabblogramme exprime une vérité sur le texte de G.P., dont les initiales donnent les deux jokers. Le zwieback est une biscotte suisse remplaçant le pain.]
Quenellien
Bien placée, ouest ou nord,
Une barrière fait un bord
Le terme, il suffit qu'on l'imite
Pour définir une limite
C'est le même air quand notre action
Est franchir la démarcation
Faut déchiffrer les caractères
Quand passent lisière et frontières
D'émotion je pleure et je ris
En voyant les boulangeries
Ça a toujours kèkchose d'étrange
Une frange
Art conceptuel
Passer une frontière est toujours quelque chose d'un peu émouvant : une limite imaginaire, matérialisée par une barrière de bois (...) suffit pour tout changer, et jusqu'au paysage même : c'est le même air, c'est la même terre, mail are root 'n' apple it out a failure, mammal are graffiti, pan our out, yeah! Sean (jelly) Boole, angel in her ass, amble Pluto toffee ask a news, apple Ionian instanter Van Buren, sherry-lapin ample Ulam amphora'm (...).
Sélénet holorime
Oh de la limite
Sentez-les râler :
Au delà l'imitent
Sente et l'air hâlé
Là que peints sémèmes
Passaient pour hideux,
L'aqueux pain c'est même
Pas ces pourris d'oeufs
Hétéropanphonème
donnant deux octosyllabes blancs
[deux phonèmes sont approximatifs : le
â postérieur du premier verbe et le eu
ouvert de l'interjection]
Hua boueux signaux vus, pain heu... mou
qu'un exode frontalier change.
Abécédaire rimé
Aux boulangeries curieuses
Des émouvantes frontières,
Gardes-haies imaginaires,
Je kife la mie neigeuse.
Ô pain, que resituer ?
Se transforment us, voirie,
Wagonnets, xylographie :
Yougoslavie ? Zimbabwe ?
Voir ci-dessous mon adaptation du texte de Perec de telle sorte qu'une traduction automatique en soit acceptable [10/04/09]
Accumulation de faux sens [21/04/09]
Dépasser les bornes est souvent quelque chose d'assez
pathétique : plus aucune limite, les garde-fous
restent de bois (...) et tout le monde en a alors une nouvelle
couche, c'est au fond le même topo : on garde le
même air, on reste dans un domaine voisin, mais nos
bretelles ne sont plus tout à fait identiques, on tombe
dans un panneau différent, ce n'est plus vraiment le
pétrin de ceux à qui nous avions
téléphoné -- attendez une minute, les
donneurs de gifles ne sont plus en forme (...).
George Pérec, « Sales blancs »
(Édouard Israël)
En réaction à cette réécriture, Frédéric Schmitter m'a envoyé le joli compliment « Arrogance, Hommes niais ! »
Bègue lescurien [22/04/09]
Oh, au pas passer ces bords bornés n'est nécessaire remords moral : à la limite, imitant en mythe mi-tronc rond tentant là la haie, (...) est la mue, l'âme unie n'y sent semblable aspect à ce pays : il a la même éternelle terre, - n'est le même air encore ?, en cause usuelle est la rue à runes - ne pas panneaux nommer, mais soudain sous d'indus duchés, chez mitrons m'y trompent peu leur leurre : leur pain peint, dit ocre, formé fort médiocre (...). Père Perec « Échos aux écarts » (Art qu'est plaire, Képler)
[o o - pa pa - sé sé - bor bor - né né - sé sé - re re - mor mor - al al al - imit imit - tan tan - mit mit - ron ron - tan tan - la la - é é - lamu lamu - ni ni - san san - bla bla - aspé aspé - i i - la la - mé mé - ternel ternel - mé mé - ranco ranco - zu zu - el el - aru aru - ne ne - pa pa - no no - mé mé - soudin soudin - du du - ché ché - mitron mitron - pe pe - leur leur leur - pin pin - diocre - formé formé - diocre - per per - ec ec - oz oz - ec - ar ar - képler képler]
Ibérique [06/05/09]
[M+-1 fonctionnel ne conservant que des mots d'origine espagnole]
Parer une flottille est toujours quelque chose d'un peu
embarrassant : une limonade intégriste, matée par une banderille
de boléro (...) sombre pour tout chamarrer, et jusqu'au patio
même : c'est le même alambic, c'est la même tchatche, mais la
rossinante n'est plus tout à fait la même, la grandesse des
pampéros rouans chie, les bourricots ne reconquièrent plus tout
à fait ce que nous attigions, un infant avant, bourricot, les
palabres n'ont plus le même flamenco (...).
Jorge Pérez, « Estampilles d'espadas » (ed. Carsono)
Antigramme
Jean-Charles Meyrignac a attiré l'attention de
la liste oulipo sur la notion d'anagramme
antonymique.
Après avoir rapidement
transformé l'« Ouvroir de littérature
potentielle » en un médiocre mais
antithétique
« Ta rouille vendit tout le
répertoire », j'ai cherché à
inverser le sens du Chantre
d'Apollinaire :
Quatre pistons du même ordinateur céleste
Et l'unique cordeau des trompettes marines
Autre essai évoquant un instrument de
musique mais s'éloignant de la syntaxe
originale :
Tordre les trente mâts du sec piano mi-queue
Et l'unique cordeau des trompettes marines
Traduction automatique à contraintes
[Nicolas Graner m'a suggéré
une nouvelle classe de contraintes : composer un
texte français de telle sorte que l'un des
traducteurs automatiques disponibles sur Internet
(comme Babel Fish,
Google ou
Reverso) soit capable d'en faire une version
anglaise à peu près correcte. En particulier, si le
texte français respecte une contrainte formelle, il faut
se débrouiller pour que la traduction automatique la
respecte également ! La difficulté est d'une
nature très différente de ce à quoi l'Oulipo
nous a habitué, car il faut obtenir un résultat
au travers de la « boîte noire » du
logiciel, en ne touchant qu'aux « conditions
initiales » de l'original français. Par
ailleurs, ces traducteurs automatiques sont très
instables : leurs résultats varient selon les
majuscules, la ponctuation, les singuliers ou pluriels, l'ordre
des noms & adjectifs, les passages à la ligne, etc.
Ils ne connaissent pas non plus certains mots, donc nous obligent
à écrire des liponymes. Vous trouverez ci-dessous
mes six expérimentations de cette classe de contraintes,
pour des textes de tailles et de difficultés très
variables. J'ai systématiquement utilisé le
traducteur de Google, qui m'a semblé d'un niveau
fort honorable, malgré quelques habituelles
aberrations.]
Mon premier essai est une version lipogrammatique en E du « Chantre » d'Apollinaire :
Un cordon s'isolant sur maints clairons navals
Je l'ai mise au point de telle sorte que Google la traduise aussi sous forme de lipogramme en E :
Cord isolation on many naval clarions
Pour illustrer la difficulté, j'ai
initialement testé le vers
Puis du clairon marin l'isolation du fil
(pondu dans mon 2e message sur la
liste oulipo en 1996), et Google en a fait
Then the bugle marine wire insulation
avec des E presque partout !
Mon deuxième essai est de la prose pure, sans autre contrainte que celle d'obtenir une traduction anglaise honnête (mais bien sûr pas parfaite). J'ai reformulé l'extrait perecquien d'Espèces d'espaces donné ci-dessus :
Passer une frontière est toujours quelque chose de
légèrement émouvant : Une limite
virtuelle, matérialisée par une barrière en
bois (...), cela suffit pour tout changer, et même le
paysage : l'air est le même, et c'est la même
terre, mais la route n'est plus tout à fait la même,
la graphie des panneaux routiers s'est modifiée, les
boulangeries ne semblent pas être ce que nous avions
appelé, un instant auparavant, boulangeries, les pains ne
possèdent plus la même forme (...).
Georges Perec, « Espèces
d'espaces » (éd. Galilée)
Voici ce que le traducteur de Google en fait en anglais :
Crossing a border is always something slightly moving: A virtual
boundary, represented by a wooden fence (...), this is enough to
change everything, even the landscape: the air is the same, and
that is same land, but the road is not quite the same, the
spelling of road signs has changed, bakeries do not seem to be
what we called a moment ago, bakeries, breads no longer possess
the same shape (...).
Georges Perec, "Species of Spaces" (ed. Galilee)
Ma troisième expérimentation est sur notre tête de Turc favorite : peut-on modifier El Desdichado de Nerval, en en conservant le mètre et les rimes, de telle sorte que Google évite le charabia et ne fasse pas trop de faux sens ? [Une surcontrainte, qui dépasse hélas mes compétences prosodiques, serait de forcer Google à fabriquer d'élégants pentamètres iambiques anglais. Quel bon anglophone relèvera ce défi ?] J'ai eu des surprises dès le titre, qui devrait rester inchangé puisqu'il est en espagnol et que j'ai défini le français comme langue source. Eh bien Google traduit quand même « El Desdichado » par... « Merry » ! Bel exemple de contresens. Vous verrez ci-dessous comment j'ai contourné le bogue. Je regrette un hiatus et une césure foireuse, mais il me semble que la version anglaise est supportable (contrairement à ce que donne l'original de Nerval).
Desdichado
(Le malheureux)
Je suis veuf de Bordeaux, - l'obscur inconsolé,
Le prince dont la tour fut détruite, abolie :
Ma seule étoile est morte, - et mon luth tout brûlé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
En la nuit de la tombe, ô toi qui m'as parlé,
Donne-moi en retour monts et mers d'Italie,
La fleur qui ravissait mon coeur, déboussolé,
Et les fruits du vignoble où ma rose se lie.
Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front reste rougi car m'embrassa la reine ;
Je rêve en la caverne où nage une sirène...
Puis deux fois victorieux, je franchis Achéron :
En chantant, alternés sur la lyre d'Orphée,
Soupirs d'une sainte, et hurlements d'une fée.
Traduction googléenne automatique :
Desdichado
(The unfortunate)
I am a widower of Bordeaux - the dark inconsolable,
The prince whose tower was destroyed, abolished:
My only star is dead - and my lute while burned
Bears the black sun of Melancholy.
In the night of the tomb, O you who talked to me,
Give me back mountains and seas of Italy,
The flower that fascinated my heart, disoriented,
And the fruit of the vineyard where my rose binds.
Am I Love or Phoebus? ... Lusignan or Biron?
My forehead is still red because the Queen kissed me;
I dream in the cave where a mermaid swims ...
Then twice victorious, I crossed Acheron:
Singing, alternating on the lyre of Orpheus,
Sighs of a saint, and screams of a fairy.
Ma quatrième expérimentation est la traduction automatique d'un pangramme français en un pangramme anglais. J'ai adapté le plus célèbre exemple français :
Zut, le juge qui fume acquiert cinq boîtes de prisé vieux whisky. [52]
Damn, the judge who smokes acquired five boxes of prized old whiskey. [56]
Il est évidemment facile de construire
des pangrammes plus courts utilisant des noms propres
inchangés par
le traducteur automatique. Cet
hétéropangramme
de quatre villes est par exemple conservé sans
modification :
Przybków, Qamsh, Vingfjeld, Xtuc. [26]
Mon cinquième essai est trop facile. Cette adaptation du plus célèbre alexandrin monosyllabique français reste juste monosyllabique en anglais :
Le jour n'est pas moins clair que la chair de mon coeur.
est traduit par Google en
The day is not less clear than the flesh of my heart.
Ma sixième expérience est au
contraire extrêmement complexe. Est-il possible d'adapter
la superbe devise de Perec
Je cherche en même temps l'éternel et
l'éphémère.
en conservant sa
contrainte monovocalique en français, et en faisant en
sorte que Google la traduise aussi en un monovocalisme anglais
cohérent ? Je me suis inspiré de la version
anglaise de cette phrase telle que Ian Monk l'a traduite en
p. 102 de « Three » (Harvill Press,
1996) :
We seek the essence where the end meets the endless!
Notons déjà que cette phrase exacte peut
être
obtenue
à partir d'une version française ne respectant pas
la contrainte littérale :
Nous cherchons l'essence où la fin rencontre le sans
fin !
Mais c'est après de nombreux essais que j'ai fini par
obtenir :
Tencrède cherche l'essence, le secret entre l'extrême excellence & le terme.
qui donne au travers de Google :
Tencrède seeks the essence, the secret between extreme excellence & the term.
On peut
supprimer
« excellence » de cette phrase sans
abîmer ni le sens ni le monovocalisme anglais. Patrice
Debry m'a soufflé l'astuce de l'esperluette
« & », non transformée en
« and » par Google. Tencrède
est le personnage qui prononce cette phrase dans le roman
« les Revenentes » de Perec. Un sujet
était en effet nécessaire, car Google traduit
l'impératif français
« Cherche... » par
« Seeks... » avec un S final !
On aurait pu remplacer ce personnage par exemple par un
éphèbe (notez l'apparition d'un
article supplémentaire dans la version anglaise), mais
ça s'éloignerait du texte de Perec. Il est amusant
de modifier des détails infimes de cette phrase pour
tester le comportement chaotique du traducteur automatique. Le
monovocalisme est notamment perdu dans tous ces
cas :
Tencrède cherche l'essence, le secret entre
l'extrême & le terme !
Tencrède seeks the essence, the secret between extreme
& the word!
Tencrède cherche l'essence, le secret entre
l'extrême & le terme...
Tencrède seeks petrol, extreme secrecy
between the word & ...
Tencrède cherche l'essence, le secret entre
l'extrême & le terme
Tencrède seeks petrol, between extreme secrecy
and the term
Cherchez l'essence, le secret entre
l'extrême & le terme.
Find the essence, the secret between extreme
& the term.
Tencrède recherche l'essence, le secret
entre l'extrême & le terme.
Search Tencrède gasoline, the secret between
the extreme & the term.
Recherchez l'essence, le secret
entre l'extrême & le terme.
Look for the essence, the secret between the extreme &
the term.
Tencrède cherche le secret, l'essence entre
l'extrême & le terme.
Tencrède looking for the secret, the essence
of the extreme & the term.
Tencrède cherche le secret entre
l'extrême & le terme.
Tencrède seeks secrecy between extreme & the term.
Cherche le secret entre
l'extrême & le terme.
Search secrecy between extreme & the term.
Recherchez l'essence entre
l'extrême & le terme.
Locate petrol between extreme & the term.
Tencrède cherche l'essence entre
l'extrême & le terme.
Tencrède seeks petrol between extreme & the term.
Tencrède cherche l'essence entre le terme
& l'extrême.
Tencrède seeks the essence of the word &
the extreme.
Cherche l'excellente essence entre l'extrême
& le terme.
Seeking excellent fuel between extreme & the
term.
etc.
Gag à gaga
[À déclamer. Sorte d'intersection de
plusieurs versions déjà proposées,
notamment les
bègue et
arythmiques. L'idée est ici de
conserver le rythme régulier des alexandrins
malgré le bégaiement du gâteux. Il serait
plus intéressant mais beaucoup plus dur de paraphraser
Nerval dans un sonnet
bègue à la Lescure, comme
celui-ci d'il y a neuf
ans.]
La Desdichacha
(L'Infofortutune)
Je suis téténébreux, - veuveuf, - dédésolé,
Prinprince aquiquitain à toutour salilie :
Mon anastre est momort, - mon luluth grêlélé
Poporte un ronrond noir de Mémélancolie.
Dans la nuit tontombale, amimi zélélé,
Rends-moimoi les monmonts et mémers d'Italie,
La fleufleur qui pluplut à mon coeucoeur gelé,
La treitreille où pampampre aux roroses s'allie.
Suis-je Lusignangnan, Phébubus, Bironron ?
Mon fronfront rougigit des baibaisers des reines,
Rêvanvant dans l'anlantre où nagent six sirènes...
J'ai deux fois vainquequeur franchichi l'Achéron :
Momodudulanlant sur l'ailair d'Orphéphée
Soupipirs de sainsainte et cha-cha-cha de fée.
Gégé de Vaval
8-/
[Voir ci-dessus ma traduction en bègue lescurien d'un extrait d'Espèces d'espaces de Perec (22/04/09)]
Sextine syllabique
[mélange de six syllabes selon la permutation
d'Arnaut Daniel 123456 --> 615243]
Je l'ai seul en son Mai :
mes jeux, on les lance, eux.
Se mélangent les sons ;
sont celés mes gelants
lents songes ; se mêlait
l'élan... Mais sont-ce jeux ?
Et pour répondre au sympathique enthousiasme de mon ami Rémi Schulz, j'ai construit le 9/5/9 cette sextine inverse de syllabes :
L'art est mis là, Rémi
L'art émis si fade au
récit d'off, ami las-
cif, alla mi-doré.
Fat miré d'aula s'y
mit docile arrêt. Fa-
do là Farèse y mit.
Anges & démons
[réflexion sur la dureté de certaines contraintes littérales]
Dans ses « 99 notes préparatoires à ma traduction française de
la Bible », Louis Segond révèle ses goûts pour les contraintes
formelles. En hommage à la colombe du Saint-Esprit, il annonce
en effet que le dernier mot de chaque verset devra contenir au
moins une lettre du mot « Oiseau ». Afin de symboliser d'autre
part le combat du Bien et du Mal, tous les mots sans exception
compteront une lettre de « Joyau » ou de « Malédictions » ! Au
cours de 42 fastidieuses pages proches du taoïsme, il justifie
que les voyelles A et O ne sont ni bonnes ni mauvaises, ce qui
explique leur présence dans les deux mots-clés opposés. Certes
les trouvailles de Segond <http://www.gef.free.fr/OuBiPo.html>
nous ont déjà impressionné maintes fois, mais j'avoue avoir un
peu douté des très dures contraintes ci-dessus. Par conséquent
j'ai osé le sacrilège de les vérifier de façon informatique et
j'ai eu la surprise de constater que le théologien s'est gouré
à deux reprises. En effet, autant le verset 7 du Psaume 83 que
le verset 5 du chapitre 23 d'Ésaïe se terminent en réalité par
la ville de « Tyr » ! Je suis très déçu, car il aurait suffi à
Segond de choisir le mot « Poireau » au lieu d'« Oiseau » pour
que sa contrainte ne présente aucun clinamen. En revanche, son
autre contrainte concernant l'ensemble des mots est bel & bien
satisfaite tout au long de la Bible. En remplaçant de surcroît
tous les bons mots (en « Joyau ») par le chiffre 1 et tous les
autres maux (en « Malédictions ») par 0, sans tenir compte des
voyelles A ni O, j'ai eu la stupéfaction de voir apparaître un
cryptogramme codé en ASCII : une version sanskrite du chapitre
central du « Domaine d'Ana » de Jean Lahougue. J'en suis baba.
P.S.: Ce texte est un sonnet palindrome holorime monovocalique
en U de gématrie quatorze mille, contenant quelques clinamens.
Participation
à un recueil collectif pour fêter
(par légère anticipation)
le cinquantième anniversaire de
Jacques Perry-Salkow,
né le 11/06/59.
Cinq sonnets (suivis de cent-mille billions) d'inspiration oubipienne
[5-ine de sonnets vocaliques : les voyelles de chaque vers respectent le schéma banvillien abba abba ccd ede et elles permutent de vers en vers selon la spirale aeiou -> uaoei]
La terre va passer devant l'iris clos d'un obscur
Pulsar à flux brûlant, car nul n'ordonne ni prescrit
Si futur minimum lui semble alors ad hoc.
Voici nos croix sitôt la pâture du vent
Et nos os trembleront comme un bruit machinal.
[Le sonnet combinatoire ci-dessous
est une simple expérimentation :
il respecte certes un grand nombre de contraintes
formelles, mais
est-il encore possible de s'exprimer avec un tel
langage limité ?]
Ton lai
OEil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied,
Coin pour coin, quai pour quai, lieu pour lieu, camp pour camp,
Paix pour paix, dieu pour dieu, faim pour faim, sang pour sang,
Jeun pour jeun, pain pour pain, flan pour flan, lait pour lait,
Plan pour plan, jeux pour jeux, gain pour gain, paie pour paie,
Deux pour deux, cinq pour cinq, sept pour sept, cent pour cent,
Laid pour laid, veuf pour veuf, nain pour nain, lent pour lent,
Voeu pour voeu, bien pour bien, tant pour tant, taie pour taie,
Gant pour gant, meuf pour meuf, gaie pour gaie, sein pour sein,
Peur pour peur, mais pour mais, cran pour cran, clin pour clin,
Rien pour rien, gens pour gens, vrai pour vrai, seul pour seul,
Banc pour banc, foin pour foin, oeuf pour oeuf, geai pour geai,
Juin pour juin, faix pour faix, vent pour vent, feux pour feux,
Cyan pour cyan, bleu pour bleu, zain pour zain, jais pour jais.
Menuet de Valdrade
[Transformation d'un
menuet rabâché de Christian
Petzold, recopié dans le cahier d'Anna Magdalena Bach. Le
procédé utilisé n'est pas neuf, et je
l'avais déjà expérimenté sur diverses
oeuvres il y a une quinzaine d'années, mais le
résultat me semble ici particulièrement
réussi -- notamment l'amorce de la dernière
phrase. Au lieu d'expliquer noir sur blanc la très simple
règle de transformation, rappelons juste que
Valdrade est l'une des Villes invisibles
d'Italo Calvino, dont le
reflet joue un rôle
central.]
Écouter au format
Ogg Vorbis (573 Ko) ou
MP3 (754 Ko)
Le 21/04/14, Valentin Villenave (compositeur, pianiste & créateur de l'Oumupo actuel) a eu la gentillesse d'en éditer une impeccable partition au format PDF :
[Voir aussi mes autres expériences oumupiennes]
Sonnet de sonnets
Si ce n'est pas le Sonnet des sonnets, c'est bel et bien
un sonnet de sonnets vocaliques : les voyelles de chaque
vers respectent le schéma abba abba ccd ede, et les vers
qui riment entre eux suivent à chaque occurrence le même
schéma vocalique, ce qui durcit encore la contrainte. La
syntaxe assez étrange est une séquelle de sa difficulté.
Tsar fictif à l'air gris, -- au duo désolé,
Plus d'opportun flux d'or, -- tour d'abattis emplie :
J'ai pris l'astral iris au luth trop vérolé
Qu'on occlut du lorgnon brûlant d'Antihélie.
Par ici, tard, l'ami liant sut qu'on est volé
Du mont obscur Pruno d'où Pagani déplie
L'anticipant plaisir au fluor mentholé
Sur mon lotus-brugnon où l'alambic se lie.
Fus-je Étrusque, Phébus ?... Scarlatti, lord Biron ?
Fit front rosir sitôt l'opium fumant de dame ;
Si profond indigo voit un nu nager d'âme...
Une-deux, un rêveur a franchi son giron :
Vïolon illico, vox d'infant parut grecque,
Cri d'oppositïon combinant sanctus tchèque.