Verlaine mène les vers
[Après mon récent holorimage de la
Chanson d'automne de Verlaine,
j'ai ici essayé des tercets 4/4/3 palindromes syllabiques
— les consonnes étant parfois associées aux voyelles qui les
précèdent, comme souvent avec ce type de contraintes. Les
rimes de l'original sont de nouveau conservées.]
Tôt n'oscillons
Aux violons
Si l'automne
Tonne, ô moqueur
Marasme à coeur
Monotone !
Le répliquant
Dégradé, quand
Plierait l'heure,
Leur rompit lien :
T'est resté... rien.
Pile on pleure.
Port en qui vais,
Moment mauvais
Qui t'emporte,
Mords-tu vers la
Feuille en feu là,
Vertu morte ?
*
Pangrammisation de chaque strophe :
Les joyaux longs
Des oukpwé blonds
De l'automne
Squeezent mon coeur
De fièvre en choeur
Monotone.
Tout suffocant,
Les yeux blancs quand
Jerke l'heure,
Je me souviens
Des gwerz anciens
Et je pleure.
Chez toi je vais,
Blizzard mauvais
Qui rapportes
Week-ends gelés
Oxydant les
Feuilles mortes.
[Oukpwé : porte-voix africain fait d'une défense d'éléphant creusée]
*
Bon gros monovoc' :
Les blets relents
Des rebecs lents
De septembre
Jettent déments
En tremblements
Mes chers membres.
Blême, j'entends
Cesser le temps,
En géhenne,
Je me remets
En tête mes
Tendres scènes
Et je me rends
Vers d'enflés vents
Prêts de prendre
Ce ménestrel
Emmené tel
L'herbe en cendres.
*
Un mini-lipo pour finir :
Maints sanglots longs
Aux violons
Automnaux
Battront ton for
D'un constrictor
D'us banaux.
Tout suffocant
Puis pâli, quand
Fuit ton jour,
Tu crois vivant
L'instant d'avant
Sans humour.
Alors tu pars
Aux forts blizzards
Qui t'ont pris
Par ci, par là,
Imitant la
Mort sans prix.
[Voir aussi la version
antonymique de
Nicolas Graner — ainsi que les
antécédents
de
Robert Rapilly
& Philippe Saint Raymond
fin avril dernier]
On a déjà fait outrage à un poème — moderne, ancien, célèbre ou bien que l'on aime — à le citer sans respecter de coupure entre ses vers ni ses divers choix d'allure. L'alexandrin est un terrain trop facile et tout sonnet se reconnaît par son style. J'essaye ici un endurci schéma, mètre plus subtil car publié par un vrai maître. À mon avis, lecteur, tu vis sans grand-peine qu'à la façon d'une chanson de Verlaine, tu réentends ces quatre temps deux fois, certes, puis juste trois syllabes — ois ! — sont offertes. L'un des attraits reste les très denses rimes au demeurant, car on comprend que tu trimes. Mais n'abusons de ces poisons de contraintes qui prouveraient l'objet concret de tes craintes. Il faut savoir se prévaloir de voltige mais en finir sans parvenir au vertige.
Puissances gématriques
[Variante de la contrainte
inventée par Philippe Saint Raymond en mai dernier,
où l'on ne calcule plus les puissances des rangs alphabétiques des
lettres, mais celles des valeurs gématriques des mots — comme
dans les carrés bimagiques
proposés peu après par Rémi Schulz.]
Être Phébus puis prince ? Ma reine me rêve avec
elle. La treille dit rallier ce si mûr hélianthe.
Sur ses pétales, une fée t'intimide, digne mage.
Front hâlé, encore embrasé de sang rose, j'expire.
[Ces
deux paragraphes illustrent l'égalité
48n + 71n + 65n + 65n + 14n + 51n + 18n + 50n + 31n
+ 34n + 13n + 81n + 33n + 75n + 8n + 28n + 52n + 82n
=
58n + 43n + 78n + 40n + 16n + 20n + 83n + 39n + 26n
+ 73n + 26n + 60n + 63n + 9n + 41n + 57n + 10n + 77n
satisfaite pour n entier allant de 0 à 10 inclus.
La valeur n = 0 signifie par exemple qu'ils ont le même nombre
de mots (18), et n = 1 qu'ils ont la même
somme gématrique (819). Pour n = 10, les
deux paragraphes ont pour valeur 37 912 506 905 868 246 273.
Ces sommes de puissances diffèrent à partir de n = 11.
Comme ça ne demandait pas plus de travail, les deux
paragraphes ont aussi le même nombre de lettres (76),
ce qui n'a aucun lien avec les égalités ci-dessus.]
P.S. du 5/7/21 : L'égalité ci-dessus est l'une des plus compactes que j'ai trouvées — avec 18 termes dans chaque membre. Mais elle contient deux fois l'entier 65 dans le premier membre, et deux fois 26 dans le second, ce qui peut être considéré comme une faiblesse. J'ai donc indiqué à la liste oulipo deux autres solutions sans aucune répétition, comptant chacune 22 termes dans leurs membres. Rémi Schulz s'est servi de la première pour construire deux quatrains d'hendécasyllabes ayant une impressionnante quantité d'harmonies numériques. J'ai repris ci-dessous sa structure, mais en décomposant les hendécasyllabes en 4+4+3 à la Verlaine. Cette contrainte est si dure que l'on s'éloigne forcément de l'art figuratif ! Je ne fais que vous livrer ce qu'elle a accepté de rimer.
Anabas longs,
Ad hoc gallons,
Acétone,
Décèdent tard.
Baba hagard
Bec adonne.
Ébranlera,
Cacabera
Acide heure.
Le tacticien
En akkadien
Râle, pleure.
=
Accélérant
D'agacement
— Achevage,
Gaba dealeur.
Affidé coeur
Déménage.
Affamé, pais
Abaca : paix !
Il déporte
Et tombola
Par ci fila
Comme morte.
[Les
deux moitiés illustrent l'égalité
38n + 67n + 5n + 26n + 80n + 63n + 60n + 43n + 6n + 39n + 10n + 53n
+ 76n + 34n + 22n + 57n + 17n + 84n + 19n + 56n + 36n + 77n
=
82n + 4n + 69n + 52n + 11n + 66n + 31n + 62n + 54n
+ 32n + 45n + 8n + 50n + 21n + 83n + 25n + 78n + 35n + 12n + 28n + 49n + 71n
satisfaite pour n entier allant de 0 à 10 inclus. Il y a 44 mots
en tout, dont les valeurs gématriques sont toutes différentes
mais ont une moyenne de 44, et chaque moitié totalise
44 syllabes.]
Protéonets
verlainiens
[sizains 4/4/3/4/4/3 lisibles selon au moins un autre rythme]
La lente larme Encre l'alarme En hiver, Meurtrissant l'âme : Ancre sa lame Un enfer. |
[strophe de sélénet] La lente larme encre L'alarme en hiver, Meurtrissant l'âme : ancre Sa lame un enfer. |
*
Le chant immense Sur lequel danse En été La bonne lyre A su décrire Ma gaîté. |
[distique d'alexandrins] Le chant immense sur lequel danse en été La bonne lyre a su décrire ma gaîté. |
*
Un violon Leur crie au long De chaque âge Qu'un opaque heur Blesse tout coeur Mis en cage. Pleur d'un volet Qui claque au laid Vent puis craque De gel ou bien Peur ô combien Profonde : ah que Se morfonde oeil Portant le deuil De l'automne, Donne un éteint Cercueil au teint Monotone ! |
[sonnet banvillien de pentasyllabes] Un violon leur Crie au long de chaque Âge qu'un opaque Heur blesse tout coeur. Mis en cage, pleur D'un volet qui claque Au laid vent puis craque De gel ou bien peur. Ô combien profonde ! Ah que se morfonde OEil portant le deuil ! De l'automne, donne Un éteint cercueil Au teint monotone. |
*
En des bois morts Au centre alors Entre automne. Ois les sournois Vers du chantre, ois : Éventre aulne ! Et vois : à la None par là Sonne l'heure. Enfin cri vain Leurre écrivain Comme il pleure. |
[sonnet banvillien de trisyllabes] En des bois Morts au centre, Alors entre Automne, ois ! Les sournois Vers du chantre, Ois : éventre Aulne et vois ! À la none, Par là sonne L'heure enfin. Cri vain leurre Écrivain Comme il pleure. |
[Voir aussi ce tanka de Nicolas Graner et cet autre distique d'alexandrins de Philippe Saint Raymond]
Holorimes bilingues
[Dans l'état d'esprit des classiques
traductions homophoniques
chères à van Rooten,
Lord Charles
et plusieurs oulipiens
(dont
François Le Lionnais
& Marcel Bénabou),
Robert Rapilly a
inventé et
brillamment illustré la notion
d'holorime bilingue.
La nouveauté est que la moitié en une langue étrangère et son
homophonie française forment ici un ensemble cohérent. Ci-dessous,
j'ai essayé son idée sous forme de fable, la ligne finale en
français étant une citation exhaustive du premier
sonnet de monosyllabes, chef-d'oeuvre de Paul
de Rességuier publié en 1835.]
Une fragile caille avait trouvé tout proche
De chez elle un travail : fabriquer en roseaux
Des genouillères, mais ça lui fit mal aux os.
Sa production chuta, lui valant maint reproche.
Lorsqu'on mit en caution le seuil de son couloir,
Elle n'accepta plus, s'enfuit vers un nuage,
Libre, encore plus haut ! Hélas un vent d'orage
Emporta pour toujours l'oiselle dans le noir.
For bail aisle door, sore frail quail more rose. (Close labor is lap reeds.)
Fort belle, elle dort. Sort frêle ! Quelle mort ! Rose close, la brise l'a prise.
Ballade composée
[Illustration des 34 compositions de 10
en sommes d'entiers de 2 à 10, comme
l'année dernière mais
cette fois avec des vers de dix syllabes au lieu de dix lettres,
et sous forme de ballade pour ne pas reprendre la même terza rima.
L'ordre choisi est
4+2+2+2 = 4+2+4 = 2+2+2+4 = 2+2+2+2+2 = 2+4+2+2 = 2+4+4 = 2+8 = 2+2+6 = 4+6 = 4+3+3
= 2+2+3+3 = 2+5+3 = 7+3 = 3+4+3 = 3+2+2+3 = 5+2+3 = 2+3+2+3 = 2+3+5 = 5+5 = 10
= 8+2 = 6+2+2 = 6+4 = 3+3+4 = 3+3+2+2 = 3+5+2 = 3+7 = 3+2+5 = 3+2+3+2 = 5+3+2
= 2+3+3+2 = 2+6+2 = 2+2+4+2 = 4+4+2 (= 4+2+2+2 = ...).
On passe d'une expression
à la suivante en effectuant une seule somme
de deux entiers voisins ou bien
en décomposant un seul entier en deux
plus petits, et la règle est cyclique.]
Confraternels humains, notre poème
N'existera longtemps inéclairci.
Oyez plutôt l'ardu métasystème —
Contre cela, n'ayez l'esprit durci.
Coupons différemment l'épître ainsi :
Cette composition mathématique,
Code désoxyribonucléique,
Règle l'exact reconditionnement,
L'exploration phénoménologique —
Pathologie absurde m'opprimant.
Notre schéma, sévère stratagème,
Jamais n'expérimentons adouci.
L'épistémologique théorème
Pâtirait d'intervenir raccourci,
N'engendrant guère d'écrit réussi.
L'opératoire squelette algébrique
Donne l'excentrique effet linguistique
Avec l'obligé réarrangement
D'infrastructure décasyllabique,
Anatomopathologiquement.
L'hypothéticodéductif problème
Métamorphosera quelque souci
D'aristotélicien catégorème.
L'aliment finirait désépaissi,
Davantage adapté, digeste ici ?
Consultons l'alphabétique lexique
D'allure parallélépipédique
Déclenchant l'entier recommencement.
Espérons qu'alors l'effaré clinique
Pathologiste m'aidera vraiment.
Prince, reconduis l'univers cyclique !
Chaque terminologique fragment
D'une ballade extravagante explique
L'originel pathologique aimant.
P.S. du 18/7/21 : nouvelle
ballade, selon un autre ordre cyclique des 34 compositions
de 10 en sommes d'entiers de 2 à 10 — obtenu en collaboration
avec Nicolas Graner.
Son intérêt est de regrouper les césures
classiques 4/6, les italiennes 6/4 (ainsi que
leur intersection avec les 4/6 pendant quatre vers) et les
taratantaras 5/5. Les pires
bizarreries métriques sont réservées à la fin
de la deuxième strophe, au premier vers
de la troisième et à l'envoi.
2+2+6 = 2+2+3+3 = 4+3+3 = 4+6 = 4+4+2 = 2+2+4+2 = 2+2+2+2+2 = 2+2+2+4 = 4+2+4 = 4+2+2+2
= 6+2+2 = 2+4+2+2 = 2+4+4 = 6+4 = 3+3+4 = 3+3+2+2 = 3+5+2 = 3+7 = 3+4+3 = 7+3
= 2+5+3 = 2+3+2+3 = 2+3+5 = 5+5 = 5+2+3 = 3+2+2+3 = 3+2+5 = 3+2+3+2 = 5+3+2 = 2+3+3+2
= 2+6+2 = 8+2 = 10 = 2+8 (= 2+2+6 = ...)
Quelle fantasque arithmodépendance
D'une cervelle indûment s'empara ?
L'effarouché poète déclara
Désapprouver métricodiscordance,
Originaux découpages matheux
Autant qu'accrocs d'interprète boiteux.
Lorsque soudain survint l'instant magique,
L'aède osa plusieurs propriétés
Conjointement, dessein pédagogique
Communiquant l'émoi d'accents comptés.
Inévitablement cette cadence,
Aimant surenchérir comme l'ara,
Avec obstination redémarra,
N'intentionnalisant l'outrecuidance
D'imiter l'Italien nécessiteux
D'hémistiche excentré voire douteux.
Brusquement s'inaugurera l'algique
Agrégat d'incompatibilités
Provoquant l'intolérance allergique :
D'intercommunication plaisantez !
Chaque pentasyllabe d'apparence
L'auteur scrupuleux alors sépara,
Allant trompeter taratantara,
Théâtralisant l'autoréférence,
S'appesantissant presque vaniteux.
Oubliez l'extrait d'aspect cahoteux,
D'allure vraiment tératologique.
L'eurythmie acquise adoncques chantez :
Symétriquement l'axiale logique
Ainsi communique égales beautés...
Prince définitivement tragique,
Désintellectualisé, sentez
L'alphabéticométhodologique
Cause d'incommunicabilités.
P.P.S. du 21/7/21 :
sélénet illustrant
toutes les compositions de 5 en sommes de 1 et de 2.
strophe 1 strophe 2
————————— ———————————
1+1+1+2 = 1+1+1+1+1
= 1+1+2+1 = 2+2+1
= 1+2+1+1 = 2+1+2
= 2+1+1+1 = 1+2+2
Au lieu des précédentes
règles d'enchaînement, j'ai ici choisi des diagonales
sénestro-descendantes
de 2 puis de 1. Ce schéma minimaliste me semble
toutefois moins intéressant que les
doubles
sélénets
engendrés par les 16 compositions de 5 en
sommes d'entiers allant de 1 à 5, illustrées en 2016.
Un feu Pierre allume
Moins pour avoir chaud
Que prêter sa plume,
Stopper le speech haut
Que l'homme à sa porte
Adresse auxdits cieux.
L'amy ne supporte
Ses propos vicieux.
P.3S. du 23/7/21 :
Desdichado selon les quatorze compositions
de 10 en sommes de 1 et de 4.
1er quatrain 2nd quatrain 1er tercet 2nd tercet
------------ ------------ ---------- ----------
4+4+1+1 4+1+1+4 1+1+4+4 1+4+1+4
4+1+4+1 4+1+1+1+1+1+1 1+1+4+1+1+1+1 1+4+4+1
1+1+1+1+4+1+1 1+1+1+1+1+1+4 1+4+1+1+1+1+1 1+1+1+4+1+1+1
1+1+1+1+1+4+1 1+1+1+1+1+1+1+1+1+1
Il n'est ici pas possible de
respecter les précédentes règles d'enchaînement, donc l'ordre
a été choisi pour que le premier quatrain soit
classiquement césuré 4/6 ; le second puisse
être césuré aussi bien 4/6 que 6/4 (transition
avec la strophe suivante) ; le premier tercet
soit césuré 6/4 à l'italienne ; les 11e et
12e vers servent de transition parce qu'ils peuvent
être césurés aussi bien 6/4 que 5/5 ; les 12e
et 13e vers soient des
taratantaras 5/5 ; et
seul le dernier vers soit vraiment irrégulier.
Le graphe à droite, dont la forme de feuille évoque l'automne
du 4e vers, a été tracé trois
ans après l'écriture de ce sonnet. Ses arêtes relient deux
expressions lorsque l'une est
obtenue de l'autre en effectuant la somme de quatre entiers
voisins. Elles ne correspondent
donc pas à l'ordre choisi pour les vers du poème.
El Descompuesto II
L'enténébré, — l'inconsolé je suis,
L'aristocrate en lamentable ruine :
Mon luth est mort, enveloppé de nuits
Et du trou noir de l'automnale bruine.
Consolateur, si je m'autodétruis,
Restituez le mont, la mer qui mine
Mon coeur si lourd, le bon millepertuis
Et la treille où sans fin la fleur se vine.
Ai-je un caparaçon d'aluminium ?
Mon front érubescent d'un flirt de reine
Voit l'excavation même où nage un renne...
Je triompherai du Pandémonium
Où j'imiterai l'angélique sage
Qui souffle et d'impétueux cris du mage.
Pas de deux
[Les nombres de syllabes des mots successifs
sont imposés par cette suite « sans carré » :
123132 123213 123132 131232 / 123132 123213 123212 313213 /
123132 123213 123132 / 131232 123132 131231
— qui se déduit aisément de celle (sans cube) de
Prouhet-Thue-Morse. Cela signifie
qu'aucune chaîne de chiffres n'est immédiatement
répétée, donc cette suite ne contient
aucun 11, aucun 22, aucun 33, aucun 1212, ...,
aucun 123123, etc. Notez que quelques
vers n'admettent pas de césure classique, et
surtout qu'il en existe deux de onze syllabes
et un de treize — ici volontairement un peu cachés.]
Petit jour frémissant
Un rayon s'aventure en matinal cothurne ;
Le confus gazouillis d'oiseaux dont l'ambitus
Se hisse volontiers aux cumulo-stratus
Coupe aussitôt le discret récital nocturne.
Sous l'ovale horizon a disparu Saturne,
La rosée aguicheuse offre ses prospectus
Et l'horloge insomniaque enfouit quelque hiatus
Derrière onze inflexions d'une voix taciturne.
Cette aurore étourdit le troubadour usé
Qui reste maintenant craintif ou médusé
Par l'instant passager qu'un rossignol picore.
Quand reparaît ce rythme d'escalier disjoint,
Le poème abîmé semble éclipser encore
L'ocre hiéroglyphe où toute lumière point.
Pas de trois
[Desdichado dont les nombres
de syllabes des mots successifs sont imposés
par la suite de Prouhet-Thue-Morse :
1221 2112
2112 1221
2112 1221
1221 2112
2112 1221
1221 2112
1221 2112
2112 1221
2112 1221
1221 2112
1221 2112
2112 1221
1221 2112
2112 1221
Son autosimilarité fait qu'elle peut aussi
être lue verticalement. Elle permet
cette fois d'impeccables alexandrins
césurés à l'hémistiche, contrairement
au schéma
plus étrange engendré par la suite sans carré
ci-dessus.]
¡Dicha, no!
(Le Paria)
Je serais l'obscur fils, — l'amer veuf, — l'hoir volé,
L'ancien prince à Bordeaux dont l'entier donjon plie :
L'étoile est morte hélas, — et blonde comme blé,
Ma lyre porte l'astre éteint de la Folie.
Parmi la nuit tombale, ô garant d'une clé,
Rends Naples, l'ample baie avec sa mer jolie,
La toujours tendre fleur qu'aimait mon coeur troublé,
Aussi le pampre exquis que l'ivre rose lie.
Être Morse ou Prouhet ?... Thue, Amour, Phébus, X ?
Front rougi depuis un baiser de ma marraine,
J'ai rêvé d'une grotte — ici vit la sirène...
Alors deux fois vainqueur j'ai franchi l'odieux Styx
En chantant chaque voix avec le luth d'Orphée :
Soupirs de sainte émue et clameurs d'aigre fée.
Gérard Louis de Nerval
Nombres harmoniques
L'addition de un à six fois
six égale carrément six cent soixante-six.
[phrase de
gématrie 666 énonçant la vérité
1 + 2 + 3 + ... + 36 = 36×37/2 = 666]
En deal, la somme
des n premiers cubes réitérera
le beau carré de la somme des n
premiers entiers.
[deux lignes
anagrammatiques énonçant l'étonnante
identité
13 + 23 + ... + n3 = (1 + 2 + ... + n)2 = (n(n+1)/2)2]
Holorimes de PTM
Surcontrainte proposée pour les distiques
holorimes : le nombre
de syllabes des mots successifs doit correspondre au début de la
suite de Prouhet-Thue-Morse
1221 2112 / 2112 1221.
Malgré la difficulté d'une telle acrobatie, elle présente
l'intérêt de respecter automagiquement une règle appréciée des
purrhystes, à savoir ne jamais réutiliser le même mot dans les
deux vers homophones — tout comme rimer un mot avec lui-même est
interdit en prosodie classique. Après avoir composé sept
distiques de ce type, j'ai essayé de les combiner en un faux
sonnet à rimes plates toutes féminines. Comme dans le Desdichado
ci-dessus, le schéma syllabique
correspond aux 112 premiers termes de la
suite de PTM :
1221 2112 / 2112 1221 / 2112 1221 / 1221 2112
2112 1221 / 1221 2112 / 1221 2112 / 2112 1221
2112 1221 / 1221 2112 / 1221 2112
2112 1221 / 1221 2112 / 2112 1221
Un holo-sonnet de Prouhet-Thue-Morse enfin
C'est tenace alors dur, hélas, aux dés : j'arrime
Cette nasse à l'ordure, et l'assaut déjà rime.
Encor ces jeux légaux ? Tôt karma jadis tique.
En corset gelé, go, tocard mage à distique !
Lâchant son faux levain, l'ivre aède écoule oeuvres :
La chanson folle vint, livra, hé, des couleuvres
Qu'on servit d'appâts tant dupés dans son épître.
Concert vide — ah ! patent — du pédant sonnet, pitre.
Lettrés, pas de remords : nos ronces grippent l'âge.
Les trépas d'heureux morts n'auront ce gris pelage ;
Ex-pervers, l'astreint cycle aura faim d'homme étrange.
Expert vers l'astre, ainsi clore afin d'omettre ange
Pas piégé. Sujet-rab, l'essai songe au livide
Papier : j'ai su gérable — et cessons, joli vide.
Duplex
[Le duplex est une contrainte douce
inventée par le poète américain
Jericho Brown.
Il s'agit de sept distiques de même mètre (choisi entre
9 et 11 syllabes), tels que chaque premier vers reprenne
tout ou partie du second vers du distique précédent.
Cette règle est par ailleurs cyclique, c.-à-d. que le
tout premier vers a des points communs avec le tout
dernier. Cette forme fixe a été proposée par l'oulipien
Daniel Levin Becker au festival
Pirouésie, et transmise
à la liste oulipo par
Nicolas Graner — qui l'a aussi
superbement
illustrée.
Vous trouverez ci-dessous deux exemples de ma plume, respectant
d'autres surcontraintes pour me guider davantage.]
Le tremblement du firmament m'importune
Quand je vogue au rêve indigo de Neptune.
Vogue alors vers Uranus, vert plus livide,
Dont les anneaux orthogonaux ont un vide.
Les sept anneaux phénoménaux de Saturne
Sont le cadran du sidérant ciel nocturne.
Jupiter en me sidérant se détache,
M'éblouissant du rouge sang de sa tache.
Mars en croissant rougit du sang de la guerre,
Belle baston que pourtant on ne veut guère.
Belle est Vénus et ce bonus me captive :
Sa progression en précession négative.
Mais l'équation de précession de Mercure
Un tremblement d'étonnement me procure.
[Duplex en hendécasyllabes,
dont chaque distique forme une strophe de schéma
4a 4a 3B / 4c 4c 3B à la manière de la
Chanson
d'automne de
Verlaine.]
*
Ô dénigrante, à genoux, à tes plinthes,
Entends cet hymne au ton malencontreux !
En tancé team, notons mal en complaintes
Ces vers honnis pressentant tout contre eux.
Sévère, on y presse entente ou contrainte,
Et les mots d'elle y mîtes — latent creux.
Elle est modèle : imite-la, tant crainte
Comme en plan, cher ouvrier sonnant preux.
Comment plancher où vrillait son emprise ?
Humble trou vert, hauteur fade si grise ?
Un bleu trouvère, auteur fat de scission,
Morcelle afin d'améliorer ses rimes.
Mort, c'est la fin d'âme, hélio-récession
Au déni, grand âge : nous atterrîmes.
[« Duplex-barre » : le rappel du second vers de chaque distique par le premier du suivant est fait sous la forme de poème-barre — notion définie par le frésident-pondateur Le Lionnais, où les deux vers sont homophones sauf à leur dernière syllabe, en contre-pied des rimes classiques. L'ensemble constitue par ailleurs un sonnet régulier de décasyllabes.]
*
P.S. : Dans un genre voisin
des poèmes-barre
d'FLL et des
poèmes pour sourds
d'Alphonse Allais, voici un distique holorime pour
francophone inculte :
Contesta-t-on Richard Wagner ou sommité
Qu'on teste à ton riche art, Douanier Rousseau mité ?
Vertige
Rien ne vaut l'art ophyciel et la beauté académique telle
qu'elle est enseignée dans les traités de prosodie des
siècles passés. Je me permets donc quelques retouches
purement techniques au chef-d'oeuvre
« Vertige » du
Professeur Rollin, publié en
1989 dans son recueil également intitulé « Vertige » :
Hïer matin, ma mère est allée au marché
Sur un petit vélo qu'elle avait enfourché.
Elle s'y procura non pas une citrouille
Mais quelque potiron à la couleur de rouille
Pour deux ou trois euros. Cette provisïon
Remplit tant son panier que sa décisïon
Fut prise avec bonheur : mes amis vont entendre
Grand bien de ce commerce et tous voudront s'y rendre.
[Voir aussi cette brillante réponse de Robert Rapilly]
Il était autrefois un écrivain raté qui vendit
lâchement, pourrait-on supposer, son âme pitoyable à Lucifer afin
de recevoir un talent supérieur. Satan ne choisit d'imposer qu'un
unique décret : ne jamais reproduire aucun acte aussitôt, sous
peine d'itérer alors pour toujours. Attendu que l'artiste n'était
pas ingénu, il osa souligner qu'un règlement précis, ou disons
davantage, était à définir, car sinon conserver le silence
pendant deux secondes lui ferait illico paumer à jamais l'usage
de n'importe quelle langue. Exemple tout aussi délirant : ne
recourir, durant deux termes successifs, guère qu'aux voyelles
de “soudain” bannirait soudain ad vitam aeternam l'E,
contraignant l'écrit à force contorsions.
« Jadis j'ai carrément en effet exigé ce protocole avec
un romancier en manque d'invention, gloussa le diable. Cependant
il domina vite le sujet. Clairement l'aide que j'apportais ne
servait nullement l'auteur, donc j'avais décidé de l'affranchir
avant la conclusion du pacte. Concernant ta prestation, mortel,
tu devras constamment compter les syllabes des termes adjacents,
afin qu'un rythme semblable ne revienne jamais à l'instant.
Attention, cela se préjuge plus aisé qu'accoucher d'un lipogramme
ici, mais éviter deux simples vocables ayant la même dimension
ne suffira guère, car répéter un même groupement de gabarits sera
tout autant interdit, sinon tu poursuivras de façon identique à
l'avenir, comprends-tu pleinement bien ?
— Aucun problème, pensa le futé plumitif. J'ai autrefois bûché
les échecs longuement, partant je n'ignore pas l'adroit théorème
ourdi par Euwe, professeur et célèbre champion. Il démontra
qu'on pourrait s'abstenir de redites triples sans nulle limite.
Juste deux éléments lui furent utiles, mais forcément avec trois
éléments, ça implique encore, pardi, la complète absence d'un
immédiat doublon. »
Il décida donc alors d'adopter ce protocole, avec
un ordre proprement choisi de vocables de quelques syllabes :
une, deux, enfin atteignant trois. « Oublions zéro en collant
l'élision avec toute expression qui suivra », préféra-t-il,
estimant aussi que bifurquer vers quelque distincte suite sans
carré resterait à l'avenir possible, à condition de tester
l'absence de succession bissée, y compris quelquefois longue. Le
prosateur se lança bravement dans l'écriture éclair d'un
paragraphe où chaque cadence changeait de schéma. Toutefois, il
s'avoua surpris quand Satan rappliqua déjà pour annoncer :
« J'ai noté l'interdit groupe “son âme”, contenant deux
spécimens avec une syllabe de suite, malheureux, donc désormais
aucun mot d'autre pointure n'aura la permission d'être inscrit.
— Excellent démon, vous dites n'importe quoi, répondit l'auteur.
L'E caduc s'articule avant la consonne P.
“Âme” possède donc nettement ici deux syllabes.
— En cette circonstance, “aucun acte” était illégal : deux
syllabes chacun !
— Que nenni, rétorqua l'artiste en s'insurgeant. L'E
caduc disparaît devant la voyelle ultérieure : A.
— Insolent, oses-tu résister ? Tu devrais apprendre qu'on
m'appelle souvent le Malin. Andouille, cela fait maintenant
un moment excessif que l'ensemble complet des vocables ne
dépasse uniment l'aune de longueur maximum trois syllabes.
Voilà ma conclusion : plus jamais davantage !
— Un semblable piège me semble compatible avec ta renommée,
ô pervers Méphisto. Bravo de m'avoir arnaqué, mais néanmoins
cela me semble possible toujours de m'exprimer un chouïa.
Essayons-le. »
L'écrivain reprit sa rédaction, mais après quatorze lignes,
le diable reparut et derechef tenta un méfait scandaleux :
« Depuis ses prémices, ton texte respecte l'ordre de cette
séquence sans réplique (venant de l'ensemble sans cube découvert
par Eugène Prouhet, Thue Axel, précédant Marston Morse) employant
trois longueurs distinctes plutôt qu'un couple seulement. J'ai
brusquement compris ton stratégique espoir, mais maintenant il
faudra poursuivre pour l'éternel futur.
— Ah sûrement pas !, clama l'écrivain. Puisque le simple
prologue de n'importe quelle suite autorise un nombre quelconque
de reliquats, dire qu'il s'agit d'instamment celle de
Prouhet-Thue, avec l'habile Morse associé, jamais ne finira
par être démontré. Après un certain ensemble de composants,
greffer une autre progression reste très possible.
— La notion d'infini m'agace beaucoup trop, pensa Lucifer.
Ça m'embrouille chaque fois. Au delà d'environ six centaines
soixante et quatre (j'assimile aussi six unités), je m'avoue
étourdi devant tant d'objets évoqués. Bon, j'accepte cette fine
idée, applaudit enfin ce Belzébuth peu brillant. Adoncques pour
célébrer céans ta victoire, je voudrais révoquer notre pacte
aussi. Désormais ta faconde pourra de nouveau s'exprimer comme
tu trouveras bon d'oeuvrer. Attention pourtant, peut-être
reprendras-tu l'informe style fort minable de jadis.
— Tentateur, je préfère rester tout comme maintenant ! »
Ici se termine le récit, paraphé d'un pseudonyme obscur : Gef_
Terines berrychonnes
[Michel Clavel a
proposé à la
liste oulipo la notion de « terine
berrychonne », avec un seul R dans le premier mot et un Y
dans le second. Les finales vocaliques de chaque vers
permutent selon la quenine d'ordre trois (123 / 312 / 231),
mais les consonnes d'appui restent fixes,
créant de nouvelles combinaisons comme dans les
rimes berrychonnes. En voici deux
de ma plume.]
Recette
De la chair à saucisse
Et du foie — oui, génial,
Persil, oignons alliés,
Pain dur, oeufs associés
À du lait de génisse
Et cognac familial :
En tout groupe social
Où jadis vous gêniez,
Apportez ce délice !
*
[Variante de terine berrychonne dans laquelle seul le phonème vocalique final permute, en laissant les consonnes fixes, aussi bien celle d'appui qu'après la voyelle. Deux rimes orphelines en ont profité pour se montrer, comme dans ce faux sonnet de 2003.]
Un beau jour le disciple
D'un rugbyman à quinze
Taillé comme une poutre
S'entiche d'une souple
Équilibriste exquise,
Modèle chez un peintre.
L'aborder n'est pas simple :
« Faut-il que je me couse
Un nez rouge de pitre ? »
Anakyrielles (ou kyrielles cousues)
Le jeu enfantin des kyrielles syllabiques est bien connu :
j'en ai marre, marabout, bout de ficelle, selle de cheval, ...
En voici une nouvelle
variante, qui serait
aux kyrielles standard ce qu'une véritable
couture est au faufilage :
la dernière syllabe d'un mot doit coïncider
avec la première du précédent.
Autrement dit, au lieu d'écrire quelque chose comme
Ceci simule le leurre recommandé des décadents
dandinements, mensongers gestes tenaces.
dont les bégaiements sont peu adaptés à la poésie sublime,
il faudrait cette fois
Ceci laisse les reflets séduire ces versets divers,
maudits gémeaux mangés cycliquement.
Ça reste saturé d'échos internes, mais moins bafouillants.
Cela peut aussi être considéré comme l'anacyclique (mot à mot)
d'une kyrielle standard, d'où le nom proposé d'anakyrielle.
J'ai commencé l'exploration de cette contrainte
par un sélénet
(en la faisant agir sur la dernière syllabe des rimes féminines,
fortement prononcée dans cette chanson enfantine) :
Venez neuve lune !
L'occlut Lancelot,
Celant nurse brune,
Membru paumant peau.
Repos temporaire
Argumentant art,
Revanchard sancerre,
Tarissant nectar.
Puis un distique d'alexandrins :
Je songe : l'enfançon gelant, moyenâgeux,
L'émoi renouvelé, leurre jetables jeux.
Et finalement un Desdichado
quelques jours plus tard :
El Desnivel
(Ténébrionidé jeté)
Je rage : pourrira l'époux inconsolé,
Toulousain manitou — manne émane ruinée.
Détruis des Ougandais ou l'erhu constellé !
T'évoquons occulté : maso n'aima l'Apnée.
Trappe ultra minuscule, ennemi remballé,
Rends l'attirant éclat — netteté détrônée
Des accordés visas, l'écrivit l'exilé.
Mêlez gamay, giga-névralgie avinée !
N'entrave ! Rayonnant, ronronnerait Biron ;
L'ébaubi t'enjôlait en énamourant reine.
L'arène étincela net : rainette, sirène...
Ainsi, géomancien, j'ai rongé l'Achéron ;
Tabula l'omerta, l'homme. Addendum : aubade,
Primo l'esprit yodlé, deuzio de rigolade.
Gary Elgar
P.S. : anakyrielle littérale. Il s'agit d'une variante un peu plus douce, dans laquelle la dernière lettre de chaque mot est identique à la première du précédent. C'est d'une difficulté comparable aux kyrielles littérales déjà un peu explorées, mais la contrainte est bien plus cachée pour un lecteur non averti. Le premier quatrain a été composé vers le 10/09/21, et les trois autres strophes le 31/10/21.
Un espíritu lamentable
(L'exil éprouvé)
Être lugubre, — seul, — épars, — inconcolé,
Roi noir nécromancien en église abolie :
La soul exprès décède, — ud échu constellé
Avec ta nuit enfin niche en Mélancolie.
Thym nimbant un tombeau, touchant et consolé,
Donc rend mer, solarium, Naples en Italie ;
Lui, tournesol, nourrit ton esprit désolé,
Épand exubérance, efflorescence allie.
Légitima l'Orwell ?... Ionesco ni Biron ?
Aplomb tourneboula tellement t'émut reine ;
Divaguer d'underground, eau, tanière et sirène...
Puis trop resplendissant, entrer notre Achéron :
Traduira librement l'exceptionnel Orphée
Tempo tant exprimant théologienne et fée.
Elif le Nerval
Quinine
berrychonne
[dans la variante où seule la voyelle phonétique
de la rime se déplace selon la permutation de
Queneau-Daniel
d'ordre 5, les trois consonnes phonétiques
de ces dernières syllabes restant fixes]
Ce qu'un auteur trace
N'est pas pour les brèles.
Chaque rime écrite
Doit briller de chrome
Et fuir l'imposture.
L'âme est un citrus
Au fruit cérébral,
Méprisant la crotte,
Choisissant la crème
D'arts où s'investir.
Si l'aède trisse
Un seul son, que brûle
Sa rougeâtre crête
De coq et qu'il crame
Au soleil sans stores !
Ce vacarme atroce
Rendrait-il fébriles
Les aristocrates ?
D'abord nous le crûmes,
À leur mine austère.
Mais lorsque l'on tresse
Ensemble le brol
De mots que recrute
L'oeuvre où l'on s'escrime,
L'oulipisme est star.
Ouïseaulorimes
[Robert Rapilly vient de publier un superbe
nouveau recueil de poèmes aux éditions Berline-Hubert-Vortex,
« l'Oiseau qu'on n'ouït jamais », illustré de
gravures de Marie Vilain. Il y invente une forme de micro-sonnet
comptant quatre vers de 4/4/3/3 syllabes, mentionnant au moins
un oiseau, et tel que les singuliers riment toujours avec des
pluriels — systématisant un
clinamen de Mallarmé,
qui fournit le titre du recueil. Robert et la
liste oulipo ont décidé de baptiser
cette nouvelle forme fixe « ouïseaunet ».
À la manière de nos haïkus
triplement
holorimes de 2016,
nous avons aussi cherché s'il serait possible de faire holorimer
les vers de 4 & 3 syllabes, en jouant sur les diérèses
& synérèses.
Cinq
oulipotes
ont
relevé
le
défi. Voici deux essais de ma plume d'ouïseau.]
Prédication d'un héron stylite
« Humble, on gît haut ! »
Fit — hérétiques ! —
Un blongios
Fier, étique.
*
Labbe trouvant suspecte la
fortune de la grive dorée
Mouette, O.K.,
Loriot triche :
Mouais, toquez
L'or, yachts riches !
[diérèses classiques sur mou-ette & lori-ot]
Terine bArrychonne
[Terine berrychonne de
poèmes-barre.
Ça combine donc les idées d'au moins cinq
Oulipiens,
trois plagiaires par anticipation et un
oulipote :
Queneau
& Roubaud pour la
terine
(après Arnaut Daniel),
Mathews
& Jouet pour les
rimes berrychonnes
(après John Berryman),
Michel Clavel
pour le mélange des deux, et
Le Lionnais
pour les poèmes-barre
(après Alphonse Allais).]
Dense est vallon, où sans péchés là brament
Des cerfs. Visse yeux : elle aura jeu, la crèche.
L'air hâte eau mais greffe à ce rat ses frusques.
Dans ces vals, l'on nous empêchait : la brume
Desservit cieux, et l'orage là crache
L'erratum aigre, effacera ces fresques.
Danse, Ève ! Allons-nous-en pêcher la brème !
Dessert vicieux, zèle au rageux : la cruche,
L'Érato maigre — et fasse Râ ses frasques !
P.S. du 21/9/21 : Le mercredi, Oscar et Simon affrontent le dragon avec leur camarade Juju. Mais cet abruti est si lent et peureux qu'il finit par abandonner le château. Avec lui, c'est pas très marrant.
Capitaine,
pas tôt Jules
là se meut.
Cas piteux,
pathogène :
lasse mule
capitule !
Pataud jeu,
la semaine...
Beau spectre (en scandant l'art)
[En 1981, Georges Perec avait combiné ses contraintes
des beau présent et
belle absente dans un poème intitulé
« Aimer ». L'idée était de restreindre l'alphabet
aux seules lettres de l'expression cachée en « acrostiche négatif »
— chaque ligne les employant toutes sauf une, épelant donc en creux
cette expression. Rémi Schulz a aussi
illustré cette contrainte en 2003 sur
la liste oulipo, de façon simultanément
autoréférentielle et antiréférentielle. Elle a été
réinventée
récemment par Noël Bernard pour son
héméroméride, et il en a proposé le
nom « beau spectre ».
Ci-dessous, j'ai choisi un mot permettant la composition d'un
sonnet banvillien (*) respectant l'alternance des rimes, tel que
les strophes successives correspondent à ses quatre syllabes :
tran-scen-dan-tal. Comme toutes ses lettres sont courantes,
la contrainte est ici plus proche d'un lipogramme que
de pangrammes — d'où mon choix de vers longs, alors
que la concision est au contraire recherchée dans
les belles
absentes
habituelles qui emploient davantage de lettres.
(*) Il s'agit évidemment aussi d'un sonnet irrationnel selon les
décimales du nombre transcendant 1/π + 1/8 = 0,4433..., ou bien
π ζ(5) + ln(3) = 4,433...12 si vous préférez la base
12 pour de tels alexandrins !]
Transcendantal
Dans l'encre de l'écran, l'essence réelle erre,
Et sans l'antécédent à l'éclat lactescent
De ce céleste Éden, l'Éternel redescend
Alerter et dresser la carcérale Terre.
Car le cercle cendré de ce récent cratère
S'adresse à l'art standard en des rets le stressant.
À la scala-santa, Satan tarda, dansant
Tel ce rat de l'estrade, et l'acte s'accélère.
Les caractères nets s'entassent sans arrêt
Et le lettré n'entend ce très scellé secret :
À l'écart trace-la, cette détresse, certes !
L'aède a déclaré casser le cadenas
Des sens, se délecter en des sentes désertes
Et transcender sa transe en scandant ses anas.
Sextine irrationnelle
[Sextine avec tornada, dont les nombres de
syllabes par vers (31415926535897932384626 4338327950288419),
de vers par strophe (3141592653), de strophes par partie (3141)
et de parties par section (31) sont chaque fois donnés par les
premiers chiffres de π. Les mots-rimes sont des monosyllabes
employant les six voyelles A, E, I, O, U et Y, un sur deux
fournissant une rime féminine.]
Que l'on marche
vers
un vortex ivre ?
Non !
Évitons la chute
dans les eaux imbuvables du Styx,
ce Styx
qui restreint notre marche.
*
Certes la nuit chute.
*
Mais nos vers
savent dire non
au son de la Carmagnole ivre,
cette danse macabre que l'ivre
horloge répète au Styx.
Car le poète clame ce non
et ne marche
plus vers
l'ocre chute
du sable du temps qui le chute
comme un fol ivre
voulant sauver ses vers
du Styx
même à l'ultime marche.
Il rugit non,
trois fois non.
Chaque chute
est évitable si l'on marche
sans être ivre,
ô Styx
fantasmagorique vers
lequel sauraient nous guider les vers.
***
Hélas un tel non
n'arrêtera jamais le cours du Styx
où chute
dans son fatal tourbillon ivre
l'homme en mauvais état de marche.
---
Tout marche vers
l'ivre
non-sens d'une sûre chute au Styx.
Ballade irrationnelle
[Ballade balladante irrationnelle selon π = 3,0663...7
en base 7, donc en heptasyllabes. Le chiffre 0 est codé par un
septain — de même qu'on représente les 0 de la base 10 par des
mots de dix lettres dans les poèmes mnémotechniques de type
« Que j'aime à faire apprendre... », et j'ai aussi employé un
décasyllabe pour coder un tel 0 dans ma
sextine irrationnelle ci-dessus.
Comme dans cette sextine, le découpage en strophes suit les
propositions indépendantes, sans enjambements, mais il conserve
le schéma de rimes de la ballade heptasyllabique traditionnelle,
ababbcc, juste légèrement modifié pour respecter l'alternance :
trois fois AbAbCCb plus un envoi bCCb.]
J'aime la forme ballade
Au schéma traditionnel
Mais je suis un peu malade.
Un délire intentionnel
T'emporte quand tu dissertes
En établissant que certes
Le monde est irrationnel
Et c'est alors l'escalade
Dans le trouble obsessionnel
Qui structure ta salade.
L'ordre extradimensionnel
Des plus grandes découvertes
Tombe en nos âmes ouvertes :
Le monde est irrationnel
Quoiqu'on sente en la calade
Son champ gravitationnel.
Buvons à la régalade
Ce discours professionnel
Aux analyses expertes
Passant par profits & pertes :
Le monde est irrationnel,
Prince au bon sens optionnel.
Comme en nos raisons désertes,
Verbe, tu nous déconcertes,
Le monde est irrationnel.
Dialéthéisme
[Nouvelle ballade irrationnelle, cette fois selon
π = 3,110375...8 en base 8, donc en octosyllabes.
Le chiffre 0 est codé par un huitain — c.-à-d. par un nombre
de vers égal à « 10 » en base 8. Comme
ci-dessus, le découpage en strophes
suit les propositions indépendantes sans enjambements, mais
il conserve le schéma de rimes de la ballade octosyllabique
traditionnelle, ababbcbc, juste légèrement modifié pour
respecter l'alternance : trois fois AbAbbCCb plus un envoi
bCCb.]
Ô fatalité provisoire
Des blanches nuits, je te suivrai
Guidé par ta brillance noire.
L'invisible j'apercevrai.
Mort sans conteste, je vivrai.
Sûr au fond de la lente urgence
Apprise en ce repos intense,
Je déclare que tout est vrai,
Qu'un seul choix reste obligatoire,
Puis désoeuvré, je concevrai
Cet indispensable accessoire
D'un verre en carton de vouvray,
Feint réel dont je m'enivrai.
Une excessive insuffisance
Fut la raison de ma démence :
Je déclare que tout est vrai.
Dans le doute, il m'a fallu croire
Qu'en plein désert, où je givrai
Au vent toujours aléatoire,
De vieilles nouvelles j'ouvrai,
Et froidement je m'enfiévrai
D'une certaine contingence
En sa monstrueuse élégance.
Je déclare que tout est vrai,
Prince gueux, donc je promouvrai
Cette éloquence du silence
Annonçant la fin qui commence :
Je déclare que tout est vrai.
P.S. du 31/10/21 : Grande ballade irrationnelle en décasyllabes, selon les décimales de la racine douzième de 2 en base 10, c.-à-d. le demi-ton tempéré 21/12 = 1,05946... Le chiffre 0 est représenté par une strophe de 10 vers, et le découpage en strophes suit les propositions indépendantes sans enjambements, en conservant le schéma de rimes traditionnel : trois fois AbAbbCCdCd plus un envoi CCdCd.
Ma tessiture a presque trois octaves.
Illustrons-la de tous ses demi-tons
En commençant par les sons les plus graves
Correspondant aux voix de barytons,
Mais comprenez pourquoi nous hésitons
À vous chanter notre première note
Puisque parfois on dirait que je rote,
Ce qui vous fait sourire en m'entendant
Soigneusement descendre à fond ma glotte,
Et cependant ça n'est pas transcendant
Quand le public soupçonne que tu baves.
Dans le médium, alors sollicitons
Votre indulgence : on y sent moins d'entraves
Et d'autant plus que nous facilitons
Notre justesse en nous doublant — citons
Cet harmonium où souvent l'on pianote.
Sur le clavier, ma studieuse menotte
Poursuit son lent mouvement ascendant
Comme un réel facteur qui numérote
Et cependant ça n'est pas transcendant,
Mais contrôlez vos tempéraments, braves
Gens agacés, car nous vous invitons
À savourer quelques aigus suaves —
Applaudissez si nous le méritons,
A contrario toute plainte évitons.
Au suraigu mon chromatisme trotte
Et les naïfs croiront que je sifflote,
Mais je l'obtiens toutefois en tendant
Ma pauvre gorge étreinte qui chevrote.
Et cependant ça n'est pas transcendant,
Ô troubadour qui manques de jugeote :
Tu sauverais peut-être ta marotte
Irrationnelle et vaine en suspendant
Incontinent cette étrange anecdote —
Et cependant ça n'est pas transcendant.
Sonnet potenciel
[Michel Clavel a
baptisé « poème potenciel » (avec un c) un
poème dont le premier vers est aussi lisible en acrostiche.
Ci-dessous, j'ai composé un premier alexandrin de 14 lettres,
engendrant ainsi un sonnet. Il fait allusion à la fois à la soeur
du Joseph K de
Kafka et surtout à la fiction
W de
Perec.]
Mlle K vit tôt en W
La société modèle, un fantasme utopique
Laissant s'épanouir l'idéal olympique
Et poussant à l'exploit toujours plus élevé :
Kilomètre à pieds joints mais sans s'être abreuvé.
Volontiers le jury, d'un coeur philanthropique,
Imprime au règlement ce biais microscopique :
Terminer chaque épreuve à jeun, même crevé.
Triompher garantit des agapes servies,
Ou parfois un sandwich — ça dépend des envies
Tacites du pouvoir qui veille à nos santés.
En revanche un perdant risque fort la potence.
Nous irons tous un jour en compartimentés
Wagons pour le bétail finir notre existence.
P.S. du 8/11/21 : Nouveau « sonnet potenciel » dont le premier alexandrin, poutre horizontale de la potence, est de Baudelaire. Il a été choisi pour ses 27 lettres, permettant la construction d'un sonnet dont les hémistiches le reproduisent en acrostiche.
Le Gibet
Elle regardera la face de la Mort,
La potence qu'attend
le condamné poète.
Espérant un festin,
rôde le gypaète
Et manifestement
garantit un terme ord.
Au voleur, assassin,
receleur ou consort
Dont la situation
est juste malhonnête,
Revient toujours la corde
au cou de marionnette,
Lambeau patibulaire
accablé par le sort.
François Villon le clame
à tous les humains : frères,
Ces pantins disloqués
exhortent vos prières ;
Dieu veuille nous absoudre
en bloc, de profundis.
Le pendu ne mérite
aucune moquerie
Même s'il fut pécheur
ou délinquant jadis :
Regardez cette chair
torturée et pourrie.
Fêtage de plombes
[Sonnet (commençant par un sélénet)
inspiré par une
chanson culte de
Perceval dans la série
Kaamelott
d'Alexandre Astier, afin de célébrer
dignement les 25 ans de la
liste oulipo.]
C'est l'anniversaire
Dans tous les recoins,
Fête nécessaire
Même aux vieux sagouins.
Buvons du sancerre
Et mangeons des coings !
Faut-il un glossaire
Pour nos baragouins ?
Si l'oeuvre cavale,
Le barde n'avale
De couleuvre aspic.
Il nous les épècle,
Mais ce quart de siècle
Tombe encore à pic.
Vers de terre
[Alexandre Carret a
défini
et
illustré sur la
liste oulipo la notion de « vers de terre :
vers que l'on peut couper en deux, chaque morceau acquérant alors
une vie autonome ». Voici un distique d'alexandrins de ma plume,
dans lequel presque tous les mots de la dernière proposition
changent de sens.]
Je pense, ainsi je suis. Un courant vers l'informe.
Je pense ainsi : je suis un courant vers l'informe.
[Voir aussi ces précédentes contraintes dans le même état d'esprit]
Controlorimes
[À la manière des haïkus
triplement
holorimes de 2016 et des
récents ouïseaulorimes, voici deux
exemples de controlorimes (ou holocontrerimes) : quatrains croisant
octosyllabes & hexasyllabes 8/6/8/6, mais à rimes embrassées AbbA,
comme chez Paul-Jean
Toulet.
La différence est que ces rimes doivent reproduire l'ensemble
des vers, de la première à la dernière syllabe, en se servant
de diérèses & synérèses — ou d'E caducs élidés ou non, si
l'on est encore plus moderne.]
Chaque oulipote, vieux comme embryonnaire, juge moisie l'informatique de Bangalore. Qu'un spécialiste nous enseigne plutôt la fabrication des voiles de mariées !
Es-tu d'hier ou as-tu, liste,
l'indifférenciation ?
L'Inde y fait rance I.A. ! Si on
étudiait, roi tulliste ?
*
Vil colistier amateur de prosodie classique, clame sans détour ton dégoût pour les contraintes dures !
Dégradé pote, où art mou hâtes,
la diérèse y hurlant,
là dis : Hérésie eut relent
des gras dépotoirs moites !
[Voir aussi ces précédents contre-holorimes selon une autre forme.]
P.S. du 3/11/21 : Desdichado controlorime
Así hago aciago
(Pie être piètre)
Elle y hante, noue ardemment :
Ma lumière est ruinée.
Mal eut mie, — errait rue innée,
Hélianthe noir d'amant.
Fie en ces hauts, pie, et te ment
L'oiseau-lyre à dionée.
Loue ase, eau : l'irradie aulnaie
Fiancée au piétement.
L'ami voue âcre âme ou Asie ?
La mi-voix cramoisie
Osa boue, asti lapilleux.
Six fois champion, l'Orphée
Si fou a chants : pillons l'or, fée
Aux abois, style à pieux.
(La bru nie haine labrunienne)
[Voir aussi cet autre Desdichado controlorime d'Alexandre Carret]
Sonnaïku-barre
[sonnaïku
de poèmes-barre,
à la manière de mes précédents
contre-holorimes de 2016]
El Desbarro
(Le mal barré)
Mimais l'encollé.
Tour ou bateau d'écus plie.
Tout rubato décuplé
Mit Mélancolie.
L'arrose, salé
Sous l'apparat d'Italie,
Saoul ; à paradis talé
La rose s'allie.
Jean X ou ciron ?
Joue en feu, le man dort, reine ;
J'en dissous sirène.
Champion, c'est Charon
Jouant feulements d'Orphée,
Chant pioncé qu'a fée.
(Nérée Nerval)
[Voir aussi ces trois
précédents
Desdichados
en sonnaïkus — ce dernier
faisant partie des nombreux
sonnaïkus contrerimés
de Pierre Lamy]
Pentominet
[Solution sur une page séparée]
Autre puzzle
[Solution sur une page séparée]
P.S. du 22/11/21 : variante en alexandrins, juste pour tester ce qui serait faisable
[Solution sur une page séparée]
P.P.S. du 25/11/21 : autre poème plus original que ci-dessus
[Solution sur une page séparée]
Sélénet contrapétique
[sélénet
combinant le verlan
des médailles
d'Annie Hupé
et les contrepèteries des
sonnets nocés de
Robert Rapilly]
« Ô ma chère amie ! »,
L'aède rima.
Elle en fut marrie
Donc ailleurs mira.
Tant elle varie
Qu'homme la riva.
Alors peu ravie,
Femme le vira.
Deux minimalismes
Lune
loin :
une
fin.
[« ouïseaunet-mouche »
en 4/4/3/3 lettres, pour aller
encore en deçà des ouïseaunets
de Robert Rapilly]
Pour cinquante pence,
On me proposa
Un livre à suspense
Et des curiosa.
Aucun code-barres,
Pourtant je souris
Au titre : « Bagarres
De chauve-souris ».
[Sélénet
citant quatre mots-rimes doublement paradoxaux :
— « pence » est un nom masculin pluriel,
mais donne une rime féminine singulière ;
— « curiosa » est un féminin pluriel, mais donne
une rime masculine singulière ;
— « code-barres » est un masculin singulier,
mais donne une rime féminine plurielle ;
— « chauve-souris » est un féminin singulier,
mais donne une rime masculine plurielle.]
Ouïseaunets-mouches
[dont quelques holorimes]
Rimailleur pénible
Muse
luit ;
lui
use.
Rimailleur fainéant
Laid
baye :
bye,
lai !
CAO
Mais
code
met
ode.
Rends-moi le Pausilippe
File
mont,
mon
île !
Hop, à la plage
Mère
aime
mer,
hem !
Menu
Thon
Foie
(ton
oie)
Soûl
Rire
vain,
vin,
ire.
Songe paradisiaque
Vrai
rêve :
rai,
Ève.
Psychanalyse
Pose
maux,
ose
mot !
Balthazar & Wiazemsky
Anne
fout
âne
fou.
Mauvaise cachette
Mâle
cèle
sel
mal.
Paupérisation
Hère :
faim !
Ère :
fin.
Inondation
Crue,
donc
onc
rue.
Vieillesse
Sage,
quoi :
âge
coi.
[Voir aussi ces ouïseaunets-mouches des oulipotes]
P.S. du lendemain :
Torpille
Sole
erre
sol-
air.
Sonyme & solénet
Le sonyme est un quatrain dont les vers comptent successivement
4, 4, 3 et 3 mots.
Le solénet est un sélénet
dont les deux strophes sont des sonymes.
Zhuangzi fait un rêve
Il est un bombyx
Voletant sans trêve
Comme le phénix
Il demande en somme
Suis-je un papillon
Supposant être homme
Dans son roupillon
[Un
célébrissime
antécédent de sonyme est la première strophe
d'Un grand sommeil noir
de Verlaine.
Voir aussi la réponse d'Alexandre Carret.]
P.S.
du lendemain : pour tester les limites, deux sonymes
en vers dissyllabiques
Qu'on m'offre
l'oeuf d'or
d'un coffre,
c'est fort !
et en alexandrins
Ne surévaluez cette caricature :
Tout encouragement serait immérité.
Volontiers raplapla paralittérature
Mélodramatisant sans créativité !
P.P.S.
du 30/11/21 : Alexandre Carret a carrément
osé un sonyme dissyllabique
holorime.
J'ai du coup également essayé une telle acrobatie :
Ce comte anglais puise l'inspiration de ses
chefs-d'oeuvre dans ses origines tchèques :
Car n'est-ce
d'heur l'us
qu'art naisse
d'earl Hus ?
*
Nouveau solénet :
Dans le vain dédale
De tous ses écrits
L'Oulipien pédale
Comme une souris
Mais il se propose
D'en sortir vainqueur
Avant l'overdose
Arrêtant son coeur
P.3S. du 2/12/21 : centon en solénets, dont chaque quatrain ne cite jamais plus d'une fois un même poème
L'aurore s'allume
[Victor Hugo]
Au commun des jours,
[Max Elskamp]
Suivant sa coutume,
[Max Elskamp]
Comme du velours.
[Paul Verlaine]
Je suis la journée
[Pernette du Guillet]
Grise dans le noir,
[Paul Verlaine]
Dans ma cheminée —
[Marceline Desbordes-Valmore]
De mon désespoir.
[Charles Baudelaire]
Que le vent murmure
[Victor Hugo]
Loin de la maison,
[Jules Verne]
Prenant toujours cure
[Pernette du Guillet]
Du vieil horizon !
[Léon Dierx]
Que le pur espace
[Rainer Maria Rilke]
De l'astre éternel,
[Victor Hugo]
Relevant la face,
[Marc Antoine Désaugiers]
Raconte le ciel !
[Charles Cros]
Comme un blanc nuage
[Léon Dierx]
Dans le matin clair
[Max Elskamp]
Cuvant son breuvage
[Marc Antoine Désaugiers]
Aux lèvres amer,
[Max Elskamp]
La vie tant étrange
[Pernette du Guillet]
Chante dans le vent —
[Paul Verlaine]
Vision qui dérange
[Paul Verlaine]
Un grillon fervent.
[Marceline Desbordes-Valmore]
On sonne la cloche
[Paul Verlaine]
Qui brûle mon coeur ;
[Augusta Holmès]
La rumeur approche
[Victor Hugo]
Sous la profondeur.
[Albert Samain]
L'enfer autour danse,
[Alfred de Musset]
Par les Dieux heureux !
[Charles Marie Leconte de Lisle]
Vous, sans espérance,
[Paul Verlaine]
Seul et ténébreux.
[Marceline Desbordes-Valmore]
À la nuit tombante
[Victor Hugo]
De tes traîtres yeux
[Charles Baudelaire]
Pendant la tourmente,
[Alfred de Musset]
Surtout sois joyeux.
[Paul Verlaine]
— Le vieux frêne plie
[Victor Hugo]
Quand sonne le cor ;
[Victor Hugo]
Ce serait folie
[Vincent Voiture]
Une fois encor.
[Émile Verhaeren]
Quand la lune blanche
[Alfred de Musset]
Et demain la mort
[Gérard de Nerval]
Sortent le dimanche,
[anonyme]
Silence, tout dort.
[Marc Antoine Désaugiers]
Mais qui se repose ?
[Paul Verlaine]
Mais qui vous plaindra ?
[Marceline Desbordes-Valmore]
Puisque toute chose
[Gérard de Nerval]
Souffrit et pleura.
[Marc Antoine Désaugiers]
La vie est rapide
[Marceline Desbordes-Valmore]
Et tu vas frémir,
[Paul Verlaine]
La mine livide
[Marc Antoine Désaugiers]
Avec un soupir.
[Charles Cros]
Et sur son passage,
[Marc Antoine Désaugiers]
Ne lui parlez pas :
[René-François Sully Prudhomme]
Hâtons le voyage
[François de Malherbe]
Jusques au trépas.
[Paul Verlaine]
SonX
[copie reformatée d'un
message adressé à la
liste oulipo]
Plusieurs variantes du sonnet ont été essayées sur notre liste,
avec diverses tailles d'« atomes » revenant 4, 4, 3 et 3 fois.
La forme standard correspond à des vers, les classiques
« couronnes de sonnets » prennent
les poèmes comme unité, et dans l'autre sens les
« ouïseaunets »
de Robert Rapilly correspondent aux syllabes,
leur variante «
mouche » aux lettres, nos
anciens
« sonnets
vocaliques »
aux voyelles, et les « sonymes »
aux mots, comme nous en avons exploré toute la gamme. Rien
n'interdirait d'imaginer des sonnets de 4/4/3/3 paragraphes,
chapitres, livres ou bibliothèques — quel programme !
Ou au contraire des atomes inférieurs à la lettre, comme
Robert en mena la démonstration
avec
le
prénom
MERY, aux nombres de traits adéquats.
Pourquoi pas non plus des sonnets de signes diacritiques,
contenant par exemple dans l'ordre « ˙ ´ ´ ˙ / ˙ ´ ´ ˙ /
` ` ¨ / ˆ ¨ ˆ » (les points isolés pouvant être mis sur
des i ou j minuscules, au choix) ?
Chevrier est allé évidemment
encore plus loin avec son élégant
sonnet de ponctuation, où le poète
adopte l'amuïssement plutôt qu'ouïr son âme. Le sonnet
de phrases semble a priori proche de ce que
Roubaud a baptisé
« sonnet en prose » (dont
Pierre Lamy nous a
offert
plusieurs
exemplaires), mais évitons l'amalgame. Pour
ce dernier, il s'agissait d'écrire quatre paragraphes dont les
tailles ressemblent à celles des strophes d'autrefois. Dans le
cas du sonnet de phrases, il faudrait plutôt écrire quatorze
phrases, de longueurs quelconques et pas forcément voisines, et
il ne serait pas obligatoire de les grouper en quatre paragraphes
légitimes. Leur lien avec le sonnet standard serait par exemple
marqué par des rimes. On sait que même les véritables sonnets
d'alexandrins, quand ils sont
présentés
comme
de
la
prose, passent parfois inaperçus
pour les lecteurs hâtifs. Et la prose rimée existe dans la
littérature, notamment au XIe–XIIe siècles,
mais aussi au XXe, avec par exemple
Ramuz en français (de Suisse). Les sonnets
de phrases risquent d'être encore plus furtifs. Je me demande
donc s'il est nécessaire d'en tenter l'exercice.
P.S. du 6/12/21 : quelques autres types de sonnets
Ésotérique
En Amérique :
Om, ô Mississippi !
[sonnet monolettrique, comme
Alain Chevrier en a composé
au moins quatorze avant 2002, et comme
Nicolas Graner vient d'en
réinventer le
concept]
*
Lettrés aèdes, amis ludiques, lisez avec attention le simple sonnet d'initiales dactylographié ici.
*
Ou bien pire là, je vais oser un humble sonnet de longueurs, en prototype.
*
Il semble plus classique
Mais raffiné
De combiner
Cinq mètres qu'on imbrique
Selon cette technique
Que le sonnet
A su prôner
Pour la rime archaïque
Et notez
Ce côté
Qui pourrait à certains plaire
Même un sonnaïku
En est un bel exemplaire
(Birime du coup)
Sonnets de mètres
[selon le même schéma 6446/6446/337/575 que
ci-dessus. Il a en effet été choisi
avec attention : même ordre que le sonnet banvillien, cinq mètres
illustrant tous les cas de 3 à 7 syllabes, les pairs dans les
quatrains et les impairs dans les tercets (puisque 4 est pair et
3 impair), les vers les plus longs (6 & 7 syllabes) pour les
rimes féminines et les trois courts pour les masculines, les
premiers vers ressemblent à des décasyllabes classiquement
césurés 6/4 (à l'italienne) et 4/6 (à la française), le distique
plat 3/3 suit un hexasyllabe auquel il ressemble (et il précède
un heptasyllabe auquel il ressemble aussi, puisqu'on fait
naturellement une courte pause de la longueur d'une syllabe entre
les deux trisyllabes), et bien sûr un haïku standard en dernière
strophe. J'aime son rythme, qui fait penser à la fois aux
chansons (cf. celle
d'un dadaïste de
Tzara) et à la
poésie japonaise à la fin.]
La pensée asservie
Par un divin
Joug sans levain,
Une forme dévie
L'angoisse inassouvie
De l'écrivain
Qui cherche en vain
Le sens de toute vie.
C'est chanter,
Inventer,
Lui répond un rouge-gorge.
Vois-tu qu'au printemps
La nature se reforge
Sans jeux éreintants ?
L'heure est moite et tannique.
Ô glamour, rends
Aux glas mourants
Leur émoi tétanique !
Ce lamantin panique
Hors ce courant.
Or, secourant
Seul, amant tympanique,
Désenfle eaux
D'aise en flots
Montants, c'est facile — et vite !
Les codes scellés,
Mon temps s'efface : il évite
L'écho de ces lais.
Centon à
nasales « on » liées
[illustrant qu'il ne s'agit pas d'hiatus,
car la liaison est systématiquement
faite en prosodie classique, même
quand il ne s'agit pas d'adjectifs]
Fille de Pandion, ô jeune Athénienne,
[André Chénier]
Des restes d'un tel corps pourrait-on avoir peur ?
[Xavier Forneret]
Autour de la maison, obscur comme le coeur,
[Germain Nouveau]
Que serais-je sinon une semblance vaine ?
[Pierre de Ronsard]
Tous au bout du sillon arrivent hors d'haleine,
[Alphonse de Lamartine]
Soit par rébellion, ou bien par une erreur.
[Théophile de Viau]
Il faut par la raison adoucir le malheur,
[François de Malherbe]
Le nom et le renom de la maison ancienne.
[François Fabié]
Venez, Lise, Marton, accourez promptement,
[Jean-Pierre Claris de Florian]
Et qu'un charbon éteint brûle plus vivement !
[François Tristan L'Hermite]
Verra-t-on à l'autel votre heureuse famille ?
[Jean Racine]
Ange, démon ou Dieu, n'y peut rien : j'ai perdu
[Louis Ménard]
Deux tout petits enfants, le garçon et la fille
[Victor Hugo]
Sur l'herbe, m'enivrant d'un frisson entendu.
[Théodore de Banville]
Vain luth qui lie
Tout sens peu sot,
Tais cela tôt
Puis vite nie.
Jour noir tel lie,
Sers-nous nul mot
Pour amer lot,
Vide leur vie.
Dieu, quel art dur !
Sort âcre est sûr :
Déjà vous tue
Faux sous son fer,
Dont rime ort hue
Mort avec ver.
[4 strophes de 4/4/3/3 vers de
4/4/3/(3) mots de 4/4/3/(3) lettres, pour imiter sans
copier le poème
« Rail » de Perec, en 4 strophes
de 4 vers de 4 mots de 4 lettres]
Sonnet de gématries
[Les monosyllabes rimant entre eux ont également la même
somme gématrique — ce qui est
extrêmement rare, donc entre dans la catégorie des
contraintes paradoxales.
Le schéma est celui d'un sonnet élisabéthain :
45/22/45/22, 79/64/79/64, 71/55/71/55, 92/92.]
Rasé de près, ce maire breton a fait remplacer le vieux canal par une avenue. Mais son brouillard permanent la rend infernale, au point de provoquer de graves accidents. Ça explique le nombre anormalement élevé d'enterrements et de pensions à verser.
Glabre
chef
sabre
bief.
Route-
test
floute
Brest.
Damnent
tant,
cannent :
chiant !
Suaires,
douaires...
À la manière des classiques fables express et des « Voeux » de Perec, Robert Rapilly a proposé à la liste oulipo des contrepèteries de titres célèbres, introduites par quelques vers. En voici quatorze de ma plume, d'après les nouvelles d'un même auteur, variant de la simple homophonie (pas de contrepèterie) à l'anaphone (grand mélange des phonèmes).
Jorge Luis demande une bière
Servie en une sphère en verre.
La Leffe [L'Aleph]
Le vieux Borges déstabilise
Le jeune qu'il fut, ça le grise.
Troll [L'Autre]
Dès nos publications,
Nous happions vos passions :
Fixions [Fictions]
Désirant boire, l'ethnographe
Trouve un rongeur dans sa carafe.
Le rat pire de broc d'eau [Le Rapport de Brodie]
La parole est donnée au hasard aux convives,
Mais le maître s'en moque, ô gâchis de salives !
Là l'hôte rit au babil, ânes [La Loterie à Babylone]
L'initïatïon, pourtant facile,
Démontre ton état, jeune imbécile.
L'ânon déduit [La Nuit des dons]
Je me souviens de tout, maman :
Le droit ne condamne un dément.
Fou n'est sous loi, ma mère [Funes ou la mémoire]
Ce qui m'obsède n'est pas un écu sonnant,
Un tigre, ni ce puits, mais un grand continent :
L'Eurasie [Le Zahir]
On m'a donné le poste, et j'en suis ahuri,
Car j'avais critiqué cet honnête jury.
Le stage ta mère ! [Le Stratagème]
La verdeur ose,
Non l'eau de rose.
Lis l'oeuvre bleue, Sade ! [Le Livre de sable]
Tais-toi, traître au marqué visage,
Pendant notre cambriolage.
La ferme, et hold-up ! [La Forme de l'épée]
Afin que Red Scharlach éprouve de l'effroi,
Le spectre de Lönnrot hante Triste-Le-Roy.
L'âme aurait sale boulot [La Mort et la boussole]
Juan Dahlmann réfléchit en rebroussant chemin :
La mort n'a de saveur qu'un poignard à la main.
Du sel [Le Sud]
Si des pommes empoisonnées
Au grand Homère sont données,
Les mord-il ? [L'Immortel]
P.S. du 30/12/21 : quelques anaphones de « la Disparition » puis « la Vie mode d'emploi »
Souvent l'on chipote
Sans le moindre break,
Mais chaque oulipote
Adore Perec.
Moralité :
L'art d'ici : passion.
Lorsque l'atmosphère
Devient rock'n'roll,
Veut-on se défaire
D'un pénible troll ?
Moralité :
La scission rapide ?
Le père Ubu somme
Les entiers avec
Sa gidouille comme
Cela, sans échec.
Moralité :
Addition spirale.
Il veut dans sa corne
À phynance l'or
De la foule morne,
Et rit en son for.
Moralité :
Liasse ici, pardon !
Bâfrant sans vergogne,
Voire l'air pompeux,
Le Roi de Pologne
Demeure adipeux.
Moralité :
Sa ration : lipides.
L'amour, il préfère
L'accomplir debout,
Sinon cette affaire
Le met vite à bout.
Moralité :
S'y saillir d'aplomb.
Il n'a rien à perdre
Donc ordonne aux meufs
D'y consentir : merdre,
Osons des trucs neufs !
Moralité :
Voilà, polie demande.
Mais quand il s'agite,
Ça se passe mal :
Las ! il régurgite,
Le sale animal.
Moralité :
Doigt plat dans le vomi.
Sonnets de monovocalismes
[selon le schéma banvillien abba abba ccd ede. Le premier
est en monosyllabes et respecte une alternance de rimes
(jamais pauvres) consonantiques & vocaliques.]
Pendant la nuit, les graminées poussent dans la prairie, l'enfant pleure, le renouveau s'organise, mais davantage de bruit sera la conséquence d'une telle vague d'énergie vitale.
Tard
prée
crée
nard.
Gnard
rée,
grée
l'art.
Prix :
cris
lors
plus
forts,
flux.
Sonnet simultanément de monovocalismes et de faiblesses prosodiques. Les vers en E ont une césure enjambante, ceux en A un hiatus à la césure, ceux en I emploient le même mot à la rime, ceux en O violent l'alternance des rimes, et ceux en U riment (mal) entre singulier et pluriel.
Le Manitou
(Métadiscours)
L'Éternel crée en terre cet être éphémère :
Grand lascar, s'avança Adam à pas dansants.
Sans hasard l'attrapa Allah, chapardant sangs,
Et le Père engendre Ève, femme de même ère.
Certes le Péché semble prêcher Évhémère*.
Satan passa par là, actant plans agaçants :
Ah ma bath nana, va à la gala† trans-ans !
Et dès cette recette testée, elle est mère.
Ici l'iris divin vit l'instinctif fils vil :
Il prit l'incisif kriss, primitif grizzli vil.
On rompt l'onopordon‡ ; trop rodomont, on mord...
Du sud, l'urubu chut d'un brun cumulus mû
Hors d'ords tronçons profonds, ô Cosmos forclos, Mort !
Tu fus un tumulus, plus qu'un futur humus.
* Évhémère : théoricien grec de l'athéisme
† gala : variété de pomme
‡ onopordon : sorte de chardon
[Voir aussi ces autres sonnets à monovocalismes successifs]
Sonnet
de mots n-syllabiques
[avec n = 3-2-3-2 / 3-2-3-2 / 6-4-4 / 6-1-1, ceux de 0 syllabe ne
comptant pas]
El Desafortunado
(La Déconsidération)
Demeurant ténébreux, — malheureux, — isolé,
Prince gascon n'ayant qu'une douve salie,
L'étoile décédant, — l'harmonium constellé
Porte l'obscur soleil d'une triste Folie.
Ancêtre sépulcral m'épaulant consolé,
Rendez Naples, l'adret, cette côte jolie,
L'hibiscus m'éveillant l'intellect désolé,
Enfin l'exquis raisin qu'une rose rallie.
M'immortaliserais-je allégoriquement ?
Érubescent m'estampilla l'énergumène ;
J'imaginai l'océanide anadyomène...
J'anathématisai l'anéantissement :
Car tour à tour je chante et joue au luth la plainte
De la fée aux longs cris puis les pleurs de la sainte.
[Voir aussi ces précédents isosyllabismes]
27 décembre 2021Sonnet
d'ouïseaunets El Pajarero |
|
P.S. du 30/12/21 : sonnet de ponctuation, de schéma ,.,. ,.,. ??… !!…
Je suis le morose,
Le prince sans tour.
Mon luth se nécrose,
Noir comme un vautour.
Sors de ta sclérose,
Rends-moi le labour.
Greffes-y la rose,
La vigne et l'aubour.
Suis-je Amour ou l'Astre ?
Biron ou Lancastre ?
Ma face rougit…
Chantons comme Orphée !
Crie ainsi la fée !
La sainte vagit…
Voeux
Parcourant en diagonale les Prophéties de Nostradamus,
j'y découvre l'annonce d'une pandémie démarrant « vers
l'an de grâce vingt-vingt », mais se terminant environ
deux ans plus tard — ce qui donne un officieux espoir.
Voyez-vous tous, c'est la conséquence des décisions du
pape Léon IX lors du concile de Rome de mil cinquante.
Elles avaient aussi provoqué la mort du violiste Marin
Marais au millésime exact de douze au cube — Ramanujan
y vit surtout plus tard son puzzle du taxi à invoquer.
[Trois phrases isocèles de gématries respectives 2022,
1050 et 1728 <https://tinyurl.com/DeuxMilleVingtDeux>,
donnant un total assez rond de 4800, mais surtout pour
illustrer cette égalité assez rare entre trois entiers
Que l'année 2×32+3+232×3 amène la fin de la pandémie !]
Journée
mondiale du braille
[distique d'alexandrins dont le premier est aussi « lisse » que
possible en braille (chaque caractère emploie au plus deux
points) et le second aussi « rugueux » que possible (chaque
caractère emploie au moins quatre points)]
Kebab, cake kaki ?, cacabe ce bec bai :
ô vénéré prévôt à ptyx régénéré
⠨⠅⠑⠃⠁⠃⠂
⠉⠁⠅⠑ ⠅⠁⠅⠊⠢⠂ ⠉⠁⠉⠁⠃⠑ ⠉⠑ ⠃⠑⠉ ⠃⠁⠊⠒
⠹ ⠧⠿⠝⠿⠗⠿ ⠏⠗⠿⠧⠹⠞ ⠷ ⠏⠞⠽⠭ ⠗⠿⠛⠿⠝⠿⠗⠿
Les crobards de Lécroart
[L'association Zazie Mode d'Emploi a proposé à
la liste oulipo de s'inspirer de
ces dix-huit dessins
d'Étienne Lécroart pour écrire des textes
ou poèmes. J'ai composé une ode classique, en trois sizains
d'octosyllabes de schéma AAbCCb.]
Ode à la Création
(15) Après le Big Bang, les symptômes
(17) Sont la formation des atomes,
(0) Les planètes s'agglutinant
(3) Qui chauffent, mais un fébrifuge
(5) Les stabilise : le déluge —
(1) Sable et roc durent maintenant.
(10) L'homme en taille un outil biface
(13) Et bien que beaucoup de temps passe,
(8) Il continue en moins rustaud,
(2) Car il veut créer des ouvrages
(6) Qui gagneraient tous les suffrages —
(14) Il en montre un à l'expert tôt.
(11) Lorsque celui-ci l'examine,
(16) Il est effondré, ce qui mine
(12) Le moral du peintre un moment.
(4) Le Maître illustre comment faire :
(7) Il faut creuser la logosphère
(9) Pour trouver parfois un diamant.
P.S. du lendemain : tentative de centon illustré par Lécroart, en laissant les contraintes (notamment l'alternance des rimes) choisir ce qu'elles voulaient. Les 18 sources sont toutes différentes bien que soient cités deux poèmes de Hugo, Lamartine et Vigny.
(2) Je reprenais de l'oeil et du coeur ma lecture :
[Alphonse de Lamartine]
(8) Le crayon tous les jours montre en votre peinture
[Jean Bertaut]
(1) Des sables, des massifs d'arbres, des rochers nus.
[Charles Marie Leconte de Lisle]
(16) À ceux qui s'épuisaient en tourments inconnus
[Alfred de Musset]
(4) Dans l'or fauve du soir, durement se dessine
[Théophile Gautier]
(7) Cette maudite laie. Et creuser une mine,
[Jean de La Fontaine]
(17) Fabriquer l'univers d'atomes assemblés ?
[Étienne Pavillon]
(12) Vois nager dans le sang mes esprits désolés :
[François Tristan L'Hermite]
(3) Les rochers, les volcans, les monts, les mers houleuses
[Victor Hugo]
(10) Viennent m'environner, les cavernes affreuses !
[Isaac Habert]
(15) Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
[Charles Baudelaire]
(11) Il regarde longtemps, longtemps cherche sans voir
[Alfred de Vigny]
(5) Qu'il était le noyé du déluge de l'ombre.
[Victor Hugo]
(14) À ses yeux fatigués tout se montre plus sombre :
[Alfred de Vigny]
(0) Cent planètes brûlant de leurs feux empruntés.
[Alphonse de Lamartine]
(9) La lune est claire et ses rayons diamantés,
[Émile Verhaeren]
(13) Oasis de parfums dans les déserts flottante !
[Jules Lefèvre-Deumier]
(6) Et ma voix épela la page triomphante.
[Gérard de Nerval]
Braille
économique
Comme l'écriture braille nécessite beaucoup de papier, voici une
courte histoire, de nouveau illustrée par
Lécroart, dans laquelle les deux dernières lignes de points
de la première phrase se superposent au deux premières lignes de
points de la seconde phrase :
Il est même possible de superposer davantage de lignes, par exemple en demandant à la puissance éternelle de se coucher de façon peu élégante :
Voici également la superposition de cinq âges de la vie :
Sonnet de thèmes
[Les cinq sens sont évoqués dans le même ordre que les rimes :
vue-goût-vue-goût / vue-goût-vue-goût / odorat-toucher-toucher / odorat-ouïe-ouïe]
Sin sentido
(Aucun sens)
Mon sang de prince est bleu, couleur de mes regrets,
Car mon legs s'est dissous dans mon malheur acide :
L'étoile jaune est morte, — et les reflets dorés
De mon luth sont amers comme un demi-suicide.
Dans le noir du tombeau, vous qui me rassurez,
Rendez-moi l'eau salée où Naples gît placide,
La fleur rouge qui plut à mes esprits navrés
Et la treille où le pampre accorde maint glucide.
Suis-je Amour, un Roi mage, ou ses parfums offerts ?
Mon front sent la douceur du baiser de la reine
Puis l'éclaboussement d'un plongeon de sirène...
J'ai supporté l'odeur de soufre des Enfers
En modulant des cris sur la lyre d'Orphée,
Suivis par le silence absolu de la fée.
G. Saint-Saëns
Mise au point d'une seconde version de mon plan anagrammatique du métro de Paris, contenant 111 nouveaux noms par rapport à ma dernière mise à jour, principalement les stations de tramway figurant désormais sur le plan officiel de la RATP.
Journée du mal de dents
L'héméroméride de
Bernard Maréchal
& Noël Bernard m'a appris que le
9 février est consacré au
mal de dents.
Cela m'a rappelé ce quatrain pondu dans ma jeuuunesse (et
déjà posté sur la
liste oulipo il y a un quart de siècle) :
Bien trop humide est mon palais
Je l'avoue : je suis mal dedans
Car si ma couronne me plaît
C'est pas marrant d'être une dent !
Comme il accumule les faiblesses prosodiques, j'ai eu envie de l'adapter à des formes respectant l'alternance et la graphie des rimes, d'abord un « lanet » en tétrasyllabes :
Bien trop humide
Est le palais
Où je réside
Mais tu me plais,
Riche couronne —
J'ai mal dedans
Car je mâchonne
Parmi les dents.
puis un classique sélénet :
C'est dans l'or splendide
Que je m'installais
Bien que fût humide
Ce rose palais
J'aimais la couronne
Mais j'ai mal dedans
Car ne m'environne
Qu'un amas de dents
Joseph de Kessel
[Réécriture du Desdichado selon le rythme
du « Chant des partisans » : vers de 14/14/15/15
syllabes à rimes toutes féminines, césurés 2+3+3+3+3(+e) pour
ceux de 14 et 2+3+7+3(+e) pour ceux de 15.]
El Partisano
Je suis l'Aquitain ténébreux à la tour abolie
Mon luth constellé porte un noir bouclier de Folie
Ami dans la nuit du tombeau de mon étoile obsolète
Rends-moi la colline et la mer où Napoli se reflète
Mon coeur désolé fut charmé par les fleurs d'Italie
La treille où s'allie une vigne à la mauve ancolie
Troublé que la reine ait posé son doux baiser sur ma tête
Je rêve en la grotte où se baigne la sirène en cachette
Je suis Apollon Cupidon Lusignan ou Thalie
Deux fois triomphant j'ai franchi l'Achéron et sa lie
Chantant tour à tour comme Orphée au vïolon le répète
Les cris de la fée et les soupirs étouffés du prophète
P.S. du 16/2/22 : le « partisanet » systématise les rimes internes du Chant des partisans, en respectant de surcroît l'alternance des rimes. Plus précisément, il est formé de douzains de schéma 5a/6a/3B, 5c/6c/3B, 5d/7d/3E, 5f/7f/3E, où les lettres en bas de casse représentent des rimes masculines et celles en capitales des rimes féminines, et où les penta- & hexa-syllabes sont respectivement césurés 2+3 & 3+3. Notez que le Desdichado ci-dessus ne respecte pas plus ces rimes internes systématiques que le chant original. Voici une adaptation de cet original à la présente forme plus rigide.
Ami, n'entends-tu
Le corbeau combattu
Sur nos plaines ?
Ami, n'entends-tu
Le pays qui s'est tu
Dans ses chaînes ?
Ohé, partisans,
Ouvriers et paysans,
C'est l'alarme.
Ce soir les pourris
Connaîtront du sang le prix,
Mainte larme.
Montez des sous-sols,
Descendez de nos cols,
Camarades.
Partout déballez
Vos fusils, pistolets
Et grenades.
Ohé, les tueurs,
À vos armes, saboteurs,
Sortez vite
Engins et couteaux,
Prenez garde à vos fardeaux :
Dynamite.
C'est nous qui brisons
Les barreaux des prisons
Pour nos frères.
La haine a pour fin
De meurtrir, comme faim
Et misères.
On voit des pays
Où les gens sont éblouis
Par un rêve.
Ici concluons :
Nous marchons et nous tuons
Ou l'on crève.
Ici chacun sait
Ce qu'il veut, ce qu'il fait
Quand il passe.
Ami, si tu meurs,
Un ami sort d'ailleurs
À ta place.
Demain du sang noir
Séchera de l'aube au soir
Sur la route.
Sifflez à côté :
Dans la nuit la liberté
Nous écoute.
(d'après Anna Marly, Joseph Kessel & Maurice Druon)
Mini-ballades
[copie d'un
message adressé à la
liste oulipo]
On connaît le chant royal, en cinq onzains de décasyllabes
de schéma ababccddedE, plus un envoi de 5 ou 7
vers (cc)ddedE, où la lettre en capitale
représente un refrain immuable de strophe en strophe.
La grande ballade est en trois dizains de décasyllabes
de schéma ababbccdcD, plus un envoi de cinq
vers ccdcD. La petite ballade est en trois
huitains d'octosyllabes de schéma ababbcbC, plus
un envoi de quatre vers bcbC. (Des variantes
existent pour l'ordre des rimes.) La ballade balladante primitive
était en trois septains d'heptasyllabes de schéma
ababbcC, l'envoi bbcC n'étant pas
encore de mise à l'époque. Et les ballades en hexasyllabes et
pentasyllabes ont aussi existé au Moyen Âge. J'avoue ne pas
savoir si elles avaient des schémas de rimes fixes, mais comme
ceux mentionnés ci-dessus commencent tous par des rimes croisées,
il semble naturel de choisir un schéma ababbA
pour les sizains d'hexasyllabes — plutôt que son classique
anacyclique abbabA ou le croisement systématique
ababaB, et aussi de préférence à l'autre schéma courant
aabccB à trois rimes. Pour les pentasyllabes, le quintil
ababB aurait l'intérêt d'autoriser un envoi
bB constituant un distique, c.-à-d. un cas particulier
de strophe, contrairement au quintil
apollinarien ababA.
Les autres quintils classiques ne commencent pas par des
rimes croisées (cf. abbaB
d'Aragon), et
présentent souvent l'inconvénient d'employer la rime double pour
le refrain (cf. abaaB, aabaB, abbbA). J'ignore si le cas
des quatrains de tétrasyllabes a déjà été illustré. Une telle
micro-ballade pourrait être de schéma abaB abaB abaB
— mais un envoi final aB ne constituerait pas
une strophe au sens classique du terme. Pour respecter cette
notion de strophe, la nano-ballade en tercets de trisyllabes
devrait a priori être monorime, c.-à-d. de schéma aaA.
Rien n'interdirait bien sûr d'innover davantage, avec par
exemple un schéma abA abA abA (plus un possible
envoi A ou bA). Les distiques de
dissyllabes pousseraient aussi au monorime aA aA aA
(plus un possible envoi répétant encore le refrain
A) — le cas aB aB aB me semblant peut-être
moins intéressant (?). Les monostiches de monosyllabes
répéteraient juste trois fois le même court refrain. Les astiches
d'asyllabes ont déjà été
abordés sur
cette liste. Si vous savez définir les
ballades avec un nombre négatif de vers par strophe et de
syllabes par vers, ça m'intéresse. En attendant, voici quelques
mini-ballades :
*
Ton âme bouillonnante
Est un Eldorado
De passion permanente.
Cet unique cordeau
Illustre en glissando
Ton audace étonnante.
Histoire impertinente,
Certains t'ont dit sado-
Maso, thèse gênante,
Mais nulle libido
N'induit grosso modo
Ton audace étonnante.
Car séance tenante,
Tu bâtis en rondeau
Une oeuvre dissonante
Mêlant do dièse et do,
Qui prouve en un credo
Ton audace étonnante.
Prince Gesualdo,
Redouble crescendo
Ton audace étonnante !
Quand les malheurs font
Mettre en quarantaine
Ta tour sans plafond,
L'étoile lointaine,
Ta peine est certaine.
Les fleurs satisfont
L'eau napolitaine.
Ton coeur se morfond :
Plus de prétentaine,
Ta peine est certaine.
La sirène au fond
De cette fontaine
Nage et se confond
À la puritaine —
Ta peine est certaine.
Prince d'Aquitaine,
Ta peine est certaine.
*
Toujours statique,
Hélas ! Pourquoi
Rester mutique ?
Réveille-toi !
Dans cette optique,
Choisis la loi
De ton cantique :
Réveille-toi.
De ta pratique
Naîtra l'émoi,
L'art poétique.
Réveille-toi !
Prince apathique,
Réveille-toi !
*
As-tu faim
De méthode ?
C'est la fin,
Ô Dauphin,
De ton ode —
C'est la fin.
Sable fin,
Tout s'érode :
C'est la fin.
Prince hymnode,
C'est la fin.
*
Lame or
Là mord
L'âme ort,
La mord :
La mort
La mord,
La mord...
*
¡Ay,
ay,
ay!
*
*
!ya
,ya
,yA¡
*
[...]
Euh, cela m'épate !
Elle t'étonne, Amália, la date 22/02/2022 ?
Et, à
Dalaï-Lama, en
note
telle
étape
mal
échue ?
Virelai
[Le virelai est une forme poétique médiévale
cousine des ballades,
notamment en raison de la présence d'un refrain,
mais de schéma plus variable. Ci-dessous, j'ai adapté
en français moderne l'un des plus connus de
Guillaume de Machaut, dont j'apprécie la
mélodie malgré son accompagnement
archaïquement simpliste. Le lendemain, je l'ai aussi
traduit en monovocalisme.]
Quand je reviens du bonheur
D'avoir vu ma Dame,
Je ne ressens ni douleur
Ni peine en mon âme.
Dieu ! c'est vrai que je l'aime et clame
Ma fidèle ardeur.
Sa belle et grande douceur
En sa tendre flamme
Nuit et jour éprend mon coeur
Et mes rêves trame.
Dieu ! c'est vrai que je l'aime et clame
Ma fidèle ardeur.
Et quand sa haute valeur
Ma ferveur entame,
Je veux la servir sans peur
Ni le moindre drame.
Dieu ! c'est vrai que je l'aime et clame
Ma fidèle ardeur.
Veerelè
Je rentre présentement
De chez cette Belle,
Et je ne me sens dément,
Tête ne se fêle.
Père ! entends le très tendre zèle
De ce cher serment.
Ce fervent empressement,
Déesse éternelle,
En pensée expressément
M'éprend et m'emmêle.
Père ! entends le très tendre zèle
De ce cher serment.
Cet excellent élément
Me rend même frêle :
Te révérer tellement
Est règle réelle.
Père ! entends le très tendre zèle
De ce cher serment.
SOG
[Un sonnet d'alexandrins compte 4 strophes de 3 ou 4 vers de 12
syllabes, totalisant 4, 8, 11 et 14 vers aux fins de strophes
successives, qui correspondent à 48, 96, 132 et 168 syllabes.
Aucun de ces entiers ne peut s'écrire, dans aucune base, comme
un palindrome d'au moins trois chiffres. Autrement dit, ils
sont tous des éléments de cette suite. De la même façon que Roubaud a
défini les haïku & tanka oulipiens
généralisés (hog & tog) en imitant leurs propriétés
premières, définissons le
sonnet oulipien généralisé (sog) en imposant
que toutes ses caractéristiques soient des éléments de cette
suite. Le sog de 4+4+3+3+4+4 hexasyllabes ci-dessous compte par
exemple 6 strophes de 3 ou 4 vers de 6 syllabes, totalisant 4,
8, 11, 14, 18 et 22 vers aux fins de strophes successives, qui
correspondent à 24, 48, 66, 84, 108 et 132 syllabes. Comme
la notion de (non)-palindrome est liée à sa définition, une
structure infarpaitement symétrique m'a semblée appropriée.]
La tourmente et le barde
Elle a faim des arts : sonne
L'heure, tourne le sort.
La Muse Érato mord
L'en-cas, marmonne « automne ».
Elle arrime cyclone,
Neige : « D'eau trinquons fort ! »
Orage odieux mis, l'ord
Jeu d'éclats méchants tonne.
L'écrivain sent arder
Les cris vains sans tarder,
Messe rêche au félibre.
Déguiser l'aversion
Mais se réchauffer, libre
D'aiguiser la version !
Je déclame et chantonne :
« Ô rage ! ô Dieu ! Milord !
N'ai-je d'autre inconfort ? »
Et la rime s'y clone...
Lent camard monotone,
L'amuser rate, ô Mort !
Le retour ne le sort
Et la fin désarçonne.
[Voir aussi ce sog d'Alexandre Carret, combinant rimes à l'oeil & à l'oreille]
P.S. du 20/3/22 : sog de 2+4+2+4+12+6 quadrisyllabes [comptant donc 6 strophes de 2, 4, 6 ou 12 vers de 4 syllabes, ce qui donne 2, 6, 8, 12, 24 & 30 vers aux fins de strophes successives, et correspond à 8, 24, 32, 48, 96 & 120 syllabes]. Comme Noël Bernard le 11/3/22, j'ai ici choisi des strophes aux rimes palindromiquement embrassées comme des matriochkas — anticqve schéma remontant au XIIIe siècle, que Paul Fournel a baptisé « étreinte » en 2008.
Aubes & voiles
Le jour se lève
Et rompt mon rêve
Je ne sais pas
Où peut reprendre
Un tel méandre
Rhin sans compas
Ne rien refaire
En sens contraire
Seul un nouvel
Essai fertile
Rendra le style
Atemporel
Ce troublant songe
Y répartit
Chaque mesure
Logiquement
Il suit le fleuve
Qui reproduit
Une bleu nuit
Eau qui l'abreuve
Mais il nous ment
Et sans usure
Notre appétit
Tard se prolonge
Regarde un rond
Écrire un nombre
Puisqu'on le sent
Éblouissant
Tes yeux dans l'ombre
Écouteront
[Voir aussi ce sog d'Alexandre Carret, reprenant la même structure strophique]