Voeux de l'an 14 en 14 syllabes
[comme dans ce
programme
du mois dernier]
[Voir aussi cette ancienne liste de propriétés du nombre 14, et ces diverses rimes en -orze]
Quatorze rimes anaphonétiques
Après avoir trimé
longtemps à la trémie,
brûlé mainte thermie
à son labeur rythmé,
il garde le mérite
le soir d'être un ermite.
L'ombre dit je m'étire.
Ni crossé ni mitré,
il ferme ses mirettes,
compose des rimettes
dans son crâne myrté,
pour que l'art ait maistrie
et que le thème rie :
Le jour vit, je m'itère.
[Voir aussi ces rimes anagrammatiques]
Automate vocalique
[Le 8/1/14, Noël Bernard a proposé et
illustré sur la
liste oulipo une
nouvelle contrainte vocalique,
inspirée des
automates cellulaires comme le
jeu de la vie de
John Conway.
Nicolas Graner l'a
immédiatement appliquée au premier vers du
Desdichado de Nerval,
pour en réécrire le premier quatrain. Je lui ai
emboîté le pas pour le 2e quatrain,
Noël Bernard s'est chargé du 1er tercet,
et j'ai finalement achevé le sonnet — en
lui ajoutant aussi une signature itérant une
quatorzième fois l'automate de Noël.]
El juego de la vida
Je suis le ténébreux, – le veuf, – l'inconsolé,
Inca morne, indien blême et amok corrosif.
Mon seul ibis, pied fin, s'infecte sous l'onglon
Qui fait voir, indistinct, le vert du corossol.
Dans l'onction indigo, toi l'être sans mouron,
Rends l'us d'oisifs violons, promets les mers du bout,
Si l'abusif tocsin sous mon sein tressautant
Prône l'art flori pour tour intersidérale.
Suis-je plus Horus ou Adonis le bien mis ?
La croix au front, Luna m'émut d'olives bio ;
Je fus collé au bar épiant un joli cou...
Si j'hallucine Hadès, six cordeaux modulant
Comme accords inventifs ou cris évaluables,
J'unis Euphronios pur à l'orphisme attendri.
François
Arthur Douglas de Ludovic de Biron
(strophes
successives de N. Graner, Gef,
N. Bernard, Gef)
Tourisme carrollien
Nouvelle proposition pour le
LaTourEx
(après ces
pangrammes de 2007 et ce
palindrome monovocalique en
Y de 2009).
Partir du village breton de Berhet et se rendre au patelin
auvergnat de Mauzun, mais en ne changeant qu'une seule lettre
à chaque étape
(doublets de Carroll). Il est
nécessaire de visiter au moins 34 autres
communes françaises :
Berhet (22140), Berzet (63122), Burzet (07450), Burret (09000), Barret (16300), Larret (70600), Larrey (21330), Sarrey (52140), Sarcey (69490), Darcey (21150), Darney (88260), Varney (55000), Vagney (88120), Lagney (54200), Lagnes (84800), Lannes (47170), Pannes (45700), Parnes (60240), Pernes (62550), Bernes (80240), Bernis (30620), Bernin (38190), Bernon (10130), Cernon (39240), Cerdon (45620), Cordon (74700), Corbon (61400), Coubon (43700), Coulon (79510), Toulon (83000), Toudon (06830), L'Oudon (14170), Loudun (86200), Laudun (30290), Lauzun (47410), Mauzun (63160).
On remarquera que la première étape, Berzet, n'est curieusement qu'à 30 km de la destination finale !
En supplément, une page dont l'adresse
<http://www.gef.free.fr/Voncq-Szkudy-Bixaj.html>
est un pangramme de 36 lettres
— le plus court possible sur ce site.
Logo-rallye carrollien
[99 mots, de « soussiens » à
« violeuses », ne diffèrent que d'une
seule lettre à chaque étape. Cet excellent
programme de Nicolas Graner vous permet de
trouver de telles suites avec les mots de l'Officiel du Scrabble.
J'ai ici également autorisé les gentilés,
c.-à-d. les noms donnés aux habitants des diverses
communes, qui ne sont pas des noms propres s'ils sont
utilisés comme adjectifs. Il n'existe pas de chaîne
plus courte reliant les deux extrémités, et cette
suite de 99 mots est la plus longue possible avec le vocabulaire
choisi. Il y a trois ans, Nicolas avait prouvé que la plus
longue dans l'Officiel du Scrabble totalisait 66 mots, de
« servante » (ou
« dormance ») à
« fressure ». Je me suis évidemment
servi du programme de Nicolas pour trouver les 99 mots
employés ci-dessous. Le seul aspect oulipien a
été de les relier par une
histoire.]
Un parcours semé d'embûches
Ma soeur Louise et moi sommes nées à Saux, patelin
du Lot, mais notre famille déménagea en Tunisie
neuf ans plus tard, dans la magnifique cité portuaire
d'Hadrumète, aujourd'hui appelée Sousse. Cette
paronymie avec notre village natal nous semblait a priori de bon
augure. Nous comprîmes hélas rapidement que
supporter une poignée d'intégristes soussiens
serait encore plus difficile qu'une centaine de racistes
saussiens. Même dans une ville éprise de
liberté, les écarts types gaussiens rendaient
probable l'existence d'obscurantistes primaires.
Autrefois, nous nous gaussions des médisances paysannes,
et nous haussions nos épaules aux faux compliments sur
notre bronzage naturel. Mais nous haïssions cette
crétinerie du fond de notre âme. Ces Français
de souche imaginaient-ils que nous paissions avec leurs
troupeaux ? C'étaient plutôt eux, les
ânes !
Aussi avait-il fallu que nous prissions la décision
d'émigrer. Certes nous grincions des dents et crissions
des ongles à cette perspective. Mais à trop
fréquenter des chasseurs illettrés, nous nous
crassions les synapses comme les canons de leurs fusils.
La Méditerranée traversée, nos parents
ouvrirent un petit restaurant. Nous y brassions de la
bière sans alcool et braisions des méchouis fort
appréciés des clients. Si nous avions
conservé la faconde midi-pyrénéenne, nous
brairions sans doute que notre table était la meilleure du
pays. Avec la retenue de nos amis touareg, nous bruirions juste
qu'il s'agissait de mets assez délicats.
À notre arrivée, Louise et moi étions encore
trop jeunes pour aider au service. Nous avions l'autorisation de
jouer devant la vitrine, mais à la condition de ne jamais
importuner la clientèle par des cris ou des sanglots.
Peut-être avez-vous déjà vu des enfants
pleurer tant qu'on dirait qu'ils pleuvent. Nous étions si
bien élevées que nous bruinions à
peine !
Et nous bouinions ainsi tous les soirs, inventant des histoires
de trésors cachés, dans des bibliothèques
labyrinthiques où nous fouinions. Une fois, ma soeur
proposa :
« Il y aurait un grimoire magique à
l'intérieur du mur. Pour l'en sortir, nous gratterions
le plâtre.
– Oui, nous fouirions le crépi, approuvai-je
pour étaler la richesse de mon vocabulaire dont
j'étais si fière. Nous trouverions la recette de la
poudre de perlimpinpin : nous ferions pousser du chanvre,
nous le rouirions et nous le rôtirions. Mais le parchemin
préciserait aussi qu'on doit y adjoindre quelques morceaux
d'un fruit talé.
– Qu'est-ce que ça veut dire, Carole ?
– Cela signifie qu'il nous faudrait l'abîmer un
peu, en le meurtrissant de quelques coups. Nous attraperions
cette pêche, par exemple, et nous la cotirions de cette
façon. »
(Comme maints restaurateurs tunisiens, nous cotisions à
une coopérative agricole qui nous fournissait d'excellents
produits.)
« Cotissons-la ! », se réjouit
Louise en m'imitant et en devinant miraculeusement la bonne forme
de l'impératif.
Notre scénario fut écouté par des touristes
français attablés non loin de nous. Je n'y avais
pas prêté attention car ils ne parlaient que de
« l'avaler, l'avaler... » Plus tard, j'ai
compris qu'ils venaient en fait de Lanvallay, en Bretagne. Ces
clients côtissois me surprirent donc pendant que je
cotissais une pêche initialement appétissante, et
que je rôtissais à l'allumette une cordelette
arrachée au rideau. Leur regard réprobateur me fit
sentir qu'un changement immédiat d'attitude s'imposait.
L'un d'eux s'était levé et se dirigeait vers nous
alors que je retissais la tenture tant bien que mal et revissais
le couvercle du bocal à bonbons.
La vocifération qui s'abattit sur nous était
prévisible. J'y répondis d'un ton calme :
« Je rêvassais, Monsieur.
– Du temps où j'étais avocat
général, tu ne t'en serais pas tirée comme
ça, petite peste ! Même ceux qui
échappaient à un premier procès, je les
attaquais de nouveau, je leur recassais l'échine et leur
recausais le plus de déboires
possible ! »
Quant à moi, l'air désinvolte, je recousais les
franges du rideau à l'aide d'allumettes
éteintes.
« Je les torpillais encore et encore de mes plaids
infectés, je les recoulais pour toujours dans
l'océan de leur vilenie, je recollais leur nom dans le
registre des condamnés ! »
Il était clair que je récoltais cette fois les
fruits du péché, c'est-à-dire des fantaisies
de la petite Louise.
Tandis que je recontais notre inoffensive rêverie à
notre mère accourue, en omettant les détails
brutaux ou pyrotechniques, je le reconnais, le magistrat blond
continuait sa diatribe :
« J'ai fait écrouer tous les voyous mineurs de
la Loire à la Marne, des tagueurs de
Bécon-les-Granits aux saccageurs de fleurs de Baconnes.
Marginaux béconnais et vauriens baconnais, même
cachot ! Souvent, je les bâtonnais personnellement
avant de les confier à quelque avocat véreux choisi
par l'un des bâtonnats. Et s'ils n'avouaient pas leur
délits, je leur enfonçais des bâtonnets dans
les oneilles. Y sont également passées les filles
de baronnets anglais, arnaqueuses baronnées par leurs
propres cousines déshéritées. Je me souviens
qu'à l'audience, le jury avait été conquis
par mon brillant trait d'esprit "Sans baronnies, vous
baronniez !"
– Ainsi bâtonniez-vous des gamins et
bétonniez-vous vos argumentations, résuma
ironiquement notre mère. Mais bedonniez-vous
déjà autant qu'aujourd'hui, lorsque vous redonniez
cours à votre cruauté dans vos harangues
verbeuses ? Redondiez-vous toujours quand vous
répondiez à la défense ?
– Vous répondrez de vos insultes, Madame la
serveuse. Les commentaires sur mon embonpoint sont malvenus de la
part d'une simple femme au visage noirci. Repoudrez-vous
donc ! Et apprenez à éduquer vos enfants
correctement : vous, les fillettes, vous recoudrez
sur-le-champ ce tissu endommagé, malgré sa
laideur.
– Recourrez-vous encore au machisme, comme vous
recouriez jadis à la torture des mineurs ?
Recoupiez-vous les témoignages avant de châtier des
innocents ?
– Que ces saintes immaculées se confessent
alors devant tout le monde : ne découpiez-vous pas
cette toile pour en faire un pétard ? Ne voyez-vous
pas, Madame, ce qu'elles deviendront si vous les découplez
ainsi comme des chiennes de chasse ?
– J'aime autant les bambins découplés
que les étoffes artistiquement découpées.
– Vous regretterez bientôt les épreuves
découlées de votre indulgence. Quand ces roulures
auront été déboulées dans le
fossé, ne venez pas vous plaindre à la justice, car
vous serez déboutées. Comme les catins qu'on avait
retrouvées nues et les articulations des quatre membres
déboîtées, au sommet de collines glaciales et
déboisées. »
Ouïr tant de bêtises dégoisées d'un coup
nous avait totalement dégrisées. Nous nous savions
déprisées par ce phallocrate réactionnaire,
mais sa logorrhée nous avait permis de réparer les
dégâts, et les bordures du rideau étaient
maintenant honorablement reprisées. Il aurait fallu que tu
reprisses le débat en main, ma petite Carole, mais le
temps que tu replisses l'ourlet et caches la boîte de
réglisses, des barbus en djellaba s'étaient
attroupés pour apporter leur soutien au mâle qui
nous tançait.
Combien tu abhorrais leur mépris inquisitorial ! Il
était crucial que tu leur réglasses leur compte,
qu'à l'instar de Circé tu régnasses sur de
tels porcs, rognasses leur arrogance vicieuse, cognasses sans
pitié leurs gueules gargarisées d'injures comme
« maudites infidèles » ou
« connasses ». Fallait-il mourir pour
satisfaire leurs penchants sanguinaires, que tu cannasses
misérablement à leurs pieds ; ou que tu te
vannasses à leur tenir tête, que tu te vantasses de
ta créativité et de ta grammaire ?
N'était-ce pas plutôt l'instant idéal pour
profiter du don de tes marraines ? Elles avaient
voyagé cinq cents kilomètres pour te le prodiguer
sur ton berceau. Maman te l'avait expliqué une nuit,
à la place du récit qu'elle improvisait pour
t'endormir. L'une venait de Treize-Vents en Vendée,
l'autre des Ventes dans l'Eure, et elles t'avaient bien sûr
offert le pouvoir de déclencher des tornades. Pour mater
ces fanatiques blond et bruns, il fallait donc que tu
ventasses.
J'entonnai des incantations ventaises et ventoises, les mains en
ventouses sur mes oreilles. Un grandiose khamsin couvrit soudain
Hadrumète, en provenance des dunes brûlantes et
venteuses du sud. Le procureur et sa bande de pervers velus
s'exclamèrent :
« Ces greluches sont non seulement des menteuses,
mais aussi des monteuses de traquenards et des conteuses de
sortilèges. Attendez-vous à de coûteuses
poursuites judiciaires ! »
Mais le sirocco emporta leurs invectives et les contraignit
à fuir par la mer. Ils contactèrent les routeuses
du port pour choisir leur itinéraire, embarquèrent
dans des chaloupes rouleuses et tangueuses, et mirent le cap sur
Charybde puis Scylla. On n'entendit plus jamais parler d'eux.
À vingt ans, aujourd'hui, nous sommes devenues des
militantes féministes. Rolleuses virtuoses, nous savons
échapper comme le simoun aux fondamentalistes poilus, et
colleuses d'affiches, nous fomentons la révolte chez les
épouses captives et les ouvrières aux mains
calleuses. Du désert au littoral, des valleuses à
la plaine, nous organisons la résistance contre
l'intolérance et l'idiotie, tumeurs villeuses de la
société, et contre les pulsions violeuses de
leurs porte-parole.
[Voir aussi ces sonnets carrolliens d'il y a trois ans]
En rab, un distique holorime inspiré par ce
que certains
journalistes ont pris pour un alexandrin :
« Là où la mer est passée, elle
revient. » Notez l'hiatus, la césure phoireuse
et la diérèse
cacastrophique. J'ai donc posté ceci sur la
liste oulipo le
1/2/14 :
Houlà, mes rêves n'eus !
Où la mère Ève nue et l'heureux passant qu'hors
Houle amère est venu, hais le repas sans corps !
Si ma prosodie est impeccable (pas d'hiatus aux
césures, grâce à un e caduc entre deux voyelles
au premier vers et un h aspiré au second ; rimes
respectant la règle de la liaison supposée ; aucun
mot réemployé), la grammaire est au contraire bancale
puisque Ève n'est associée à aucun verbe.
Noël
Bernard et Françoise Guichard ont immédiatement
proposé ces autres homophonies :
Hou ! l'âme erre et voeu n'eut, et l'heure
passe encor (N.B.)
Houlà... Mes rêves nus hèlent :
« Repasse encore ! » (F.G.)
Oule a mets revenus et le repas sent caure. (N.B.)
Oule, à mes raies, veux nuée. Le repas sent caure.
(N.B.)
Brève rechute de pangrammite
Plusieurs abonnés de la
liste oulipo ont relancé le
thème des pangrammes. Pour la Chandeleur du
2/2/14,
Stéphane Gigandet a tout d'abord
cuisiné cette appétissante description en 50
lettres : « Ah que j'aime le
goût de revenez-y d'une crêpe flambée aux
kiwis. » Me souvenant d'un pangramme de 30 lettres
obtenu
par Frédéric Schmitter en
août 2001, « Perchez dix,
vingt woks. Qu'y flambé-je ? », j'ai alors
proposé
cet alexandrin intermédiaire, comptant 37 lettres comme le
juge blond qui fume :
Qu'y flambé-je au kiwi ? Hé zou, dix à vingt crêpes !
À l'aide de cet excellent outil interactif de Stéphane
Gigandet, Yves Niquil a alors composé le
3/2/14
un pangramme de 49 lettres, « J'irai à
Quimperlé, au Zimbabwé, à Coxyde, à
Frangrave, à Kashti »,
en demandant aux oulipotes de trouver plus court.
Il suffit bien sûr de greffer un simple
« Va à... »
aux hétéropangrammes
urbains déjà construits jadis pour obtenir
des énoncés similaires en 29 lettres.
Mais on peut du coup éviter le V dans la liste des villes,
et descendre à 28 lettres en passant par le
Mexique, la France, la Pologne et la Géorgie :
Va à Xpujil, Frencq, Zbytków, Dgamsh !
Pour éviter l'horrible hiatus
« Va_à », je n'ai pas
trouvé mieux que ces 29 lettres,
mentionnant deux communes françaises, une
belge et une mexicaine :
Fuyez à Domps, Voncq, Bergwijk, Xthul !
Mais bien d'autres amorces de phrases sont
envisageables.
Continuons donc nos sophistications
chez les French et les Belges,
puis nos amis d'Iran ou Africains du sud :
Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère à Vix, Dyk, Qûzg, Wobf.
Ou si l'on choisit plutôt, à partir du sol français, d'aboutir au Congo via un duo urbain d'Iran :
Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère vers Gex, Fek, Dezq, Bwe.
Noël Bernard a enfin lancé
l'assez monstrueux défi d'un twoosh (140 caractères)
tétrapangrammatique,
c'est-à-dire contenant au moins quatre fois toutes les
lettres de l'alphabet. D'un point de vue purement
technique, il suffit de combiner quelques uns des
pangrammes les plus
courts déjà obtenus, par exemple
cette ligne obscure qui nécessiterait une glose
préalable pour être compréhensible :
Schwarzkopf
vit vingt blogs qwertz: gym X, phlox. Bref quand
Jamblique rompt
Szwcjk, gadjo junky, buvez
cinq flux d'oxydé whisky, champ' vif
ou bien cette liste de 17 villes du monde entier :
Birx, Comps, Cox's Bump, Flyvbjerg, Ghwndzkay, Kwtdzah,
Mpang, Przybków, Qfer, Qûjd, Shaqm, Vingfjeld,
Vlijt, Vylst, Xiqun, Xtuc & Zweckhof.
On pourrait même reprendre les impératifs
vus ci-dessus, et proposer un voyage depuis le Mexique
jusqu'au Viêt Nam, en passant par le Zimbabwe,
la France, l'Allemagne (deux escales), le Danemark,
la Norvège (deux escales), retour au Danemark
puis en Allemagne, la Pologne, l'Ukraine, l'Irak,
l'Iran (deux escales) et le Pakistan :
Explorons Xtuc, Lynx, Vicq, Wicht, Sumpf, Bjerg, Gjuv,
Vingfjeld, Flyvbjerg, Duckwitz, Przybków, Mydzk,
Kwtdzah, Qamsh, Bafq, Pshaq & Xnom !
(Notez que les deux O du verbe sont compensés
dans la liste des lieux : il y exactement quatre copies
de l'alphabet et une esperluette.)
En fait l'écriture de tétrapangrammes reste
intéressante même en oubliant la surcontrainte des 140
caractères. Mon premier essai dans ce domaine en
compte beaucoup plus, puisqu'il contient déjà
141 lettres, mais j'aime assez le sens obtenu :
Jury belliqueux, combatif, démythifiez vos
know-how jusqu'aux gencives : vide pédagogie !
Baroqueux francs-jeux, développez tapage
mohawk, cake-walk jazzy, rythme bénéfique !
On pourrait descendre à 140 lettres en
remplaçant par exemple la « vide pédagogie
» par un
« gag d'opus vide », mais ça deviendrait un peu
plus abscons, et il y aurait maintenant 5 S en
tout (alors que le tétrapangramme ci-dessus emploie
exactement quatre fois chaque consonne).
En supplément, un hétéropangramme
construit le 6/3/14, dont tous les mots
à part le premier (nom propre) figurent dans l'Officiel du
Scrabble :
Dans ce village gallois à urbaniser en
priorité, si l'on vous demande où l'on
peut faire du sport, répondez juste qu'il suffit de danser
assez longtemps.
Bwlch (ZUP), FAQ gym : dix jerks vont.
Pangramme palindrome de 55 lettres
seulement, construit le 28/3/14,
partant d'Algérie pour atteindre l'Iran, en passant
par la Syrie, la Russie
(deux escales), le Canada, l'Indonésie, la Malaisie,
de nouveau la Russie,
la Virginie, la Turquie, la Serbie, la Norvège,
l'Azerbaïdjan et l'Arabie Saoudite :
Djob, Zûq, Marx, Vyg, Culp, Sif, Kwah, Neten,
Hawk, Fis, Pluc, Gyv, Xram, Qûz, Bojd.
(Les précédents pangrammes
palindromes composés sur la
liste oulipo comptaient entre 131 et 237
lettres, mais offraient d'autres qualités !
Mon unique essai
dans ce domaine totalisait 81 lettres.)
Vocabulaire limité
[Début
février 2014,
Jean-Charles Meyrignac a proposé
à la
liste oulipo d'écrire une nouvelle
utilisant cent mots différents — mais plusieurs
fois chacun, si l'on veut. Il m'a fallu un mois pour trouver une
idée intéressante adaptée à cette
contrainte : écrire une nouvelle aussi longue que
possible ! Titre compris, celle qui suit compte exactement
quatre cents mots, dont exactement cent sont différents,
mais elle est potentiellement infinie. Une fois l'idée
trouvée, je n'ai eu besoin que de quelques minutes pour la
rédiger, et vous allez comprendre pourquoi...]
Le livre de sable blanc
L'écrivain est immobile. Sa page est blanche. Il ne voit
pas comment il pourrait encore s'exprimer. Pour de complexes
raisons neuropsychologiques, son vocabulaire s'est réduit
à chacun des deuils qu'il a subis. Et Dieu sait qu'il en a
subi, des deuils. Sa page reste blanche. Longtemps.
Soudain, c'est l'illumination. Il attrape son stylographe et
écrit rapidement quelques lignes. Il raconte qu'un
écrivain est immobile. Il décrit que sa page est
blanche. Il confesse qu'il ne voit pas comment il pourrait encore
s'exprimer. Pour de complexes raisons neuropsychologiques, son
vocabulaire s'est en effet réduit à chacun des
deuils qu'il a subis. Et Dieu sait qu'il en a subi, des deuils.
Il répète que la page de l'écrivain reste
blanche. Longtemps.
Il témoigne alors de son illumination. Il décrit
que l'écrivain attrape son stylographe et écrit
rapidement quelques lignes. Il détaille ce que
l'écrivain est en train de rédiger : celui-ci
raconte qu'un écrivain est immobile, devant une page
blanche. Comment pourrait-il encore s'exprimer ? Pour de
complexes raisons neuropsychologiques, son vocabulaire s'est en
effet réduit à chacun des deuils qu'il a subis. Et
Dieu sait qu'il en a subi, des deuils. Il raconte que
l'écrivain décrit un alter ego dont la page reste
blanche. Longtemps.
Il continue à rédiger rapidement l'histoire de cet
écrivain ayant enfin trouvé le sujet de son texte,
à savoir la description d'un alter ego soudain
illuminé. Le premier écrit que le deuxième
écrit que le troisième décrit un
écrivain immobile. La page de ce dernier est blanche. Ce
quatrième écrivain ne voit pas comment il pourrait
encore s'exprimer. Pour de complexes raisons neuropsychologiques,
son vocabulaire s'est en effet réduit à chacun des
deuils qu'il a subis. Et Dieu sait qu'il en a subi, des deuils.
Les trois premiers écrivains décrivent que la page
du quatrième reste blanche. Longtemps.
Soudain, cet ultime écrivain est illuminé. Il prend
son stylographe et griffonne fiévreusement ceci :
« L'écrivain est immobile. Sa page est blanche.
Il ne voit pas comment il pourrait encore s'exprimer. Pour de
complexes raisons neuropsychologiques, son vocabulaire s'est
réduit à chacun des deuils qu'il a subis. Et Dieu
sait qu'il en a subi, des deuils. Sa page reste blanche.
Longtemps. »
[N.B. : Cette contrainte d'un vocabulaire très limité n'est pas neuve. On peut penser tout d'abord aux micronouvelles, mais il en existe aussi de plus longues ne dépassant pas la cinquantaine de mots différents, par exemple la dernière des Fantômes et Farfafouilles de Fredric Brown. Le best-seller pour enfants Green Eggs and Ham du Dr Seuss répondait à un défi explicite de son éditeur : écrire un livre utilisant exactement 50 mots différents. Une traduction française peut en être écoutée sur YouTube.]
Dégradation
[Le 16/4/14,
Gérard Le Goff
a proposé et illustré une nouvelle contrainte
poétique sur la
liste oulipo : le vers (ou la strophe)
numéro n commence systématiquement par les
mêmes n-1 mots (ou syllabes). Je me suis
immédiatement amusé à la prendre à
rebrousse-poil : ci-dessous, chaque alexandrin compte treize
mots d'au plus une syllabe, le nième conservant les
mêmes 14-n premiers mots. Le célèbre premier
vers, de Racine, était tout indiqué pour partir de
treize mots.]
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon coeur
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon âme
Le jour n'est pas plus pur que le fond de ta peur
Le jour n'est pas plus pur que le fond sans sa flamme
Le jour n'est pas plus pur que le rire ou le pleur
Le jour n'est pas plus pur que si mon vers se pâme
Le jour n'est pas plus pur lorsqu'on le chante en choeur
Le jour n'est pas plus neuf mais ne fais pas un drame
Le jour n'est pas très clair ni le mois ni quel an
Le jour n'est su car las un trou noir reste en plan
Le jour n'entre en ma tête autre orbe où la nuit sombre
Le jour t'a fui trop tôt vois le vide et le rien
Le temps gomme et rend creux l'art du mal ou du bien
Pour que ton lai s'en tienne à de vains mots sans nombre
P.S. du 10/09/20 : autre
présentation du même sonnet
(cliquez sur l'image pour l'agrandir à la
taille de votre fenêtre) :
Deux quasi-sonnets à rimes formées
de doublets de
Carroll
[comme en mars
2011, mais avec
ici deux surcontraintes : le premier emploie
des rimes homographes
allophones, et le second des
anacycliques
syllabiques
pita - pipa - ripa - râpa - rama - rami - ravi
tapi - papi - pari - para - mara - mira - vira
— d'où l'allusion au miroir et bien
sûr à Lewis Carroll, les décasyllabes
césurés
5/5 rendant hommage aux haïkus composés
par Annie Hupé depuis
fin 2013]
En Éthiopie, un ras
Au cheveux coupés ras
Se sentait triste et las
Depuis des lunes, las !
Le sorcier lui dit « Lis
Ce conte aux fleurs de lis
Dont les tons blancs ou bis
Te feront crier bis !
Souviens-toi quand tu bus
L'histoire de ce bus
Apparemment sans but :
Ton esprit, dès qu'il but,
S'affranchit de son lut
de spleen. » Alors il lut.
De l'autre côté du miroir
Durant son goûter fait de pain pita,
Alice aperçut un lapin tapi.
S'approchant dudit, elle n'en pipa
Un seul mot à son assoupi papi.
Coursant l'animal, donc, elle ripa
Dans un trou profond — c'était mon pari.
Tombant trop longtemps, elle se râpa,
Mais un tas de foin sa chute para.
En un lac de pleurs, Alice rama,
Puis vit sur la rive un lièvre mara
Auprès d'un toqué jouant au rami.
Une reine rouge enfin les mira,
Demandant leur tête avec l'air ravi.
De son rêve Alice alors la vira.
Doublets de Carroll anacycliques littéraux
Swinging in the rain Le court a l'air d'une ria J'essuie un tir mais mon coeur rit Pas un seul tif dresser ne fit Dur comme tuf mon revers fut Spectateurs tus l'audace sut Bien sauver tes balles de set Attrape-les mes grains de sel Car je te lis clair sur le sil Mon jeu te lia broya comme ail En la ria vaincre est dans l'air
En supplément, un arc-en-ciel, une palette
moins variée et quatre menus pangrammatiques
(cette
dernière catégorie
ayant aussi été joliment explorée
par d'autres abonnés à la
liste oulipo)
Indigo du web,
azur,
kaki,
vert perroquet,
jaune crayeux,
miel,
fuchsia.
[55 lettres]
Kaki,
jaune glauque,
topaze,
or oxydé,
mauve,
fuchsia du web.
[46 lettres]
Noix de cajou, blé, fromage poivré,
quetsche,
kiwi,
yuzu. [43 lettres]
Quiche aux fèves
pilaw,
jambon d'York :
goûtez ! [36 lettres]
Zwieback, fromage, jus d'exquis
plant,
Vichy. [35 lettres]
Quahog vif, un
jars,
zwieback,
pot d'oxymel. [33 lettres]
P.S. du 8/2/17 employant volontairement des noms de marques :
Muesli Bjorg, fève Quick, dauphin, yuzu, Twix.
[35 lettres]
Spam vu : coq, boulghour, yuzu, Twix (junk food).
[décasyllabe césuré 5/5 de 34 lettres, sans E]
Bouleversement nivométrique
[boule de neige arithmonyme fondante : le premier
vers compte 14 mots, le deuxième 13, et
ainsi de suite jusqu'à l'unique mot du dernier vers, qui
signifie « amateur de mots trop
longs »]
L'on m'a dit un peu fou car j'aimais les mots courts,
L'art pur du pas grand chose à l'air peut-être vide.
Tous les gens m'ont raillé, m'ont pris pour un livide,
Riant de mes bris de vers, ma vie et mon parcours.
Mais un jour le Robert vint pile à mon secours
Et je le dévorai de plus en plus avide.
Face à vingt lettres, lors, je demeure impavide ;
Des noms moins rabougris fleurissent mes discours.
Toutefois je n'observe aucune autocensure,
M'emberlificotant dans quelque démesure.
Comment interpréter ce bouleversement ?
Un omnipraticien sinistrovolubile
Psychanalysera : pathologiquement
Hippopotomonstrosesquipédaliophile !
[N.B. : Oui, il y a une synérèse sur le participe présent « Riant » du 4e vers.]
P.S. : Mi-août 2013,
Robert Rapilly puis
moi-même
avions déjà construit des distiques
le plus asymétriques
possible en nombre de mots. En voici un de plus en alexandrins
(de 24 & 1 mots) parlant du diagnostic
endoscopique subi par un patient peu enthousiate
pour les anciennes auscultations
électroacoustiques :
J'eus l'air d'huer l'art d'Ohm d'hier, d'où
l'on n'eut qu'yeux, n'eut d'ouïe :
oesophagogastroduodénoscopie !
On peut aussi tenter cet exercice acrobatique
en imposant le même nombre de caractères
par vers (lignes
isocèles) — mais le rapport
du nombre de mots n'est ici que de 12/1,
le genre des rimes n'est pas respecté et le
premier vers contient un hiatus :
Ému d'un W, j'y ai vu ce qu'est Bob : Hippopotomonstrosesquippedaliophobe !
Ou au contraire conserver le même nombre de
mots (et de syllabes) mais rendre les longueurs des deux
vers aussi différentes que possible, comme dans le
concours organisé
par Alphonse Allais fin 1901.
Voici un exemple en deux fois dix mots :
21299
grands boeufs ne vaudraient point d'un
Fabergé quelque oeuf !
ou encore plus dissymétrique mais au sens moins évident :
21299
prompts grands boeufs couards craindraient d'un Fabergé... quelque oeuf !
On pourrait aussi conserver les
mêmes lettres, c'est-à-dire composer un
distique
d'anagrammes
dont le nombre de mots diffère autant que possible.
Le rapport n'est que de 8/1 dans les exemples
suivants, mais j'ai comme plus haut évité
la faiblesse de rimes entre adverbes. Le
deuxième vers
signifie « en effectutant un type de
myélographie permettant d'explorer les culs-de-sac
contenant
du liquide céphalo-rachidien situés sous la moelle
épinière » (!), et les molécules du
quatrième se
trouvent essentiellement dans le feuillet intérieur de la
bicouche lipidique des membranes plasmiques.
Chaque doc ici lue (¡ olé !) s'y programmant
Myélosaccoradiculographiquement
Oh ! phagocytons-y le mil, plats d'hyalines
Glycosylphosphatidyléthanolamines
Pour finir, un quatrain en 7+7+1+1 mots, utilisant
deux autres monstres dodécasyllabiques,
l'apopathodiaphulatophobie étant la peur
d'être constipé et
l'hexakosioihexekontahexaphobie
celle du nombre 666. Bien évidemment, la
gématrie de ces vers n'a pas
été laissée au hasard.
Plusieurs supersticieux trop peureux, que tu snobes,
Sieurs toujours constipés, stressaient pour le moment
Apopathodiaphulatophobiquement
Hexakosioihexekontahexaphobes.
P.P.S. du 20/01/18 : rapide adaptation à
contre-courant du sonnet
ci-dessus, en parlant cette fois de l'amour
des mots longs avec des
mots courts et réciproquement. Le premier tercet
est resté inchangé.
L'on m'a dit un peu fou car j'aimais les mots longs,
L'art plein du bien trop lourd à l'air peut-être riche.
Tous les gens m'ont raillé, m'ont prouvé que je triche
Par tant de tours de verre et de si fiers galons.
Mais un jour le Robert m'offrit d'autres filons
Et je devins féru de ses pages en friche.
De quatre lettres, lors, je me déclare chiche ;
Des noms plus condensés pimentent mes violons.
Toutefois je n'observe aucune autocensure,
M'emberlificotant dans quelque démesure.
Comment interpréter ce bouleversement ?
L'otorhinolaryngologique microbe
Métamorphoserait : pathologiquement
Hippopotomonstrosesquipédaliophobe.
Liponyme
[Vladimir Putin a signé plusieurs lois interdisant
l'emploi de
certains mots jugés vulgaires dans
la presse, les arts et les spectacles. Les
oulipotes se sont évidemment
empressés de les détourner,
notamment
Alain Chevrier et
Noël
Bernard. Mes quelques
alexandrins ci-dessous sont d'une
légalité irréprochable.]
Doraphilie
à Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom
Quand le navire fut au bollard amarré,
En descendit bientôt un moine cénobite.
Nulle femme facile aurait su l'attirer,
Mais un oeil le piqua d'une affection subite.
Ce regard était d'or, fier, presque snob, aisé,
Perdu dans un pelage huilé d'encre de Chine.
Avec une kitsch hâte, il courut embrasser
Cet incorrompu teint de femelle féline.
Vocabulaire de base
Bien que j'adore les mots rares, comme ces pages
oulipiennes l'illustrent souvent, les contraintes
limitant le vocabulaire m'intéressent aussi. On
pourrait par exemple n'utiliser que les 1500 mots
français les plus courants,
classés ici par fréquence
décroissante, voire n'en prendre que les 50
ou 100 premiers pour composer des
comptines à la Dr Seuss.
Comme premier essai, voici un
quasi-pangramme assez naturel, formé des mots
numéros 120, 14, 1412, 17, 407, 1, 294, 18,
769 et 634 (mais sans K ni W, absents de cette
liste) :
Chez qui voyage en paix l'ombre du juste fou ?
Si vous préférez un véritable
pangramme, remplacez le dernier mot par le nom propre nigérian
Kwaf !
D'après cette base de données, le nom (propre)
le plus fréquent contenant les K et W est
New York. En le combinant aux mots numéros 747, 2, 407,
150, 324, 230, 27 et 6
d'éduscol, on
obtient un pangramme de 36 lettres :
Juge de paix, quel chef tombez-vous à New York ?
Mais l'emploi transitif du verbe tomber n'est pas très courant, donc montons à 38 lettres (dont deux R, hélas) :
Pauvre New York, chez qui dix fois le juge tombe !
Voici pour finir un sonnet de dissyllabes,
n'utilisant que 20 mots parmi les 100 plus
fréquents (mais employant abusivement comme noms
un adverbe et un infinitif) :
Vouloir
un grand
pouvoir
mais sans
savoir
pour quand
avoir
le temps.
Tout comme
un homme
de bien,
aller
parler
de rien.
Fable express
pour fêter l'entrée à
l'Oulipo de deux écrivains hispanophones,
Eduardo Berti et Pablo Martín
Sánchez :
Un héros calvinien reçoit en héritage
Évian, Perrier, Vichy, Vittel, mais ces fardeaux
L'écrasent. Il lui faut, pour durer davantage,
Le soutien d'une reine au grand pied, au fort dos.
Moralité (disons conclusion, voire adage) :
Palomar tint sans chaise et Berthe y aide hoir d'eaux.
[Voir aussi ces anagrammes animalières]
Sonnet d'alexandrins numériques à sens suivi
Cour jus
[ouliporimes alphabétiques, comme la
liste oulipo les a déjà
expérimentées
au
moins
quatre
fois]
Déboires
Désirant la main
d'un beau carabin
— futur médecin,
elle a l'air badin.
Trouvant en son sein
du courage enfin,
elle sert un
gin
et lance tchin-tchin !
Il semble si
in,
ce jeune
cadjin
vêtu de
pékin.
Elle offre un malin
sourire carmin,
charme féminin ;
puis sort avec soin
d'une boîte en pin
sa cithare — un
qin,
chante en
mandarin...
Mais c'est le raisin
qu'aime ce crétin :
que dit le coquin ?
« Porte-moi du vin
dans ma chambre
twin,
médoc ou
fixin.
Ton
yang et ton
yin
me rendent zinzin ! »
Féminin pluriel
[Essai d'alpharimes « longues », ici avec six lettres
constantes après celle qui parcourt l'alphabet. Il me
semble difficile de faire mieux -- ou pire, car c'est
du coup trop répétitif. Le schéma strophique reste le
même que dans mes précédents « Déboires ». Cela étend
la notion de « répétition abrégée » du sonnet : après
un classique 8/6 (= 4+4/3+3), on passe à un plus bref
7/5 (= 4+3/3+2). Bien expérimentalement vôtre ; Gef_]
Dom Juan
Il aimait les païennes,
les saintes, les lesbiennes,
les jeunes, les anciennes,
drôles ou tragédiennes ;
nobles et plébéiennes,
esclaves chérifiennes,
naïves collégiennes
autant qu'expertes chiennes.
Des îles hawaiiennes
aux lagunes fidjiennes,
ses thèses lamarckiennes
l'entraînaient : « Normaliennes
et sottes seront miennes,
sans fautes darwiniennes.
Les valeurs tolstoïennes
sont mes clefs oulipiennes :
chérir les Iraqiennes
comme les luthériennes.
Halte aux peurs malthusiennes
prônant que tu t'abstiennes,
aux raideurs énarquiennes !
Il faut que tu deviennes
libre — ô Malawiennes
sans lois même marxiennes,
ô sveltes Vitryiennes,
clarté d'ondes hertziennes ! »
[Dans le genre libertin, voir aussi le véloquent]
[Essai d'alpharimes respectant l'alternance. Tous les vers sont
des alexandrins, mais certains sont décomposés en hexasyllabes,
pour mettre en évidence la contrainte littérale. Amitiés, Gef_]
Jugement troublé
« Tremblez mortels, voici venu le Dies irae
Où l'aristocratie autant que cette plèbe
De porcs ensorcelés par la belle Circé
Implore son pardon et pour un salut plaide ! »
Grisé d'irish coffee
ou bien de vrai café,
Le poète improvise un genre de solfège,
Mais jamais comme Homère il n'a philosophé :
« Lorsque je versifie
ainsi, dérailler vais-je ? »
Il se met au saké,
reprend la scène-clé
De son ode, l'acmé
méditerranéenne :
Ulysse en canoë,
gravement éclopé,
Débarque dans Ashqe-
lon, cité balnéaire.
La plage dépayse
un héros si futé :
« Serait-ce la contrée où Pâris fut tué,
Où le troyen Dolon prit l'aspect d'une louve ?
Et quel est ce vieux chien que soudain j'interviewe ?
Je devine mon trône aux mains d'un désaxé,
Mais il faudra qu'il paye :
ou soumis ou gazé ! »
Chaque objet simple figure un vide
[La liste oulipo est arrêtée depuis
le 25 août 2014. En attendant qu'elle redémarre
sur un autre serveur, Noël Bernard a écrit une
belle absente en son honneur.
Elle est si réussie qu'elle m'a donné envie de
réexplorer
cette contrainte.
Le « sesquisonnet » ci-dessous, outre
l'alternance de ses rimes et ses autoréférences,
fournit une sorte de kit pour d'autres poèmes :
il suffit d'y piocher les vers correspondant aux lettres à
épeler, et comme beaucoup de rimes sont identiques,
ça peut donner des résultats supportables.
Voici par exemple un huitain astucieusement régulier.
Si vous avez besoin des k, w, x, y ou z, il faudra vous rabattre
sur ces lipangrammes
de Noël 2012, déjà inspirés par
Noël Bernard.]
Phonèmes qu'on jugule et verbes défectifs,
Que ferais-je sans vous, langue docte, morphèmes ?
Que ferais-je sans vous, établi de graphèmes,
Vingt consonnes chômant jusqu'en ces plombs rétifs ?
Jadis un champ bloqua vos discours fugitifs.
Que serais-je sans vous qu'un guichet de blasphèmes,
Un jouvenceau blafard que la catastrophe aime,
Glauque ver innommable amputé d'adjectifs ?
Votre aphérèse au fond juge ça remarquable.
Que vaudrait ma fiction sans un long alphabet ?
Que chiffrais-je sans vous, monopode gibet ;
Ce grief de pendus, Jéhovah critiquable ?
Voici du major-chef le pas gai quolibet,
Galéjade furtive et script qui m'inhibait,
Effaçage aujourd'hui savamment immanquable :
— Philologue ravi, dis-moi ton objectif !
Moques-tu le pathos vague du subjonctif
Qu'un jovial contrepet mugira défrichable ?
Moins de francophobie : esquive le jargon !
Ces cinq jambages prends, fervent irréprochable,
Et je t'empêcherai d'offusquer le bougon.
Livres futurs
Robert Rapilly a proposé à la
(nouvelle) liste oulipo de récrire
ce paragraphe de Marcel Bénabou en
respectant les contraintes que l'on veut :
Les livres que je n'ai pas écrits, n'allez surtout
pas croire, lecteur, qu'ils soient pur néant. Bien au
contraire (que cela une bonne fois soit dit) ils sont comme en
suspension dans la littérature universelle. Ils existent
dans les bibliothèques, par mots, par groupes de mots,
par phrases entières dans certains cas. Mais il y a
autour d'eux tant de vain remplissage, ils sont pris dans
une telle surabondance de matière imprimée,
que moi-même à vrai dire, malgré tous
mes efforts, n'ai pas encore réussi à les isoler,
à les assembler. Le monde en fait me paraît rempli
de plagiaires, ce qui fait de mon travail une longue traque,
la recherche têtue de tous ces menus fragments
inexplicablement dérobés à mes livres
futurs.
Marcel Bénabou, Pourquoi je n'ai écrit aucun de
mes livres, Textes du XXe siècle, Hachette
2006.
Hénaurmité [11/10/14]
Les articles que nous avons écrits, n'allez
surtout pas croire, grand public, qu'ils soient de pures
nullités. Bien au contraire (que cela une bonne fois
soit avoué) ils sont des centons de la littérature
scientifique mondiale. Ils existent dans les revues
spécialisées, par morceaux de phrases, par extraits
de résumés, par paragraphes entiers dans certains
cas. Mais il y a autour d'eux tant de théorèmes
corrects, ils sont pris dans une telle surabondance de
démonstrations compréhensibles, que
nous-mêmes à vrai dire (soyons francs),
malgré tous nos efforts, notre application et les longues
soirées d'hiver que nous y avons consacrées chaque
été, n'avons pas encore réussi à tous
les isoler, ni à les classer, puis les assembler pour
enfin les publier. Tout compte fait, le fait que la
communauté scientifique nous paraisse en fait remplie de
plagiaires fait de notre travail une longue traque, la recherche
têtue de toutes ces menues incohérences ou plus
grosses inepties inexplicablement dérobées à
nos articles passés, présent et futurs.
I go r et
Gri ch ka
Bénabov, Comment nous avons écrit chacune
de nos thèses, Textes du Xe temps,
Uni ver si té
de Bour go gne 0.
Centon [20/10/14]
Certes les paroles s'envolent et les écrits restent,
mais les livres ont les mêmes ennemis que l'homme : le
feu, l'humide, les bêtes, le temps, et leur propre contenu.
Ceux que je n'ai pas écrits sont comme des archets, les
caisses de résonance de violons : ils sont
l'âme de mes lecteurs. N'allez pas croire qu'ils existent
parce qu'il serait trop horrible qu'ils n'existassent pas. Chaque
mot est comme une souillure inutile du silence et du
néant. La vérité n'a pas de contraire (une
parole une fois lancée ne peut revenir) : un
chef-d'oeuvre de la littérature n'est jamais qu'un
dictionnaire en désordre, et l'histoire universelle est
celle d'un seul homme. Quand il meurt, c'est la
bibliothèque de Babel qui brûle. Si mes livres
n'existaient pas, il faudrait les inventer. Qui ne dit mot
consent mais une image vaut mille mots, comme Vénus tout
entière à sa proie attachée. La vie est une
phrase interrompue dans tous les cas : si vous gagnez, vous
ne gagnez rien — si vous perdez, vous perdez tout. Un
homme qui dort tient en cercle autour de lui ce vain savoir qu'on
va chercher si loin. De quelque fol amour qu'on ait rempli son
coeur, en faisant des oeuvres de surabondance, il se garde bien
d'oublier celles qui sont de nécessité, car ce qui
est créé par l'esprit est plus vivant que la
matière. À quinze ans, vingt ans tout au plus, cet
homme est déjà achevé d'imprimer. Le
bonheur, à vrai dire, est toute la sagesse, et la mort ne
m'impressionne pas. J'ai moi-même l'intention bien
arrêtée de mourir un jour : après
l'effort, le réconfort. En fait, l'important ne serait pas
de réussir sa vie, mais de rater sa mort. Tout ce qui sera
n'est pas encore, mais point n'est besoin de réussir pour
persévérer. Pourtant, la manière la plus
radicale d'anéantir un discours est d'isoler chaque chose
du reste. En effet, qui se ressemble s'assemble et le soleil luit
pour tout le monde. Rien ne me paraît ressembler autant
à un bordel qu'un centon. Un lion qui copie un lion
devient un singe. Pendant que l'un descend pour être
rempli, l'autre monte pour être vidé. Tout travail
mérite salaire puisqu'un travail opiniâtre vient
à bout de tout, mais qui recherche la grandeur, la
grandeur le fuit. L'art est la recherche de l'inutile, et
l'obsession des femmes est vitale : elle correspond à
un besoin de vertu. Le paradis n'est pas sur la terre, mais il y
en a des morceaux. Les inclinations naissantes, après
tout, ont des charmes inexplicables. L'homme connaît le
monde non point par ce qu'il y dérobe mais par ce qu'il y
ajoute. Un livre n'est jamais un chef-d'oeuvre. Pour tout le
monde, le futur parfait, c'est la mort.
Marsélection de Bénaboutures, Comment j'ai
écrit certains de mes livres, C'est un siècle
fait homme avec sa grande Hachette, depuis plus de deux mille six
ans qu'il y a des hommes.
(Ce texte comprend des citations, parfois
légèrement modifiées.)
Livres absents [23/10/14]
Ces nombreux ouvrages que je n'ai pas encore écrits
aujourd'hui ne sont toutefois pas pur néant. À
l'opposé, déclarons franchement que ce sont des
objets suspendus dans les gros volumes du passé. Ils
existent déjà dans les bibliothèques, par
mots, par groupes de mots, par flots de phrases dans certains
cas. Mais il y a à côté d'eux tant de vain
délayage, ils sont enfouis dans un tel étalage
de pages éditées, que moi-même
honnêtement, en dépit de mes investigations,
je ne les ai jusque là pas tous isolés ni
assemblés. L'absolu cosmos m'a toujours paru farci
d'humiliants plagiats, donc mon travail mûrit son long
parcours, son obstination à unir tant d'inouïs
discours, citations qu'on vola jadis à tort à
mon art futur.
Marcel Bénabou, Pourquoi je n'ai forgé aucun
livre, Journaux du IIe millénaire,
Hachette 2005.
Vieilleries révérées
[02/11/14]
[sélénet
beau présent]
L'élève se livre,
révèle léser
vers reliés, livres,
verve réviser.
Lire, rêver, vivre
l'irréel, errer !
Se réveiller ivre,
les lèvres serrer...
Panscrabblogramme avec M et B
comme jokers, décrivant une micro-
traduction pangrammatique conservant le nombre
total de lettres.
[04/11/14]
Substituez « networks » à « phrases » dans le texte de Marcel Bénabou, inouï vivier mythologique : ça fera un joli pangramme fidèle.
Abécédaire [04/11/14]
Aucun bouquin créé, donc en fabriquer grappillant hier: il jure kidnapper les mots, noms organisés, phrases, que raflèrent sur tes ultérieurs volumes wallonismes xylographiés, ysopets zoologiques.
Sélénet holorime [04/11/14]
En nuit, zèle où pages
allaient, raidi j'ai
ennuis et loupages
à les rédiger.
La littérature
lésinait sans ciel.
L'alite et rature
les inessentiels !
Doublets de Carroll [08/11/14]
Pourquoi n'a-t-il écrit aucun de ses livres S'est-il enivré de vains extraits en litres Cependant il n'encourt ni crosses ni mitres Par ses citations des raisons de nos mètres Plumitif mon disciple il faut que tu mettes Un morceau choisi mais jamais que tu mentes Ce n'est pas en copiant l'art que tu mentis C'est l'inspiration qui t'entraîne à mentir Respectant les conseils de ton vieux mentor N'ose point frapper ton coeur ni ton menton Rien ne vaut le possible et l'humble centon ------------------------------------------- 11 lignes, 43 colonnes, doublets de Carroll obtenus avec le programme de Nicolas Graner <graner.name/nicolas/divers/doublets.html> : c'est le 11e chemin trouvé entre « livres » et « centon ». Les lignes font 11 syllabes, et sont césurées alternativement 6/5 & 5/6.
Alpharimes [10/11/14]
Je répète fier tel un paon Mon art existe pour de bon Enfoui dans la contrefaçon Et sans en demander pardon Pas schnock barbu caméléon Cultivé plutôt que bouffon J'évite longueur et jargon Édités dans chaque torchon Car autant ma reproduction Sort de cet ivoirin donjon Fait de papyrus d'ostrakon De vélin même de brouillon Autant j'abrège mon sermon Dans sa quintessence sinon C'est du baratin de saloon J'ai copié depuis le Japon Jusqu'à Tel Aviv au Yarqon Un million de vers environ Plus tard ma recombinaison En fournira quelque centon Pour eux je serai le gluon Et le nettoyeur leur savon Aucun livre ne vaut un won Si l'on conserve son boxon J'en connais un joli rayon Il faut ouvrir son horizon -------------------------- Alpharimes octosyllabiques en « -on » de taille 26x26
Vocabulaire de base
[11/11/14]
[réécriture du
texte de Marcel Bénabou
n'utilisant que les cent mots les plus fréquents de la
liste établie par Étienne
Brunet]
Les choses que je n'ai pas dites, n'allez quand même pas
trouver, homme ou femme, qu'elles soient tout à fait rien.
Pas du tout (veuillez bien le savoir en ce jour), elles sont
comme dans la mer de ce qu'on a fait en d'autres temps. Elles se
trouvent sous nos yeux et dans nos mains, par petites ou plus
grandes choses, ou encore toutes données pour quelques
autres. Mais il y a en même temps tous ces hommes qui
parlent et parlent encore pour ne rien dire, ces choses sont
prises dans leur si grand savoir-faire, que moi-même
à tout dire, ayant passé des jours et des jours
à vouloir prendre la main, n'ai pas encore su les voir,
pour les mettre alors les unes avec les autres. La vie en fait
passe pour tout vouloir me prendre, si bien que je dois avoir le
temps de trouver, de mettre au jour peu à peu toutes ces
petites choses que d'autres ont dites sans que je ne puisse rien
y faire à temps.
Mari Bien-à-vous, Ce qui fait que je n'ai rien voulu
dire, Vies de notre temps, Petite chose qui ne fait pas du
bien, jour deux.
Kyrielle littérale
[Chaque mot commence par la dernière lettre du mot
précédent.
Cette contrainte avait été illustrée
en anglais par
Mary Youngquist, citée par
Martin Gardner dans son livre de 1989 intitulé
Penrose Tiles to Trapdoor Ciphers.
Alain Zalmanski avait joliment repris cette
idée en français en août 2000, et son
poème est paru dans le
numéro 6 de la revue Formules
en 2002.
Ces deux poèmes sont disponibles sur le site
de la revue électronique
Drunken Boat.
Dans le numéro 12 de la même revue
Formules, en 2008, Jacques Perry-Salkow a composé une
époustouflante kyrielle littérale intitulée
« Domino ».
Dans ma réécriture ci-dessous du
Desdichado de Nerval,
j'ai en outre interdit les
hiatus, donc tous les mots commençant
ou terminant par A, I, O ou U au milieu d'un vers.
J'ai également conservé des rimes similaires
à celles de l'original, ce qui oblige à commencer
presque tous les vers par un E.]
El Lesionado
(Ombre estropiée)
Être éteint, – ténébreux,
– xérophile éploré,
Exceptionnel Landais sans surface établie :
Étoile évanouie et théorbe éclairé
Exhibant ton nimbus – son nom : Mélancolie.
En notre épais sépulcre, exutoire espéré,
Éploie enfin notre Est, transalpine Éolie,
Et ton narcisse éclos sous son nimbe écoeuré
Entremêlant ton nard duquel leur rose enlie.
Existe en nébuleuse !... entre Éros, Schwob, Biron ?
Notre épiderme encor rougirait trop pour Reine ;
En nageant tes seins sont très séduisants, sirène...
Et traversant ton Nil, les surprend donc Charon :
Nuançant tantôt telle Eurydice étouffée
Et tantôt trompetant toujours sec, coryphée.
Espositofarèse
évoquant Tristan Nerval (Labrunie)
Alunie songerie, détresse pie et glaïeul
[Les infinitifs au début de chaque vers forment
un palindrome insécable,
c'est-à-dire tel que les espaces des lectures
aller et retour ne coïncident pas :
rire, prédire, dresser, trimer, fréter, presser,
gérer, vivre, régresser, prêter,
frémir, tresser, dérider, périr.
Cette liste est très loin d'être un record
de longueur (cf.
ces
trois
pages d'Éric Angelini,
ces
trois
miennes,
et j'ai depuis trouvé de plus longues
listes palindromes d'infinitifs,
comptant environ 300 lettres pour 50 verbes),
mais elle m'a fourni un prétexte pour
écrire un sonnet.]
Vivre
à
Édouard Jallois
Rire dès sa naissance en découvrant le monde
Prédire un avenir de savant troubadour
Dresser l'oreille à chaque amusant calembour
Trimer avec plaisir pour une oeuvre féconde
Fréter l'ivre bateau dont les livres sont l'onde
Presser le cours des vers au point de non-retour
Gérer sa fantaisie en jonglant par amour
Vivre dans le royaume où l'esprit vagabonde
Régresser lentement rejoindre les marmots
Prêter au ridicule en confondant des mots
Frémir au sûr déclin de sa propre faconde
Tresser une couronne hélas funèbre un jour
Dérider l'entourage une ultime seconde
Périr enfin mais sans renier son humour
En train
[twoosh
isocèle
pondu dans un TGV]
Mon benêt téléphone est atone si jeunet Ce carnet abandonne à la none un sonnet J'utilise ma valise en lutrin Et balise une frise en airain
Métrique de l'isonnetwoosh
[copie d'un message adressé à
la liste oulipo]
Quels sont les mètres possibles pour un sonnet twoosh
isocèle (disons donc un isonnetwoosh),
c'est-à-dire quatorze vers comptant chacun neuf
caractères plus un retour-chariot ? Si vous
êtes allergiques au tout dernier retour-chariot, il vous
suffit de sauter une ligne après le huitième vers,
par exemple.
Nous avons déjà vu qu'il est possible d'atteindre
l'alexandrin avec des lettres épelées
(cf. notamment WWWW
de Perec ou les quelques
phonnets
de la liste oulipo) ou des nombres en chiffres
(cf. De 97 à 99
d'Étienne Bernard ou ces
Enchères), mais que
peut-on faire avec uniquement des mots attestés en toutes
lettres ?
La principale difficulté est alors le respect de
l'alternance des rimes. En effet, les monosyllabes de neuf
lettres donnent presque tous des rimes féminines (1),
et au contraire, les pentasyllabes de neuf lettres donnent
presque tous des rimes masculines (2). Il semble donc qu'il
faille se restreindre aux vers de deux à quatre
syllabes.
(1) À part les
« borchtchs »
chers à Nicolas Graner ou les
« schproums », il faut avoir recours
à la ponctuation et aux articles élidés
pour atteindre neuf caractères,
cf. « schnocks. »,
« d'yachts. » (pas franchement compatible
avec cet y jamais lié),
« d'oueds ! » ou
« l'août... ». Comme les imparfaits et
conditionnels en -aient donnent classiquement des rimes
masculines malgré l'apparent e caduc final, on
pourrait aussi tenter
des choses comme
« Trouilles jouaient, brouilles sciaient. »,
mais ça ne donne pas grand chose à sens suivi.
(2) Les quelques exceptions, comme
« aérologie »,
« anaérobie »,
« idéalisée » ou
« idéologie », contiennent
forcément un hiatus interne, ce qui est autorisé
en prosodie classique mais reste sans doute trop rare pour
composer un sonnet.
Puisque le cas des trisyllabes a déjà
été illustré,
essayons ici les dissyllabes puis quadrisyllabes,
sans ponctuation pour durcir la contrainte.
Safari oulipien
Pour voir la lionne gloutonne s'asseoir L'ouvroir chantonne l'automne bleu-noir L'herbage l'ombrage mais lors Sa flèche n'empêche nos morts
Auto-plaidoirie
Réactivez la poésie apercevez sa goétie Réécrivez péripétie récidivez acrobatie L'exagéré inexploré revivifie amusement Solidifie oralement
P.S. du 29/12/14
D'après les Livres futurs de Marcel Bénabou :
Tu n'oses t'enrouer de proses t'y vouer Confondre les temps ni pondre de chants T'enivres de livres prochains Que chipe tout type d'humains
Vœux :
Cent vœux cosmiques mes pieux cantiques Aux dieux mythiques bas-bleus orphiques L'an neuf comme œuf vous cède splendeur Et plaide doux heur
P.P.S. du 30/12/14
Expérimentation à la limite : ajout du monovocalisme et de l'arithmonymie aux contraintes de l'isonnetwoosh. Déprime d'une abonnée à notre bonne liste, qui trouve certaines contraintes malsaines et castratrices au lieu de la guider : Récemment Bérengère lentement désespère Censément réverbère règlement persévère Respectez Regrettez éphémères vertébrés Délétères démembrés
[Voir aussi ces
isonnetwooshes
postérieurs, dont un
épelé,
une plaisanterie
numérique,
et un isonnetwoosh
quenien.]