Un
haïku compte 3 vers de 5
ou 7 syllabes, en totalisant 17.
Un
tanka compte 5 vers de 5 ou 7 syllabes,
en totalisant 31.
Tous les nombres cités sont premiers, et c'est la
propriété qui a poussé
Jacques Roubaud
à définir les haïkus oulipiens
généralisés (hog) et tankas oulipiens
généralisés (tog) :
Nous en avions parlé sur
cette liste en
février 2018 à propos de la
« Chanson de rupture » de
Frédéric Forte,
et l'on peut aussi retrouver ces définitions en ligne
dans une scène
qu'Hervé Le Tellier avait écrite
pour un jeudi de l'Oulipo consacré au diable
et dans ce document pédagogique au format Word.
Il y a
exactement un an, j'avais souligné que
ces définitions sont satisfaites par un très grand
nombre de schémas, donc j'avais cherché des
surcontraintes le réduisant.
Mais je n'avais pas pensé à une
généralisation du tog pourtant naturelle :
Pourquoi impair, demandez-vous en chœur ?
Parce que sinon les haïku & tanka traditionnels
seraient exclus (leurs deux premiers vers totalisent
5+7 = 12 syllabes, nombre composé), et surtout
parce qu'il n'y aurait alors que les cas simplistes
2+3+2 (ou 3+2+2) et 2+3+2 + 3+3,
en plus des schémas à deux vers seulement (2+? ou ?+2).
Pour
les poèmes de 2, 3 ou 5 vers, cette
généralisation n'apporte rien aux
hogs & togs roubaldiens. Mais ça en
réduit sérieusement le nombre à partir
de 7 vers.
De tels
« hypertogs » de 7 vers me semblent
d'ailleurs l'extension la plus naturelle des haïku &
tanka traditionnels en 3 & 5 vers, puisqu'il s'agit
du nombre premier suivant.
Si l'on emploie
les pentasyllabes & heptasyllabes habituels, on trouve les
deux schémas
5+7+5+7+5 + 7+7 et 7+5+7+5+7 + 5+5,
ou en alternant juste les mètres
5+7+5+7+5+7+5 et 7+5+7+5+7+5+7.
Le premier est en fait un cas particulier de la forme japonaise
classique chōka, donc ça n'est
finalement pas très original.
Il est plus
logique d'augmenter la longueur des vers, en même temps que
leur nombre. Par exemple en prenant aussi les nombres premiers
suivants, c'est-à-dire 7 & 11 syllabes
à la place de 5 & 7 :
11+7+11+7+11 + 7+7.
Vous pouvez vérifier que les 3 premiers vers totalisent
29 syllabes, les 5 premiers 47 syllabes, les 7 au complet
61 syllabes, et tous ces nombres sont premiers.
Petit essai :
Plutôt que 7 & 11, il serait
également justifiable de considérer
11 & 13 comme le couple qui suit les classiques
5 & 7. On trouve alors le schéma
13+11+13+11+13 + 11+11.
Ses 3 premiers vers totalisent 37 syllabes, les 5 premiers
61 syllabes, les 7 au complet 83 syllabes, et tous ces
nombres sont premiers.
Second essai :
Par souci
d'exhaustivité, voici tous les schémas d'hypertogs
dont les mètres et les nombres de vers sont
inférieurs à 20 (il est très facile d'aller
au-delà, si ça intéresse quelqu'un).
Ils sont
classés par ordre croissant de nombre de vers, et à
nombre de vers fixé par ordre croissant du nombre total de
syllabes. Je distingue également les schémas
terminant par un distique isométrique (comme le tanka
traditionnel) et ceux alternant juste deux mètres.
Comme la
minuscule nouveauté de ce message est de considérer
au moins deux troncations possibles du poème, je passe
rapidement sur les cas à 5 vers ou moins.
On peut noter que les pentasyllabes & heptasyllabes traditionnels sont très souvent présents dans ces résultats. Pour illustrer, voici les propriété premières du dernier schéma :
vers de 5 ou 7 syllabes les 3 premiers vers totalisent 19 syllabes les 5 premiers vers totalisent 31 syllabes les 7 premiers vers totalisent 43 syllabes les 11 premiers vers totalisent 67 syllabes les 13 premiers vers totalisent 79 syllabes les 17 premiers vers totalisent 103 syllabes les 19 vers au complet totalisent 113 syllabes
Il est d'ailleurs amusant de constater que lorsque le nombre de vers n'est pas premier, le nombre de syllabes correspondant ne l'est pas non plus (ce qui est une coïncidence) :
les 9 = 3×3 premiers vers totalisent 55 = 5×11 syllabes les 15 = 3×5 premiers vers totalisent 91 = 7×13 syllabes
et le nombre de syllabes est pair pour un nombre pair de vers (ce qui n'est cette fois pas une coïncidence).
P.S.:
L'idée d'obtenir un nombre premier de syllabes quel que
soit le vers où l'on tronque un poème a
déjà été discutée
fin janvier 2020, mais il
ne s'agissait pas de hogs ni de togs roubaldiens — car
les vers avaient presque tous un mètre pair. Ci-dessus, on
ne tronque qu'après un nombre premier (impair) de vers, et
les mètres sont eux-mêmes premiers.
P.P.S.: Encore
davantage de propriétés premières ont
été obtenues en
février 2020
à l'aide de généralisations fractales des
hogs et togs. Mais là encore, ça n'était
pas la même idée que ci-dessus.
L'écriture d'un métatog de schéma 5+7+5+7+5+7+5, l'année suivante, m'a fait penser à une nouvelle définition encore plus restrictive bien que très simple :
La différence par rapport aux métatogs est que ces vers ne sont pas forcément au début du poème. Ça interdit donc notamment à un même mètre d'être répété trois fois de suite (où que ce soit dans le poème), car p+p+p = 3p est un nombre composé. Par exemple, le schéma 7+5+5+5+7 est un métatog (car 7, 7+5+5 = 17, et 7+5+5+5+7 = 29 sont premiers), mais le tercet central 5+5+5 totalise 15 syllabes donc ça ne donne pas un architog.
Même sans de tels tercets monométriques, certains métatogs ne sont pas des architogs. Par exemple 7+5+5+7+5+5+7 donne pour le début du poème 7, 7+5+5 = 17, 7+5+5+7+5 = 29, et 7+5+5+7+5+5+7 = 41, qui sont tous premiers, mais le quintil central donne 5+5+7+5+5 = 27 qui est un nombre composé.
Certains métatogs alternant systématiquement deux mètres ne conviennent pas non plus comme architogs. Par exemple 3+11+3+11+3 donne pour le début du poème 3, 3+11+3 = 17, et 3+11+3+11+3 = 31, qui sont tous premiers, mais le tercet central donne 11+3+11 = 25 qui est composé.
Les schémas alternant deux mètres mais se terminant par un distique isométrique, à la manière du tanka traditionnel, ne sont pas épargnés par la nouvelle règle. Par exemple 2+3+2+3+3 donne pour le début du poème 2, 2+3+2 = 7, et 2+3+2+3+3 = 13, qui sont tous premiers, mais les trois vers centraux ou finals donnent 3+2+3 = 2+3+3 = 8 qui est composé. Et ce n'est pas dû à la présence d'un mètre pair. Par exemple 3+5+3+5+3+5+5 donne pour le début du poème 3, 3+5+3 = 11, 3+5+3+5+3 = 19, et 3+5+3+5+3+5+5 = 29, qui sont tous premiers, mais les cinq vers centraux ou finals donnent 5+3+5+3+5 = 3+5+3+5+5 = 21 qui est composé.
Cette définition plutôt simple réduit donc fortement le nombre de schémas autorisés. Mais le haïku 5+7+5 et le tanka 5+7+5+7+7 traditionnels conviennent, ainsi que le schéma 5+7+5+7+5+7+5 qui en est à l'origine. Toutes les valeurs 5, 7, 5+7+5 = 17, 7+5+7 = 19, 5+7+5+7+5 = 29, 7+5+7+5+7 = 31, et 5+7+5+7+5+7+5 = 41 sont en effet premières. Il s'agit donc à la fois d'un hog, d'un tog, d'un hypertog, d'un métatog et d'un architog.
Pour finir, voici une liste de schémas d'architogs.
Il est facile de voir que tout hog de 2 ou 3 vers respecte la définition de l'architog, donc oublions-les. [Le haïku standard en fait partie.]
Si l'on se restreint aux mètres inférieurs à 20, les architogs comptent au plus 7 vers. Ce sont les cas les plus intéressants, que je détaille plus bas.
Pour atteindre 11 vers, il faut oser des mètres plus longs, par exemple 7+23+7+23+7+23+7+23+7+7+23, qui offre un distique isométrique non pas à la toute fin, mais juste avant. Et voici le plus petit treizain que j'ai trouvé (bon courage !) : 103+4517+103+4517+103+4517+103+103+4517+103+4517 +103+4517.
Repassons maintenant aux mètres allant jusqu'à 19 syllabes. J'ai trouvé 82 schémas de cinq vers, et 43 de sept vers. Voici ceux alternant juste deux mètres, avec ou sans distique isométrique final à la manière du tanka traditionnel (ce qui ne change ici rien aux calculs). D'abord ceux en cinq vers :
3+5+3+5+3 3+7+3+7+3 5+7+5+7+5 7+5+7+5+7 5+13+5+13+5 3+17+3+17+3 5+19+5+19+5 19+5+19+5+19 13+17+13+17+13 |
5+3+5 + 3+3 (extension du
trident roubaldien) 7+3+7 + 3+3 7+5+7 + 5+5 5+7+5 + 7+7 (tanka traditionnel) 13+5+13 + 5+5 17+3+17 + 3+3 19+5+19 + 5+5 5+19+5 + 19+19 17+13+17 + 13+13 |
et en sept vers :
Il en reste 103 aux mètres mélangés de façon plus originale. Le plus court en 5 vers est le palindrome 2+2+3+2+2, ou si vous préférez éviter les mètres pairs 3+3+5+3+3. Le plus court en 7 vers est 3+3+7+3+3+7+3 (ou ses deux variantes 3+3+7+3+7+3+3 — palindrome — et 3+7+3+3+7+3+3).
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Gilles Esposito-Farèse
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