- Commençons par l'ailleurs de l'indicatif. Comme il est intermédiaire
entre le passé et le futur sur le diagramme d'espace-temps ci-dessus, je
propose de le construire avec le radical du futur et les terminaisons du
passé simple.
Avoir :
j'aureus / tu aureus / il aureut /
nous aureûmes / vous aureûtes / ils aureurent
Être :
je serus / tu serus / il serut /
nous serûmes / vous serûtes / ils serurent
Aimer :
j'aimerai / tu aimeras / il aimera /
nous aimerâmes / vous aimerâtes / ils aimerèrent
(Notez que les trois premières personnes coïncident avec celles
du futur de l'indicatif, ce qui est bien regrettable mais fait
partie des subtiles beautés de notre langue.)
Finir :
je finiris / tu finiris / il finirit /
nous finirîmes / vous finirîtes / ils finirirent
Tenir :
je tiendrins / tu tiendrins / il tiendrint /
nous tiendrînmes / vous tiendrîntes / ils tiendrinrent
Recevoir :
je recevrus / tu recevrus / il recevrut /
nous recevrûmes / vous recevrûtes / ils recevrurent
Rendre :
je rendris / tu rendris / il rendrit /
nous rendrîmes / vous rendrîtes / ils rendrirent
Exemple : « Je sais qu'à cet instant précis cherrut une pomme en Australie. »
À vrai dire, cette conjugaison est employée depuis belle lurette (et Dieu
sait si lurette est belle), mais elle passe presque inaperçue sous la forme
« ... tombera une pomme en Australie ».
Il est aussi utile de noter que les premières personnes du singulier & du
pluriel ne s'utilisent pas dans les situations courantes, pour de simples
raisons de cohérence logique.
- L'ailleurs composé se conjugue évidemment avec un auxiliaire à l'ailleurs
simple :
j'aureus aimé (...) ils aureurent aimé
je serus reçu (...) ils serurent reçus
Exemple (proposé par Nicolas Graner le 05/11/02) : « Peut-être le Soleil aurut-il disparu depuis cinq minutes et nous n'en savons encore rien »
- L'ailleurs du subjonctif se construit toujours avec le radical du futur
de l'indicatif, mais avec les nobles terminaisons de l'imparfait du
subjonctif :
que j'aurusse (...) que je serusse (...) que j'aimerasse (...) que je finirisse (...)
que je tiendrinsse (...) que je recevrusse (...) que je rendrisse (...)
Exemple : « Il faudrut que mon ami australien Morton ferît tomber une
pomme pour la mienne. »
- Comme les premières personnes des autres modes, les trois personnes
de l'impératif ailleurs posent des problèmes logiques (comment donner un
ordre à quelqu'un dont on est causalement disconnecté ?). Toutefois, rien
n'interdit de l'employer de manière désespérée, mystique, poétique, ou...
quantique. On utilise toujours le même radical du futur de l'indicatif,
combiné cette fois avec les terminaisons de l'impératif présent :
auraie, aurayons (ça se soigne...), aurayez (... en restant au lit)
serois, seroyons, seroyez
aimère (notez l'apparition d'un accent grave euphonique),
aimerons, aimerez
(les verbes du premier groupe continuent
à nous jouer des tours d'ambiguïté temporelle)
finiris, finirissons, finirissez
tiendriens, tiendrenons, tiendrenez
recevrois, recevrons, recevrez (nouvelle ambiguïté, qu'évitait
la forme archaïque recevrevons, recevrevez)
rendrends, rendrons, rendrez (ou rendredons, rendredez
qui sont passés de mode)
Exemple : « Dans mon rêve je crie à ce fruit "Mouvreus-toi !" »
- L'infinitif ailleurs combine le radical du futur avec la terminaison
de l'infinitif présent :
auroir, serêtre, aimerer, finirir, tiendrir, recevroir, rendre
(ou rendrède, forme archaïque)
Exemple : « Morton devrut détacherer la pomme de la branche. »
- Le participe ailleurs se construit de la même façon avec la terminaison
du participe présent :
aurant, serant, aimerant, finirissant, tiendrant, recevrant, rendrant
Exemple : « Les Flamandes, ça ne serut pas mollirissant. »
- Nous avons le regret de vous apprendre que le conditionnel ailleurs
coïncide avec le conditionnel présent, pour des raisons indépendantes
de notre volonté.
Exemple : « Si Morton le pourrut, il ferait tomber une pomme. »
- La potentialité poétique du suRjonctif ailleurs est illustrée ci-dessous
par quelques décasyllabes d'un ami d'Alphonse (célèbre pour ses qualités
de medium & de grammairien) :
« Faudrut-il qu'Allais vous aimerassât,
Que vous le désespérerassassiez
Et qu'en vain il s'opiniâtrerassât
Pour que vous l'assassinerassassiez ? »
Terminons cet aride exposé par un exemple plus littéraire (dont Julio
Cortázar s'est clairement inspiré pour l'une de ses nouvelles) :