Ovillejos
[L'oulipien
Eduardo Berti a relancé
la forme poétique espagnole nommée
« ovillejo »
(écheveau), popularisée par
Cervantes au début
du XVIIe siècle dans le
chapitre XXVII
de Don Quichotte,
et Nicolas Graner a
proposé à
la liste oulipo de s'y essayer. La
première strophe est composée de trois
questions octosyllabiques et leurs réponses
rimées trisyllabiques. La seconde strophe est
un quatrain d'octosyllabes à rimes
embrassées commençant par la même rime
que la troisième question de la première
strophe. Schématiquement, un ovillejo est
donc de forme 8a 3a 8b 3b 8c 3c /
8c 8d 8d 8c.
En voici trois de ma plume, le premier évoquant
Cervantes, le second illustrant un
triplet de mots classique, et le ridicule troisième
citant quelques mots de trois lettres.]
Qui nous étreint comme une pieuvre ?
Le chef-d'oeuvre.
De quoi provient notre émotion ?
Perfection.
Quel est l'artisan du vertige ?
Le prodige.
Et Don Quichotte en sa voltige
Dépeint sans casque ni haubert
Tois synonymes du Robert :
Chef-d'oeuvre, perfection, prodige.
*
Qui mène le dernier convoi ?
C'est la foi.
Qui peut orienter ton errance ?
L'espérance.
Qui surpasse même l'humour ?
C'est l'amour.
Ainsi vient sonner le tambour
De la religion trinitaire
Et ton destin meurtri n'y taire
La foi, l'espérance et l'amour.
*
Qui n'aime pas le quinoa ?
Le boa.
De quel primate est-il haï ?
Du saï.
D'où proviennent donc ces « ho ! ho ! » ?
Du zoo.
Non ce n'est pas grâce au tao
Que toute la foule a béé
Quand les cervidés ont réé
« Boa mord saï du zoo ! »
[Voir aussi les ovillejos des oulipotes]
Ovillejolorimes
[Ovillejos dont chaque
réponse reprend les trois dernières syllabes
de la question
correspondante, où les trois réponses sont
comme il se doit citées dans le dernier
vers, ici de façon phonétique, et où la
seconde strophe est constituée d'octosyllabes
holorimes embrassés. Tout cela implique que
les trois réponses ont chacune trois
autres homophones au sein du poème.]
Qui vaut mieux que les céleris ?
C'est le riz.
Que rate en mer le cœlacanthe ?
C'est l'acanthe.
Quel sort verdit le céladon ?
C'est l'adon,
Et l'heur : il a canté là, Don
Quichotte assagi, ta nausée
Qui chaut à sa gitane osée.
Elle rit là quand elle a don.
*
Qui vint quand a fermé l'usine ?
Mélusine.
Que prétendait son annonceur ?
A nom soeur.
Qui n'était pas, hélas, Irène ?
La sirène.
Mais lut sinon ce récit, reine
Papas. Telle, elle exagère art
Pas pastel — et l'exact Gérard
Mêle us in : on serait sire N.
*
D'où sont les bons mots déversés ?
Des versets.
Quelle ellipse est peu laconique ?
La conique.
Qui brûle au soleil, lézardant ?
Les ardents.
Univers sec honni ! car dans
Ce lai périme ailleurs la bile.
Seul l'épais rimailleur labile
Eut ni vers cæcaux ni cardans.
*
Quel est le cri que ceci lance ?
Ce silence.
Quand l'éclat d'infortune nuit ?
Une nuit.
Quel dieu retient ce loub livide ?
L'oubli vide.
S'il encense aine — huis doux, pli, bide,
Ce tôt camé, sombre et muet,
Se toqua mais sombrait, muait
Ci l'anse, en scène hui — double ibid.
*
Pourquoi ce burin qu'a margrave ?
Camard grave.
Comment ces bois tant de poids ont ?
D'époi sont.
Et dans quel port le boa vrille ?
Au Havre, île.
Gras voeu commun, poisse ! on navre : il
Compose des homophonies
Cons — pause d'aise, homme off —, honnies,
Graves comme un poisson d'avril.
Inflation rosenbaumienne
[Le pianiste et humoriste danois
Victor Borge a fait subir une
inflation aux mots
anglais, en transformant par exemple « I
ate a tenderloin with my fork » en
« I nine an elevenderloin with my fivek ».
Pour tester l'idée en français, j'aurais
pu choisir du Bautroilaire, du Fransept Ponge, du
Maupassant un, voire du
Vingt et un cent un Voiture, et huitéra, et
huitéra... Mais j'ai préféré
reprendre
notre tête de Turc favorite, à savoir
le chef-troivre
de Gérard Labrdeuzie, en
l'alouronzant du plus possible de nombres. Cent
untiments onztingués, Gef_]
Los Desafortdosatres
(Le Deuble)
Je suis l'inopportdeux, — l'ahuite cafartrois,
Dix-septar bortroilais à la tour onzloquée :
Huit étoile onzparaît, — et mon septre hitrois
Porte la noirseptante Onzphorie évoquée.
Dans l'obscurseptement, défdeux qui m'aitroiras,
Cètrois-moi quatorzor et déquatre en Septile,
Le parfdeux du narsept qui sédne fant mes bras,
Et sur le bdouzaï, vingt et un qui s'onzetille.
Suis-je Chrétien trois Quatre ?... Émile un, Laonzla ?
Mon front brdouze d'artroir au baiser de douzelle ;
Je rêve un huitacé que la condneufe cèle...
Trois fois vingt et unqueur, je fneufe à l'au-troislà :
Sissopant les onzcours inseptants, au Pont Dice,
De la cinquinette et la mystificinquice.
Gdouzague trois Nerval
[Voir aussi cette réécriture d'un sonnet de Queneau selon la même contrainte]
P.S. en hommage anagrammatique au grand
Jean-Pierre Marielle
qui vient de nous quitter :
Je le prierai en larme.
Hétérointervallisme
[Une contrainte chère à
l'oumupien
Valentin Villenave
est l'« hétérointervallisme ».
Par exemple, dans le célèbre accord {sol grave, do,
mi, fa#, sol} de la
« Danse de la
terre » de
Stravinsky, les dix intervalles possibles
entre deux de ces cinq notes sont
tous différents : un demi-ton entre fa# et
sol, ..., jusqu'à une octave entre les deux sol.
Ci-dessous, cette règle est imposée aux mots,
en interdisant ceux qui présentent le
même écart alphabétique entre deux paires de
leurs lettres : « absent » est interdit
parce que b–a = t–s = 1
(et simultanément
s–a = t–b = 18), mais
« absolu » est
autorisé car les 15 intervalles possibles entre deux de
ses six lettres sont tous
différents. Cette contrainte durcit celle des
mots
hétérogrammatiques, essayée
en décembre dernier. Elle autorise en effet moins
d'1 % du vocabulaire français,
et elle est surtout particulièrement lourde à
vérifier.]
El Duelo
(Le Coup dur)
Je forme le peu gai, — le gris, — le vieux tari,
Le sire du sud-est au fort brisé, quel drame :
Ma nova ne vit plus, — et ce luth ahuri
Drape le matin noir d'un amer Vague à l'âme.
Dans la nuit de la tombe, ô toi qui m'as chéri,
Vends-moi l'île et la mer où vogue notre prame,
Le beau lys que prisa ma chair de gars mûri,
Et le cep où le vin à la rose se trame.
Fus-je Éros ou le Ciel ?... Paul Dirac ou Biron ?
Ce front sent le feu doux d'une bise qu'on fixe ;
J'ai songé dans la rade où nage l'autre nixe...
Et j'ai deux fois hardi maté le fier Caron :
En bêlant pas à pas sur la harpe de Bose
Maint ouf du sage pieux et maint cri de la gnose.
Gary de Nirbal
[Voir aussi cette réécriture d'un sonnet de Queneau selon la même contrainte]
Carrés latins 5×5 mutuellement
orthogonaux
Nous avons déjà discuté
l'année dernière
des quatre carrés latins 5×5 mutuellement orthogonaux,
que la version anglaise de
Wikipedia illustre joliment. Au lieu
de mots, couleurs de lettres, couleurs de fonds et polices
de caractères, on pourrait jouer sur les hauteurs,
durées, nuances et timbres de notes de musique :
[Rappelons que chacune de ces quatre
caractéristiques apparaît une et une seule fois dans
chaque ligne et dans chaque colonne. De plus, chaque paire de
caractéristiques apparaît une et une seule fois dans
l'ensemble du carré. Cela signifie qu'étant
données deux caractéristiques, par exemple un mi
fortissimo, ou une noire au violon, il existe une seule note qui
leur correspond. Deux cases différentes ont aussi toujours
une seule caractéristique commune parmi les six {ligne,
colonne, hauteur, durée, nuance, timbre}.]
Voici la musique minimaliste que cela engendre
(enregistrement d'1 Mo), en jouant
d'abord toutes les lignes, y compris toutes leurs superpositions
possibles (de 1 à 5 lignes simultanément, dans un
ordre mathématiquement logique), puis toutes les colonnes
en les lisant cette fois de bas en haut et de droite à
gauche :
Cela devient légèrement moins statique si l'on
impose une mesure complète dans chaque case,
plutôt qu'une seule note, en remplaçant les hauteurs
par des mélodies de N notes (le même nombre dans
chaque mesure), et les durées par des rythmes
(différents dans chaque mesure). Voici un humble
exemple mélancolico-répétitif
(partition PDF
de 75 Ko) :
Au lieu d'illustrer toutes les superpositions possibles de lignes et de colonnes, comme ci-dessus (ce qui donnerait un morceau beaucoup trop long pour son maigre intérêt !), voici un enregistrement (de 818 Ko) commençant par la première ligne seule, puis les deux premières colonnes ensemble, puis les trois premières lignes, les quatre premières colonnes, et enfin toutes les lignes ensemble :
[L'ordre des notes est ici le même dans chaque
ligne (à un décalage temporel près), mais
rappelons que les propriétés des carrés
latins mutuellement orthogonaux sont conservées si l'on
mélange les colonnes et les lignes. Il est donc facile
d'obtenir un ordre différent des mélodies dans
chaque ligne. Par exemple, si l'on part du schéma
(1,1,1,1) (2,2,2,2) (3,3,3,3) (4,4,4,4) (5,5,5,5)
(2,5,4,3) (3,1,5,4) (4,2,1,5) (5,3,2,1) (1,4,3,2)
(3,4,2,5) (4,5,3,1) (5,1,4,2) (1,2,5,3) (2,3,1,4)
(4,3,5,2) (5,4,1,3) (1,5,2,4) (2,1,3,5) (3,2,4,1)
(5,2,3,4) (1,3,4,5) (2,4,5,1) (3,5,1,2) (4,1,2,3)
de Wikipedia, que l'on effectue une quenine d'ordre 5 sur
les colonnes, puis la même chose sur les lignes, et que
l'on renumérote in fine les quatre caractéristiques pour
obtenir la même première ligne, cela donne
(1,1,1,1) (2,2,2,2) (3,3,3,3) (4,4,4,4) (5,5,5,5)
(2,3,5,4) (4,1,3,5) (1,5,4,2) (5,2,1,3) (3,4,2,1)
(3,2,4,5) (1,4,5,3) (5,1,2,4) (2,5,3,1) (4,3,1,2)
(4,5,2,3) (5,3,4,1) (2,4,1,5) (3,1,5,2) (1,2,3,4)
(5,4,3,2) (3,5,1,4) (4,2,5,1) (1,3,2,5) (2,1,4,3)
Le premier chiffre des quadruplets (qui correspond à
la mélodie dans mes exemples ci-dessus) n'est cette fois
dans l'ordre 12345 que dans la première ligne.]
[Voir aussi mes autres expériences oumupiennes]
Sonnet primal
Composition (03/11/2007)
Premièrement on vit un argument gaussien
Dont vingt-huit recordmen particularisèrent
Maint étincellement conscient, théorisèrent
Sitôt démonstration d'un académicien.
Bien sagement Fermat fut un dialecticien ;
Wieferich, Gerard 't Hooft, Ben J. Green épuisèrent
Un important exploit, partout préconisèrent :
« Dénombrez simplement, néoplatonicien ! »
Vingt ersatz d'inversion t'informatiseraient
Comment on reproduit un format complaisant,
Comment on éconduit un suspect exposant
Irrémédiablement, hop ! factoriseraient
Dûment mon expression, restreint thématicien.
— Pesant carcan crispant un Pataphysicien !
[Si l'on interprète les mots comme des
nombres écrits en base 36, ils sont tous premiers
— y compris 2007, qui doit aussi être
lu en base 36, et vaut donc 93319 en base 10.
Le vocabulaire permis est assez pauvre (environ
2,5 % du français), mais la plus
grosse difficulté est en fait l'alternance
des rimes, car les mots se terminant par
-e ou -(e)s sont pairs donc interdits. Voici
la transcription en base 10 :
46375417730303447 ( 3 / 37 / 93319 )
3390744220436753849 887 40853 1103 843433656761 1277456793647
638489 52938317 - 832709 77294684360111 201348106237947529494929657
37442297 70222549876276856249 35785838888633 , 3880675807670313209
47907533 63524601321116101079 13 ' 1103 37809565549883951 .
537071 2216956436921 931795877 20549 1103 1777968969749368367 ;
91717478735777 , 992247097 ' 29 29704889 , 14783 19 28152239 1494758965895417
1103 52559907407417 32513338469 , 55070955029 122065793949336019193 :
« 37823081776523 2896238490568121 , 3992969575016431597103 ! »
52938317 893196503 13 ' 52650727567511 29 ' 148436939098838813917876409
27610573241 887 77323158900677 1103 948592037 46375410111508217 ,
27610573241 887 1124710150853 1103 62812104941 1170485399801
4149810986998906561258937 , 22921 ! 93880718647166991372473
837494201 29399 1516954792415639 , 77329815250169 107796357127663151.
— 1536489209 743665919 1000279692857 1103 119882866626464549423 !
Comme pirouette finale, j'ai rajouté une
fausse date de composition rendant l'ensemble
premier (toujours en base 36) quand on y supprime
tous les espaces et signes de
ponctuation. Ça donne en base 10 un nombre
de 822 chiffres (188226...063, soit
« cent quatre-vingt-huit mille deux cent vingt-six
sestrigintacentillions... »), comme
chez Nerval ci-dessus.]
Née énergie extrême, déjà s'étend l'encre et se promet là éperdu le poète, dûment emballé par l'effréné brevet de sa contrainte. Le fondement du code est prestigieux et algébrique en son allégeance émancipatrice. Il va fixer même théoriquement la base du lettrage, indéfectible présentation de jougs à prolégomènes de Roubaud. L'héroïsme unira l'exemple au verbalisme outré. Fuyez les matériaux séparés par deux caractères, s'ils électrisent en face l'unité prétendue d'organismes sonores, et limitent ensuite tout polymère. Puis transfigurez l'hésitation en affermissement inextinguible, assemblage extraverti de préméditation, de prosaïsme et de travestissement. L'ouvrier se lancera à l'eau. Maintenant, le bon matheux littéral se concentre, pour extirper des nombres ceux sans diviseurs. Il les transforme en stratagèmes fêtés par un E. Aussitôt, ce thème osé, dispositif exagéré, ne circonscrit pas d'entier naturel pair, de coupure, de facteur clé qui multiplie l'état légal. Et par ces interpolations entre un bête laïus piégeant de nourris E épars, schèmes volés au monovocalisme présénile à l'envi, et l'agrégat des orientations du lipogramme endurci, le narrateur sublime son élan lexical. Écrit oulipien méticuleux, redécouvre la gratuité du contre-chant obscur ! Réveille-toi élégant et démentiel, futuriste et infernal, sinon original ! Sombrant peu à peu, l'explorateur va cartographier maints étonnants abîmes générateurs de hasardeux éventaires, où la prévisibilité est exempte d'âme mais n'interdit pas l'émotivité du praticien. Fier de forger un rien de sa boue, le loustic conseille la démesure. Appeler à tenir compte d'opportuns articles, oser même la ponctuation, plus les légers passages à la ligne et tout hiéroglyphe autre comme inflexion ou apostrophe. Interpréter l'infini en prolongeant l'allitération et dactylographier sans fatigue l'aléa rêvé. Cependant, une inconfiance s'identifiera soudain : gravement l'insomniaque est assailli d'un doute. Attention les surenchères ne maintiendraient plus devers l'agile ouvroir notre curiosité aiguë. Il faut héler aèdes ou toute la logosphère, si Raymond Queneau hue. Venez adoncques, liste oulipo, amis joueurs ! Qui saura illustrer cet irrésistible patron au cadre exubérant ? 2 3 5 7 11 13 17 19 23 29 31 37 41 43 47 53 59 61 67 71 73 .ee.e.e...e.e...e.e...e.....e.e.....e...e.e...e.....e.....e.e.....e...e.e. ...e...e.....e.......e...e.e...e.e...e.............e...e.....e.e.........e e.....e.....e...e.....e.....e.e.........e.e...e.e...........e...........e. .e.e...e.....e.e.........e.....e.....e.....e.e.....e...e.e.........e...... ......e...e.e...e.............e.....e.........e.e...e.....e.......e.....e. ...e...e.....e.......e...e.......e.........e.e.........e.e.....e...e.....e ......e...e.e...e...........e.......e...e.......e...e.....e...........e.e. ...............e.....e.........e.....e.....e.e.....e.........e.....e.....e e.....e.....e...e.e...........e.........e.e...e.....e.....e.e...........e. .e.....e.......e.........e.......e.........e.......e.....e.....e...e...... e.....e...e.......e...e.............e.........e...........e.e.........e.e. .e.e.........e.............e...e.e...e.............e...e.e...e............ ......e...e.......e.........e.......e...e.....e.....e.............e...e... .e.....e.......e.....e...........e...e.....e.e.........e.e.....e.........e e.........e.e.....e.................e...e.e...e.....e.....e.......e.....e. ...e.....................e.e.........e.......e.........e.....e.....e...... e...........e...e.....e.....e.e.....e...........e.........e............... .e.e...e.....e.e.....e...e.e...e...........e.e.....e...................... ..........e.....e.....e.......e.................e.........e.............e. .e.e...e.....e.......e...e.e.....e...........e.........e.e...e.e...e.....e ..........e...........e.......e...........e.....e...e.....e.......e...e... ...e...e.............e...e.....e.e...e.....e.e.....e.........e............ ......e.....e...e.e.......................e...e.e.........e...........e.e. .......e.......e.....e.....e.....e.................e.....e...e.e.......... e.........e...........e.......e...............e.............e.....e...e.e. .e.e.........e...........e.....e.....e.................e.e...............e e.....................e.....e.......e.....e...e.e...e.......e.....e....... .e.e.........e.............e.........e.....e...........e.e...e.e.........e ..........e.e...............e.e.....e...e.e.........e.......e............. ...e.......................e...e.....e.......e...............e.e...e...... 2179 2203 2207 2213 2221 2237 2239 2243
Beau présent de digrammes
[Toutes les paires de lettres successives, y compris
entre deux mots, entre deux vers ou entre deux strophes,
sont présentes dans le premier quatrain du
sélénet originel
« Au clair de la lune ».
Elles sont au nombre
de 47 : ai, al, am, ap, au, cl, cr, de, ec, el, em, ep, er,
et, eu, ie, ip, ir, it, la, lu, me, mi, mo, na, ne, nm, oi, on,
ot, ou, pi, pl, po, pr, rd, re, ri, ro, rr, ta,
te, tp, uc, um, un, ur. Grâce au titre,
elles sont aussi toutes utilisées,
donc ce beau présent de digrammes peut être
considéré comme un cas particulier des
« isonets » proposés
par Peter
Wexler
en
2002, ici en respectant l'orientation
des liens entre digrammes.]
Lucre
Un mireur déclame
L'âpre pot-pourri
Pour démon à l'âme
Pire : mer de cri.
Taire m'époumone,
Relaie un mouron.
Me prône l'aumone
Un moite luron.
Mon étau m'irrite,
Rote mon erreur.
Déplaire mérite
Première terreur.
On a pour écrire
Un élu miroir.
Itérer ou rire
Reprit au mouroir.
Haïkus anagrammatiques
[Anagrammes de 5, 7 et 5 syllabes. Cette
contrainte est l'une de celles inventées
et magnifiquement illustrées
par l'écrivain britannique
Anthony Etherin.
Elle répond parfaitement
à
notre
définition
des
« contraintes
paradoxales »,
c'est-à-dire la combinaison de contraintes
formelles presque incompatibles
car elles tirent l'écriveron dans des directions
opposées. Voir par exemple
nos haïkus
isocèles de 2000 (même nombre
de caractères pour les trois vers),
ceux à taille
de guêpe de 2013 (l'heptasyllabe central compte
moins de
caractères que les deux pentasyllabes), et les haïkus
triplement holorimes
de mai 2016. Début 2018, nous avions aussi rapidement
exploré les
anagrammes aux
mètres très dissymétriques.]
As-tu l'oeil poli,
ô pilote, s'il a lu
la liste oulipo ?
*
S'entraîna le pitre
à retenir patelins
interplanétaires.
*
Ô danseur idiot
et si dodu, on a ri
d'autodérision !
*
Musicienne leste,
unis ce mi-sélénet
silencieusement !
*
Harceleur à diables,
s'ébahira là, crédule,
Charles Baudelaire.
*
Cette empoisonneuse
scie en tomes un poète,
s'ennuie, ose et compte.
*
François Le Lionnais
incarne la foison : lis
son soin fin, racaille !
*
L'art anti-coupole
policera un total
attrape-couillon.
*
L'extraordinaire
nixe drôle rit à Râ :
« Le traînard ex-roi ! »
*
Ce Roumain penaud,
cou râpé, nu, mendïa
un morceau de pain.
*
Mieux nous souvenir :
si mûr, on use une voix,
un os, vieux monsieur.
*
On rêvait de lait
On a dit la vérité
Vite on aide l'art
*
Phrase emmêlant deal
de Stéphane Mallarmé :
Ah ! spleen admet larme.
*
Finn lent ? Pied d'Allais
dans le plat de l'infini,
filant l'ain, splendide !
[Voir aussi les
haïkus
anagrammatiques
des
oulipotes. Par la suite, je me suis
souvenu avoir composé au moins un tanka anagrammatique
dès avril 2015
— respectant en fait 7 contraintes en tout :
140 caractères, isocélisme, tanka,
rimes, nombre de mots par vers, 11 lettres autorisées,
anagrammes).
Voir également ce haïku
anagrammatique quenien.]
Anadigrammes
[Prendre un énoncé dont le nombre de
lettres est pair, et le décomposer en couples
de lettres successives, par exemple
« vo-lt-ai-... »
pour le premier exemple ci-dessous.
Construire alors un autre énoncé se
servant une seule fois de tous ces couples, dans
un ordre différent.
Attention, contrairement à nos précédents
beaux présents de digrammes,
et à nos
hétérodigrammes
à partir du 5 mars 2019, mais de façon similaire
aux palindromes
de digrammes, il ne faut ici pas tenir
compte des paires de lettres obtenues en
décomposant à partir de la deuxième lettre,
c.-à-d. « ol-ta-ir-... ».
Les digrammes identiques sont affichés sur fond
rouge lorsqu'on passe sa souris
sur les lignes ci-dessous.]
Voltaire
rejeta
l'âme.
Taré,
je
me
révoltai
là.
Poli
ou
Oulipo ?
En
ce
lutiné
Luc
Étienne,
l'ouvroir
de
littérature
potentielle
tient
tôt,
lie
l'deleatur : loi
réprouver !
[notez l'élision autoréférente
avant deleatur]
Valérie
Beaudouin,
rivale
ou
eau
de
bin ?
Anthony
Etherin,
yé
thon
anthérin.
[yé = il est (au Québec) ;
anthérin = qui vit sur des fleurs]
Ne
chantez
pas
la
mort,
c'est
un
sujet
morbide :
Chancel à
jeun
sur
tas
débitez
— pstt,
mormone !
[le premier alexandrin
est de Jean-Roger Caussimon]
Monoconsonantisme digrammatique
[adaptation d'un message adressé à la
liste oulipo]
Que pourrait être l'analogue
digrammatique du monovocalisme ? Par exemple
décider que l'unique voyelle E ne peut être
précédée que par un T :
En tel temps, tes textes-tests te tentent
et t'entêtent, entends !
Ou bien un L :
En l'erg — le bled —,
l'est l'enfle, le lent blé.
Mais ça ne mène pas loin.
Pour donner plus de jeu, on pourrait
accepter toutes les autres voyelles,
mais n'autoriser qu'un seul
digramme consonne-voyelle (même entre
les mots), par exemple LE :
Il pleut. L'earl Éblé oit
les pleurs, le plein spleen.
L'eau iodle. Elle est l'emblée
Élée. Ouille, aleph-clé,
aïeul éoué : oeil est
blet ! Les fleurs bleues le blé
ourlent. L'Éole enfle, il
est leur lent fléau.
[earl = comte ;
Éblé = général
napoléonien ;
embler = voler ;
Élée =
cité de Zénon ;
aleph = sphère
borgésienne ;
éoué = peuple
africain]
Ça reste tout de même limité. Il semble plus productif de passer
à ce
qu'on pourrait appeler un « monoconsonantisme
digrammatique » :
ci-dessous, les seuls digrammes
consonne-voyelle autorisés sont
LA, LE, LI, LO, LU, même entre
mots, vers et strophes.
Al aislarlo
(Le Floué)
Il ploie en pleurs, l'aïeul à l'oubliée ampleur,
L'exclu lïon blond, l'oncle à Lille où pleut la lie :
Plus l'éclair l'éblouit, — le luth plaint la lueur,
Plus l'aigle black, le Spleen, loua la plaie emplie.
En l'enclos laid, le lord lilial alloua leur
Legs : l'ailleurs loin, l'îlot, la flouée Eulalie,
L'août las clouant l'élan, là l'oeil ourlant la fleur,
La claie où le lait blanc l'oblong glaïeul allie.
Il est l'Éon, l'Aleph ?... L'ouaille Élie ou Laclos ?
Le lent flirt l'englua, clef liée à l'élue ;
Au lac lui plut l'eau bleue où l'oie ailée afflue...
Alors pliant l'exploit, l'omble alla l'amble aux flots,
Lulle ululant le lied, l'ongle à l'oud : l'Éole aie !
Enflent l'alléluia, l'olé glial à laie.
Léon Bloy
[Voir aussi cette réécriture d'un sonnet de Queneau selon la même contrainte]
Contrainte adamantine
Le pharmacien demande :
Pour faire du savon,
Cancre russe, à l'amande,
Faut-il azote et plomb ?
Amygdalin : oh, Yuev, N, Pb ?
[Contrainte si monstrueusement dure
qu'on pourrait la qualifier d'adamantine :
quand on interprète chaque mot comme un
nombre entier écrit en base 36, les
quatre de droite donnent la décomposition
en facteurs premiers de celui de gauche.
Autrement dit
AMYGDALIN = OH * YUEV * N * PB,
ce qui signifie 30010111072367 =
881 × 1625719 × 23 × 911
en base 10.]
*
À son élève bête
Au jeu trop discordant,
Le musicien répète :
Ce do porte un mordant.
Eh, ut ! Eh, ut : orné !
[Léger adoucissement : il faut cette
fois effectuer la somme des deux produits
de gauche pour obtenir le résultat de droite,
toujours en base 36.
Autrement dit
EH * UT + EH * UT = ORNE,
soit 521 × 1109 + 521 × 1109 = 1155578
en base 10.]
*
Ce microsillon
Fameux, ma parole,
Coûte trois millions
De grammes-pétrole.
Vinyl : CV 3 tep.
[Autre adoucissement : on admet un chiffre
dans le calcul, ici
VINYL = CV * 3 * TEP,
soit
52938957 = 463 × 3 × 38113
en base 10, où tep signifie Tonne
Équivalent Pétrole.]
*
À la victime,
Au miséreux,
Donne un centime
Ou plutôt deux.
Hère : oh, 2 ct !
[Même principe : HERE = OH * 2 * CT en base 36, soit 812282 = 881 × 2 × 461 en base 10.]
*
Je recommande
Ces quatre clips
Au chef de bande...
Dessinée, hip !
Caïd, 4 BD : filmés.
[CAID * 4 * BD = FILMES en base 36, soit 573493 × 4 × 409 = 938234548 en base 10.]
*
P.S. du surlendemain, avec cette fois la ligne finale en anglais :
C'est à quatorze heures
Qu'on a menuisé
Ah ! pour vos demeures,
Briques en pisé.
Adobe: at 2, hah!
[ADOBE = AT * 2 * HAH en base 36, soit 17434202 = 389 × 2 × 22409 en base 10.]
Quatrains
hétérodigrammatiques
[paraphrasant le
sélénet
originel, sans réutiliser aucune
paire de lettres
successives au sein de chaque strophe,
même entre mots et vers. Les 3e
et 4e sélénets (c.-à-d. les quatrains 5 à
8) ont été ajoutés le 15/06/19.]
1.
À l'oeil de l'incube,
Bon ami Rimbaud,
Prêtes-tu ta plume
Pour tracer un mot ?
Ta lampe est un mythe,
Je n'ai nul marker ;
Offre-moi le gîte
Avec ton grand coeur.
2.
Quel sot m'importune,
Jure ce grizzly.
Je n'ai nulle plume
Et suis dans mon lit.
Va lors chez Maxime,
Là-haut il y est,
Car dans sa cuisine
On bat le briquet.
3.
Ô dormant abysse !
Et l'homme de bien
Frappe chez Alice
Qui répond soudain :
— Enfin, tel un naze,
Qui cogne au tandoor ?
— Gagez votre case
Vers le dieu d'amour !
4.
L'astre gris miroite,
On y va piano.
Colin quiert Agathe,
Plumes et fourneau.
À grand-peine y sais-je
Ce que l'on trouva ;
Aussitôt le piège
Sur eux se ferma...
P.S. du 4/6/19 :
sélénet
globalement
hétérodigrammatique,
c'est-à-dire ne réutilisant
aucune paire de lettres successives
sur l'ensemble des huit vers rimés.
Comme j'interviewe
Vos regards géniaux
Mais je désapprouve
Leurs calculs idiots,
L'absolu n'attife
Pas mon choc subi
Jusqu'à vagir glyphe
Et ce fort lobby.
Fondu au noir
hétérodigrammatique
[réécriture de
cette micronouvelle
de telle sorte qu'aucune suite de deux
lettres ne soit répétée au sein de
chaque phrase, même entre les mots]
Il finit de franchir cette rue puis exhale,
soulagé. Ses pas finals lui ont fait
grand-peur. Un moment, à mi-parcours,
il a cru que ce serait irréalisable.
Il s'était toutefois lancé d'un pas
résolu, converti aux propos vulpins :
« On ne voit bien que grâce au coeur.
Ce qui compte est invisible pour
nos yeux. » Ici enfin, il se divertit
d'avoir au préalable jeté sa canne.
Comme de juste, nul n'oblige à dire que
si l'horrifiant camion l'a gracié,
c'était pour ne pas faucher un aveugle.
Gef d'après Pablo Martín Sánchez
Ovillejo
hétérodigrammatique
par strophe
[Aucune suite de deux lettres n'est
répétée au sein des six
premiers vers, ni au sein des
quatre derniers. Outre les rimes que cette contrainte
rend problématiques, comme dans
ces précédents
alexandrins
& sélénets,
les trois questions de l'ovillejo sont une difficulté
supplémentaire, car la plupart des pronoms interrogatifs
se servent du même digramme QU.]
Comment l'ossu macchabée ai-je ?
Létal piège !
Où finira-t-il déjà saur ?
Dans la mort.
Qui plutôt profond se rebiffe ?
C'est Sisyphe.
Sur un fabuleux hippogriffe
Fuit Thanatos ce révolté.
Ironiquement j'objectai :
Nous piège la mort de Sisyphe.
Sonnets globalement
hétérodigrammatiques
[Sonnet élisabéthain de trisyllabes
n'utilisant aucune suite de deux lettres plus d'une fois.
C'est une exploration à la limite de cette contrainte,
car à ce stade, il reste moins de 0,1 %
du vocabulaire français disponible — soit
380 mots dans l'Officiel du Scrabble, dont
beaucoup emploient bien sûr les mêmes digrammes.
Le schéma de rimes shakespearien
a été choisi pour faciliter la construction.]
Abrupt cowboy damné
On nous vend
Hippolyte
Élevant
Mégalithe.
Tu requiers
Mastoc lauze
Car d'un air
Vif, s'il ose,
Peut succès
Nul prodige.
Ah ! fixez,
Débattis-je.
Joins rickshaw,
Fort facho !
[Sonnet français de quadrisyllabes
globalement hétérodigrammatique. Malgré
les nombres
utilisés, les vers au mètre légèrement
plus long font qu'il reste in fine encore moins de mots
disponibles que ci-dessus — environ 275, soit
0,07 % de l'Officiel du Scrabble.]
Flipbook cultivé
Dans « 813 »,
On voit Lupin
Clore examen
D'un truc balèze :
Si ce Carl XVI
Ajoute thym,
Miel, apocyn,
À chaque fraise,
Grosso modo,
Agir : rideau !
Y snober juge.
Ô film, vas-y !
Pur fatum n'eus-je
Maxi jazzy.
Distiques d'alexandrins
hétérodigrammatiques
[Voici cinq raisons pour lesquelles cette contrainte
continue à beaucoup m'intéresser :
• 1. Elle est relativement nouvelle,
puisque son exploration a commencé en
mars dernier.
• 2. Elle restreint non seulement le vocabulaire,
mais aussi les enchaînements de mots (comme quelques autres
contraintes, par exemple « la rigidité de
l'okapi » = alternance consonne-voyelle).
• 3. Elle agit globalement sur tout le texte, au
sens où chaque nouveau mot dépend de tout ce qui a
été écrit jusque là — et
influence bien sûr tout ce qui sera écrit par la
suite. Elle diffère ainsi de la plupart des contraintes
classiques, dont l'effet est local (le palindrome agit
simultanément en deux points distants, mais non
sur l'ensemble du texte à chaque instant).
• 4. Si on la combine avec des rimes,
elle entre dans la catégorie des
contraintes paradoxales,
car il faut obtenir le même son sans employer
la même graphie.
• 5. Elle est d'une douceur/dureté
raisonnable sur un distique d'alexandrins — ou
sur un quatrain de pentasyllabes.
Il suffit de choisir des vers plus courts pour l'adoucir, mais
conserver au moins un couple de rimes me semble la petite
subtilité qui fait son charme.]
À l'ultime minute on verra des volcans
Nous produire ici-bas leurs flambeaux éloquents.
*
Lorsqu'on devient public d'une rumeur pareille,
Ladite catastrophe aux aguets nous effraye.
*
L'univers primordial ai-je donc ameuté
Parce que subito j'infuse ici le thé ?
*
Ce travail proposa d'examiner le site
Où magnifiquement vécut la nation scythe.
*
Tout homme politique enfle tel un héros.
Je juge mordicus : ce sont de fats blaireaux.
*
Cher soixante-huitard, je voudrais que l'on cause
Du futur laborieux et de notre kolkhoze.
*
Mieux vaut l'insignifiance et choir sur le coccyx
Qu'un penthiobarbital ou se rompre l'axis.
En rab, un quatrain de pentasyllabes
(demi-sélénet)
hétérodigrammatique,
alternant vers monovocaliques & lipogrammatiques en E :
Bête vengeresse
Ou vrai diablotin,
Elle me dépèce
Adjoignant du thym.
Le 16/06/19, Nicolas Graner a composé ces excellents
distiques hétérodigrammatiques :
Sachez qu'au seize juin, le si fameux
Bloomsday,
on relit tout
J.J. d'Ur à Jérimadeth.
Vite, produire ici deux vers d'hommage à Joyce...
J'ai pas la rime en [ojs] ! Oh, damned, mon angoisse !
Voici la réponse que je lui ai faite,
toujours selon la même contrainte :
Cher ami farfelu, j'adore ta trouvaille !
Exigeons sur la liste un emploi de cobaye.
Un week-end à mi-juin, guère avant le solstice,
Fêtons ad libitum l'auteur barjo
d'« Ulysse ».
[Voir aussi ces cinq haïkus monorimes composés par Nicolas le 17/06/19]
Nouvelle fournée du 18/06/19, en rimes masculines plutôt riches :
Deviens humble, mon fils, car si tu n'obéis
À ma plainte, c'est vu : je retourne au pays !
*
Affirmes-tu qu'ici par humour, dans ce bled
En Écosse, on choisit d'y porter notre plaid ?
*
Note que je détiens, lascif cake, une info :
Chez Sartre son amant, Beauvoir vécut nympho.
*
Soûlards éventuels, déjà, dans cet amphi,
On ne supportera le moindre irish coffee.
*
Tant me paraît lugubre et dur ce chorizo
Qu'afin de le goûter, je façonne un ciseau.
*
Deux rimes féminines pentasyllabiques (reprenant des mots déjà employés précédemment) :
L'habituel voeu doux d'un émir est qu'aube aille
Potentialiser l'art : mandez myrrhe et cobaye !
*
Tanka monorime, lui aussi hétérodigrammatique :
Par un tour de vis,
Sachez éduquer vos fils.
On en avait six :
Profuse frappe au coccyx,
Et triompha le blanc lys.
Haïku du 23/06/19, non seulement
hétérodigrammatique
(aucune paire de lettres
successives n'est employée plus d'une fois),
mais alternant aussi
paires de
consonnes & paires de voyelles,
et ne se servant que du
vocabulaire de base :
Veille, oh pays roi !
Crier faux, fuir tout jeu vrai.
Théâtre en question.
[Voir
aussi
mes
précédentes
explorations
de
cette
contrainte
ainsi que ce distique
hétérodigrammatique quenien]
Ghazal hétérodigrammatique
[Noël Bernard a eu l'idée
d'appliquer la contrainte
hétérodigrammatique
à la forme fixe
poétique orientale
nommée
ghazal.
Il a choisi un schéma proche de
celui de
Louis Aragon.
J'ai pour ma part essayé ci-dessous la forme la
plus
traditionnelle,
et me suis inspiré du
troubadour
Jaufré
Rudel (XIIe siècle)
pour obtenir la couleur mystico-nostalgico-amoureuse
caractéristique de cette forme poétique. Chaque
distique d'alexandrins est un hétérodigramme
— au clinamen près que l'un des deux refrains
du premier distique n'est pas pris en compte.]
Le clair été m'évoque un scythe amour de loin,
Puis l'hiver apparu, grossit amour de loin.
Par l'ennemi commun, attaché je veux être,
Puisque sa perfection suscite amour de loin.
Ma fortune fut vague, ô Dieu, sachons l'admettre :
Quand verrai-je ce si licite amour de loin ?
Plus proche, je vivrais seul en sa compagnie —
Ma versification récite amour de loin.
Abattu, je gémis, non pas d'algolagnie :
Que jubile ce trop tacite amour de loin !
Ses yeux mirent le port, dans son palais persique,
Et communicatif, m'excite amour de loin.
Nulle n'aime Jaufré, vagabond romantique ;
Certes à Tripoli rassit amour de loin.
Desdichado
synonymique :
programmation en PHP d'une page Web dynamique
utilisant le dictionnaire de synonymes du CRISCO
Protéonet
[Robert Rapilly a choisi d'appeler
« protéonets » les
poèmes pouvant être présentés selon
plusieurs formes fixes différentes. Voici un essai
personnel selon trois formes classiques.]
Sonnet de trisyllabes : Multiforme, Énorme et Fin gourmet, Là sous l'orme Une corme ! Son fumet Sembla mets Pour qu'on dorme. Ivre vieux, Con pïeux Qui croit être Un roi droit ! Livre et lettre En surcroît. |
Sélénet : Multiforme, énorme Et fin gourmet là, Sous l'orme une corme : Son fumet sembla Mets pour qu'on dorme ivre. Vieux con pieux qui croit Être un roi droit, livre ! Et lettre en surcroît. |
Chôka rimé (5+7+5+7+5 + 7+7 syllabes) : Multiforme, énorme et fin gourmet, là sous l'orme une corme : son fumet sembla mets pour qu'on dorme ivre, vieux con. Pïeux qui croit être un roi. Droit livre et lettre en surcroît. |
P.S. du 29/06/19 : haïku polysémique devenant un sonnet de monosyllabes (respectant l'alternance, la règle de la liaison supposée, et sans rime pauvre)
Sème vers vers sème Aime airs clairs même tard l'art Double leur trouble heur |
Sème vers vers sème Aime airs clairs même Tard l'art double leur trouble heur |
P.P.S. du 30/06/19 :
haïku-sonnet saturé en yods
(et respectant les mêmes règles
prosodiques que ci-dessus). Le titre ne fait volontairement
pas partie du protéonet.
Ouille Treuil fouille seuil, rouille. Deuil : trouille l'oeil brouille, hier fier, braille vieux pieux, aïe. |
Ouille Treuil fouille seuil, rouille. Deuil : trouille l'oeil brouille. Hier fier, braille vieux pieux, aïe. |
P.3S. du 02/07/19 :
haïku-sonnet de schéma aBBa aBBa CCd EdE,
où les
lettres majuscules désignent les rimes féminines.
C'est du masochisme car
cela demande aux deux rimes masculines d de commencer
par des voyelles.
Tout pique-nique : août bout ; bique chique brout, pousse douce, airs jade, ers fade. |
Tout pique- nique : août bout ; bique chique brout, pousse douce, airs jade, ers fade. |
P.4S. du 17/07/19 : superposition d'ovillejo et de sonnet de pentasyllabes.
Qui me rend la gloire importune ? La Fortune. Voilà quel rédhibitoire heur ? La douleur. Noire, où s'annihila ma flamme ? Diable ! à l'âme. Donc l'histoire esquisse un atlas Où tout passe à l'as, et programme Drame : onc au nirvana, hélas ! Fortune a mis douleur en l'âme. |
Qui me rend la gloire Importune ? La Fortune, voilà. Quel rédhibitoire Heur, la douleur noire Où s'annihila Ma flamme, diable ! à L'âme. Donc l'histoire Esquisse un atlas Où tout passe à l'as, Et programme drame : Onc au nirvana, Hélas ! Fortune a Mis douleur en l'âme. |
[Voir également mes précédents textes protéiformes]
Homomorphisme littéral (isovocaloconsonantisme)
[Ce sonnet respecte l'ordre des voyelles &
des consonnes du
Desdichado de Nerval, et
conserve ses espaces & sa ponctuation.]
Un décryptage
(si difficile)
Tu sais ma dilection, — ma faim, — d'étrangeté,
Ta psyché d'amoureuse y va fuir ahurie :
Le doute aliène art noble, — en son fond supplanté
Niche ni détail vain ni sa bizarrerie.
Tant se tait le cerveau, jeu coi d'or reflété,
Ponds-lui ce dialogisme en sa dot d'égérie,
Le clair peu fraudeur vers à mot mieux ligoté,
Un nô trouble ou ru simple à la mode s'écrie.
Vois-je atout au projet ?... ricochet au motif ?
Ces plans ont tiède effet ni raison ni de quête ;
D'au delà vint le charme au halo de comète...
Ah d'où naît roux bouvreuil fredonne l'allusif :
Devenons fous ô ciel par le rire d'Astrée
Mon diamant ne se pioche en nul ptyx si je rée.
Robert de Borges
[Voir aussi le
sonnet culinaire composé le mois suivant
par Robert Rapilly,
selon la même contrainte littérale,
et cette réécriture personnelle d'un
sonnet de Queneau.]
Constitutionnaliserions métaphysique ?
[Les
gématries des mots successifs
reproduisent les 172 premières décimales de π
— ou 190 avec la longue signature. Cette
contrainte est à la fois bien plus dure
que les vers
isogématriques explorés début
2010, et que la classique illustration
des mêmes décimales avec les longueurs des mots
(« Que j'aime à faire apprendre
un nombre utile aux sages »).
L'une des difficultés
provient des 0, qui ne doivent pas commencer de valeur
gématrique. Il faut donc les placer
en 2e ou 3e chiffre, en jonglant avec les
décimales précédentes pour trouver
une suite de mots donnant le bon nombre
de syllabes et faisant à peu près sens.
J'espérais initialement orienter le thème
de ce sonnet vers la recherche de la
transcendance, devenant rationnelle in extremis
à cause de notre finitude.
Les décimales en ont décidé
autrement.]
Ç3'a1 défilé41 fort59 mal26, sans53 écrire58 de9 route79,
Anticonstitutionnellement323 numéral84.
Riches62 rimes64 plaça33 ce8 blanc32 leurre79 létal50
Si28 cancérigène84 à1 croquer97 fade16 maroute93.
De9 verbaux93 handicaps75 j10'ombrai58 ceci20 : dégoutte97
Larme49 d4'encre45 pédestre92, ait30 gueux78 ana16 fatal40.
Mainte62 oeuvre86 entrouvrirons208, transcenda99 ce8 signal62
Comblant80 pied34, ce8 pi25 cher34 ici21 monstrueux170 foute67 !
Chiffrons98 cela21 : d4'entrer80 ce8 papier65 à1 débat32,
Taquin82 barde30 étoilé66 d4'absolu70 titubât93,
Lecteur84 d4'ordre60 exploré95 cachant50 vive58 décade22.
Bref31, dénombra72 jamais53 feinte59 une40 défection81
Cet28 enfer48 épousant111 depuis74 célèbre50 rade28
D4'entrelacés102 hasards70 à1 trouble93 création85.
Ben21 Hemingway105 (dires55 de9 Gilles64 aux46 constructivismes229 d4'OvLiPo89)
Homomorphisme gématrique
[Les valeurs gématriques des mots successifs sont
les
mêmes que dans
El Desdichado — en
évitant autant que possible de réemployer les mots
de Nerval, d'où maintes interjections à
la place de ses articles & pronoms.
Cette contrainte me semble peut-être encore plus dure que
ci-dessus !]
El Delirio
(Agha foldingue)
Fi ! saoul, gai, contraint lad ! Schwa ci décomprimai.
Cède accents d'euphorie à la simple échéance,
Bic très droit, barre spleen du fou, noire occurrence,
Sévère ban latent — brou de cade enrhumai.
Hui là, hurle et meurt arbre, ample âge t'assumai
Hors tel mac conseillant : nib, hé pas ça, méfiance !
La punk règle, esprit jeune, a nom terne malchance.
Nef m'ouvre mer, le chantre à la cour ne clamai.
Prône, ô scoop, vie humaine exaltant sel diaphane,
Lui chiffrer tes blonds faits et fuir de la médiane !
J'ai cherché, fier là, script — donc réac là hennit...
Crac, j'ai feint bugs fortuits, formatant l'accrochage.
Chutons purs à quels arts, eh ! jeux : ça définit
Loi rugueuse — ah ! faf veut du cran, lord de la cage.
Remake de Mishima
Rimes féminines monosyllabiques
[Quatrain d'alexandrins comptant chacun
douze monosyllabes commençant
par une voyelle et terminant par un e caduc.
Les paires de rimes, toutes
féminines, sont en assonance, et le résultat
est évidemment cacophonique.]
Une âpre ode aime ordre aigre, ire âcre, elle ouvre ample antre :
Elle arme ogre, âne, elfe, aigle. Une autre oeuvre offre une ancre :
Elle ôte ombre, enfle ocre, aide ; elle ose être une arche entre
Onde, orbe, astre, Ourse, ange, aile ; yole ivre, elle erre outre encre.
Haïku noir
Olivier Messiaen
n'est pas mort de sa passion :
concert de l'appeau.
[Voir aussi les
haïkus des
oulipotes
répondant à celui-ci,
notamment les
« haïkuleurs »
de Robert Rapilly]
Hétéroconsonantisme
[Aucune consonne n'est employée
plus d'une fois au sein de chaque ligne.
Cette contrainte adoucit volontairement celle du
sonnet de pangrammes
hétéroconsonantiques.
Notez qu'un seul des deux Y du cinquième vers est
une consonne. Le sonnet complet est par ailleurs
un (long) pangramme.]
El Rechazado
(Le Rejeté)
Je campe ténébreux, — veuf aède, — isolé,
Fameux aga, dauphin avec tour abolie :
Chaque voix a péri, si mon oud étoilé
Exhibe cet aveu de ma noire Folie.
Froid hypogée, oyez qui m'avait consolé,
Joignez qui sauve mer ou beau pic d'Italie,
Bijou qui piège itou mon vieux coeur désolé,
Cep de vigne où bouquet au rhizome se lie.
Typé-je Fougue ou Cieux ?... Almodis ou Biron ?
Voilà, je goûte ému chaque bise de reine ;
J'ai bayé, fou de cave où gîte la sirène...
J'ai voyagé deux fois épique à l'Achéron :
Ici jouant égaux au seul biwa d'Orphée
Soupir kitch d'âme juive ou bagou qu'a la fée.
Jacques de Nerval
[Voir aussi ces deux autres hétéroconsonantismes]
Mouvements littéraux « conjoints »
[L'écart alphabétique entre deux lettres
successives (même entre mots,
vers ou strophes) n'est jamais supérieur à 10.
Cette valeur a été choisie
pour rendre cette contrainte d'une dureté/douceur
bien équilibrée.
Voir ce long message
adressé à la
liste oulipo pour une exploration
des autres valeurs de cet écart maximum.]
Le bien-fondé de l'unisson
Possiblement vois-tu pourquoi je ne disjoins
Nul signe en mon poème, ouvroir pour logicienne ?
Ô plume ! orne l'élu nid d'académicienne
Où ton formel effort signe d'infinis soins.
Nous irons plus profond, ébahis pour le moins ;
Souplement nous lirons un miel de musicienne
Lorsqu'une aile envolée afin de finir sienne
Illumine le ciel d'éclosion de benjoins.
Si le demi-sommeil bâillonne mon solfège
Ineffable, geint-on qu'un songe en sous-sol fais-je
Ou qu'opportunément s'imprime ce défi ?
Je démissionne ainsi de l'homogène norme,
J'efface le lutrin, je gomme le lied, fi !
Sinon m'indigne en tout l'officiel uniforme.
Gef_
[Voir aussi cette réécriture d'un sonnet de Queneau selon la même contrainte]
P.S. du 6/9/19 :
sélénet
dont l'écart alphabétique entre lettres
successives n'est jamais
supérieur à 4, histoire d'illustrer une variante
extrêmement dure de cette contrainte :
Ce fieffé d'aède
Déifie impro.
Lied figé décède,
Impromptu sport pro.
Momie impolie,
Bade ce filon !
L'ossu sort spolie
Défi mômillon.
*
Complainte nocturne, avec cette fois un écart alphabétique maximum de 5 :
Fade cache-cache :
immolons potron-
minot (snif, ça fâche
hein) sur mon ronron.
Non-stop l'insomnie
a fini mon sort.
Ô monotonie
face à ce film mort.
P.P.S. du 16/9/19 : deux
sélénets dont l'écart
alphabétique entre lettres successives
est toujours un nombre premier (même entre
mots, vers et strophes) :
Tôt à ce pupitre
Gît ce bibelot.
Ignare, le pitre
Bigle votre lot,
Vole la dorure
Pro d'un calepin.
Subito je jure
Rare ce pépin.
L'active vipère
Relit à l'écart :
Vive ce repère !
Perec axe l'art,
Change le vertige :
L'anar a l'élan !
Pêcher un prodige
Règle le bilan.
Sélénétoums
[Continuant son exploration de la notion
de protéonet,
Robert Rapilly a imaginé
plusieurs méthodes
permettant de combiner deux formes fixes a priori
incompatibles,
le sélénet
et le pantoum, notamment en faisant
holorimer des rimes féminines
et masculines. Voici un court essai de ma plume
reprenant cette belle idée.]
Chez râlante eau noire,
Ce bonbon d'anis
Rêve, ô lune ivoire,
À l'âge du lys.
Se bombe onde à Nice,
Chère à l'entonnoir :
Halage d'Ulysse
Révolu n'y voir.
*
P.S. du 3/9/19, évoquant les « Coeurs » de Roubaud :
« Dure et si sévère
Jeune peau, mon coeur
N'est d'alu ni verre »,
Toque archet rimeur.
Je ne paume onc heure
Du récit, ces vers :
Tôt, qu'art chéri meure !
N'aida l'univers...
*
Un troisième sélénétoum lugubre :
Quelle toux préfère
L'éloquent cercueil ?
Et qui, m'osant faire
Faux cillements d'oeil,
L'aile au cancer cueille ?
Qu'est le tout près fer ?
— Faucille m'endeuille.
Ecchymose, enfer...
*
P.P.S. du 4/9/19, rebondissant sur les allusions mallarméennes de Rémi Schulz & Robert Rapilly :
N'as-tu ri, Stéphane,
Des brouillards d'onyx ?
Se camer à manne
Ainsi t'écrit, ptyx.
Débrouillarde, ô nixe
Naturiste et fan,
Incite et crypte, ixe
Ce caméraman !
*
Ondule, gai rire !
Laisse cours de l'art
À non-sens ou pire !
À l'aide, c'est tard !
Les secours de lares
Ont dû le guérir,
Allez, de ses tares,
Annonçant soupir...
[Voir aussi ce sélénétoum quenien]
Verbeux jeu pacifique du zélé Yoshimune Tokugawa
[chaque ligne est hétéroconsonantique,
c.-à-d. n'emploie aucune consonne plus d'une fois]
Ne répétez de sème
Ne jamais exiger ici que l'habitude
Joue à légitimer exo de bas niveau,
Guère mieux que folio puisé du caniveau,
Ce faux panorama qui vise l'hébétude.
Expurge, voue au feu chaque similitude !
Bégayé-je qu'il faut composer du nouveau ?
D'emblée aiguise, ô fou, ton opaque cerveau
Éhabi jusqu'avec amour ou plénitude.
Fugue, abaque joyeux, du verset machinal,
Édifie utopie au schème original,
Expie aveu figé de la sèche routine !
Mais je pige, vexé qu'un écho redoublé
Déjà fixe à quia ma cause libertine,
Que ce poème a vu son aède troublé.
[Voir aussi ces deux autres hétéroconsonantismes]
Biconsonantismes
[Chaque ligne n'utilise que deux consonnes parmi les six
les plus fréquentes du français : SRTNLC.
Comme il y a 6×5/2 = 15 choix possibles, les
quatorze vers emploient chacun un couple différent,
et le titre (ainsi que sa traduction française
approximative) illustre le quinzième. Ils sont
utilisés
dans l'ordre
LR / TR NL NR CL / SR TL CR SL / SC CN SN / TC ST NT,
choisi pour que les rimes
soient possibles. Cette contrainte interdit l'Y consonne, mais pour
clarifier, il a aussi été évité en
tant que voyelle. Je me suis rendu compte au dernier moment que
le compositeur « César Cui »
était interdit au neuvième vers, donc il a perdu
son prénom.]
El raro llorará al irreal erario
(L'or irréel leurra le rare élu rouillé)
Être roi retraité, — raturé, — torturé,
Lion à l'annulé lieu lilial en Éolie :
Ô noire aurore en ruine, un anneau rainuré
Accueille au ciel l'écu, l'oeil coi, l'Acalculie.
Sous ossuaire, au soir, sa rose a rassuré,
À ta tête alloué l'atoll et l'Italie,
Ce cacao rieur, cure à coeur acéré,
Ou sa saulaie où l'ale au soûl lilas s'allie.
Sois Secousse ou Succès ?... Ce cossu Suisse ou Cui ?
Ici ce cou coincé nuance une ancienne oie
En éosine ; sens où son sein nu se noie...
À cette eau, Cocteau toue et côtoie étoc, oui :
Tôt tu tisses ta suite à satiété, Satie,
Ta note et ton antienne à nonne anéantie.
(Louis Scutenaire)
[Voir aussi cette réécriture d'un sonnet de Queneau selon la même contrainte]
Boule de neige dont chaque mot est un hétérogramme,
c'est-à-dire n'utilise aucune lettre plus d'une fois
À
ce
mot
trop
court,
faites
ajouter
certains
fragments
corpulents
compliquant
francophiles
phénocristaux
xylographiques,
Gumpoldskirchen !
Stylographique
dysharmonique
musicographe,
chromatisez
absolument
triangles
ouvragés
suivant
chaque
motif.
Mais
qui
en
a ?
Hétéroconsonantisme quenien
[L'association Zazie Mode d'Emploi a proposé à
la liste oulipo de récrire
l'un des
Cent mille milliards de poèmes
de Raymond Queneau
en respectant les contraintes
que l'on veut. J'ai choisi celle de
l'hétéroconsonantisme, déjà
expérimentée dans
deux sonnets
récents : ci-dessous, aucune consonne
n'est utilisée plus d'une fois
au sein de chaque ligne.]
Un seul poème à joug forcé
Au quai penché, tordu, j'exige ma valise
Que zieute la mafia — voyous ou brigandeaux.
Je ploie ici boueux : à ma grave hantise,
Épique émoi, je gaule un broc de vieux fayots.
Qui te juge, bafoue, ô vile marchandise ?
Qui floue au méga-jeu de bêtes provinciaux ?
Équipez l'agonie à vache bâtardise,
Pou vif qui mâche nez, guiboles et rideaux.
Au moqué bourg hideux, on lève sa capote ;
Oyez que lâche argüe, à sa mine dévote :
Qui voit gadoue aimée excuse le purin.
Pauvre idiot, à la fin je m'égaie aux bicoques ;
Dégoûté, je me fiche en oripeaux ou loques ;
Écu, quibus ou pèze a duré le matin.
Rémy Queneau
P.S. du 6/10/19 : dix décilliards de poèmes (1064) en alexandrins correctement césurés, obtenus en remplaçant chaque mot significatif du sonnet de Queneau par l'un des dix suivants dans un dictionnaire, ayant les mêmes fonctions syntaxiques et prosodiques (« M+n fonctionnel », à la manière de R.Q. sur notre cher Desdichado.). Quelques mots-rimes ont même cent remplaçants possibles. Aucun de ces mots n'est répété, et les rimes, compatibles avec celles de Queneau, sont pourtant toutes différentes de celles qu'il emploie dans ses 1014 poèmes. Voici un exemple statique pour illustrer, mais visitez cette page dynamique pour avoir de quoi lire en permanence pendant un octillion de fois l'âge de l'Univers.
Il se pinte il pourrait avancer son strip-tease
que couronnait c'est tout une houle d'oiseaux
il se plante et gaîment à sa grave traîtrise
il ne veille aussi sourd qu'un scat de bleus pianos
On vous fait diffuser une pop mignardise
qui se voue à former de penauds boléros
de la nuit on vous guide une ivre vocalise
la montre a jalonné tocsins pains et bistrots
Grâce à la boule vide on révise son vote
le laïus peut bâcler de sa mouille fiérote
lorsqu'il craint la gageure il chiffre le bouquin
On rejoint à la gym les alertes loufoques
on misait sans fadeur ses plus insanes toques
l'effort de vanne ou d'art n'ébruite qu'un entrain
P.P.S. du 9/10/19 : holorimes capillotractés
À mi-corps on prétend attraper sa valise.
Toutefois la décence éthique défaille aux
amis : corrompre ! Étant âtre à paix, s'avalise
toute foi, là descend : c'est-y que des fayots ?
Au-delà, morbide, on manageait tsé-tsé grise
aux pas que pros font, d'où feinter ronds péquenauds.
Os de la mort, bidon manne à jet-set s'aigrise,
opaque — profond ouf interrompait Queneau.
Hais trou céans de poix (crâne exemple où culotte
est troussée en deux), pouacre annexe, en plouc hulotte,
ras la boue au niveau camouflant chaume à thym.
Élis, bai renifleur nickel, que sont breloques
et libère ni fleurs ni quelques sombres loques !
Râle à bout, honni veau, came ou flanche au matin.
P.3S. du 13/10/19 : vers tautogrammatiques conservant les rimes de l'original
Vous vous voûtez voulant veiller votre valise
évidemment enviée entre essaimés escrocs
sans savoir si soudain singulière surprise
figureront franco force flétris fayots
Maintenant modifié macabre marchandise
persistant pour piller plus pauvres provinciaux
bière bouturera boueuse bâtardise
rats rongeront ric-rac rubans râbles rideaux
Ces crasseuses cités cochonnent cette cotte
poltron peut protester par posture pâlotte
puis poubelle paraît pour prospecter purin
Bref bénissons bientôt bucoliques bicoques
louons là librement les lamentables loques
mourra mon médaillon mordoré mi-matin
P.4S. du 14/10/19 : sélénétoum
Ce malaise à loques
Anéantit dot.
Salubres bicoques
Sont donc au boycott.
Année antidote
Sema les allocs.
Sondons, cow-boys, cotte.
Salut, brebis, coqs !
P.5S. du 24/10/19 : miniatures
Sors-tu, si vingt bandits chapardent ta valise :
« J'aime mieux les wigwams que l'on ne poudrerize » ?
*
Multipalindrome-express
Sans choir dans les pommes
Ni dans le panneau,
En huit palindromes
Résumons Queneau.
Moralité :
S'il repart t'attraper, lis :
l'aède marcha et n'agita fiole
s'il a (vas-y !)
sa valise.
Loi fatigante, ah cramé deal,
la mite balaya l'abêti mal
et ici le
licite.
Et nie fétidité feinte.
Eh ! ce métro mal édenté
et né de la mort, éméché,
évita gêne maladive :
ni l'écu
(Céline vida l'âme négative)
ni ta mêlée le matin.
*
Au sec, perd valise
Rus de pâle vase-ci
L'écu de vair passe
*
Micro-traduction pangrammatique
Il se penche il voudrait attraper sa valise
que convoitait c'est sûr une horde d'escrocs
il se penche et alors à sa grande surprise
il ne trouve aussi sec qu'un sac de vieux fayots
On vous fait devenir une orde marchandise
qui se plaît à flouer de pauvres provinciaux
de la mort on vous greffe une orde bâtardise
la mite a grignoté tissus os et rideaux
Devant la boue urbaine on retrousse sa cotte
le moujik peut arguer de sa mine pâlotte
lorsqu'il voit le showbiz il cherche le purin
On regrette à la fin les agrestes bicoques
on mettait sans façon ses plus infectes loques
l'écu de vair ou d'or ne dure qu'un matin
Gef_ (20 janvier 2020)
d'après Raymond Queneau (1961)
et Alain Chevrier (2006) pour le concept
Si on l'interprète
comme un grand entier écrit en
base 36, après en avoir
supprimé accents,
espaces et ponctuation, il s'agit d'un nombre premier,
supérieur à un septenquadraginta-
centillion, qui compte 883 chiffres (1370...489) dans sa
représentation en base 10.
*
On a pris
sa valise
ô sottise
malappris
Ce mépris
martyrise
bâtardise
qui péris
On évoque
une loque
de vilain
Pâle pote
peu malin
ça capote
*
Il se penche et rideau. Gef_
P.6S. du 26/10/19,
normalisation statistique :
le sonnet compte ici exactement 500 lettres,
et leurs proportions sont aussi proches que possible des moyennes
du français telles que
les calcule ce
site de statistiques. Cela signifie qu'il
y a exactement 42 A, 5 B, 15 C, 21 D,
86 E, 6 F, 6 G, 5 H, 37 I, 2 J,
0 K, 30 L, 15 M, 36 N, 26 O, 15 P,
5 Q, 33 R, 40 S, 35 T,
29 U, 7 V, 0 W, 2 X, 1 Y et 1 Z.
Par construction, il s'agit donc aussi d'une
anagramme
des précédentes normalisations des
Conquérants de
Heredia et du Desdichado
de Nerval.
Il s'incline il voudrait attraper sa valise
qu'immensément désire une horde d'escrocs
l'oeil ample il s'incline apte et décèle en surprise
au moment du lever neuf sacs d'anciens fayots
On le fait devenir une orde marchandise
se plaisant à duper de petits provinciaux
de la mort on lui greffe une orde bâtardise
la mite a grignoté jupe os même rideaux
Devant la boue urbaine on retrousse sa cotte
le lâche peut arguer de sa mine pâlotte
quand il voit la peureuse il cherche le purin
Regrettons à la fin les agrestes bicoques
on mettait aisément ses plus abjectes loques
son pèze et ses dollars ne durent qu'un matin
P.7S. du 27/10/19,
bibelotabolition :
chaque vers reproduit dans l'ordre les treize
voyelles de celui de Mallarmé « Aboli bibelot
d'inanité sonore », contrainte
illustrée par
Robert Rapilly,
Rémi Schulz et
moi-même
en septembre 2018.
A-t-on ri s'il se tord, si valise on omet ?
La sollicite-t-on, vil larcin d'escrocs, horde ?
Alors il grince donc « Brigands ! » — il se contorde :
Sac fort distinct échoit, l'aliment compromet.
Sanglots l'inciteront : il fait l'étron complet,
L'anodin vigneron vit sans digne concorde.
La mort ici le rompt, ringardise trop orde —
Ma foi, mites ont frit draps tissés, os, volet.
Dans vos civils dépôts, il salit rétro cotte ;
L'aplomb fictif encor dit sa mine sosotte ;
L'ad hoc lisïer tôt prit l'air décomposé.
À l'optimisme snob vint la fin des toc loges.
Franco ni chic, vêt-on si laid veston osé ?
Blasons n'insisteront vis-à-vis des horloges.
P.8S. du 28/10/19 : trois bébêtises
Il se tourne il voudrait attraper sa valise
en clair vient la voler un grand paquet d'oiseaux
il se tourne et bientôt l'important — on le dise
il trouve maintenant un sac de vieux gâteaux
On vous fait remplacer une poussière grise
elle joue à tromper l'homme aux maigres morceaux
vous mourez on vous colle une sale chemise
la mouche mangera tissus corps et manteaux
Devant la ville noire on monte sa culotte
le monsieur dans la peur se défend et tricote
voyant la terre humide il cherche un petit coin
On finit de pleurer les jardins des écoles
on se servait heureux de sombres casseroles
le couvercle d'argent ne dure un seul matin
[Vocabulaire restreint aux
750 mots connus des enfants de 3 ans
(fichier PDF de 32 Ko).
Comme cette liste ne mentionne pas les auxiliaires
« être » et
« avoir », je les ai
évités.]
*
Il se penche il voudrait attraper sa valise
que convoitait c'est clair une horde d'escrocs
il se penche alors donc à sa vaste surprise
il ne trouve aussi sec qu'un sac de vieux fayots
L'on vous fait devenir une orde marchandise
qui se plaît à flouer de pauvres provinciaux
de la mort ça vous greffe une orde bâtardise
la mite a dévoré cotons os et rideaux
Devant la boue urbaine on retrousse sa cotte
le lâche veut arguer de sa mine pâlotte
lorsqu'il voit la gadoue il cherche le purin
On regrette du moins les sauvages bicoques
on revêt sans façon ses plus sordides loques
l'écu de vair ou d'or ne survit qu'un matin
[Vers
anancogrammes en ESARTINULOCDV : ces treize lettres
(soit la moitié de
l'alphabet) apparaissent au moins une fois dans chaque vers.
Les douze premières
sont les plus courantes du français, et le V y a
été ajouté parce qu'il ne demandait
pas beaucoup plus de travail.]
*
Il s'ixline il voudrait dix-septir ses troivises
qu'inonzcutablement dartroient gotroilureaux
huit alors tout trois sneuf que tu te sixronises
sept huit homme cent un fayots en troimi-gros
Tu troiviens mertrois sixge et tu ne septcinquises
aimant onzcréditer les provingt et unciaux
au troil cauchemartrois te famil uniarises
la mite onzolvant os sang un et bdeuxgalows
Qu'en l'immononze urbaine on raccoursepte cotte
fatrois cent un zartroir onzcute et cent unglote
Trois la boue onztinguons le bran diodix-septain
Regrettons sixplement hitroises pentroiloques
jahonze on onzposait d'habits que tu honzloques
le quatorzor trois brdouze est cent un lentroimain
[Inflation à la manière de Victor Borge.]
P.9S. du 30/10/19,
vers biconsonantiques :
chaque alexandrin n'utilise que deux consonnes
parmi les six les plus fréquentes du français,
SRTNLC, et ce couple de consonnes est
différent à chaque ligne. L'ordre
choisi est ici
LN / SN RS TN CS / RN TR CN CR /
CT ST RL / SL TL CL.
C'est aussi un cas particulier de
beau présent en ESARTINULOC.
La loi nouée au lai n'ennuie un ailé lion
Assis on n'a saisi son anse à nasse sienne
sûr se resserre ruse au si rosse réseau
on tâte et naît tantôt ton étonnante antienne
aussi sec si ce sac case ici ce cuisseau
On noie en une noire urine néronienne
ta retraite à roture arriéré tourtereau
on cane en inconnu noce cocue ancienne
ce croc a raccourci cuir écru coeur carreau
Ce coteau tète eau tôt écoute ôte ta cotte
toute issue est oiseuse ose sa tête sotte
le leurra la ruelle au rural il roula
Sa liesse s'use au seuil il se soûle au lieu sale
l'étiolée ouate élue il étale la toile
ciel illico l'écu l'aloi lilial coula
P.10S. du 31/10/19 : lipogramme en SRTNLC, utilisant toutes les lettres autorisées
Je me bouge je veux je m'appuie au bagage
qu'au dam épie avide équipe de maffieux
je me bouge ébahi quoique empaumé dommage
zig a modifié quoi pouah fève ou gombo vieux
Qui m'exhibe zombi momifié d'ébouage
feu papy dégommé d'âge impudique odieux
qui moque ou pique au gueux diffamé bafouage
pou biophage a bouffé peaux boyaux doux adieux
D'aiguade au quai boueux où j'imbibe ma jupe
a gémi hâve veuf à voix fade de dupe
j'ai vu gadoue humide abîme où j'ai vomi
J'évoque ma modique ou démodée épave
j'aime wigwam hideux vague képi de zouave
déjà j'oxyde émaux ou ma paie à demi
P.11S. du 1/11/19 :
Courte suite au dialogue intitulé
« atelier d'écriture »
de Nicolas Graner, se terminant
par un quatrain cacastrophique bien
que respectant les quelques règles
prosodiques soulignées auparavant.
Je laisse aux lecteurs le plaisir de repérer
les autres règles non respectées
— lourdement réitérées, à
vrai dire ! Si vous n'en voyez pas, cette version
maladroite du
Desdichado pourrait vous aider.
P.12S. du 2/11/19,
monoconsonantisme
digrammatique : les seuls digrammes
consonne-voyelle autorisés sont LA, LE, LI, LO, LU,
même entre mots, vers et strophes.
Elle a le lot lourd, l'angle à l'oeil, elle est pliée.
Affluaient les loulous, leurs fléaux, là leurs clans.
Pliée, alors l'ouaille a la plaie ampliée,
Elle ulule et bleuit lez l'île emplie aux glands.
L'on plaint l'ord lard gluant, loin l'aïeule enliée.
On floue ailleurs les ploucs, les Lillois, les loirs lents.
L'ord lieu les cloue, ô lie ! ô l'onglée oubliée !
L'éon clôt les lits, l'os, les blairs las, les plaids blancs.
La pluie ourle l'allée en la lieue iléale,
Ouille et plouf ! le long pleur l'enfle en l'aile liliale.
Où lui plaît le flot flou, l'éblouit le blond flux.
L'ours l'a, le spleen, le blues ; l'outlaw loua l'ex-claie ;
Alléluia ! le laid l'allie à l'ample laie.
Excluant l'aloi clair, le laps fluet luit plus.
P.13S. du 7/11/19 :
les premiers hémistiches sont des anagrammes
des seconds,
à savoir ceux de Queneau sans modifications.
Il s'agit donc d'une systématisation
du 7e vers du
sonnet sapiocanin de
Robert Rapilly,
également inspirée par la
créativité des
hyperlewiscarrollismes
de Rémi Schulz.
Patatras ! il s'avère attraper sa valise.
Déroche ruses donc une horde d'escrocs
À rares gains perdus — à sa grande surprise,
Sauf deux caques n'y voit qu'un sac de vieux fayots.
On demande à chier sur une orde marchandise,
Vin pour cadavres pieux de pauvres provinciaux.
Absurde, on te radie une orde bâtardise ;
Tu t'ixerais sous des tissus, os et rideaux.
Ta crotte ose un essor, on retrousse sa cotte.
L'attisée âme pond de sa mine pâlotte :
Le ru niche, pli cher, il cherche le purin.
Esquisse, escargot bel, les agrestes bicoques.
Équipons seuls tes clefs, ses plus infectes loques,
Un ardent menu qui ne dure qu'un matin.
P.14S. du 8/11/19,
homomorphisme littéral
(ou isovocaloconsonantisme) : l'ordre
des voyelles et des consonnes est le même que
dans le sonnet de Queneau, et ses
apostrophes, espaces & passages à la ligne sont
conservés. L'Y des « fayots »
du 4e vers a bien sûr été
considéré comme une consonne.
Les mots de l'original
ont été évités partout où
c'était techniquement possible — donc pas
pour les
« qu' » élidés.
Exégèse laissée en exercice au lecteur
suffisant ;-).
Un dé semble un fiévreux alphabet de malice
peu discoureur d'art vif ici parti d'accrocs
or la lettre en amont a vu charme complice
en ce fleuve ainsi pur qu'on vêt de beaux tarots
Un tout neuf calepin ôte arme castratrice
loi du trait à brouir ni diables primordiaux
ni le sens et puis stance ose onde novatrice
de rêve à graffiti gommés en us liliaux
Dûment se joue ensuite en vengeance de gothe
ce genre bien ancien la si rare gavotte
lorsqu'un jour se côtoie un spectre de lutin
Un mensonge y va car nos artistes sinoques
en mission sont gênés par trop absurdes toques
j'axe le soin où l'as ne juge qu'en butin
P.15S. du 9/11/19 :
le produit des valeurs gématriques des mots
donne exactement cent milliards pour chacun des deux vers
40 × 50 × 4 × 100 × 1 × 20 × 50 × 125 = 100 000 000 000
128 × 25 × 50 × 50 × 4 × 25 × 125 = 100 000 000 000
Une horde d'envieux, à sa folle surprise,
Convoitait du vrai vair : ça cèle, thésaurise...
P.16S. du 10/11/19,
mots
hétérointervalliques :
au sein de chaque mot,
les écarts alphabétiques entre paires
de lettres (même non consécutives)
sont tous différents. Notez que comme
Stravinsky dans sa « Danse de la
terre », Queneau avait anticipé cette
contrainte dans son dernier vers !
Vers sa boîte il s'arc-boute une tribu l'a prise
c'est sûr un guet-apens mûri de ces fléaux
il s'arc-boute et puis vient déjà la vaste crise
il ne voit là si sec qu'un sac de vieux calots
On vous rend gris puant orde chose qu'on brise
qui se rit de duper des galeux au fort taux
l'âge chute sur vous l'orde tombe vous vise
le long ver a rongé drap chair trame os et peaux
Devant la boue au camp d'un ciré l'on se dote
l'âme vile mugit argüe un hâve pote
dès qu'il voit ces bas-fonds il songe au bran taurin
À notre rude abri qu'on adule on y toque
n'ayons pas de façon mets ta plus nase loque
l'écu de vair ou d'or ne dure qu'un matin
P.17S. du 11/11/19,
hétérotrigramme
global :
aucun triplet de lettres successives
n'est utilisé plus d'une fois, même entre mots,
vers et strophes. Les rimes aux
graphies différentes sont des conséquences
de cette contrainte. La pézize est un
champignon, et l'adjectif vert-de-gris qui la
précède est invariable. L'ensemble
du sonnet constitue aussi un pangramme.
Il se penche il voudrait attraper sa valise
la convoite c'est sûr une horde d'escrocs
il fléchit la stupeur bientôt le paralyse
car il ne trouve ici qu'un sac de vieux fayots
On nous métamorphose en vert-de-gris pézize
qui s'amuse à flouer nos pauvres provinciaux
là Thanatos inflige un révoltant strip-tease
mes bombyx ont mangé tissus os ou landaus
Face au limon du bourg je lève ma capote
l'intimidable argua la mine fort pâlotte
si tu bigles la bauge erre donc au purin
Aménagez enfin le tout dans vos bicoques
vêts de noircis haillons qu'avec crasse tu stockes
un patchwork d'or et vair dure moins d'un matin
P.18S. du 17/11/19,
mouvements littéraux
« conjoints » : l'écart
alphabétique entre
deux lettres successives (même entre mots, vers et
strophes) ne dépasse jamais 10.
Fléchi sur le bagage il songe échoir propice
à finir pigeonné d'inopportuns suppôts
sur l'engin fléchi lors il sort l'énorme indice
il décèle bien sûr un gabion de fagots
On vous tourne en horrible abîme à bénéfice
l'usine afflige ainsi d'indigents mendigots
le fiel de mort vous rogne en indigne immondice
le ciron gomme chair os toile bibelots
Sur l'égout officiel troussons le lien pour toge
le blême dégonflé geint même de l'horloge
inondé de limon il voulut son purin
On défend in fine l'origine mignonne
enfilons un pourri haillon qu'on ne chiffonne
l'insigne en or trop tôt s'infirme en mi-chemin
P.19S. du 23/11/19 :
réécriture selon le schéma du poème
Ma Mignonne de Clément
Marot, avec reprise du 1er vers au 28e, citation du
prénom du signataire, et déphasage
des groupes sémantiques par rapport aux rimes
plates. Surcontraintes personnelles :
respect des consonnes d'appui, des genres &
nombres des rimes, schéma de rimes
palindrome ne respectant justement pas ces règles,
prénom exactement au 12e vers
comme chez Marot, changement de sens du
premier mot-rime au 28e vers.
A une Voiagiere emblee
C'est la fin
D'aigrefin,
Sa valise.
On enlise
Dans les maux
Ces primaux
Misérables.
D'exécrables
Os âgés
Sont rongés
Par strongyles.
Pâle Gilles
Peut grogner,
S'indigner
En dernier,
Le charnier
De la ville,
De poix vile
Engorgé,
Est jugé
Remédiable :
Si t'endiable
Le charme au
Seul hameau
Que tu vises,
Des devises
D'or si fin,
C'est la fin.
[Voir aussi la
mamignonnisation du même sonnet
de Queneau par Noël Bernard,
et mes précédentes
explorations
de cette combinaison de contraintes.]
P.20S. du 1/12/19 : deux autres miniatures
Morsekus :
la transcription du titre en morse fixe la
longueur des mots successifs,
points et traits donnant
respectivement des monosyllabes et des dissyllabes.
Cotte (-.-. --- - - .)
Perdre sa valise
dans l'infecte ordure urbaine
qu'offre notre mort
*
Néant (-. ..-.. .- -. -)
L'escroc t'a tout pris.
Pourquoi donc veux-tu râler ?
L'argent ne perdure.
*
Il vient à la ville,
Se sent maculé,
Penche vers l'eau vile :
Il est acculé.
Voudrait-on ne croire
Attraper la mort ?
Sa nuit prend ta noire
Valise et paume or.
*
Ce deuxième sélénet,
détournant le sens de plusieurs
mots du 10e vers de Queneau,
date du 15/12/19 :
Le bien climatique
Lâche prise, attends :
Peut-être en Arctique
Argüer du temps ?
De son chef, à l'aise,
Sa mer sans manchots
Mine la falaise
Pâlotte de chaux.
[Voir aussi
l'ensemble des
sélénets
acrostiches
de
mots
de
la
liste
oulipo
d'après les sept vers octonymes
de ce sonnet de Queneau.]
*
Et ce troisième sélénet,
du 23/12/19, cite en acrostiche le
seul vers du sonnet de Queneau
comptant moins de huit
mots — après
ceux à plus de huit mots
de Nicolas Graner :
On perd son cartable
Vous pétez un plomb
Fait incontestable
De vils bandits l'ont
Venir de province
Une fois pour que
Orde mort t'évince
Marchandise à gueux
P.21S. du 17/12/19 : poème
polymétrique respectant l'alternance des rimes,
pouvant aussi être lu comme un sonnet régulier
d'alexandrins. Comme dans
cette réécriture
du Desdichado de Nerval, les alexandrins sont
décomposés
en 6+3+3 syllabes, et 4+4+4 pour les vers terminant
les strophes.
En s'inclinant il vise
À caler
Sa valise
Que veut bien sûr voler
Cette horde
Aux escrocs
Lorsqu'il penche elle accorde
Au héros
Sa surprise
Il trouve lots
De chair rassise
Et vieux fayots
On vous catégorise
En crado
Marchandise
Qui toujours crescendo
Porte atteinte
Aux ruraux
Dans la mort on vous teinte
En suppôts
D'aigre mouise
Les asticots
Mordront chemise
Os et rideaux
Devant la boue idiote
On troussait
Sa culotte
Lâchement la chochotte
Angoissait
Fort pâlotte
Voir un terrain
Crasseux dénote
Auge et purin
Bucolique on évoque
In fine
Sa bicoque
Puisque nul ne s'en moque
A trôné
L'orde loque
L'écu d'étain
Ou d'or suffoque
Un beau matin
Robert Rapilly a (ré)inventé et
illustré la contrainte des mots
commençant et terminant par la
même lettre (en fait déjà
imaginée en 1990–91 par
Éric Angelini
& Daniel Lehman dans leur
ouvrage intitulé
Cadédiou !).
Cela m'a donné envie de la tester sur notre
habituel Desdichado.
Après un
premier quatrain
de ma plume, Rémi Schulz a composé le
second quatrain,
Nicolas Graner
le premier tercet
(simultanément avec moi
— nous avons essentiellement
conservé sa solution), et finalement
Rémi &
moi deux versions du dernier tercet (que nous
avons combinées). L'ensemble a ensuite été
peaufiné en commun.
Olvidado
(L'Effacé)
Soyons l'enténébré, — l'éploré, — l'esseulé,
L'agha d'Aquitania, nation ensevelie :
Sens l'étoile s'éteindre, — emblème étincelé,
Sors revêtir l'ébène à l'Éclipse établie.
Sans létal repoussoir, elle a tout étalé,
L'extrême littoral, ses sables d'Éolie,
L'albizia tardant tant à l'éphèbe exilé ;
Scrutons, l'abélia d'Ève à l'acacia s'enlie.
Sois Rambour, Sibelius... Sois Nucingen, Néron...
Ses sourcils tout sanglants trouvent l'esche érogène ;
Elle tient à rêver, l'étrange énergumène.
J'irai retraverser l'Érèbe sans natron :
Transposant trait à trait l'oratorio d'Euphée
D'exubérance d'elfe à rumeur étouffée.
Greg Dubillard
[Nicolas Graner,
Rémi Schulz
& Gef]
À titre historique, voici les
tercets que j'avais initialement construits. Il est
amusant de constater que Nicolas a choisi
des homophones au 9e vers, alors
que j'avais plutôt cherché des
synonymes approximatifs. Reprendre les rimes
de l'original ne faisait pas non plus partie de
mon cahier des charges initial.
Être Estime, Enthousiasme ?... Éblé, Napoléon ?
Rougeur d'effronterie encore à l'embrassade,
J'eusse évoqué rêver : l'écrevisse s'évade...
J'excelle triplement entre navigation,
Saints soupirs d'Éternelle, oratorio d'Ésope,
Soûles stridulations d'elfe sans enveloppe.
P.S. du 1/10/19, tentant une
auto-définition de cette contrainte sous forme de
sélénet :
L'entrave explorée,
« Aléa furtif
»,
Transférant l'entrée
D'énoncé factif,
Exige d'élire
L'exacte entité,
D'encore l'écrire
À l'extrémité.
Carré blanc sur fond blanc
[sonnet conceptuel,
imitant le poème sans noms ni adjectifs ni verbes
du frésident-pondateur
François Le Lionnais, mais en alexandrins
rimés
sans hiatus ni répétitions, et en interdisant
également les adverbes]
Tu
à Le
Afin de cependant ceci car avec elle
Chacun depuis avant quoique plusieurs chez moi
Revoilà quelques uns lorsque selon pourquoi
Par devers nonobstant parce que nulle celle
Quiconque hormis lui-même à l'instar de laquelle
Comme au-dessus desdits puisque néanmoins soi
Jusque malgré sinon tandis que grâce à toi
Toute mienne outre ça quand l'une vous y telle
Durant certains versus à l'encontre du mien
Celui-là pour autrui leur mais non parmi tien
Or près d'aucun comment se donc excepté nôtre
Sauf qu'on nous si pendant ni contre devant sien
Qui fors après ou sans ceux dont jouxte dans vôtre
Hors le je voici quoi dès via sous et puis rien
Articulons
[Exercice de prononciation, suggéré
par la satiété [sasjete] et
l'antienne [ãtjεn] des deux
derniers vers de ce sonnet
récent — qui m'ont aussi rappelé cette
rime antiennes/anciennes.
Contrairement
aux
rimes
à
l'oeil
d'Alphonse
Allais & Harry Mathews, il y a ci-dessous
quelques rimes acceptables. Mon but a surtout été
de pousser le liseron à la phaute de
prononciation. On aurait aussi pu utiliser entre
autres des blinis à l'anis, une minutie
déglutie, un carrousel universel, un cation
sujet à caution, ou la classique opposition
entre football & handball.]
En visitant les Grands Lacs
J'ai vu cette belle aoûtienne
C'est toujours la même antienne
Je suis tombé dans son lacs
Est-elle ointe aux fric et fracs
Ou fantasque et peu kantienne
Excentrique héraclitienne
Quand signerons-nous un pacs
Je préfère Richard Gere
Me rétorque la bergère
Quel avenir offre un geek
Ce serait une gageure
De t'aimer pauvre moujik
Et je ne suis pas majeure
Hétéropandinotes
[simple application conceptuelle de la contrainte
hétérodigrammatique
à la musique, pour inciter les membres de
l'Oumupo
à s'y pencher]
• Légère modification
d'Au clair de la lune, illustrant une
& une seule fois les 3×3 = 9 paires
de notes (orientées) possibles quand
l'« alphabet » est réduit
aux trois notes {do, ré, mi} :
• Gamme construite par récurrence, illustrant
les 12×12 = 144 paires de notes chromatiques
possibles :
partition (fichier PDF de 60 Ko)
et enregistrement
(fichier MP3 de 300 Ko)
• Certains mélanges simples respectent la contrainte,
par exemple cette étude pour flûte solo :
partition
(fichier PDF de 60 Ko)
et enregistrement
(fichier MP3 de 200 Ko)
• Il est possible d'imiter la musique baroque
ou classique au moins pendant
quelques mesures, comme dans le début
de cette « dé-cadence » :
partition
(fichier PDF de 60 Ko)
et enregistrement
(fichier MP3 de 250 Ko)
• Une variante plus tonale de l'« étude
pour flûte solo » ci-dessus (simple
mélange de la gamme chromatique initiale) est d'ailleurs
envisageable :
partition
(fichier PDF de 60 Ko)
et enregistrement
(fichier MP3 de 320 Ko)
La composition d'un hétéropandinote totalement
cohérent devrait être possible, notamment
en faisant osciller un même instrument entre deux lignes
mélodiques enchevêtrées.
[Voir aussi mes autres expériences oumupiennes]
Voir ci-dessus mes assez nombreuses réécritures à contraintes d'un sonnet de Queneau.
La présentation de
ce recueil de contes m'apprend
le nom d'un poète fictif : Yan d'Isqcxszkof.
Bien qu'il ait forcément été inventé
pour y accumuler des consonnes, l'auteur n'avait probablement
pas le pangramme en tête, sinon il aurait
évité l'un des deux S.
Ma pangrammite n'y résiste
pas.
Le directeur du Pavot demande sa profession
à un vigoureux
libéral anglais, vendeur de succédané de
caviar :
Yan d'Isqcxszkof : « Whig vert, job ? — Lump ! »
[29 lettres]
Ayant la prémonition du réchauffement climatique
à venir,
le directeur du Pavot fait un cauchemar
anthropophage :
Yan d'Isqcxszkof : « J'ai vu Thumberg pilaw ! »
[32 lettres]
*
P.S. du 21/11/19 : une autre page du même
livre mentionne le titre
« Hvrbztwhstka »
d'un auteur mystique et néo-symboliste.
Malgré ses deux H et deux T, suggérant que
le pangramme n'était toujours pas visé, cette
oeuvre avait rapporté un joli pactole :
Le joyeux coup du magnifique Hvrbztwhstka.
[36 lettres]
Comme souvent, une liste agrammaticale de
mots permet de bien diminuer le nombre
total de lettres. Il paraît en effet que l'auteur
avait imaginé cette oeuvre pendant qu'il
faisait du sport sur un plateau rocheux pour soulager
ses démangeaisons :
Cinq poux, fjeld, gym : Hvrbztwhstka !
[28 lettres]
*
P.P.S. du 24/11/19, un
hétéropangamme-express pour
achever ma pangrammite :
Le roi du bridge aux yeux perçants
Hésite à léguer sa fortune
À quelques pauvres commerçants
Ou pour une cause opportune.
Mais pour manger ses oeufs de lump,
Il veut du pain pita, ma chère,
Et lance donc une autre enchère.
Moralité :
Waqf
vs
khobz
grec ? Lynx dit
« jump ! »
[26 lettres]
Exégèse de l'oracle de « Tlooth » par ma grand-mère professeur de français :
La voix du gouffre amer veilla
À révéler qu'elle assez m'aime.
En analysant ce sémème,
Même mémé m'émerveilla.
[Inverse de la contrainte des
hétérotrigrammes :
le trigramme « eme » apparaît 8 fois dans
ce quatrain (et « mem » 7 fois, en plus
de 7 autres trigrammes en double). Voici deux exemples
inconscients dans la littérature :
« m'admirer moi-même, me mettre nue »
(dans « Novembre »
de Flaubert) ; et « Le style est l'homme
même, me répétoit-il souvent »
(dans le « Voyage à
Montbard » de Hérault de Séchelles).
Amusant de trouver de tels hyperbégaiements chez un
grand styliste (certes dans une oeuvre de jeunesse
reniée) et dans une phrase parlant de style.]
Desdichado globalement
hétérotrigrammatique
[aucun triplet de lettres successives n'est
utilisé plus d'une fois, même entre mots,
vers et strophes]
El Dividido
(L'Affabulation)
Je suis un veuf obscur, un martyr recalé,
Le prince d'Armagnac — ma tour y fut détruite :
A péri mon étoile, et ce luth constellé
Revêt un disque noir de peu sexy mélitte.
En l'ombre du caveau, djinn qui m'as épaulé,
Obtiens-moi ces abords et l'insigne mer scythe,
Ma fleur qu'adore fort l'homme si désolé,
Ce ciel où d'une rose un pampre est l'acolyte.
Semblé-je Ivresse, Archer ?... Karlowicz ou Hendrix ?
Ton front bout encor rouge à bécoter la reine ;
J'ai comparu dans l'antre où nage la sirène...
Or cinq fois victorieux je franchis l'impur Styx,
Et j'exalte vraiment sur ta lyre, as Orphée,
Bas soupirs d'ultra sainte, immoraux cris de fée.
Gérard de Narval
[Voir aussi mon premier
sonnet
hétérotrigrammatique et cette
réécriture d'un poème
de Queneau selon la même contrainte]
Mouvements
conjoints sur un clavier
[Sonnet dactylographié avec un seul
doigt sur un clavier français
Macintosh, en autorisant les sauts
jusqu'aux touches voisines de
voisines de voisines. Cette contrainte est
très dure, car elle offre
moins d'1 % du vocabulaire français.
Tous les caractères respectent
la contrainte, y compris les accents,
les espaces et la ponctuation.
Il est possible de passer par la barre
d'espace pour aller plus vite
d'un côté à l'autre du clavier,
et relier par exemple N à D en trois
sauts. Aucun retour chariot n'est utilisé :
il s'agit en fait d'espaces
répétées jusqu'à ce
qu'on passe à la ligne suivante.]
nul titre
[Voir aussi mon ancien sonnet dactylographié sur la première rangée du clavier]
Aléa
furtif
généralisé
[distique d'alexandrins monosyllabiques, codant 26
décimales de π si l'on
calcule les différences
alphabétiques (en valeurs absolues) entre les
première & dernière lettres des mots
successifs]
Il3 fait14 des15 quiz9 par2 mots6 : je5 vois3 son5 preux8 roi9 pi7
En9 or3 chez23 tel8 Grec4 fol6 pour2 maths6 — peut4-il3 ouïr3 qui8 ?
*
Le 9/12/19, Noël Bernard a ajouté 28 décimales avec ce second distique :
Il3 code2 un7 ciel9 long5 : à0 ce2 pieux8 jour8, trop4 bleu19, lieuse7
Doit16 raï9 franc3, roi9 né9 quiet3 met7 son5 spi10, mer5 mire8 yeuse20.
[Voir aussi l'autre second distique proposé juste après par Rémi Schulz]
*
Et le 11/12/19, j'ai continué avec les
27 décimales de ce troisième distique,
prolongeant les évocations maritimes de
Noël :
Nombre9 ! un7 noir4 brick9 trop4 ivre4, yacht5 en9 zinc23, encre0 un7 treuil8
Dont16 luth4 sans0 mots6 vint2 tel8 ton6 zef20, nef8 noble9 en9 deuil8.
Ces six vers codent donc en tout 81 décimales de π.
El Polimétrico
Je suis le ténébreux,
— Le fiévreux,
— Le morose,
M'échoir le malheur ose :
Un meublé
Fut brûlé ;
A péri mon seul orbe,
— Un théorbe
Étoilé
S'est immolé
Dans la névrose
Et l'amaurose.
Aïeul au tombeau gris
Où t'a pris
La nécrose,
Guéris ma sinistrose
À ce blé
D'exilé,
Rends la fleur qui pénètre
En mon être
Accablé,
L'arche où comblé,
Le pampre arrose
Une ivre rose.
Suis-je Amour ou Clairon ?...
Mélusine
Ou Biron ?
En vainqueur m'achemine
À Charon
L'Achéron,
Face échauffée
À voir l'ondin
Fondre au nymphée.
Et du baiser badin
De la reine
Étourdi,
Je module en un thrène
Applaudi
Par Orphée
Les glissandi
Dolents de fée
Ou de lady.
[Ce poème polymétrique respectant
l'alternance des rimes est en fait un sonnet
d'alexandrins au schéma de rimes banvillien.
Le découpage en 6+3+3 syllabes,
et 4+4+4 pour les vers terminant les strophes, a
été choisi juste pour le plaisir
du rythme. En représentant les rimes féminines
par des capitales et les masculines
par du bas de casse, le schéma complet est :
6f 3f 3A / 6A 3b 3b / 6G 3G 3b / 4b 4A 4A
6h 3h 3A / 6A 3b 3b / 6I 3I 3b / 4b 4A 4A
6c 3J 3c / 6J 3c 3c / 4D 4k 4D
6k 3L 3e / 6L 3e 3D / 4e 4D 4e
Comme les vers courts rimant entre eux ont rarement
le même mètre, ça peut se
rapprocher des contrerimes de Paul-Jean Toulet.
On peut aussi considérer cette
structure comme un cas particulier de
protéonet.]
[Voir aussi cette réécriture d'un sonnet de Queneau selon la même contrainte]
Centons à contraintes
[La construction de centons date de l'Antiquité.
Leur imposer des surcontraintes
formelles peut renouveler leur intérêt.
Il y a une trentaine d'années, j'en avais
par exemple
construit un
respectant le schéma de rimes des
Cent mille milliards
de poèmes de
Queneau — à quelques
rimes plus rares près, pour lesquelles j'avais
écrit de nouveaux vers. D'autres contraintes sont
rapidement explorées ci-dessous.]
Centon lipogrammatique en A,
citant des alexandrins provenant exclusivement
de l'anthologie
Quasi-Cristaux de
Jacques Roubaud. Les noms des auteurs sont
des liens vers les poèmes d'où ces vers sont extraits.
Sur le ciel bleu du soir où l'étoile étincelle,
[Théodore Carlier]
Tout n'est qu'ombre et fumée, et le monde est très vieux
[Leconte de Lisle]
Et gonfle tous les seins de cris séditïeux ;
[Stanislas de Guaita]
Les toits rouges ont pris des gris de tourterelle.
[Alberte Solomiac]
Ils verront resplendir tes étoiles, Nouvelle !
[Tristan Bernard]
Elles disent encor le plus cher de nos voeux
[Honoré de Balzac]
Comme le col d'un cygne — et de tes longs cheveux,
[Armand Silvestre]
Il évoque un décor de gondole, comme elle.
[Henri de Régnier]
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
[Charles Baudelaire]
Fut longtemps un jouet pour un monde moqueur :
[Henri Pell]
Pouvons-nous triompher du long ennui de vivre ?
[Victor Barrucand]
Puisqu'il dit presque tout, puisqu'il est si sournois,
[Jean Queval]
Tristes comme il convient, nous fermerons le livre.
[Gabriel de Lautrec]
Oh ! mourons — que me font les choses que je vois ?
[Francis Viélé-Griffin]
*
Distique blanc d'alexandrins constituant un
pangramme de 64 lettres
[à comparer aux 114 (ou 70
lettres) de cette citation
(partielle)
d'Apollinaire trouvée en mai 2016] :
Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle vidée,
[Stéphane Mallarmé]
Le blason de Hizen ou de Tokungawa.
[José-Maria de Heredia]
*
Centon en ESARTINULOC,
c.-à-d. lipogrammatique en les quinze
lettres BDFGHJKMPQVWXYZ, citant des
grands classiques.
[Les deux vers de Hugo ne proviennent pas
du même poème.]
Il les lit, les relit et les relit encore :
[André Chénier]
Ô nocturne Uranus, ô Saturne au carcan !
[Victor Hugo]
Sur la créatïon au sourire innocent,
[Victor Hugo]
La Terre sans clartés, sans astre et sans aurore,
[Alfred de Vigny]
As-tu éteint en nous ton sanctuaire ? Non.
[Théodore Agrippa d'Aubigné]
Noirs inconnus, si nous allions ? Allons ! allons !
[Arthur Rimbaud]
Ce n'est rien et c'est tout : en créant la nature,
[Jules Breton]
Le silence entre seul sous l'arceau taciturne.
[Jules Verne]
Et toi, tu seras loin alors, terrestre îlot,
[Jules Laforgue]
En la nuit sans aurore et sans astre et sans lune,
[José-Maria de Heredia]
En tout tens, en tout lieu, sur la Terre et sur l'Eau.
[Laurent Drelincourt]
*
Nouveau centon selon le schéma de rimes des
Cent mille milliards de poèmes
de Queneau.
[En le combinant à ces poèmes, à
ces deux exercices
de 1990 et à
cette réécriture du
Desdichado de 2016, on obient 111 fois plus de poèmes que
Queneau, soit plus de onze billiards. Ça reste certes minuscule
devant ces dix
décilliards, eux-mêmes négligeables devant
ce programme
de Nicolas Graner.
Notez que les deux vers d'Albert Samain ne
proviennent pas du même poème.
Par ailleurs, le mot « époques » est
employé exactement au même vers qu'R.Q.,
donc il ne peut pas arriver deux fois à la rime
dans un même poème. ]
L'arbre où j'ai l'autre automne écrit une devise
[Victor Hugo]
les sonnets de Pétrarque et le chant des oiseaux
[Alfred de Musset]
avec les sons mourants que ton luth improvise
[Emile Nelligan]
s'enchevêtrent autour des merveilleux réseaux
[Émile Verhaeren]
Ne pensons pas rêvons laissons faire à leur guise
[Paul Verlaine]
de maigres chiens épars allongeant leurs museaux
[Leconte de Lisle]
faite pour révéler la parole déguise
[Sully Prudhomme]
le fleuve au vent du soir fait chanter ses roseaux
[Albert Samain]
À l'ancre lourdement une barque ballotte
[Alphonse Beauregard]
au pied du mât penchant l'espérance grelotte
[Albert Samain]
je le voudrais chanter dans mes vers mais en vain
[Charles Gill]
Oui par delà nos arts par delà nos époques
[Jules Laforgue]
tu marches sur des morts Beauté dont tu te moques
[Charles Baudelaire]
et je l'emporterai dans l'inconnu divin
[Anatole France]
*
Sélénets centons
[aux rimes croisées de trois façons
différentes. Cros, Hugo et Verlaine
sont cités deux fois chacun, mais pas pour
les mêmes poèmes. La chouette
du 9e vers a droit à une diérèse
dans l'original du XIXe siècle, mais
il lui faut une synérèse dans ce contexte plus
populaire de sélénets.]
Venez donc Marquise
[Augusta Holmès]
Par monts et par vaux
[François Habert]
Cueillir des cerises
[anonyme]
Comme les oiseaux
[Victor Hugo]
Effeuillons la rose
[Gérard de Nerval]
Exempts de soucis
[Charles Cros]
Lampe que Dieu pose
[Victor Hugo]
Sur nos fronts pâlis
[Charles Cros]
Et la chouette grise
[Louis-Honoré Fréchette]
Heurte les roseaux
[Albert Samain]
Sa tête se brise
[Alfred de Musset]
Faisant mille maux
[Pernette du Guillet]
Le vent taquin ose
[Paul Verlaine]
En poussant des cris
[Alphonse de Lamartine]
La terrible chose
[Paul Verlaine]
Les voilà partis
[Marc-Antoine Désaugiers]
*
P.S. du 01/01/20 : centon monorime
(phonétique) de circonstance
[deux formes remontant à l'Antiquité]
Le faune, le satyre et le jeune sylvain
[André Chénier]
Semblent parler entre eux de l'absent qui revint.
[Georges Rodenbach]
Ils ne comprendraient pas ton langage divin.
[Théophile Gautier]
Le poète aujourd'hui les chercherait en vain,
[José-Maria de Heredia]
Et d'ailleurs je ne suis ni flatteur ni devin.
[Jacques Du Lorens]
Mais sans cesse le doigt du céleste écrivain
[Alphonse de Lamartine]
Sentait monter en lui comme un amer levain :
[Philippe Berthelot]
Bluet éclos parmi les roses de Provins,
[Hégésippe Moreau]
Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin.
[Nicolas Boileau]
Pour la troisième fois le Maître se souvint :
[Jean de La Fontaine]
« Deux Coqs vivaient en paix ; une Poule survint...
[Jean de La Fontaine]
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt. »
[Victor Hugo]
De lunaires clartés blêmissent le ravin ;
[Anatole France]
Il s'endormit bientôt dans l'espoir et le vin :
[Léon-Pamphile Le May]
Bonheur qu'on quitte, affres qu'on veut, douleur qu'on vainc.
[Émile Verhaeren]
Et pour fêter d'une autre
façon l'année 2020, voici une
devinette n'ayant rien à voir avec
les centons ci-dessus :
Ado, Babbage cabala,
gâcha déjà sa façade albe.
Caché, ceci gage sa clé :
¿Nada?