Gef's Contributions to the Oulipo Mailing List

[0. Classification of the constraints]
[1. Old oulipian page (90s)]
[2. Translation exercises (96-97)]
[3. Miscellaneous constraints (97)]
[4. Oulipian games & poetry (97-98)]
[5. Oulipoetic constraints (98-99)]
[6. Oulipoetry in 1999]
[7. Y2k texts]
[8. Grannets, tanka & Nerval]
[9. Poetry & symmetry (2000-01)]
[10. Sonnets et al. (2001-02)]
[11. Homophonies, anagrams, etc. (2003)]
[12. Combined constraints (2003-04)]
[13. Some original constraints (2004-06)]
[14. New literal constraints & pangrams (2006)]
[15. Holorhymes, pangrams, etc. (2006-08)]
[16. Polysemy & Pastior (2008)]
[17. Collective poems & vocalic sonnets (2008-09)]
[18. Lists & saturation (June-July 2009)]
[19. Anagram pairs, Loyd & Fournel (2009)]
[20. Rhymes, anagrams et al. (2010-11)]
[21. Cut-up, outlaw, Mathews, etc. (2011-12)]
[22. Complex rhymes, multi-lipograms & self-justification (2013)]
[23. Doublets, arithmonyms, alpharhymes, etc. (2014)]
[24. Homoconsonantisms et al., braids, anagrhymes (2015)]
[25. Anagrams, holorhymes, Morse, etc. (2016)]
[26. Rhythm & pangrams (2016)]
[27. Compositions, holorhymes and new constraints (2016-17)]
[28. Syllabic squares, vocalic sequences, music, etc. (2017)]
[29. Paradoxical constraints (2018)]
[30. Extensions of anancograms & other constraints (2018)]
[31. Express palindromes (2018)]
[32. Digrams, mesonyms et al. (2019)]
[33. Intervals, primes, n-grams & Queneau (2019)]
[34. Statistics and prime ASCII art (2020)]
[35. Extensions of HOGs & palindromes (2020)]
[36. Acrostics, rhythm and many other constraints (2020)]
[37. Block designs, neo-gematria, paronyms & boundaries (2020)]
[38. Metatogs, irrational sonnets, neo-sestinas, etc. (2021)]
39. Prouhet-Thue-Morse, generalized sonnets and other forms (2021-22)
[40. Architogs, polysympathy et al. (2022)]
[41. Paronyms, protehogs, dichotomy, etc. (2022)]
[42. Tropes and generalized palindromes (2022)]
[43. Block designs, binary gematria et al. (2023)]
[44. New express palindromes and octina (2023)]
[45. Paronyms, surdefinitions & palindromes (2023)]
[46. Recent stuff (2024)]
[Appendix: Homages to a few oulipian friends]


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26 – 28 juin 2021

Verlaine mène les vers
[Après mon récent holorimage de la Chanson d'automne de Verlaine, j'ai ici essayé des tercets 4/4/3 palindromes syllabiques — les consonnes étant parfois associées aux voyelles qui les précèdent, comme souvent avec ce type de contraintes. Les rimes de l'original sont de nouveau conservées.]

Tôt n'oscillons
Aux violons
      Si l'automne
Tonne, ô moqueur
Marasme à coeur
      Monotone !

Le répliquant
Dégradé, quand
      Plierait l'heure,
Leur rompit lien :
T'est resté... rien.
      Pile on pleure.

Port en qui vais,
Moment mauvais
      Qui t'emporte,
Mords-tu vers la
Feuille en feu là,
      Vertu morte ?

*

Pangrammisation de chaque strophe :

Les joyaux longs
Des oukpwé blonds
      De l'automne
Squeezent mon coeur
De fièvre en choeur
      Monotone.

Tout suffocant,
Les yeux blancs quand
      Jerke l'heure,
Je me souviens
Des gwerz anciens
      Et je pleure.

Chez toi je vais,
Blizzard mauvais
      Qui rapportes
Week-ends gelés
Oxydant les
      Feuilles mortes.

[Oukpwé : porte-voix africain fait d'une défense d'éléphant creusée]

*

Bon gros monovoc' :

Les blets relents
Des rebecs lents
      De septembre
Jettent déments
En tremblements
      Mes chers membres.

Blême, j'entends
Cesser le temps,
      En géhenne,
Je me remets
En tête mes
      Tendres scènes

Et je me rends
Vers d'enflés vents
      Prêts de prendre
Ce ménestrel
Emmené tel
      L'herbe en cendres.

*

Un mini-lipo pour finir :

Maints sanglots longs
Aux violons
      Automnaux
Battront ton for
D'un constrictor
      D'us banaux.

Tout suffocant
Puis pâli, quand
      Fuit ton jour,
Tu crois vivant
L'instant d'avant
      Sans humour.

Alors tu pars
Aux forts blizzards
      Qui t'ont pris
Par ci, par là,
Imitant la
      Mort sans prix.

[Voir aussi la version antonymique de Nicolas Graner — ainsi que les
antécédents de Robert RapillyPhilippe Saint Raymond fin avril dernier]


27 juin 2021

On a déjà fait outrage à un poème — moderne, ancien, célèbre ou bien que l'on aime — à le citer sans respecter de coupure entre ses vers ni ses divers choix d'allure. L'alexandrin est un terrain trop facile et tout sonnet se reconnaît par son style. J'essaye ici un endurci schéma, mètre plus subtil car publié par un vrai maître. À mon avis, lecteur, tu vis sans grand-peine qu'à la façon d'une chanson de Verlaine, tu réentends ces quatre temps deux fois, certes, puis juste trois syllabes — ois ! — sont offertes. L'un des attraits reste les très denses rimes au demeurant, car on comprend que tu trimes. Mais n'abusons de ces poisons de contraintes qui prouveraient l'objet concret de tes craintes. Il faut savoir se prévaloir de voltige mais en finir sans parvenir au vertige.


3 juillet 2021

Puissances gématriques
[Variante de la contrainte inventée par Philippe Saint Raymond en mai dernier, où l'on ne calcule plus les puissances des rangs alphabétiques des
lettres, mais celles des valeurs gématriques des mots — comme dans les carrés bimagiques proposés peu après par Rémi Schulz.]

        Être Phébus puis prince ? Ma reine me rêve avec
        elle. La treille dit rallier ce si mûr hélianthe.

        Sur ses pétales, une fée t'intimide, digne mage.
        Front hâlé, encore embrasé de sang rose, j'expire.

[Ces deux paragraphes illustrent l'égalité
        48n + 71n + 65n + 65n + 14n + 51n + 18n + 50n + 31n
        + 34n + 13n + 81n + 33n + 75n + 8n + 28n + 52n + 82n
        =
        58n + 43n + 78n + 40n + 16n + 20n + 83n + 39n + 26n
        + 73n + 26n + 60n + 63n + 9n + 41n + 57n + 10n + 77n
satisfaite pour n entier allant de 0 à 10 inclus.
La valeur n = 0 signifie par exemple qu'ils ont le même nombre de mots (18), et n = 1 qu'ils ont la même somme gématrique (819). Pour n = 10, les deux paragraphes ont pour valeur 37 912 506 905 868 246 273. Ces sommes de puissances diffèrent à partir de n = 11.
Comme ça ne demandait pas plus de travail, les deux paragraphes ont aussi le même nombre de lettres (76), ce qui n'a aucun lien avec les égalités ci-dessus.]


P.S. du 5/7/21 : L'égalité ci-dessus est l'une des plus compactes que j'ai trouvées — avec 18 termes dans chaque membre. Mais elle contient deux fois l'entier 65 dans le premier membre, et deux fois 26 dans le second, ce qui peut être considéré comme une faiblesse. J'ai donc indiqué à la liste oulipo deux autres solutions sans aucune répétition, comptant chacune 22 termes dans leurs membres. Rémi Schulz s'est servi de la première pour construire deux quatrains d'hendécasyllabes ayant une impressionnante quantité d'harmonies numériques. J'ai repris ci-dessous sa structure, mais en décomposant les hendécasyllabes en 4+4+3 à la Verlaine. Cette contrainte est si dure que l'on s'éloigne forcément de l'art figuratif ! Je ne fais que vous livrer ce qu'elle a accepté de rimer.

Anabas longs,
Ad hoc gallons,
      Acétone,
Décèdent tard.
Baba hagard
      Bec adonne.

Ébranlera,
Cacabera
      Acide heure.
Le tacticien
En akkadien
      Râle, pleure.

=

Accélérant
D'agacement
      — Achevage,
Gaba dealeur.
Affidé coeur
      Déménage.

Affamé, pais
Abaca : paix !
      Il déporte
Et tombola
Par ci fila
      Comme morte.

[Les deux moitiés illustrent l'égalité
        38n + 67n + 5n + 26n + 80n + 63n + 60n + 43n + 6n + 39n + 10n + 53n
        + 76n + 34n + 22n + 57n + 17n + 84n + 19n + 56n + 36n + 77n
        =
        82n + 4n + 69n + 52n + 11n + 66n + 31n + 62n + 54n
        + 32n + 45n + 8n + 50n + 21n + 83n + 25n + 78n + 35n + 12n + 28n + 49n + 71n
satisfaite pour n entier allant de 0 à 10 inclus. Il y a 44 mots en tout, dont les valeurs gématriques sont toutes différentes mais ont une moyenne de 44, et chaque moitié totalise 44 syllabes.]


3 – 7 juillet 2021

Protéonets verlainiens
[sizains 4/4/3/4/4/3 lisibles selon au moins un autre rythme]

La lente larme
Encre l'alarme
      En hiver,
Meurtrissant l'âme :
Ancre sa lame
      Un enfer.
[strophe de sélénet]

La lente larme encre
L'alarme en hiver,
Meurtrissant l'âme : ancre
Sa lame un enfer.

*

Le chant immense
Sur lequel danse
      En été
La bonne lyre
A su décrire
      Ma gaîté.
[distique d'alexandrins]

Le chant immense sur  lequel danse en été
La bonne lyre a su  décrire ma gaîté.

*

Un violon
Leur crie au long
      De chaque âge
Qu'un opaque heur
Blesse tout coeur
      Mis en cage.

Pleur d'un volet
Qui claque au laid
      Vent puis craque
De gel ou bien
Peur ô combien
      Profonde : ah que

Se morfonde oeil
Portant le deuil
      De l'automne,
Donne un éteint
Cercueil au teint
      Monotone !
[sonnet banvillien de pentasyllabes]

Un violon leur
Crie au long de chaque
Âge qu'un opaque
Heur blesse tout coeur.

Mis en cage, pleur
D'un volet qui claque
Au laid vent puis craque
De gel ou bien peur.

Ô combien profonde !
Ah que se morfonde
OEil portant le deuil !

De l'automne, donne
Un éteint cercueil
Au teint monotone.

*

En des bois morts
Au centre alors
      Entre automne.
Ois les sournois
Vers du chantre, ois :
      Éventre aulne !

Et vois : à la
None par là
      Sonne l'heure.
Enfin cri vain
Leurre écrivain
      Comme il pleure.
[sonnet banvillien de trisyllabes]

En des bois
Morts au centre,
Alors entre
Automne, ois !

Les sournois
Vers du chantre,
Ois : éventre
Aulne et vois !

À la none,
Par là sonne
L'heure enfin.

Cri vain leurre
Écrivain
Comme il pleure.

[Voir aussi ce tanka de Nicolas Graner et cet autre distique d'alexandrins de Philippe Saint Raymond]


9 juillet 2021

Holorimes bilingues
[Dans l'état d'esprit des classiques traductions homophoniques chères à van Rooten, Lord Charles et plusieurs oulipiens (dont François Le LionnaisMarcel Bénabou), Robert Rapilly a inventé et brillamment illustré la notion d'holorime bilingue. La nouveauté est que la moitié en une langue étrangère et son homophonie française forment ici un ensemble cohérent. Ci-dessous, j'ai essayé son idée sous forme de fable, la ligne finale en français étant une citation exhaustive du premier sonnet de monosyllabes, chef-d'oeuvre de Paul de Rességuier publié en 1835.]

Une fragile caille avait trouvé tout proche
De chez elle un travail : fabriquer en roseaux
Des genouillères, mais ça lui fit mal aux os.
Sa production chuta, lui valant maint reproche.

Lorsqu'on mit en caution le seuil de son couloir,
Elle n'accepta plus, s'enfuit vers un nuage,
Libre, encore plus haut ! Hélas un vent d'orage
Emporta pour toujours l'oiselle dans le noir.

For bail aisle door, sore frail quail more rose. (Close labor is lap reeds.)
Fort belle, elle dort. Sort frêle ! Quelle mort ! Rose close, la brise l'a prise.


13 juillet 2021

Ballade composée
[Illustration des 34 compositions de 10 en sommes d'entiers de 2 à 10, comme
l'année dernière mais cette fois avec des vers de dix syllabes au lieu de dix lettres,
et sous forme de ballade pour ne pas reprendre la même terza rima. L'ordre choisi est
4+2+2+2 = 4+2+4 = 2+2+2+4 = 2+2+2+2+2 = 2+4+2+2 = 2+4+4 = 2+8 = 2+2+6 = 4+6 = 4+3+3
= 2+2+3+3 = 2+5+3 = 7+3 = 3+4+3 = 3+2+2+3 = 5+2+3 = 2+3+2+3 = 2+3+5 = 5+5 = 10
= 8+2 = 6+2+2 = 6+4 = 3+3+4 = 3+3+2+2 = 3+5+2 = 3+7 = 3+2+5 = 3+2+3+2 = 5+3+2
= 2+3+3+2 = 2+6+2 = 2+2+4+2 = 4+4+2 (= 4+2+2+2 = ...)
. On passe d'une expression
à la suivante en effectuant une seule somme de deux entiers voisins ou bien
en décomposant un seul entier en deux plus petits, et la règle est cyclique.]

Confraternels humains, notre poème
N'existera longtemps inéclairci.
Oyez plutôt l'ardu métasystème —
Contre cela, n'ayez l'esprit durci.
Coupons différemment l'épître ainsi :
Cette composition mathématique,
Code désoxyribonucléique,
Règle l'exact reconditionnement,
L'exploration phénoménologique —
Pathologie absurde m'opprimant.

Notre schéma, sévère stratagème,
Jamais n'expérimentons adouci.
L'épistémologique théorème
Pâtirait d'intervenir raccourci,
N'engendrant guère d'écrit réussi.
L'opératoire squelette algébrique
Donne l'excentrique effet linguistique
Avec l'obligé réarrangement
D'infrastructure décasyllabique,
Anatomopathologiquement.

L'hypothéticodéductif problème
Métamorphosera quelque souci
D'aristotélicien catégorème.
L'aliment finirait désépaissi,
Davantage adapté, digeste ici ?
Consultons l'alphabétique lexique
D'allure parallélépipédique
Déclenchant l'entier recommencement.
Espérons qu'alors l'effaré clinique
Pathologiste m'aidera vraiment.

Prince, reconduis l'univers cyclique !
Chaque terminologique fragment
D'une ballade extravagante explique
L'originel pathologique aimant.


P.S. du 18/7/21 : nouvelle ballade, selon un autre ordre cyclique des 34 compositions
de 10 en sommes d'entiers de 2 à 10 — obtenu en collaboration avec Nicolas Graner.
Son intérêt est de regrouper les césures classiques 4/6, les italiennes 6/4 (ainsi que
leur intersection avec les 4/6 pendant quatre vers) et les taratantaras 5/5. Les pires
bizarreries métriques sont réservées à la fin de la deuxième strophe, au premier vers
de la troisième et à l'envoi.
2+2+6 = 2+2+3+3 = 4+3+3 = 4+6 = 4+4+2 = 2+2+4+2    = 2+2+2+2+2 = 2+2+2+4 = 4+2+4 = 4+2+2+2
= 6+2+2 = 2+4+2+2 = 2+4+4 = 6+4 = 3+3+4 = 3+3+2+2    = 3+5+2 = 3+7 = 3+4+3 = 7+3
= 2+5+3    = 2+3+2+3 = 2+3+5 = 5+5 = 5+2+3 = 3+2+2+3 = 3+2+5 = 3+2+3+2 = 5+3+2 = 2+3+3+2
= 2+6+2 = 8+2 = 10 = 2+8    (= 2+2+6 = ...)

Quelle fantasque   arithmodépendance
D'une cervelle   indûment s'empara ?
L'effarouché   poète déclara
Désapprouver   métricodiscordance,
Originaux   découpages matheux
Autant qu'accrocs   d'interprète boiteux.
Lorsque soudain   survint   l'instant magique,
L'aède osa   plusieurs   propriétés
Conjointement,   dessein   pédagogique
Communiquant   l'émoi   d'accents comptés.

Inévitablement   cette cadence,
Aimant surenchérir   comme l'ara,
Avec obstination   redémarra,
N'intentionnalisant   l'outrecuidance
D'imiter l'Italien   nécessiteux
D'hémistiche excentré   voire douteux.
Brusquement s'inaugurera l'algique
Agrégat d'incompatibilités
Provoquant l'intolérance allergique :
D'intercommunication plaisantez !

Chaque pentasyllabe d'apparence
L'auteur scrupuleux   alors sépara,
Allant trompeter   taratantara,
Théâtralisant   l'autoréférence,
S'appesantissant   presque vaniteux.
Oubliez l'extrait   d'aspect cahoteux,
D'allure vraiment   tératologique.
L'eurythmie acquise   adoncques chantez :
Symétriquement   l'axiale logique
Ainsi communique   égales beautés...

Prince définitivement tragique,
Désintellectualisé, sentez
L'alphabéticométhodologique
Cause d'incommunicabilités.


P.P.S. du 21/7/21 : sélénet illustrant toutes les compositions de 5 en sommes de 1 et de 2.
        strophe 1    strophe 2
        —————————   ———————————
          1+1+1+2   = 1+1+1+1+1
        = 1+1+2+1   = 2+2+1
        = 1+2+1+1   = 2+1+2
        = 2+1+1+1   = 1+2+2

Il n'est ici pas possible de respecter les précédentes règles d'enchaînement (sur plus de deux
expressions de suite), donc j'ai simplement choisi des diagonales sénestro-descendantes de 2
puis de 1. Ce schéma minimaliste me semble toutefois moins intéressant que les doubles sélénets
engendrés par les 16 compositions de 5 en sommes d'entiers allant de 1 à 5, illustrées en 2016.

Un feu Pierre allume
Moins pour avoir chaud
Que prêter sa plume,
Stopper le speech haut

Que l'homme à sa porte
Adresse auxdits cieux.
L'amy ne supporte
Ses propos vicieux.


P.3S. du 23/7/21 : Desdichado selon les quatorze compositions de 10 en sommes de 1 et de 4.
    1er quatrain         2nd quatrain         1er tercet         2nd tercet
    ------------         ------------         ----------         ----------
    4+4+1+1              4+1+1+4              1+1+4+4            1+4+1+4
    4+1+4+1              4+1+1+1+1+1+1        1+1+4+1+1+1+1      1+4+4+1
    1+1+1+1+4+1+1        1+1+1+1+1+1+4        1+4+1+1+1+1+1      1+1+1+4+1+1+1
    1+1+1+1+1+4+1        1+1+1+1+1+1+1+1+1+1

Il n'est pas non plus possible de respecter les précédentes règles d'enchaînement, donc
l'ordre a été choisi pour que le premier quatrain soit classiquement césuré 4/6 ; le second
puisse être césuré aussi bien 4/6 que 6/4 (transition avec la strophe suivante) ; le premier
tercet soit césuré 6/4 à l'italienne ; les 11e et 12e vers servent de transition parce qu'ils
peuvent être césurés aussi bien 6/4 que 5/5 ; les 12e et 13e vers soient des taratantaras 5/5 ;
et seul le dernier vers soit vraiment irrégulier.

El Descompuesto II

L'enténébré,   — l'inconsolé je suis,
L'aristocrate   en lamentable ruine :
Mon luth est mort,   enveloppé de nuits
Et du trou noir   de l'automnale bruine.

Consolateur,   si je m'autodétruis,
Restituez   le mont,   la mer qui mine
Mon coeur si lourd,   le bon   millepertuis
Et la treille où sans fin   la fleur se vine.

Ai-je un caparaçon   d'aluminium ?
Mon front érubescent   d'un flirt de reine
Voit l'excavation même   où nage un renne...

Je triompherai   du Pandémonium
Où j'imiterai   l'angélique sage
Qui souffle  et d'impétueux cris du mage.


2 août 2021

Pas de deux
[Les nombres de syllabes des mots successifs sont imposés par cette suite « sans carré » :
123132 123213 123132 131232 / 123132 123213 123212 313213 /
123132 123213 123132 / 131232 123132 131231
— qui se déduit aisément de celle (sans cube) de Prouhet-Thue-Morse. Cela signifie
qu'aucune chaîne de chiffres n'est immédiatement répétée, donc cette suite ne contient
aucun 11, aucun 22, aucun 33, aucun 1212, ..., aucun 123123, etc. Notez que quelques
vers n'admettent pas de césure classique, et surtout qu'il en existe deux de onze syllabes
et un de treize — ici volontairement un peu cachés.]

Petit jour frémissant

Un rayon s'aventure en matinal cothurne ;
Le confus gazouillis d'oiseaux dont l'ambitus
Se hisse volontiers aux cumulo-stratus
Coupe aussitôt   le discret récital nocturne.

Sous l'ovale horizon a disparu Saturne,
La rosée aguicheuse offre ses prospectus
Et l'horloge insomniaque enfouit quelque hiatus
Derrière onze inflexions d'une voix taciturne.

Cette aurore étourdit le troubadour usé
Qui reste maintenant craintif ou médusé
Par l'instant passager qu'un rossignol picore.

Quand reparaît   ce rythme d'escalier disjoint,
Le poème abîmé semble éclipser encore
L'ocre hiéroglyphe où   toute lumière point.


4 août 2021

Pas de trois
[Desdichado dont les nombres de syllabes des mots successifs sont imposés
par la suite de Prouhet-Thue-Morse :
        1221 2112
        2112 1221
        2112 1221
        1221 2112

        2112 1221
        1221 2112
        1221 2112
        2112 1221

        2112 1221
        1221 2112
        1221 2112

        2112 1221
        1221 2112
        2112 1221
Son autosimilarité fait qu'elle peut aussi être lue verticalement. Elle permet
cette fois d'impeccables alexandrins césurés à l'hémistiche, contrairement
au schéma plus étrange engendré par la suite sans carré ci-dessus.]

¡Dicha, no!
(Le Paria)

Je serais l'obscur fils, — l'amer veuf, — l'hoir volé,
L'ancien prince à Bordeaux dont l'entier donjon plie :
L'étoile est morte hélas, — et blonde comme blé,
Ma lyre porte l'astre éteint de la Folie.

Parmi la nuit tombale, ô garant d'une clé,
Rends Naples, l'ample baie avec sa mer jolie,
La toujours tendre fleur qu'aimait mon coeur troublé,
Aussi le pampre exquis que l'ivre rose lie.

Être Morse ou Prouhet ?... Thue, Amour, Phébus, X ?
Front rougi depuis un baiser de ma marraine,
J'ai rêvé d'une grotte — ici vit la sirène...

Alors deux fois vainqueur j'ai franchi l'odieux Styx
En chantant chaque voix avec le luth d'Orphée :
Soupirs de sainte émue et clameurs d'aigre fée.

                                        Gérard Louis de Nerval


8 août 2021

Nombres harmoniques

L'addition de un à six fois six égale carrément six cent soixante-six.
[phrase de gématrie 666 énonçant la vérité 1 + 2 + 3 + ... + 36 = 36×37/2 = 666]

En deal, la somme des n premiers cubes réitérera
le beau carré de la somme des n premiers entiers.

[deux lignes anagrammatiques énonçant l'étonnante identité
13 + 23 + ... + n3 = (1 + 2 + ... + n)2 = (n(n+1)/2)2]


6 – 12 août 2021

Holorimes de PTM
Surcontrainte proposée pour les distiques holorimes : le nombre de syllabes des mots successifs doit correspondre au début de la suite de Prouhet-Thue-Morse
        1221 2112 / 2112 1221.
Malgré la difficulté d'une telle acrobatie, elle présente l'intérêt de respecter automagiquement une règle appréciée des purrhystes, à savoir ne jamais réutiliser le même mot dans les deux vers homophones — tout comme rimer un mot avec lui-même est interdit en prosodie classique. Après avoir composé sept distiques de ce type, j'ai essayé de les combiner en un faux sonnet à rimes plates toutes féminines. Comme dans le Desdichado ci-dessus, le schéma syllabique correspond aux 112 premiers termes de la suite de PTM :
        1221 2112 / 2112 1221 / 2112 1221 / 1221 2112
        2112 1221 / 1221 2112 / 1221 2112 / 2112 1221
        2112 1221 / 1221 2112 / 1221 2112
        2112 1221 / 1221 2112 / 2112 1221

Un holo-sonnet de Prouhet-Thue-Morse enfin

C'est tenace alors dur, hélas, aux dés : j'arrime
Cette nasse à l'ordure, et l'assaut déjà rime.
Encor ces jeux légaux ? Tôt karma jadis tique.
En corset gelé, go, tocard mage à distique !

Lâchant son faux levain, l'ivre aède écoule oeuvres :
La chanson folle vint, livra, hé, des couleuvres
Qu'on servit d'appâts tant dupés dans son épître.
Concert vide — ah ! patent — du pédant sonnet, pitre.

Lettrés, pas de remords : nos ronces grippent l'âge.
Les trépas d'heureux morts n'auront ce gris pelage ;
Ex-pervers, l'astreint cycle aura faim d'homme étrange.

Expert vers l'astre, ainsi clore afin d'omettre ange
Pas piégé. Sujet-rab, l'essai songe au livide
Papier : j'ai su gérable — et cessons, joli vide.


21 août 2021

Duplex
[Le duplex est une contrainte douce inventée par le poète américain Jericho Brown. Il s'agit de sept distiques de même mètre (choisi entre 9 et 11 syllabes), tels que chaque premier vers reprenne tout ou partie du second vers du distique précédent. Cette règle est par ailleurs cyclique, c.-à-d. que le tout premier vers a des points communs avec le tout dernier. Cette forme fixe a été proposée par l'oulipien Daniel Levin Becker au festival Pirouésie, et transmise à la liste oulipo par Nicolas Graner — qui l'a aussi superbement illustrée. Vous trouverez ci-dessous deux exemples de ma plume, respectant d'autres surcontraintes pour me guider davantage.]

Le tremblement du firmament m'importune
Quand je vogue au rêve indigo de Neptune.

        Vogue alors vers Uranus, vert plus livide,
        Dont les anneaux orthogonaux ont un vide.

Les sept anneaux phénoménaux de Saturne
Sont le cadran du sidérant ciel nocturne.

        Jupiter en me sidérant se détache,
        M'éblouissant du rouge sang de sa tache.

Mars en croissant rougit du sang de la guerre,
Belle baston que pourtant on ne veut guère.

        Belle est Vénus et ce bonus me captive :
        Sa progression en précession négative.

Mais l'équation de précession de Mercure
Un tremblement d'étonnement me procure.

[Duplex en hendécasyllabes, dont chaque distique forme une strophe de schéma
4a 4a 3B / 4c 4c 3B à la manière de la Chanson d'automne de Verlaine.]

*

Ô dénigrante, à genoux, à tes plinthes,
Entends cet hymne au ton malencontreux !

        En tancé team, notons mal en complaintes
        Ces vers honnis pressentant tout contre eux.

Sévère, on y presse entente ou contrainte,
Et les mots d'elle y mîtes — latent creux.

        Elle est modèle : imite-la, tant crainte
        Comme en plan, cher ouvrier sonnant preux.

Comment plancher où vrillait son emprise ?
Humble trou vert, hauteur fade si grise ?

        Un bleu trouvère, auteur fat de scission,
        Morcelle afin d'améliorer ses rimes.

Mort, c'est la fin d'âme, hélio-récession
Au déni, grand âge : nous atterrîmes.

[« Duplex-barre » : le rappel du second vers de chaque distique par le premier du suivant est fait sous la forme de poème-barre — notion définie par le frésident-pondateur Le Lionnais, où les deux vers sont homophones sauf à leur dernière syllabe, en contre-pied des rimes classiques. L'ensemble constitue par ailleurs un sonnet régulier de décasyllabes.]

*

P.S. : Dans un genre voisin des poèmes-barre d'FLL et des poèmes pour sourds
d'Alphonse Allais, voici un distique holorime pour francophone inculte :

Contesta-t-on Richard Wagner ou sommité
Qu'on teste à ton riche art, Douanier Rousseau mité ?


28 août 2021

Vertige
Rien ne vaut l'art ophyciel et la beauté académique telle qu'elle est enseignée dans les traités de prosodie des siècles passés. Je me permets donc quelques retouches purement techniques au chef-d'oeuvre « Vertige » du Professeur Rollin, publié en 1989 dans son recueil également intitulé « Vertige » :

Hïer matin, ma mère est allée au marché
Sur un petit vélo qu'elle avait enfourché.
Elle s'y procura non pas une citrouille
Mais quelque potiron à la couleur de rouille
Pour deux ou trois euros. Cette provisïon
Remplit tant son panier que sa décisïon
Fut prise avec bonheur : mes amis vont entendre
Grand bien de ce commerce et tous voudront s'y rendre.

[Voir aussi cette brillante réponse de Robert Rapilly]


4 septembre 2021

Prose Très Malaisée

        Il était autrefois un écrivain raté qui vendit lâchement, pourrait-on supposer, son âme pitoyable à Lucifer afin de recevoir un talent supérieur. Satan ne choisit d'imposer qu'un unique décret : ne jamais reproduire aucun acte aussitôt, sous peine d'itérer alors pour toujours. Attendu que l'artiste n'était pas ingénu, il osa souligner qu'un règlement précis, ou disons davantage, était à définir, car sinon conserver le silence pendant deux secondes lui ferait illico paumer à jamais l'usage de n'importe quelle langue. Exemple tout aussi délirant : ne recourir, durant deux termes successifs, guère qu'aux voyelles de “soudain” bannirait soudain ad vitam aeternam l'E, contraignant l'écrit à force contorsions.
        « Jadis j'ai carrément en effet exigé ce protocole avec un romancier en manque d'invention, gloussa le diable. Cependant il domina vite le sujet. Clairement l'aide que j'apportais ne servait nullement l'auteur, donc j'avais décidé de l'affranchir avant la conclusion du pacte. Concernant ta prestation, mortel, tu devras constamment compter les syllabes des termes adjacents, afin qu'un rythme semblable ne revienne jamais à l'instant. Attention, cela se préjuge plus aisé qu'accoucher d'un lipogramme ici, mais éviter deux simples vocables ayant la même dimension ne suffira guère, car répéter un même groupement de gabarits sera tout autant interdit, sinon tu poursuivras de façon identique à l'avenir, comprends-tu pleinement bien ?
— Aucun problème, pensa le futé plumitif. J'ai autrefois bûché les échecs longuement, partant je n'ignore pas l'adroit théorème ourdi par Euwe, professeur et célèbre champion. Il démontra qu'on pourrait s'abstenir de redites triples sans nulle limite. Juste deux éléments lui furent utiles, mais forcément avec trois éléments, ça implique encore, pardi, la complète absence d'un immédiat doublon. »

        Il décida donc alors d'adopter ce protocole, avec un ordre proprement choisi de vocables de quelques syllabes : une, deux, enfin atteignant trois. « Oublions zéro en collant l'élision avec toute expression qui suivra », préféra-t-il, estimant aussi que bifurquer vers quelque distincte suite sans carré resterait à l'avenir possible, à condition de tester l'absence de succession bissée, y compris quelquefois longue. Le prosateur se lança bravement dans l'écriture éclair d'un paragraphe où chaque cadence changeait de schéma. Toutefois, il s'avoua surpris quand Satan rappliqua déjà pour annoncer :
        « J'ai noté l'interdit groupe “son âme”, contenant deux spécimens avec une syllabe de suite, malheureux, donc désormais aucun mot d'autre pointure n'aura la permission d'être inscrit.
— Excellent démon, vous dites n'importe quoi, répondit l'auteur. L'E caduc s'articule avant la consonne P. “Âme” possède donc nettement ici deux syllabes.
— En cette circonstance, “aucun acte” était illégal : deux syllabes chacun !
— Que nenni, rétorqua l'artiste en s'insurgeant. L'E caduc disparaît devant la voyelle ultérieure : A.
— Insolent, oses-tu résister ? Tu devrais apprendre qu'on m'appelle souvent le Malin. Andouille, cela fait maintenant un moment excessif que l'ensemble complet des vocables ne dépasse uniment l'aune de longueur maximum trois syllabes. Voilà ma conclusion : plus jamais davantage !
— Un semblable piège me semble compatible avec ta renommée, ô pervers Méphisto. Bravo de m'avoir arnaqué, mais néanmoins cela me semble possible toujours de m'exprimer un chouïa. Essayons-le. »

        L'écrivain reprit sa rédaction, mais après quatorze lignes, le diable reparut et derechef tenta un méfait scandaleux :
        « Depuis ses prémices, ton texte respecte l'ordre de cette séquence sans réplique (venant de l'ensemble sans cube découvert par Eugène Prouhet, Thue Axel, précédant Marston Morse) employant trois longueurs distinctes plutôt qu'un couple seulement. J'ai brusquement compris ton stratégique espoir, mais maintenant il faudra poursuivre pour l'éternel futur.
— Ah sûrement pas !, clama l'écrivain. Puisque le simple prologue de n'importe quelle suite autorise un nombre quelconque de reliquats, dire qu'il s'agit d'instamment celle de Prouhet-Thue, avec l'habile Morse associé, jamais ne finira par être démontré. Après un certain ensemble de composants, greffer une autre progression reste très possible.
— La notion d'infini m'agace beaucoup trop, pensa Lucifer. Ça m'embrouille chaque fois. Au delà d'environ six centaines soixante et quatre (j'assimile aussi six unités), je m'avoue étourdi devant tant d'objets évoqués. Bon, j'accepte cette fine idée, applaudit enfin ce Belzébuth peu brillant. Adoncques pour célébrer céans ta victoire, je voudrais révoquer notre pacte aussi. Désormais ta faconde pourra de nouveau s'exprimer comme tu trouveras bon d'oeuvrer. Attention pourtant, peut-être reprendras-tu l'informe style fort minable de jadis.
— Tentateur, je préfère rester tout comme maintenant ! »

        Ici se termine le récit, paraphé d'un pseudonyme obscur : Gef_


6 septembre 2021

Terines berrychonnes
[Michel Clavel a proposé à la liste oulipo la notion de « terine berrychonne », avec un seul R dans le premier mot et un Y dans le second. Les finales vocaliques de chaque vers permutent selon la quenine d'ordre trois (123 / 312 / 231), mais les consonnes d'appui restent fixes, créant de nouvelles combinaisons comme dans les rimes berrychonnes. En voici deux de ma plume.]

Terrine berrichonne

Recette

De la chair à saucisse
Et du foie — oui, génial,
Persil, oignons alliés,

Pain dur, oeufs associés
À du lait de génisse
Et cognac familial :

En tout groupe social
Où jadis vous gêniez,
Apportez ce délice !

*

[Variante de terine berrychonne dans laquelle seul le phonème vocalique final permute, en laissant les consonnes fixes, aussi bien celle d'appui qu'après la voyelle. Deux rimes orphelines en ont profité pour se montrer, comme dans ce faux sonnet de 2003.]

Un beau jour le disciple
D'un rugbyman à quinze
Taillé comme une poutre

S'entiche d'une souple
Équilibriste exquise,
Modèle chez un peintre.

L'aborder n'est pas simple :
« Faut-il que je me couse
Un nez rouge de pitre ? »


5 – 10 septembre 2021

Anakyrielles (ou kyrielles cousues)

Le jeu enfantin des kyrielles syllabiques est bien connu : j'en ai marre, marabout, bout de ficelle, selle de cheval, ... En voici une nouvelle variante, qui serait aux kyrielles standard ce qu'une véritable couture est au faufilage :

        la dernière syllabe d'un mot doit coïncider avec la première du précédent.
Autrement dit, au lieu d'écrire quelque chose comme
        Ceci simule le leurre recommandé des décadents
        dandinements, mensongers gestes tenaces.
dont les bégaiements sont peu adaptés à la poésie sublime, il faudrait cette fois
        Ceci laisse les reflets séduire ces versets divers,
        maudits gémeaux mangés cycliquement.
Ça reste saturé d'échos internes, mais moins bafouillants. Cela peut aussi être considéré comme l'anacyclique (mot à mot) d'une kyrielle standard, d'où le nom proposé d'anakyrielle.
J'ai commencé l'exploration de cette contrainte par un sélénet (en la faisant agir sur la dernière syllabe des rimes féminines, fortement prononcée dans cette chanson enfantine) :

        Venez neuve lune !
        L'occlut Lancelot,
        Celant nurse brune,
        Membru paumant peau.

        Repos temporaire
        Argumentant art,
        Revanchard sancerre,
        Tarissant nectar.

Puis un distique d'alexandrins :

        Je songe : l'enfançon gelant, moyenâgeux,
        L'émoi renouvelé, leurre jetables jeux.

Et finalement un Desdichado quelques jours plus tard :

El Desnivel
(Ténébrionidé jeté)

Je rage : pourrira l'époux inconsolé,
Toulousain manitou — manne émane ruinée.
Détruis des Ougandais ou l'erhu constellé !
T'évoquons occulté : maso n'aima l'Apnée.

Trappe ultra minuscule, ennemi remballé,
Rends l'attirant éclat — netteté détrônée
Des accordés visas, l'écrivit l'exilé.
Mêlez gamay, giga-névralgie avinée !

N'entrave ! Rayonnant, ronronnerait Biron ;
L'ébaubi t'enjôlait en énamourant reine.
L'arène étincela net : rainette, sirène...

Ainsi, géomancien, j'ai rongé l'Achéron ;
Tabula l'omerta, l'homme. Addendum : aubade,
Primo l'esprit yodlé, deuzio de rigolade.

                                                Gary Elgar


P.S. : anakyrielle littérale. Il s'agit d'une variante un peu plus douce, dans laquelle la dernière lettre de chaque mot est identique à la première du précédent. C'est d'une difficulté comparable aux kyrielles littérales déjà un peu explorées, mais la contrainte est bien plus cachée pour un lecteur non averti. Le premier quatrain a été composé vers le 10/09/21, et les trois autres strophes le 31/10/21.

Un espíritu lamentable
(L'exil éprouvé)

Être lugubre, — seul, — épars, — inconcolé,
Roi noir nécromancien en église abolie :
La soul exprès décède, — ud échu constellé
Avec ta nuit enfin niche en Mélancolie.

Thym nimbant un tombeau, touchant et consolé,
Donc rend mer, solarium, Naples en Italie ;
Lui, tournesol, nourrit ton esprit désolé,
Épand exubérance, efflorescence allie.

Légitima l'Orwell ?... Ionesco ni Biron ?
Aplomb tourneboula tellement t'émut reine ;
Divaguer d'underground, eau, tanière et sirène...

Puis trop resplendissant, entrer notre Achéron :
Traduira librement l'exceptionnel Orphée
Tempo tant exprimant théologienne et fée.

                                                Elif le Nerval


12 septembre 2021

Quinine berry

Quinine berrychonne
[dans la variante où seule la voyelle phonétique de la rime se déplace selon la permutation de
Queneau-Daniel d'ordre 5, les trois consonnes phonétiques de ces dernières syllabes restant fixes]

Ce qu'un auteur trace
N'est pas pour les brèles.
Chaque rime écrite
Doit briller de chrome
Et fuir l'imposture.

L'âme est un citrus
Au fruit cérébral,
Méprisant la crotte,
Choisissant la crème
D'arts où s'investir.

Si l'aède trisse
Un seul son, que brûle
Sa rougeâtre crête
De coq et qu'il crame
Au soleil sans stores !

Ce vacarme atroce
Rendrait-il fébriles
Les aristocrates ?
D'abord nous le crûmes,
À leur mine austère.

Mais lorsque l'on tresse
Ensemble le brol
De mots que recrute
L'oeuvre où l'on s'escrime,
L'oulipisme est star.


13 septembre 2021

Ouïseaulorimes
[Robert Rapilly vient de publier un superbe nouveau recueil de poèmes aux éditions Berline-Hubert-Vortex, « l'Oiseau qu'on n'ouït jamais », illustré de gravures de Marie Vilain. Il y invente une forme de micro-sonnet comptant quatre vers de 4/4/3/3 syllabes, mentionnant au moins un oiseau, et tel que les singuliers riment toujours avec des pluriels — systématisant un clinamen de Mallarmé, qui fournit le titre du recueil. Robert et la liste oulipo ont décidé de baptiser cette nouvelle forme fixe « ouïseaunet ».
À la manière de nos haïkus triplement holorimes de 2016, nous avons aussi cherché s'il serait possible de faire holorimer les vers de 4 & 3 syllabes, en jouant sur les diérèses & synérèses. Cinq oulipotes ont relevé le défi. Voici deux essais de ma plume d'ouïseau.]

Blongios

Prédication d'un héron stylite

« Humble, on gît haut ! »
Fit — hérétiques ! —
Un blongios
Fier, étique.

*

Labbe Loriot

Labbe trouvant suspecte la
fortune de la grive dorée


Mouette, O.K.,
Loriot triche :
Mouais, toquez
L'or, yachts riches !

[diérèses classiques sur mou-ette & lori-ot]


18 septembre 2021

Terine bArrychonne
[Terine berrychonne de poèmes-barre. Ça combine donc les idées d'au moins cinq Oulipiens, trois plagiaires par anticipation et un oulipote : QueneauRoubaud pour la terine (après Arnaut Daniel), MathewsJouet pour les rimes berrychonnes (après John Berryman), Michel Clavel pour le mélange des deux, et Le Lionnais pour les poèmes-barre (après Alphonse Allais).]

Dense est vallon,   où sans péchés là brament
Des cerfs. Visse yeux :   elle aura jeu, la crèche.
L'air hâte eau mais   greffe à ce rat ses frusques.

Dans ces vals, l'on   nous empêchait : la brume
Desservit cieux,   et l'orage là crache
L'erratum aigre,   effacera ces fresques.

Danse, Ève ! Allons-nous-en pêcher la brème !
Dessert vicieux,   zèle au rageux : la cruche,
L'Érato maigre   — et fasse Râ ses frasques !


P.S. du 21/9/21 : Le mercredi, Oscar et Simon affrontent le dragon avec leur camarade Juju. Mais cet abruti est si lent et peureux qu'il finit par abandonner le château. Avec lui, c'est pas très marrant.

Capitaine,
pas tôt Jules
là se meut.

Cas piteux,
pathogène :
lasse mule

capitule !
Pataud jeu,
la semaine...


25 septembre 2021

Beau spectre (en scandant l'art)
[En 1981, Georges Perec avait combiné ses contraintes des beau présent et belle absente dans un poème intitulé « Aimer ». L'idée était de restreindre l'alphabet aux seules lettres de l'expression cachée en « acrostiche négatif » — chaque ligne les employant toutes sauf une, épelant donc en creux cette expression. Rémi Schulz a aussi illustré cette contrainte en 2003 sur la liste oulipo, de façon simultanément autoréférentielle et antiréférentielle. Elle a été réinventée récemment par Noël Bernard pour son héméroméride, et il en a proposé le nom « beau spectre ».
Ci-dessous, j'ai choisi un mot permettant la composition d'un sonnet banvillien (*) respectant l'alternance des rimes, tel que les strophes successives correspondent à ses quatre syllabes : tran-scen-dan-tal. Comme toutes ses lettres sont courantes, la contrainte est ici plus proche d'un lipogramme que de pangrammes — d'où mon choix de vers longs, alors que la concision est au contraire recherchée dans les belles absentes habituelles qui emploient davantage de lettres.
(*) Il s'agit évidemment aussi d'un sonnet irrationnel selon les décimales du nombre transcendant 1/π + 1/8 = 0,4433..., ou bien π ζ(5) + ln(3) = 4,433...12 si vous préférez la base 12 pour de tels alexandrins !]

Transcendantal

Dans l'encre de l'écran, l'essence réelle erre,
Et sans l'antécédent à l'éclat lactescent
De ce céleste Éden, l'Éternel redescend
Alerter et dresser la carcérale Terre.

Car le cercle cendré de ce récent cratère
S'adresse à l'art standard en des rets le stressant.
À la scala-santa, Satan tarda, dansant
Tel ce rat de l'estrade, et l'acte s'accélère.

Les caractères nets s'entassent sans arrêt
Et le lettré n'entend ce très scellé secret :
À l'écart trace-la, cette détresse, certes !

L'aède a déclaré casser le cadenas
Des sens, se délecter en des sentes désertes
Et transcender sa transe en scandant ses anas.


27 septembre 2021

Sextine irrationnelle
[Sextine avec tornada, dont les nombres de syllabes par vers (31415926535897932384626 4338327950288419), de vers par strophe (3141592653), de strophes par partie (3141) et de parties par section (31) sont chaque fois donnés par les premiers chiffres de π. Les mots-rimes sont des monosyllabes employant les six voyelles A, E, I, O, U et Y, un sur deux fournissant une rime féminine.]

Que l'on marche
vers
un vortex ivre ?

Non !

Évitons la chute
dans les eaux imbuvables du Styx,
ce Styx
qui restreint notre marche.

*

Certes la nuit chute.

*

Mais nos vers
savent dire non
au son de la Carmagnole ivre,
cette danse macabre que l'ivre
horloge répète au Styx.

Car le poète clame ce non
et ne marche
plus vers
l'ocre chute
du sable du temps qui le chute
comme un fol ivre
voulant sauver ses vers
du Styx
même à l'ultime marche.

Il rugit non,
trois fois non.

Chaque chute
est évitable si l'on marche
sans être ivre,
ô Styx
fantasmagorique vers
lequel sauraient nous guider les vers.

***

Hélas un tel non
n'arrêtera jamais le cours du Styx
où chute
dans son fatal tourbillon ivre
l'homme en mauvais état de marche.

---

Tout marche vers
l'ivre
non-sens d'une sûre chute au Styx.


3 octobre 2021

Ballade irrationnelle
[Ballade balladante irrationnelle selon π = 3,0663...7 en base 7, donc en heptasyllabes. Le chiffre 0 est codé par un septain — de même qu'on représente les 0 de la base 10 par des mots de dix lettres dans les poèmes mnémotechniques de type « Que j'aime à faire apprendre... », et j'ai aussi employé un décasyllabe pour coder un tel 0 dans ma sextine irrationnelle ci-dessus. Comme dans cette sextine, le découpage en strophes suit les propositions indépendantes, sans enjambements, mais il conserve le schéma de rimes de la ballade heptasyllabique traditionnelle, ababbcc, juste légèrement modifié pour respecter l'alternance : trois fois AbAbCCb plus un envoi bCCb.]

J'aime la forme ballade
Au schéma traditionnel
Mais je suis un peu malade.

Un délire intentionnel
T'emporte quand tu dissertes
En établissant que certes
Le monde est irrationnel
Et c'est alors l'escalade
Dans le trouble obsessionnel
Qui structure ta salade.

L'ordre extradimensionnel
Des plus grandes découvertes
Tombe en nos âmes ouvertes :
Le monde est irrationnel
Quoiqu'on sente en la calade
Son champ gravitationnel.

Buvons à la régalade
Ce discours professionnel
Aux analyses expertes
Passant par profits & pertes :
Le monde est irrationnel,
Prince au bon sens optionnel.

Comme en nos raisons désertes,
Verbe, tu nous déconcertes,
Le monde est irrationnel.


6 octobre 2021

Dialéthéisme
[Nouvelle ballade irrationnelle, cette fois selon π = 3,110375...8 en base 8, donc en octosyllabes. Le chiffre 0 est codé par un huitain — c.-à-d. par un nombre de vers égal à « 10 » en base 8. Comme ci-dessus, le découpage en strophes suit les propositions indépendantes sans enjambements, mais il conserve le schéma de rimes de la ballade octosyllabique traditionnelle, ababbcbc, juste légèrement modifié pour respecter l'alternance : trois fois AbAbbCCb plus un envoi bCCb.]

Ô fatalité provisoire
Des blanches nuits, je te suivrai
Guidé par ta brillance noire.

L'invisible j'apercevrai.

Mort sans conteste, je vivrai.

Sûr au fond de la lente urgence
Apprise en ce repos intense,
Je déclare que tout est vrai,
Qu'un seul choix reste obligatoire,
Puis désoeuvré, je concevrai
Cet indispensable accessoire
D'un verre en carton de vouvray,
Feint réel dont je m'enivrai.

Une excessive insuffisance
Fut la raison de ma démence :
Je déclare que tout est vrai.

Dans le doute, il m'a fallu croire
Qu'en plein désert, où je givrai
Au vent toujours aléatoire,
De vieilles nouvelles j'ouvrai,
Et froidement je m'enfiévrai
D'une certaine contingence
En sa monstrueuse élégance.

Je déclare que tout est vrai,
Prince gueux, donc je promouvrai
Cette éloquence du silence
Annonçant la fin qui commence :
Je déclare que tout est vrai.


P.S. du 31/10/21 : Grande ballade irrationnelle en décasyllabes, selon les décimales de la racine douzième de 2 en base 10, c.-à-d. le demi-ton tempéré 21/12 = 1,05946... Le chiffre 0 est représenté par une strophe de 10 vers, et le découpage en strophes suit les propositions indépendantes sans enjambements, en conservant le schéma de rimes traditionnel : trois fois AbAbbCCdCd plus un envoi CCdCd.

Ma tessiture a presque trois octaves.

Illustrons-la de tous ses demi-tons
En commençant par les sons les plus graves
Correspondant aux voix de barytons,
Mais comprenez pourquoi nous hésitons
À vous chanter notre première note
Puisque parfois on dirait que je rote,
Ce qui vous fait sourire en m'entendant
Soigneusement descendre à fond ma glotte,
Et cependant ça n'est pas transcendant
Quand le public soupçonne que tu baves.

Dans le médium, alors sollicitons
Votre indulgence : on y sent moins d'entraves
Et d'autant plus que nous facilitons
Notre justesse en nous doublant — citons
Cet harmonium où souvent l'on pianote.

Sur le clavier, ma studieuse menotte
Poursuit son lent mouvement ascendant
Comme un réel facteur qui numérote
Et cependant ça n'est pas transcendant,
Mais contrôlez vos tempéraments, braves
Gens agacés, car nous vous invitons
À savourer quelques aigus suaves —
Applaudissez si nous le méritons,
A contrario toute plainte évitons.

Au suraigu mon chromatisme trotte
Et les naïfs croiront que je sifflote,
Mais je l'obtiens toutefois en tendant
Ma pauvre gorge étreinte qui chevrote.

Et cependant ça n'est pas transcendant,
Ô troubadour qui manques de jugeote :
Tu sauverais peut-être ta marotte
Irrationnelle et vaine en suspendant
Incontinent cette étrange anecdote —
Et cependant ça n'est pas transcendant.


10 octobre 2021

Sonnet potenciel
[Michel Clavel a baptisé « poème potenciel » (avec un c) un poème dont le premier vers est aussi lisible en acrostiche. Ci-dessous, j'ai composé un premier alexandrin de 14 lettres, engendrant ainsi un sonnet. Il fait allusion à la fois à la soeur du Joseph K de Kafka et surtout à la fiction W de Perec.]

Mlle K vit tôt en W

La société modèle, un fantasme utopique

Laissant s'épanouir l'idéal olympique

Et poussant à l'exploit toujours plus élevé :




Kilomètre à pieds joints mais sans s'être abreuvé.


Volontiers le jury, d'un coeur philanthropique,

Imprime au règlement ce biais microscopique :

Terminer chaque épreuve à jeun, même crevé.




Triompher garantit des agapes servies,

Ou parfois un sandwich — ça dépend des envies

Tacites du pouvoir qui veille à nos santés.




En revanche un perdant risque fort la potence.

Nous irons tous un jour en compartimentés


Wagons pour le bétail finir notre existence.


P.S. du 8/11/21 : Nouveau « sonnet potenciel » dont le premier alexandrin, poutre horizontale de la potence, est de Baudelaire. Il a été choisi pour ses 27 lettres, permettant la construction d'un sonnet dont les hémistiches le reproduisent en acrostiche.

Le Gibet

Elle regardera la face de la Mort,
La potence qu'attend
le condamné poète.
Espérant un festin,
rôde le gypaète
Et manifestement
garantit un terme ord.

Au voleur, assassin,
receleur ou consort
Dont la situation
est juste malhonnête,
Revient toujours la corde
au cou de marionnette,
Lambeau patibulaire
accablé par le sort.

François Villon le clame
à tous les humains : frères,
Ces pantins disloqués
exhortent vos prières ;
Dieu veuille nous absoudre
en bloc, de profundis.

Le pendu ne mérite
aucune moquerie
Même s'il fut pécheur
ou délinquant jadis :
Regardez cette chair
torturée et pourrie.


21 octobre 2021

Fêtage de plombes
[Sonnet (commençant par un sélénet) inspiré par une chanson culte de Perceval dans la série Kaamelott d'Alexandre Astier, afin de célébrer dignement les 25 ans de la liste oulipo.]

C'est l'anniversaire
Dans tous les recoins,
Fête nécessaire
Même aux vieux sagouins.

Buvons du sancerre
Et mangeons des coings !
Faut-il un glossaire
Pour nos baragouins ?

Si l'oeuvre cavale,
Le barde n'avale
De couleuvre aspic.

Il nous les épècle,
Mais ce quart de siècle
Tombe encore à pic.


Vers de terre
[Alexandre Carret a défini et illustré sur la liste oulipo la notion de « vers de terre : vers que l'on peut couper en deux, chaque morceau acquérant alors une vie autonome ». Voici un distique d'alexandrins de ma plume, dans lequel presque tous les mots de la dernière proposition changent de sens.]

Je pense, ainsi je suis. Un courant vers l'informe.
Je pense ainsi : je suis un courant vers l'informe.

[Voir aussi ces précédentes contraintes dans le même état d'esprit]


1er novembre 2021

Controlorimes
[À la manière des haïkus triplement holorimes de 2016 et des récents ouïseaulorimes, voici deux exemples de controlorimes (ou holocontrerimes) : quatrains croisant octosyllabes & hexasyllabes 8/6/8/6, mais à rimes embrassées AbbA, comme chez Paul-Jean Toulet. La différence est que ces rimes doivent reproduire l'ensemble des vers, de la première à la dernière syllabe, en se servant de diérèses & synérèses — ou d'E caducs élidés ou non, si l'on est encore plus moderne.]

Chaque oulipote, vieux comme embryonnaire, juge moisie l'informatique de Bangalore. Qu'un spécialiste nous enseigne plutôt la fabrication des voiles de mariées !

Es-tu d'hier ou as-tu, liste,
        l'indifférenciation ?
L'Inde y fait rance I.A. ! Si on
        étudiait, roi tulliste ?

*

Vil colistier amateur de prosodie classique, clame sans détour ton dégoût pour les contraintes dures !

Dégradé pote, où art mou hâtes,
        la diérèse y hurlant,
là dis : Hérésie eut relent
        des gras dépotoirs moites !

[Voir aussi ces précédents contre-holorimes selon une autre forme.]


P.S. du 3/11/21 : Desdichado controlorime

        Así hago aciago
        (Pie être piètre)

Elle y hante, noue ardemment :
        Ma lumière est ruinée.
Mal eut mie, — errait rue innée,
        Hélianthe noir d'amant.

Fie en ces hauts, pie, et te ment
        L'oiseau-lyre à dionée.
Loue ase, eau : l'irradie aulnaie
        Fiancée au piétement.

L'ami voue âcre âme ou Asie ?
        La mi-voix cramoisie
Osa boue, asti lapilleux.

        Six fois champion, l'Orphée
Si fou a chants : pillons l'or, fée
        Aux abois, style à pieux.

            (La bru nie haine labrunienne)

[Voir aussi cet autre Desdichado controlorime d'Alexandre Carret]


4 novembre 2021

Sonnaïku-barre
[sonnaïku de poèmes-barre, à la manière de mes précédents contre-holorimes de 2016]

        El Desbarro
        (Le mal barré)

        Mimais l'encollé.
Tour ou bateau d'écus plie.
Tout rubato décuplé
        Mit Mélancolie.

        L'arrose, salé
Sous l'apparat d'Italie,
Saoul ; à paradis talé
        La rose s'allie.

        Jean X ou ciron ?
Joue en feu, le man dort, reine ;
        J'en dissous sirène.

        Champion, c'est Charon
Jouant feulements d'Orphée,
        Chant pioncé qu'a fée.

                        (Nérée Nerval)

[Voir aussi ces trois précédents Desdichados en sonnaïkus — ce dernier
faisant partie des nombreux sonnaïkus contrerimés de Pierre Lamy]


13 novembre 2021

Pentominet

Les douze pentominos contenant des morceaux de texte

[Solution sur une page séparée]


19 novembre 2021

Autre puzzle

Carré découpé en cinq morceaux

[Solution sur une page séparée]


P.S. du 22/11/21 : variante en alexandrins, juste pour tester ce qui serait faisable

Carré découpé en cinq morceaux

[Solution sur une page séparée]


P.P.S. du 25/11/21 : autre poème plus original que ci-dessus

Carré découpé en cinq morceaux

[Solution sur une page séparée]


23 novembre 2021

Sélénet contrapétique
[sélénet combinant le verlan des médailles d'Annie Hupé
et les contrepèteries des sonnets nocés de Robert Rapilly]

« Ô ma chère amie ! »,
L'aède rima.
Elle en fut marrie
Donc ailleurs mira.

Tant elle varie
Qu'homme la riva.
Alors peu ravie,
Femme le vira.


25 novembre 2021

Deux minimalismes

Lune
loin :
une
fin.

[« ouïseaunet-mouche » en 4/4/3/3 lettres, pour aller
encore en deçà des ouïseaunets de Robert Rapilly]


Pour cinquante pence,
On me proposa
Un livre à suspense
Et des curiosa.

Aucun code-barres,
Pourtant je souris
Au titre : « Bagarres
De chauve-souris ».

[Sélénet citant quatre mots-rimes doublement paradoxaux :
— « pence » est un nom masculin pluriel, mais donne une rime féminine singulière ;
— « curiosa » est un féminin pluriel, mais donne une rime masculine singulière ;
— « code-barres » est un masculin singulier, mais donne une rime féminine plurielle ;
— « chauve-souris » est un féminin singulier, mais donne une rime masculine plurielle.]


26 novembre 2021

Ouïseaunets-mouches
[dont quelques holorimes]

Rimailleur pénible
Muse
luit ;
lui
use.

Rimailleur fainéant
Laid
baye :
bye,
lai !

CAO
Mais
code
met
ode.

Rends-moi le Pausilippe
File
mont,
mon
île !


Hop, à la plage
Mère
aime
mer,
hem !

Menu
Thon
Foie
(ton
oie)

Soûl
Rire
vain,
vin,
ire.

Songe paradisiaque
Vrai
rêve :
rai,
Ève.


Psychanalyse
Pose
maux,
ose
mot !

Balthazar & Wiazemsky
Anne
fout
âne
fou.

Mauvaise cachette
Mâle
cèle
sel
mal.


Paupérisation
Hère :
faim !
Ère :
fin.

Inondation
Crue,
donc
onc
rue.

Vieillesse
Sage,
quoi :
âge
coi.

[Voir aussi ces ouïseaunets-mouches des oulipotes]


P.S. du lendemain :

Torpille
Sole
erre
sol-
air.


28 novembre 2021

Sonyme & solénet
Le sonyme est un quatrain dont les vers comptent successivement 4, 4, 3 et 3 mots.
Le solénet est un sélénet dont les deux strophes sont des sonymes.

Zhuangzi fait un rêve
Il est un bombyx
Voletant sans trêve
Comme le phénix

Il demande en somme
Suis-je un papillon
Supposant être homme
Dans son roupillon

[Un célébrissime antécédent de sonyme est la première strophe d'Un grand sommeil noir
de Verlaine. Voir aussi la réponse d'Alexandre Carret.]


P.S. du lendemain : pour tester les limites, deux sonymes
en vers dissyllabiques

Qu'on m'offre
l'oeuf d'or
d'un coffre,
c'est fort !

et en alexandrins

Ne surévaluez cette caricature :
Tout encouragement serait immérité.
Volontiers raplapla paralittérature
Mélodramatisant sans créativité !


P.P.S. du 30/11/21 : Alexandre Carret a carrément osé un sonyme dissyllabique
holorime
. J'ai du coup également essayé une telle acrobatie :

Ce comte anglais puise l'inspiration de ses
chefs-d'oeuvre dans ses origines tchèques :

Car n'est-ce
d'heur l'us
qu'art naisse
d'earl Hus ?

*

Nouveau solénet :

Dans le vain dédale
De tous ses écrits
L'Oulipien pédale
Comme une souris

Mais il se propose
D'en sortir vainqueur
Avant l'overdose
Arrêtant son coeur


P.3S. du 2/12/21 : centon en solénets, dont chaque quatrain ne cite jamais plus d'une fois un même poème

L'aurore s'allume     [Victor Hugo]
Au commun des jours,     [Max Elskamp]
Suivant sa coutume,     [Max Elskamp]
Comme du velours.     [Paul Verlaine]

Je suis la journée     [Pernette du Guillet]
Grise dans le noir,     [Paul Verlaine]
Dans ma cheminée —     [Marceline Desbordes-Valmore]
De mon désespoir.     [Charles Baudelaire]

Que le vent murmure     [Victor Hugo]
Loin de la maison,     [Jules Verne]
Prenant toujours cure     [Pernette du Guillet]
Du vieil horizon !     [Léon Dierx]

Que le pur espace     [Rainer Maria Rilke]
De l'astre éternel,     [Victor Hugo]
Relevant la face,     [Marc Antoine Désaugiers]
Raconte le ciel !     [Charles Cros]


Comme un blanc nuage     [Léon Dierx]
Dans le matin clair     [Max Elskamp]
Cuvant son breuvage     [Marc Antoine Désaugiers]
Aux lèvres amer,     [Max Elskamp]

La vie tant étrange     [Pernette du Guillet]
Chante dans le vent —     [Paul Verlaine]
Vision qui dérange     [Paul Verlaine]
Un grillon fervent.     [Marceline Desbordes-Valmore]

On sonne la cloche     [Paul Verlaine]
Qui brûle mon coeur ;     [Augusta Holmès]
La rumeur approche     [Victor Hugo]
Sous la profondeur.     [Albert Samain]

L'enfer autour danse,     [Alfred de Musset]
Par les Dieux heureux !     [Charles Marie Leconte de Lisle]
Vous, sans espérance,     [Paul Verlaine]
Seul et ténébreux.     [Marceline Desbordes-Valmore]


À la nuit tombante     [Victor Hugo]
De tes traîtres yeux     [Charles Baudelaire]
Pendant la tourmente,     [Alfred de Musset]
Surtout sois joyeux.     [Paul Verlaine]

— Le vieux frêne plie     [Victor Hugo]
Quand sonne le cor ;     [Victor Hugo]
Ce serait folie     [Vincent Voiture]
Une fois encor.     [Émile Verhaeren]

Quand la lune blanche     [Alfred de Musset]
Et demain la mort     [Gérard de Nerval]
Sortent le dimanche,     [anonyme]
Silence, tout dort.     [Marc Antoine Désaugiers]


Mais qui se repose ?     [Paul Verlaine]
Mais qui vous plaindra ?     [Marceline Desbordes-Valmore]
Puisque toute chose     [Gérard de Nerval]
Souffrit et pleura.     [Marc Antoine Désaugiers]

La vie est rapide     [Marceline Desbordes-Valmore]
Et tu vas frémir,     [Paul Verlaine]
La mine livide     [Marc Antoine Désaugiers]
Avec un soupir.     [Charles Cros]

Et sur son passage,     [Marc Antoine Désaugiers]
Ne lui parlez pas :     [René-François Sully Prudhomme]
Hâtons le voyage     [François de Malherbe]
Jusques au trépas.     [Paul Verlaine]


4 décembre 2021

SonX
[copie reformatée d'un message adressé à la liste oulipo]

Plusieurs variantes du sonnet ont été essayées sur notre liste, avec diverses tailles d'« atomes » revenant 4, 4, 3 et 3 fois. La forme standard correspond à des vers, les classiques « couronnes de sonnets » prennent les poèmes comme unité, et dans l'autre sens les « ouïseaunets » de Robert Rapilly correspondent aux syllabes, leur variante « mouche » aux lettres, nos anciens « sonnets vocaliques » aux voyelles, et les « sonymes » aux mots, comme nous en avons exploré toute la gamme. Rien n'interdirait d'imaginer des sonnets de 4/4/3/3 paragraphes, chapitres, livres ou bibliothèques — quel programme ! Ou au contraire des atomes inférieurs à la lettre, comme Robert en mena la démonstration avec le prénom MERY, aux nombres de traits adéquats. Pourquoi pas non plus des sonnets de signes diacritiques, contenant par exemple dans l'ordre « ˙ ´ ´ ˙ / ˙ ´ ´ ˙ / ` ` ¨ / ˆ ¨ ˆ » (les points isolés pouvant être mis sur des i ou j minuscules, au choix) ? Chevrier est allé évidemment encore plus loin avec son élégant sonnet de ponctuation, où le poète adopte l'amuïssement plutôt qu'ouïr son âme. Le sonnet de phrases semble a priori proche de ce que Roubaud a baptisé « sonnet en prose » (dont Pierre Lamy nous a offert plusieurs exemplaires), mais évitons l'amalgame. Pour ce dernier, il s'agissait d'écrire quatre paragraphes dont les tailles ressemblent à celles des strophes d'autrefois. Dans le cas du sonnet de phrases, il faudrait plutôt écrire quatorze phrases, de longueurs quelconques et pas forcément voisines, et il ne serait pas obligatoire de les grouper en quatre paragraphes légitimes. Leur lien avec le sonnet standard serait par exemple marqué par des rimes. On sait que même les véritables sonnets d'alexandrins, quand ils sont présentés comme de la prose, passent parfois inaperçus pour les lecteurs hâtifs. Et la prose rimée existe dans la littérature, notamment au XIe–XIIe siècles, mais aussi au XXe, avec par exemple Ramuz en français (de Suisse). Les sonnets de phrases risquent d'être encore plus furtifs. Je me demande donc s'il est nécessaire d'en tenter l'exercice.


P.S. du 6/12/21 : quelques autres types de sonnets

Ésotérique
En Amérique :

Om, ô Mississippi !

[sonnet monolettrique, comme Alain Chevrier en a composé au moins quatorze avant 2002, et comme Nicolas Graner vient d'en réinventer le concept]

*

Lettrés aèdes, amis ludiques, lisez avec attention le simple sonnet d'initiales dactylographié ici.

*

Ou bien pire là, je vais oser un humble sonnet de longueurs, en prototype.

*

   Il semble plus classique
         Mais raffiné
         De combiner
   Cinq mètres qu'on imbrique

   Selon cette technique
         Que le sonnet
         A su prôner
   Pour la rime archaïque

            Et notez
            Ce côté
Qui pourrait à certains plaire

      Même un sonnaïku
En est un bel exemplaire
      (Birime du coup)


7 – 8 décembre 2021

Sonnets de mètres
[selon le même schéma 6446/6446/337/575 que ci-dessus. Il a en effet été choisi avec attention : même ordre que le sonnet banvillien, cinq mètres illustrant tous les cas de 3 à 7 syllabes, les pairs dans les quatrains et les impairs dans les tercets (puisque 4 est pair et 3 impair), les vers les plus longs (6 & 7 syllabes) pour les rimes féminines et les trois courts pour les masculines, les premiers vers ressemblent à des décasyllabes classiquement césurés 6/4 (à l'italienne) et 4/6 (à la française), le distique plat 3/3 suit un hexasyllabe auquel il ressemble (et il précède un heptasyllabe auquel il ressemble aussi, puisqu'on fait naturellement une courte pause de la longueur d'une syllabe entre les deux trisyllabes), et bien sûr un haïku standard en dernière strophe. J'aime son rythme, qui fait penser à la fois aux chansons (cf. celle d'un dadaïste de Tzara) et à la poésie japonaise à la fin.]

Rouge-gorge rencontré devant chez moi le 16/10/21

   La pensée asservie
         Par un divin
         Joug sans levain,
   Une forme dévie

   L'angoisse inassouvie
         De l'écrivain
         Qui cherche en vain
   Le sens de toute vie.

            C'est chanter,
            Inventer,
Lui répond un rouge-gorge.

      Vois-tu qu'au printemps
La nature se reforge
      Sans jeux éreintants ?


   L'heure est moite et tannique.
         Ô glamour, rends
         Aux glas mourants
   Leur émoi tétanique !

   Ce lamantin panique
         Hors ce courant.
         Or, secourant
   Seul, amant tympanique,

            Désenfle eaux
            D'aise en flots
Montants, c'est facile — et vite !

      Les codes scellés,
Mon temps s'efface : il évite
      L'écho de ces lais.


11 décembre 2021

Centon à nasales « on » liées
[illustrant qu'il ne s'agit pas d'hiatus, car la liaison est systématiquement
faite en prosodie classique, même quand il ne s'agit pas d'adjectifs]

Fille de Pandion, ô jeune Athénienne,     [André Chénier]
Des restes d'un tel corps pourrait-on avoir peur ?     [Xavier Forneret]
Autour de la maison, obscur comme le coeur,     [Germain Nouveau]
Que serais-je sinon une semblance vaine ?     [Pierre de Ronsard]

Tous au bout du sillon arrivent hors d'haleine,     [Alphonse de Lamartine]
Soit par rébellion, ou bien par une erreur.     [Théophile de Viau]
Il faut par la raison adoucir le malheur,     [François de Malherbe]
Le nom et le renom de la maison ancienne.     [François Fabié]

Venez, Lise, Marton, accourez promptement,     [Jean-Pierre Claris de Florian]
Et qu'un charbon éteint brûle plus vivement !     [François Tristan L'Hermite]
Verra-t-on à l'autel votre heureuse famille ?     [Jean Racine]

Ange, démon ou Dieu, n'y peut rien : j'ai perdu     [Louis Ménard]
Deux tout petits enfants, le garçon et la fille     [Victor Hugo]
Sur l'herbe, m'enivrant d'un frisson entendu.     [Théodore de Banville]


12 décembre 2021

Vain luth qui lie
Tout sens peu sot,
Tais cela tôt
Puis vite nie.

Jour noir tel lie,
Sers-nous nul mot
Pour amer lot,
Vide leur vie.

Dieu, quel art dur !
Sort âcre est sûr :
Déjà vous tue

Faux sous son fer,
Dont rime ort hue
Mort avec ver.

[4 strophes de 4/4/3/3 vers de 4/4/3/(3) mots de 4/4/3/(3) lettres, pour imiter sans
copier le poème « Rail » de Perec, en 4 strophes de 4 vers de 4 mots de 4 lettres]


16 décembre 2021

Sonnet de gématries
[Les monosyllabes rimant entre eux ont également la même somme gématrique — ce qui est extrêmement rare, donc entre dans la catégorie des contraintes paradoxales. Le schéma est celui d'un sonnet élisabéthain : 45/22/45/22, 79/64/79/64, 71/55/71/55, 92/92.]

Rasé de près, ce maire breton a fait remplacer le vieux canal par une avenue. Mais son brouillard permanent la rend infernale, au point de provoquer de graves accidents. Ça explique le nombre anormalement élevé d'enterrements et de pensions à verser.

Glabre
chef
sabre
bief.

Route-
test
floute
Brest.

Damnent
tant,
cannent :
chiant !

Suaires,
douaires...


À la manière des classiques fables express et des « Voeux » de Perec, Robert Rapilly a proposé à la liste oulipo des contrepèteries de titres célèbres, introduites par quelques vers. En voici quatorze de ma plume, d'après les nouvelles d'un même auteur, variant de la simple homophonie (pas de contrepèterie) à l'anaphone (grand mélange des phonèmes).

Jorge Luis demande une bière
Servie en une sphère en verre.
        La Leffe    [L'Aleph]

Le vieux Borges déstabilise
Le jeune qu'il fut, ça le grise.
        Troll    [L'Autre]

Dès nos publications,
Nous happions vos passions :
        Fixions    [Fictions]

Désirant boire, l'ethnographe
Trouve un rongeur dans sa carafe.
        Le rat pire de broc d'eau    [Le Rapport de Brodie]

La parole est donnée au hasard aux convives,
Mais le maître s'en moque, ô gâchis de salives !
        Là l'hôte rit au babil, ânes    [La Loterie à Babylone]

L'initïatïon, pourtant facile,
Démontre ton état, jeune imbécile.
        L'ânon déduit    [La Nuit des dons]

Je me souviens de tout, maman :
Le droit ne condamne un dément.
        Fou n'est sous loi, ma mère    [Funes ou la mémoire]

Ce qui m'obsède n'est  pas un écu sonnant,
Un tigre, ni ce puits, mais un grand continent :
        L'Eurasie    [Le Zahir]

On m'a donné le poste, et j'en suis ahuri,
Car j'avais critiqué cet honnête jury.
        Le stage ta mère !    [Le Stratagème]

La verdeur ose,
Non l'eau de rose.
        Lis l'oeuvre bleue, Sade !    [Le Livre de sable]

Tais-toi, traître au marqué visage,
Pendant notre cambriolage.
        La ferme, et hold-up !    [La Forme de l'épée]

Afin que Red Scharlach éprouve de l'effroi,
Le spectre de Lönnrot hante Triste-Le-Roy.
        L'âme aurait sale boulot    [La Mort et la boussole]

Juan Dahlmann réfléchit en rebroussant chemin :
La mort n'a de saveur qu'un poignard à la main.
        Du sel    [Le Sud]

Si des pommes empoisonnées
Au grand Homère sont données,
        Les mord-il ?    [L'Immortel]


P.S. du 30/12/21 : quelques anaphones de « la Disparition » puis « la Vie mode d'emploi »

Souvent l'on chipote
Sans le moindre break,
Mais chaque oulipote
Adore Perec.
Moralité :
L'art d'ici : passion.

Lorsque l'atmosphère
Devient rock'n'roll,
Veut-on se défaire
D'un pénible troll ?
Moralité :
La scission rapide ?

Le père Ubu somme
Les entiers avec
Sa gidouille comme
Cela, sans échec.
Moralité :
Addition spirale.

Il veut dans sa corne
À phynance l'or
De la foule morne,
Et rit en son for.
Moralité :
Liasse ici, pardon !

Bâfrant sans vergogne,
Voire l'air pompeux,
Le Roi de Pologne
Demeure adipeux.
Moralité :
Sa ration : lipides.

L'amour, il préfère
L'accomplir debout,
Sinon cette affaire
Le met vite à bout.
Moralité :
S'y saillir d'aplomb.

Il n'a rien à perdre
Donc ordonne aux meufs
D'y consentir : merdre,
Osons des trucs neufs !
Moralité :
Voilà, polie demande.

Mais quand il s'agite,
Ça se passe mal :
Las ! il régurgite,
Le sale animal.
Moralité :
Doigt plat dans le vomi.


19 décembre 2021

Sonnets de monovocalismes
[selon le schéma banvillien abba abba ccd ede. Le premier est en monosyllabes et respecte une alternance de rimes (jamais pauvres) consonantiques & vocaliques.]

Pendant la nuit, les graminées poussent dans la prairie, l'enfant pleure, le renouveau s'organise, mais davantage de bruit sera la conséquence d'une telle vague d'énergie vitale.

Tard
prée
crée
nard.

Gnard
rée,
grée
l'art.

Prix :
cris
lors

plus
forts,
flux.


Sonnet simultanément de monovocalismes et de faiblesses prosodiques. Les vers en E ont une césure enjambante, ceux en A un hiatus à la césure, ceux en I emploient le même mot à la rime, ceux en O violent l'alternance des rimes, et ceux en U riment (mal) entre singulier et pluriel.

Le Manitou
(Métadiscours)

L'Éternel crée en terre cet être éphémère :
Grand lascar, s'avança Adam à pas dansants.
Sans hasard l'attrapa Allah, chapardant sangs,
Et le Père engendre Ève, femme de même ère.

Certes le Péché semble prêcher Évhémère*.
Satan passa par là, actant plans agaçants :
Ah ma bath nana, va à la gala trans-ans !
Et dès cette recette testée, elle est mère.

Ici l'iris divin vit l'instinctif fils vil :
Il prit l'incisif kriss, primitif grizzli vil.
On rompt l'onopordon ; trop rodomont, on mord...

Du sud, l'urubu chut d'un brun cumulus mû
Hors d'ords tronçons profonds, ô Cosmos forclos, Mort !
Tu fus un tumulus, plus qu'un futur humus.

Évhémère : théoricien grec de l'athéisme
† gala : variété de pomme
‡ onopordon : sorte de chardon

[Voir aussi ces autres sonnets à monovocalismes successifs]


21 décembre 2021

Sonnet de mots n-syllabiques
[avec n = 3-2-3-2 / 3-2-3-2 / 6-4-4 / 6-1-1, ceux de 0 syllabe ne comptant pas]

El Desafortunado
(La Déconsidération)

Demeurant ténébreux, — malheureux, — isolé,
Prince gascon n'ayant qu'une douve salie,
L'étoile décédant, — l'harmonium constellé
Porte l'obscur soleil d'une triste Folie.

Ancêtre sépulcral m'épaulant consolé,
Rendez Naples, l'adret, cette côte jolie,
L'hibiscus m'éveillant l'intellect désolé,
Enfin l'exquis raisin qu'une rose rallie.

M'immortaliserais-je allégoriquement ?
Érubescent m'estampilla l'énergumène ;
J'imaginai l'océanide anadyomène...

J'anathématisai l'anéantissement :
Car tour à tour je chante et joue au luth la plainte
De la fée aux longs cris puis les pleurs de la sainte.

[Voir aussi ces précédents isosyllabismes]


27 décembre 2021

Sonnet d'ouïseaunets
[reprenant la structure autosimilaire du dernier recueil de Robert Rapilly. La différence est que les quatorze ouïseaunets ci-dessous constituent un seul poème, adaptation du Desdichado de Nerval, et qu'en plus des anticonformistes rimes entre singulier & pluriel choisies par Robert, je les ai également imposées hétérosexuelles. Chaque verset de quatorze syllabes emploie ainsi des rimes phonétiques plates (AABB, ressemblant aux AAB de la « Chanson d'automne » de Verlaine) mais graphiquement croisées (alternant
mp et fs, ce qui n'est pas facile). Ces versets riment par ailleurs entre eux selon le schéma banvillien, cette fois en respectant classiquement les genres et nombres.]

El Pajarero
(L'Oiseleur)

Je suis le freux   dont l'aile affreuse   ombre espoirs   de victoire,
Duc de Ciboure   aux vieilles tours   qu'on spolie   en oublis :
Dans cette rixe,   un blond Phénix   qui se lie   aux gouslis
Court les périls   mus par les mille   aigles noirs   du Déboire.

Toi la perdrix,   d'âme meurtrie   et des soirs   l'exutoire,
Rends donc la proue   au milan roux,   l'Italie   au courlis,
L'oiseau qui pleure   et les siffleurs   que rallie   un chablis ;
Les rossignols   pourront aux rolle   ou perchoirs   pamprés croire.

Joue à la mourre :   Hélios, vautours,   Élysée   ou buse es ?
Peau tavelée,   ô roitelets,   de rosée   et baisers,
Je rêve aqueux   ce rouge-queue   ore aux fers   dans sa sphère...

Qu'un tétras-lyre   ait des soupirs   comme Orphée,   et surfez,
Cygnes, au Styx   avec la nixe   — aux Enfers   je réfère :
Le moineau prie,   oyant les cris   que la fée   a greffés.

                                                                Busard d'Épervier

Freux Duc
Phénix Aigle noir
Perdrix
Milan roux Courlis
Oiseau qui pleure Siffleur
Rossignol Rossignol
Vautour Buse
Roitelet Rouge-queue
Tétras-lyre Cygne
Moineau
Busard Épervier

P.S. du 30/12/21 : sonnet de ponctuation, de schéma  ,.,. ,.,. ??… !!…

Je suis le morose,
Le prince sans tour.
Mon luth se nécrose,
Noir comme un vautour.

Sors de ta sclérose,
Rends-moi le labour.
Greffes-y la rose,
La vigne et l'aubour.

Suis-je Amour ou l'Astre ?
Biron ou Lancastre ?
Ma face rougit…

Chantons comme Orphée !
Crie ainsi la fée !
La sainte vagit…


3 janvier 2022

Voeux

Parcourant en diagonale les Prophéties de Nostradamus,
j'y découvre l'annonce d'une pandémie démarrant « vers
l'an de grâce vingt-vingt », mais se terminant environ
deux ans plus tard — ce qui donne un officieux espoir.

Voyez-vous tous, c'est la conséquence des décisions du
pape Léon IX lors du concile de Rome de mil cinquante.

Elles avaient aussi provoqué la mort du violiste Marin
Marais au millésime exact de douze au cube — Ramanujan
y vit surtout plus tard son puzzle du taxi à invoquer.

[Trois phrases isocèles de gématries respectives 2022,
1050 et 1728 <https://tinyurl.com/DeuxMilleVingtDeux>,
donnant un total assez rond de 4800, mais surtout pour
illustrer cette égalité assez rare entre trois entiers
Diagonale d'un rectangle de 1728 × 1050
Que l'année 2×32+3+232×3 amène la fin de la pandémie !]


4 janvier 2022

Journée mondiale du braille
[distique d'alexandrins dont le premier est aussi « lisse » que possible en braille (chaque caractère emploie au plus deux points) et le second aussi « rugueux » que possible (chaque caractère emploie au moins quatre points)]

Kebab, cake kaki ?, cacabe ce bec bai :
ô vénéré prévôt à ptyx régénéré

⠨⠅⠑⠃⠁⠃⠂ ⠉⠁⠅⠑ ⠅⠁⠅⠊⠢⠂ ⠉⠁⠉⠁⠃⠑ ⠉⠑ ⠃⠑⠉ ⠃⠁⠊⠒
⠹ ⠧⠿⠝⠿⠗⠿ ⠏⠗⠿⠧⠹⠞ ⠷ ⠏⠞⠽⠭ ⠗⠿⠛⠿⠝⠿⠗⠿


6 janvier 2022

Les crobards de Lécroart
[L'association Zazie Mode d'Emploi a proposé à la liste oulipo de s'inspirer de ces dix-huit dessins d'Étienne Lécroart pour écrire des textes ou poèmes. J'ai composé une ode classique, en trois sizains d'octosyllabes de schéma AAbCCb.]

     Ode à la Création

(15) Après le Big Bang, les symptômes
(17) Sont la formation des atomes,
(0)  Les planètes s'agglutinant
(3)  Qui chauffent, mais un fébrifuge
(5)  Les stabilise : le déluge —
(1)  Sable et roc durent maintenant.

(10) L'homme en taille un outil biface
(13) Et bien que beaucoup de temps passe,
(8)  Il continue en moins rustaud,
(2)  Car il veut créer des ouvrages
(6)  Qui gagneraient tous les suffrages —
(14) Il en montre un à l'expert tôt.

(11) Lorsque celui-ci l'examine,
(16) Il est effondré, ce qui mine
(12) Le moral du peintre un moment.
(4)  Le Maître illustre comment faire :
(7)  Il faut creuser la logosphère
(9)  Pour trouver parfois un diamant.

Les 18 dessins dans l'ordre des vers de l'ode
[dessins d'Étienne Lécroart]

P.S. du lendemain : tentative de centon illustré par Lécroart, en laissant les contraintes (notamment l'alternance des rimes) choisir ce qu'elles voulaient. Les 18 sources sont toutes différentes bien que soient cités deux poèmes de Hugo, Lamartine et Vigny.

(2)  Je reprenais de l'oeil et du coeur ma lecture :     [Alphonse de Lamartine]
(8)  Le crayon tous les jours montre en votre peinture     [Jean Bertaut]
(1)  Des sables, des massifs d'arbres, des rochers nus.     [Charles Marie Leconte de Lisle]
(16) À ceux qui s'épuisaient en tourments inconnus     [Alfred de Musset]
(4)  Dans l'or fauve du soir, durement se dessine     [Théophile Gautier]
(7)  Cette maudite laie. Et creuser une mine,     [Jean de La Fontaine]
(17) Fabriquer l'univers d'atomes assemblés ?     [Étienne Pavillon]
(12) Vois nager dans le sang mes esprits désolés :     [François Tristan L'Hermite]
(3)  Les rochers, les volcans, les monts, les mers houleuses     [Victor Hugo]
(10) Viennent m'environner, les cavernes affreuses !     [Isaac Habert]
(15) Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?     [Charles Baudelaire]
(11) Il regarde longtemps, longtemps cherche sans voir     [Alfred de Vigny]
(5)  Qu'il était le noyé du déluge de l'ombre.     [Victor Hugo]
(14) À ses yeux fatigués tout se montre plus sombre :     [Alfred de Vigny]
(0)  Cent planètes brûlant de leurs feux empruntés.     [Alphonse de Lamartine]
(9)  La lune est claire et ses rayons diamantés,     [Émile Verhaeren]
(13) Oasis de parfums dans les déserts flottante !     [Jules Lefèvre-Deumier]
(6)  Et ma voix épela la page triomphante.     [Gérard de Nerval]

Les 18 dessins dans l'ordre des vers du centon

9 janvier 2022

Braille économique
Comme l'écriture braille nécessite beaucoup de papier, voici une courte histoire, de nouveau illustrée par Lécroart, dans laquelle les deux dernières lignes de points de la première phrase se superposent au deux premières lignes de points de la seconde phrase :

sot topo visionné — on rit — [dessins n° 8, 6, 11 et 4] / vif fils rabaissé : si paf ! [dessins n° 14, 16, 12 et 10]

Il est même possible de superposer davantage de lignes, par exemple en demandant à la puissance éternelle de se coucher de façon peu élégante :

éon / gis / mal

Voici également la superposition de cinq âges de la vie :

yéyé / tété / pépé / bébé / kéké

16 janvier 2022

Sonnet de thèmes
[Les cinq sens sont évoqués dans le même ordre que les rimes :
vue-goût-vue-goût / vue-goût-vue-goût / odorat-toucher-toucher / odorat-ouïe-ouïe]

Sin sentido
(Aucun sens)

Mon sang de prince est bleu, couleur de mes regrets,
Car mon legs s'est dissous dans mon malheur acide :
L'étoile jaune est morte, — et les reflets dorés
De mon luth sont amers comme un demi-suicide.

Dans le noir du tombeau, vous qui me rassurez,
Rendez-moi l'eau salée où Naples gît placide,
La fleur rouge qui plut à mes esprits navrés
Et la treille où le pampre accorde maint glucide.

Suis-je Amour, un Roi mage, ou ses parfums offerts ?
Mon front sent la douceur du baiser de la reine
Puis l'éclaboussement d'un plongeon de sirène...

J'ai supporté l'odeur de soufre des Enfers
En modulant des cris sur la lyre d'Orphée,
Suivis par le silence absolu de la fée.

                                                G. Saint-Saëns


24 janvier 2022

Mise au point d'une seconde version de mon plan anagrammatique du métro de Paris, contenant 111 nouveaux noms par rapport à ma dernière mise à jour, principalement les stations de tramway figurant désormais sur le plan officiel de la RATP.


9 février 2022

Journée du mal de dents
L'héméroméride de Bernard MaréchalNoël Bernard m'a appris que le 9 février est consacré au mal de dents. Cela m'a rappelé ce quatrain pondu dans ma jeuuunesse (et déjà posté sur la liste oulipo il y a un quart de siècle) :

Bien trop humide est mon palais
Je l'avoue : je suis mal dedans
Car si ma couronne me plaît
C'est pas marrant d'être une dent !

Comme il accumule les faiblesses prosodiques, j'ai eu envie de l'adapter à des formes respectant l'alternance et la graphie des rimes, d'abord un « lanet » en tétrasyllabes :

Bien trop humide
Est le palais
Où je réside
Mais tu me plais,

Riche couronne —
J'ai mal dedans
Car je mâchonne
Parmi les dents.

puis un classique sélénet :

C'est dans l'or splendide
Que je m'installais
Bien que fût humide
Ce rose palais

J'aimais la couronne
Mais j'ai mal dedans
Car ne m'environne
Qu'un amas de dents


11 février 2022

Joseph de Kessel
[Réécriture du Desdichado selon le rythme du « Chant des partisans » : vers de 14/14/15/15 syllabes à rimes toutes féminines, césurés 2+3+3+3+3(+e) pour ceux de 14 et 2+3+7+3(+e) pour ceux de 15.]

El Partisano

Je suis l'Aquitain ténébreux à la tour abolie
Mon luth constellé porte un noir bouclier de Folie
Ami dans la nuit du tombeau de mon étoile obsolète
Rends-moi la colline et la mer où Napoli se reflète

Mon coeur désolé fut charmé par les fleurs d'Italie
La treille où s'allie une vigne à la mauve ancolie
Troublé que la reine ait posé son doux baiser sur ma tête
Je rêve en la grotte où se baigne la sirène en cachette

Je suis Apollon Cupidon Lusignan ou Thalie
Deux fois triomphant j'ai franchi l'Achéron et sa lie
Chantant tour à tour comme Orphée au vïolon le répète
Les cris de la fée et les soupirs étouffés du prophète


P.S. du 16/2/22 : le « partisanet » systématise les rimes internes du Chant des partisans, en respectant de surcroît l'alternance des rimes. Plus précisément, il est formé de douzains de schéma 5a/6a/3B, 5c/6c/3B, 5d/7d/3E, 5f/7f/3E, où les lettres en bas de casse représentent des rimes masculines et celles en capitales des rimes féminines, et où les penta- & hexa-syllabes sont respectivement césurés 2+3 & 3+3. Notez que le Desdichado ci-dessus ne respecte pas plus ces rimes internes systématiques que le chant original. Voici une adaptation de cet original à la présente forme plus rigide.

      Ami, n'entends-tu
   Le corbeau combattu
            Sur nos plaines ?
      Ami, n'entends-tu
   Le pays qui s'est tu
            Dans ses chaînes ?
      Ohé, partisans,
Ouvriers et paysans,
            C'est l'alarme.
      Ce soir les pourris
Connaîtront du sang le prix,
            Mainte larme.

      Montez des sous-sols,
   Descendez de nos cols,
            Camarades.
      Partout déballez
   Vos fusils, pistolets
            Et grenades.
      Ohé, les tueurs,
À vos armes, saboteurs,
            Sortez vite
      Engins et couteaux,
Prenez garde à vos fardeaux :
            Dynamite.

      C'est nous qui brisons
   Les barreaux des prisons
            Pour nos frères.
      La haine a pour fin
   De meurtrir, comme faim
            Et misères.
      On voit des pays
Où les gens sont éblouis
            Par un rêve.
      Ici concluons :
Nous marchons et nous tuons
            Ou l'on crève.

      Ici chacun sait
   Ce qu'il veut, ce qu'il fait
            Quand il passe.
      Ami, si tu meurs,
   Un ami sort d'ailleurs
            À ta place.
      Demain du sang noir
Séchera de l'aube au soir
            Sur la route.
      Sifflez à côté :
Dans la nuit la liberté
            Nous écoute.

      (d'après Anna Marly, Joseph Kessel & Maurice Druon)


20 février 2022

Mini-ballades
[copie d'un message adressé à la liste oulipo]

On connaît le chant royal, en cinq onzains de décasyllabes de schéma
ababccddedE, plus un envoi de 5 ou 7 vers (cc)ddedE, où la lettre en capitale représente un refrain immuable de strophe en strophe. La grande ballade est en trois dizains de décasyllabes de schéma ababbccdcD, plus un envoi de cinq vers ccdcD. La petite ballade est en trois huitains d'octosyllabes de schéma ababbcbC, plus un envoi de quatre vers bcbC. (Des variantes existent pour l'ordre des rimes.) La ballade balladante primitive était en trois septains d'heptasyllabes de schéma ababbcC, l'envoi bbcC n'étant pas encore de mise à l'époque. Et les ballades en hexasyllabes et pentasyllabes ont aussi existé au Moyen Âge. J'avoue ne pas savoir si elles avaient des schémas de rimes fixes, mais comme ceux mentionnés ci-dessus commencent tous par des rimes croisées, il semble naturel de choisir un schéma ababbA pour les sizains d'hexasyllabes — plutôt que son classique anacyclique abbabA ou le croisement systématique ababaB, et aussi de préférence à l'autre schéma courant aabccB à trois rimes. Pour les pentasyllabes, le quintil ababB aurait l'intérêt d'autoriser un envoi bB constituant un distique, c.-à-d. un cas particulier de strophe, contrairement au quintil apollinarien ababA. Les autres quintils classiques ne commencent pas par des rimes croisées (cf. abbaB d'Aragon), et présentent souvent l'inconvénient d'employer la rime double pour le refrain (cf. abaaB, aabaB, abbbA). J'ignore si le cas des quatrains de tétrasyllabes a déjà été illustré. Une telle micro-ballade pourrait être de schéma abaB abaB abaB — mais un envoi final aB ne constituerait pas une strophe au sens classique du terme. Pour respecter cette notion de strophe, la nano-ballade en tercets de trisyllabes devrait a priori être monorime, c.-à-d. de schéma aaA. Rien n'interdirait bien sûr d'innover davantage, avec par exemple un schéma abA abA abA (plus un possible envoi A ou bA). Les distiques de dissyllabes pousseraient aussi au monorime aA aA aA (plus un possible envoi répétant encore le refrain A) — le cas aB aB aB me semblant peut-être moins intéressant (?). Les monostiches de monosyllabes répéteraient juste trois fois le même court refrain. Les astiches d'asyllabes ont déjà été abordés sur cette liste. Si vous savez définir les ballades avec un nombre négatif de vers par strophe et de syllabes par vers, ça m'intéresse. En attendant, voici quelques mini-ballades :

*

Ton âme bouillonnante
Est un Eldorado
De passion permanente.
Cet unique cordeau
Illustre en glissando
Ton audace étonnante.

Histoire impertinente,
Certains t'ont dit sado-
Maso, thèse gênante,
Mais nulle libido
N'induit grosso modo
Ton audace étonnante.

Car séance tenante,
Tu bâtis en rondeau
Une oeuvre dissonante
Mêlant do dièse et do,
Qui prouve en un credo
Ton audace étonnante.

Prince Gesualdo,
Redouble crescendo
Ton audace étonnante !

*

Quand les malheurs font
Mettre en quarantaine
Ta tour sans plafond,
L'étoile lointaine,
Ta peine est certaine.

Les fleurs satisfont
L'eau napolitaine.
Ton coeur se morfond :
Plus de prétentaine,
Ta peine est certaine.

La sirène au fond
De cette fontaine
Nage et se confond
À la puritaine —
Ta peine est certaine.

Prince d'Aquitaine,
Ta peine est certaine.

*

Toujours statique,
Hélas ! Pourquoi
Rester mutique ?
Réveille-toi !

Dans cette optique,
Choisis la loi
De ton cantique :
Réveille-toi.

De ta pratique
Naîtra l'émoi,
L'art poétique.
Réveille-toi !

Prince apathique,
Réveille-toi !

*

As-tu faim
De méthode ?
C'est la fin,

Ô Dauphin,
De ton ode —
C'est la fin.

Sable fin,
Tout s'érode :
C'est la fin.

Prince hymnode,
C'est la fin.

*

Lame or
Là mord

L'âme ort,
La mord :

La mort
La mord,

La mord...

*

¡Ay,

ay,

ay!

*




*

!ya

,ya

,yA¡

*

[...]


22 février 2022

Euh, cela m'épate ! Elle t'étonne, Amália, la date 22/02/2022 ?
Et, à Dalaï-Lama, en note telle étape mal échue ?


25 – 26 février 2022

Virelai
[Le virelai est une forme poétique médiévale cousine des ballades, notamment en raison de la présence d'un refrain, mais de schéma plus variable. Ci-dessous, j'ai adapté en français moderne l'un des plus connus de Guillaume de Machaut, dont j'apprécie la mélodie malgré son accompagnement archaïquement simpliste. Le lendemain, je l'ai aussi traduit en monovocalisme.]

      Quand je reviens du bonheur
            D'avoir vu ma Dame,
      Je ne ressens ni douleur
            Ni peine en mon âme.
Dieu ! c'est vrai que je l'aime et clame
            Ma fidèle ardeur.

      Sa belle et grande douceur
            En sa tendre flamme
      Nuit et jour éprend mon coeur
            Et mes rêves trame.
Dieu ! c'est vrai que je l'aime et clame
            Ma fidèle ardeur.

      Et quand sa haute valeur
            Ma ferveur entame,
      Je veux la servir sans peur
            Ni le moindre drame.
Dieu ! c'est vrai que je l'aime et clame
            Ma fidèle ardeur.


Veerelè

      Je rentre présentement
            De chez cette Belle,
      Et je ne me sens dément,
            Tête ne se fêle.
Père ! entends le très tendre zèle
            De ce cher serment.

      Ce fervent empressement,
            Déesse éternelle,
      En pensée expressément
            M'éprend et m'emmêle.
Père ! entends le très tendre zèle
            De ce cher serment.

      Cet excellent élément
            Me rend même frêle :
      Te révérer tellement
            Est règle réelle.
Père ! entends le très tendre zèle
            De ce cher serment.


8 mars 2022

SOG
[Un sonnet d'alexandrins compte 4 strophes de 3 ou 4 vers de 12 syllabes, totalisant 4, 8, 11 et 14 vers aux fins de strophes successives, qui correspondent à 48, 96, 132 et 168 syllabes. Aucun de ces entiers ne peut s'écrire, dans aucune base, comme un palindrome d'au moins trois chiffres. Autrement dit, ils sont tous des éléments de cette suite. De la même façon que Roubaud a défini les haïku & tanka oulipiens généralisés (hog & tog) en imitant leurs propriétés premières, définissons le sonnet oulipien généralisé (sog) en imposant que toutes ses caractéristiques soient des éléments de cette suite. Le sog de 4+4+3+3+4+4 hexasyllabes ci-dessous compte par exemple 6 strophes de 3 ou 4 vers de 6 syllabes, totalisant 4, 8, 11, 14, 18 et 22 vers aux fins de strophes successives, qui correspondent à 24, 48, 66, 84, 108 et 132 syllabes. Comme la notion de (non)-palindrome est liée à sa définition, une structure infarpaitement symétrique m'a semblée appropriée.]

La tourmente et le barde

Elle a faim des arts : sonne
L'heure, tourne le sort.
La Muse Érato mord
L'en-cas, marmonne « automne ».

Elle arrime cyclone,
Neige : « D'eau trinquons fort ! »
Orage odieux mis, l'ord
Jeu d'éclats méchants tonne.

L'écrivain sent arder
Les cris vains sans tarder,
Messe rêche au félibre.

Déguiser l'aversion
Mais se réchauffer, libre
D'aiguiser la version !

Je déclame et chantonne :
« Ô rage ! ô Dieu ! Milord !
N'ai-je d'autre inconfort ? »
Et la rime s'y clone...

Lent camard monotone,
L'amuser rate, ô Mort !
Le retour ne le sort
Et la fin désarçonne.

[Voir aussi ce sog d'Alexandre Carret, combinant rimes à l'oeil & à l'oreille]


P.S. du 20/3/22 : sog de 2+4+2+4+12+6 quadrisyllabes [comptant donc 6 strophes de 2, 4, 6 ou 12 vers de 4 syllabes, ce qui donne 2, 6, 8, 12, 24 & 30 vers aux fins de strophes successives, et correspond à 8, 24, 32, 48, 96 & 120 syllabes]. Comme Noël Bernard le 11/3/22, j'ai ici choisi des strophes aux rimes palindromiquement embrassées comme des matriochkas — anticqve schéma remontant au XIIIe siècle, que Paul Fournel a baptisé « étreinte » en 2008.

Aubes & voiles

Le jour se lève
Et rompt mon rêve

Je ne sais pas
Où peut reprendre
Un tel méandre
Rhin sans compas

Ne rien refaire
En sens contraire

Seul un nouvel
Essai fertile
Rendra le style
Atemporel

Ce troublant songe
Y répartit
Chaque mesure
Logiquement
Il suit le fleuve
Qui reproduit
Une bleu nuit
Eau qui l'abreuve
Mais il nous ment
Et sans usure
Notre appétit
Tard se prolonge

Regarde un rond
Écrire un nombre
Puisqu'on le sent
Éblouissant
Tes yeux dans l'ombre
Écouteront

[Voir aussi ce sog d'Alexandre Carret, reprenant la même structure strophique]


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