Gef's Contributions to the Oulipo Mailing List

[0. Classification of the constraints]
[1. Old oulipian page (90s)]
[2. Translation exercises (96-97)]
[3. Miscellaneous constraints (97)]
[4. Oulipian games & poetry (97-98)]
[5. Oulipoetic constraints (98-99)]
[6. Oulipoetry in 1999]
[7. Y2k texts]
[8. Grannets, tanka & Nerval]
[9. Poetry & symmetry (2000-01)]
[10. Sonnets et al. (2001-02)]
[11. Homophonies, anagrams, etc. (2003)]
[12. Combined constraints (2003-04)]
[13. Some original constraints (2004-06)]
[14. New literal constraints & pangrams (2006)]
[15. Holorhymes, pangrams, etc. (2006-08)]
[16. Polysemy & Pastior (2008)]
[17. Collective poems & vocalic sonnets (2008-09)]
[18. Lists & saturation (June-July 2009)]
[19. Anagram pairs, Loyd & Fournel (2009)]
[20. Rhymes, anagrams et al. (2010-11)]
[21. Cut-up, outlaw, Mathews, etc. (2011-12)]
[22. Complex rhymes, multi-lipograms & self-justification (2013)]
[23. Doublets, arithmonyms, alpharhymes, etc. (2014)]
[24. Homoconsonantisms et al., braids, anagrhymes (2015)]
[25. Anagrams, holorhymes, Morse, etc. (2016)]
[26. Rhythm & pangrams (2016)]
[27. Compositions, holorhymes and new constraints (2016-17)]
[28. Syllabic squares, vocalic sequences, music, etc. (2017)]
[29. Paradoxical constraints (2018)]
[30. Extensions of anancograms & other constraints (2018)]
[31. Express palindromes (2018)]
[32. Digrams, mesonyms et al. (2019)]
[33. Intervals, primes, n-grams & Queneau (2019)]
[34. Statistics and prime ASCII art (2020)]

35. Extensions of HOGs & palindromes (2020)
[36. Acrostics, rhythm and many other constraints (2020)]
[37. Block designs, neo-gematria, paronyms & boundaries (2020)]
[38. Metatogs, irrational sonnets, neo-sestinas, etc. (2021)]
[39. Prouhet-Thue-Morse, generalized sonnets and other forms (2021-22)]
[40. Architogs, polysympathy et al. (2022)]
[41. Paronyms, protehogs, dichotomy, etc. (2022)]
[42. Tropes and generalized palindromes (2022)]
[43. Block designs, binary gematria et al. (2023)]
[44. New express palindromes and octina (2023)]
[45. Paronyms, surdefinitions & palindromes (2023)]
[46. Recent stuff (2024)]
[Appendix: Homages to a few oulipian friends]


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19 janvier 2020

Nombres composés
[Aucune gématrie première n'est autorisée, ni pour les lettres, ni pour les mots, ni
pour les vers, ni pour les phrases, ni pour les strophes, ni pour le poème en entier.
C'est donc notamment un lipogramme en BCEGKMQSW. Toutes les lettres autorisées
sont employées. Une alternance de rimes consonantiques & vocaliques est respectée.]

Rapport fini

Un fol individu trouvait l'art narratif
D'aujourd'hui plutôt laid, pour pantouflard tout froid.
Il voulut fuir au loin tantôt, où l'azur oit
Ourdir l'innovation d'un ton point trop plaintif :

Il faudrait appauvrir l'invariant intuitif !
L'adoption d'un patron ou privation d'un droit
Anodin produiront un tonifiant noroît,
Offrant l'outil total, un joli palliatif.

Vaillant, il travaillait à l'opportun topo,
Par un tour d'horizon planifiant l'Oulipo,
Livrant un vrai futur, un luxuriant pouvoir.

Il fouillait au lutrin, validait au violon,
Un tâtonnant journal ; donna-t-il à l'ouvroir
Un fruit pur, un vitrail, un joyau d'Apollon ?


22 janvier 2020

Protognet
[« tanka oulipien généralisé » (tog) : le poème compte un
nombre premier de vers et de syllabes, chaque vers compte
aussi un nombre premier de syllabes, et ces trois propriétés
sont conservées si l'on supprime le dernier distique :
3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+
3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3+2+3  +  2+2
]

Marginal,
    bohème,
à la frange,
    un pauvre
rimailleur
    peinait :
À quoi bon
    noircir
mon carnet
    d'une oeuvre
qui ne point
    dérange ?
Il ne veut
    surtout
pas être ange :
    écrire
un vulgaire
    sonnet
de nos jours
    serait
trop benêt.
    Dès lors,
il embrasse
    l'étrange :
lentement
    un flou
lexical
    s'immisce
en son mètre
    bancal.
Dans ses mots
    cherchons
un noème,
    si sombre
la raison.
    Fouillons
le sens tu :
    parfois
son poème
    faut-il
bïaiser ?

    Ses vers
    brouillons !

[Si l'on combine les vers selon le schéma
3+2+3 / 2+3+2 / 3+2+3 / 2+3+2
3+2+3 / 2+3+2 / 3+2+3 / 2+3+2
3+2+3 / 2+3+2 / 3+2+3
2+3+2 / 3+2+3 / 2+3+2+2

il s'agit en fait d'un sonnet banvillien d'octosyllabes.
Ce poème est donc un cas particulier de protéonet.
Les vers en 2+3+2 donnent 8 syllabes grâce à des E caducs avant
consonne, et le dernier vers en 2+3+2+2 en donne aussi 8 grâce
à une synérèse — autorisée même en prosodie classique.]

Marginal, bohème, à la frange,
Un pauvre rimailleur peinait :
À quoi bon noircir mon carnet
D'une oeuvre qui ne point dérange ?

Il ne veut surtout pas être ange :
Écrire un vulgaire sonnet
De nos jours serait trop benêt.
Dès lors il embrasse l'étrange.

Lentement un flou lexical
S'immisce en son mètre bancal.
Dans ses mots cherchons un noème

Si sombre, la raison fouillons !
Le sens-tu parfois, son poème ?
Faut-il biaiser ses vers brouillons ?


24 janvier 2020

Totaux syllabiques premiers
[En m'inspirant de l'une des propriétés des « tankas oulipiens généralisés » définis
par Jacques Roubaud, j'ai proposé d'écrire des poèmes donnant un nombre premier
de syllabes
quel que soit le vers auquel on s'arrête. Dans la ballade ci-dessous, les
vers les plus courts possible sont illustrés : leurs nombres de syllabes sont égaux
aux différences entre les nombres premiers. Le nombre total de syllabes lues, après
chaque vers, est
2 / 3 / 5 / 7 / 11 / 13 / 17 / 19 // 23 / 29 / 31 / 37 / 41 / 43 / 47 / 53 //
59 / 61 / 67 / 71 / 73 / 79 / 83 / 89 // 97 / 101 / 103 / 107, qui donnent les 28 premiers
nombres premiers.]

Content,
L'homme,
Mettant
Sa gomme
Dans l'économe
Plumier,
Finit le tome
Premier.

Il est patent
Que l'ample nuit consomme
Pourtant
La lune dichotome,
Mais l'astronome
Limier
Voit que la somme
Donne un nombre premier.

Son calcul entêtant
Slalome
En nous désorientant,
L'air autonome,
Tout comme
Ce refrain coutumier
Qui nous assomme
Donne un nombre premier.

Prince, l'instable métronome
De ton damier
Se nomme
Nombre premier.


Nicolas Graner a ensuite composé un excellent sonnet aux vers proches
d'alexandrins
, dont le thème est remarquablement bien adapté à la contrainte.

Pour illustrer qu'encore davantage d'alexandrins classiques étaient
possibles, j'ai osé cette paresseuse micro-traduction de Nerval (où
seuls les 5e, 7e, 10e et 14e vers ont gagné ou perdu deux syllabes) :

                        El Desdichado

        Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé,
        Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :
        Ma seule étoile est morte, — et mon luth constellé
        Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans l'obscurité du tombeau,  toi qui m'as consolé,
        Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
                La fleur qui plut  à mon coeur désolé,
        Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

        Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est écarlate encor  du baiser de la reine ;
        J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

        Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
        Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
                Soupirs de sainte  et hurlements de fée.

Après chaque ligne, le nombre total de syllabes lues est
5 // 17 / 29 / 41 / 53 // 67 / 79 / 89 / 101 // 113 / 127 / 139 // 151 / 163 / 173
qui sont tous des nombres premiers. Le sonnet sans son titre compte par
ailleurs exactement le même nombre de syllabes que l'original (168).


Rémi Schulz a proposé d'appliquer cette contrainte de primalité aux nombres de lettres
des mots successifs (plutôt que de syllabes des vers successifs) : le
total de lettres lues,
après chaque mot, donne la suite des nombres premiers. Rémi a composé le premier
quatrain
ci-dessous, Nicolas Graner le second, j'ai écrit le premier tercet et un possible
12e vers, et Rémi a terminé avec le dernier tercet (en modifiant mon 12e vers et la rime
du 9e). Le poème atteint 401 lettres, c'est-à-dire le 79e nombre premier (79 étant lui-
même premier), et la signature mise au point par Rémi permet d'atteindre 431 lettres,
83e nombre premier (83 étant encore premier).

Tu l'es, le gris, le veuf, le sans patrie,
Le prince déçu, sa tour abolie,
Étoile en déclin, luth au soleil noir,
Triste déraciné féru du soir.

La nuit, réconforteriez-vous zombie ?
De Pausilippe en marine Italie,
Vous unirez mauves en présentoir
Et rose au bourgeonnant grenache-noir.

Suis-je Éros, Phébus ?... ou Schweitzer, Amable ?
Visage carmin au baiser reçu,
Je conjecture extraterrestre ossu.

En deux prosternements, enfers domptables,
Qu'ouït Orphée ? Eurydice renaît,
Livide mais câline, immuable fait.

            Esposito, Granissimo et Schulzetto


29 janvier 2020

Sa prose ose hypnose

Tribun fort opportun dans un absurde rêve, élève en troubadour les charmes de ta cour ! L'armure ôtée, enfin, murmure un mot d'amour. Le jour cuivré s'achève : il faut lâcher ton glaive. Hélas, l'air malheureux, le preux sait que la trêve est brève, et sur la grève autour d'une aire pour vautour où l'espoir crève, il entend le tambour de géants ébranlant leurs ksour lors d'une rave. Se voile une ivre étoile. Ô moelle où vibre l'heur d'atteindre écartelé l'inaccessible fleur sans pleur ! Mais l'anecdote induit que sa jugeote ergote... Un chevalier errant a basculé, brûlé par sa fada marotte. Et Don Quichotte annote, affabulé, son volume adulé.

(Esposito-Farèse)

[explication formelle]


02/02/2020

Annotée, ta date étonna


7 février 2020

Ourobindrome-express
[où la moralité doit être répétée un nombre infini de fois pour devenir palindrome]

Nulle astronomie,
Redit le couplet,
Ni gastronomie :
C'est l'ennui complet.

Moralité :
Ni lunette, ni dînette : nul intérêt...


En rab, une évocation du célèbre palindrome latin « In girum imus nocte ecce
et consumimur igni
 » (répondant à une traduction de Jean-Luc Doutrelant) :

Et ces nilles à gagé déni : clac !
Et ici le feu gros à la sorgue félicite,
calciné de gaga sel, l'insecte.

(nille = vrille ; sorgue = nuit)

[Voir aussi ces autres palindromes & ourobindromes des oulipotes]


10 février 2020

Bégayage, bégayage...
[nouvelle fournée d'ourobindromes & palindromes-express]

Ému de sa cloche,
Francisque Poulbot
Dresse de Gavroche
Un portrait-robot.

Moralité :
Le gamin imagé.

*

On le dit toxique
Et très volatil ;
Ce liquide brique
M'immolera-t-il ?

Moralité :
Dibrome morbide.

*

De vils oncologues
Cachent les tumeurs
Et trucs analogues ;
C'est pourquoi tu meurs.

Moralité :
Éludons nodules.

*

Pour son pique-nique,
Il cherchait en mer
Une autre bernique
Avec sa cuiller.

Moralité :
Pelleta patelle.

*

En prenant de l'âge,
Juan a bien grossi
Mais reste volage
Et lubrique aussi.

Moralité :
Dom, potelé, repère le top-modèle.

*

Pour charmer son Ève,
Le sous-officier
Africain enlève
Son chandail grossier.

Moralité :
Nègre sergent n'a la grosse laine, génial essor galant.

*

Rimeur, tu ne songes
Jamais au réseau
Des piteux mensonges,
Me dit l'homme-oiseau.

Moralité :
Et Icare va m'avertir : cet écrit rêva ma véracité.

*

Bourré mais lucide,
Cet homme de main
Se dit : l'homicide
Attendra demain.

Moralité :
Ivre nervi.

*

Antan fut tractée
La vie en ce lieu
Par la Voie lactée
Que dessina Dieu.

Moralité :
Lait initial.

[ce palindrome avait déjà été trouvé par Jacques Perry-Salkow fin 2002]

*

Sur son ancien casque,
El Desdichado
Peignit un fantasque
Hellène grand Ô.

Moralité :
Âgé morion, noir oméga.

*

Nerval voulait dire
Les Gontaut-Biron
Au lieu de transcrire
Le chantre Byron.

Moralité :
Drôle lord.

*

Les Inrockuptibles
Nomment B.B. King
Vainqueur de leurs cribles,
Choix presque shocking.

Moralité :
Seul blues.

*

Climatosceptique,
Il traite Greta
D'apocalyptique
Et piètre pietà.

Moralité :
Élue verte, être veule !


Rasarani vina

11 février 2020

Ourobindromes-express onomastiques

Pour qu'on la maintienne
Bien sans patatras,
La guitare indienne
Nous offre deux bras.

Moralité :
Rasarani vina.

*

Du Chili, prière
D'anticiper où
Maramaratotara Canal Latorre — Cerro Tallana Par la cordillère
Je vais : au Pérou.

Moralité :
Canal Latorre — Cerro Tallana.

*

Comme une guirlande,
Mon voyage a joint
Nouvelle Zélande
À maint autre point.

Moralité :
Maramaratotara.

*

Là-bas

En Indonésie
M'entraîner sembla
Cette poésie
Presque sans bla-bla.

Moralité :
Labalaba-labalaba.


13 février 2020

L'aède le deale
[autres ourobindromes-express]

La foule idolâtre
L'éméché cabot
D'un nippon théâtre
Adaptant Rimbaud.

Moralité :
Un nô : cette arvine t'enivra et te connut navire dérivant.

(Arvine : cépage italo-suisse.
Le « navire dérivant » est une trouvaille de Stéphane Susana en 2000.
Dans l'ourobindrome ci-dessus, trois mots sont anagrammatiques les
uns des autres. Ils étaient quatre dans le 3e alexandrin de ce sonnet.)

*

Ma femme en Belgique
Souffre d'un cancer,
Mais notre antalgique
Reste la Bitter.

Moralité :
Mon ale, mec ! Ce mélanome mitigé lésionnera ma Marennoise légitime...

*

Berberian sirote
L'art de Luciano
Goûtant chaque note
Jouée au piano.

Moralité :
Boire Berio.


P.S. du 09/03/20, faisant suite à la série d'ourobindromes-express
des oulipotes sur les solides platoniciens (lancée par la trouvaille
« Merde à ce dodécaèdre ! » de Frédéric Schmitter) :

Ça me tarabuste :
Quel idiot grava
Ce cubiste buste
Du roi d'Alava ?

Moralité :
Polyèdres à raser d'Eylo pêle-mêle !

Possible réponse du sculpteur :

Devant ma contrainte
Ôtez vos chapeaux,
Ou je porte plainte
Contre vos propos.

Moralité :
Ce sera tout omis, si n'ai polyèdres à raser d'Eylo : pianissimo tu, ô taré sec !


P.P.S. du 10/03/20, reprenant la structure du juron de Frédéric Schmitter :

Un mauvais critique
Clame, et n'en démord,
Qu'il trouve merdique
La Fille et la Mort

Moralité :
Prout au quatuor !

*

Je vois sur la grève
Des crottes d'oiseaux
Qui brisent mon rêve
D'un bain dans ces eaux

Moralité :
Non au guano !

*

Et tant marque, adhère
Cette déjection
Sur l'embarcadère
Qu'on crie Objection !

Moralité :
Fi au quai !

*

Ô mouettes sourdes
Ô désagréments
Même les palourdes
Font des excréments

Moralité :
Oh au quahog !

*

En cas de syncope
Sonnez des pin-pon
Car il faut qu'on stoppe
Les soins du Japon

Moralité :
Oust au kuatsu !

*

En ces circonstances
Je suis chamailleur
Et m'énerve aux stances
De ce rimailleur

Moralité :
Non à ce mécano !


14 février 2020

Renga oulipien généralisé

Le poème ci-dessous compte un nombre premier de :
— syllabes par vers (5 ou 7),
— vers par strophe (2 ou 3),
— strophes dans le poème (5),
— vers dans le poème (13),
— syllabes dans le poème (79).
C'est donc un cas particulier de « haïku oulipien généralisé » (HOG) tel que défini par Roubaud,
avec en plus les surcontraintes d'un nombre premier de strophes et de vers par strophe.

Par ailleurs, s'il est décomposé en deux parties dont la première est un tanka traditionnel
(5+7+5 + 7+7 syllabes), ce tanka respecte lui-même toutes les contraintes ci-dessus
— notamment 2 strophes, 5 vers et 31 syllabes, qui sont encore des nombres premiers.
Le poème est donc aussi un cas particulier surcontraint de « tanka oulipien généralisé »
(TOG) roubaldien.

Un renga traditionnel doit en principe se terminer par un distique d'heptasyllabes (ageku),
mais cela implique que ses nombres totaux de vers, de strophes et de syllabes sont divisibles
par ceux d'un seul tanka. Les « rengas oulipiens généralisés » (ROG) — que j'ai proposés
dans ce message adressé à la liste oulipo — doivent au contraire se terminer par un hokku
(de 5+7+5 syllabes), donc ils ont un aspect inachevé. Le poème ci-dessous peut simultanément
être considéré comme un sonnet inachevé. J'ai en effet décidé que les vers ont le droit de rimer
dans un ROG, bien que ce ne soit pas obligatoire.

Pour de plus longs rengas respectant toutes les contraintes ci-dessus, écrivez 44, 56,
74, 86, 224, 284 ou 350... tankas de suite au lieu de 2, et terminez par un hokku.

    Comment te séduire
Sans me montrer enfantin
    Mon ange argentin

Les yeux fermés je vois luire
Ton adamantin sourire


    D'un ton plaisantin
Fêtons la Saint-Valentin
    Il me faut construire

Un poème au débotté
Qui rêve de sa beauté

    Et comme en quatorze
Reprenons avec élan
    Pour que le bilan


16 février 2020

Sous un pont voisin du Garigliano
[Georges Perec avait envisagé la traduction lipogrammatique en E du Pont Mirabeau
d'Apollinaire pour son roman la Disparition, mais l'avait finalement abandonnée après
avoir atteint le premier refrain « jours vont j'dimourai ». Voici une tentative personnelle.
Grâce à la signature, toutes les lettres autorisées sont employées.]

          Au Pont du Bignon

Au pont du Bignon court  un flot saphir
            Plus nos amours
        Faut-il l'approfondir
L'affliction chut toujours  jusqu'au plaisir

      Vint la nuit  l'instant sonna
      Nos jours ont fui  l'on traîna

Main dans la main  subsistons vis-à-vis
            Tandis qu'au bas
        Du pont qu'ont nos bras vit
Un las miroir  aux flux inassouvis

      Vint la nuit  l'instant sonna
      Nos jours ont fui  l'on traîna

L'amour partit  ainsi qu'un bain passant
            L'amour parti
        Mon sort va languissant
Dans l'Illusion  d'un futur angoissant

      Vint la nuit  l'instant sonna
      Nos jours ont fui  l'on traîna

Nos mois nos jours  finiront par tarir
            L'an ni l'amour
        N'iront plus s'accomplir
Au pont du Bignon court  un flot saphir

      Vint la nuit  l'instant sonna
      Nos jours ont fui  l'on traîna

Vladimir Kostrowitzky, « Alcools », un an avant l'initial conflit mondial


P.S. du 4/4/20 :

        Venelle de Grenelle

L'Epte déferle entre Grève et Grenelle
            Telle l'entente
        Exprès je le révèle
L'embêtement se cèle en fête belle

      Entrez ténèbres temps preste
      L'ère s'égrène je reste

Membres serrés persévérer ensemble
            Présentement
        Entre ces dextres tremble
L'éternel sens et se déverser semble

      Entrez ténèbres temps preste
      L'ère s'égrène je reste

S'éprendre cesse et leste en mer se jette
            S'éprendre cesse
        Et lentement végète
L'être et le rêve espéré se regrette

      Entrez ténèbres temps preste
      L'ère s'égrène je reste

L'été se perd et le week-end s'enlève
            Le temps semé
        De mes tendresses crève
L'Epte déferle entre Grenelle et Grève

      Entrez ténèbres temps preste
      L'ère s'égrène je reste

(thème de Gef en reflet de l'excellent ménestrel des « Xérès »)


P.P.S. du 6/4/20 :

            Mon pont Lhomond

Hors l'oblong pont Lhomond  vont nos prompts flots
            Dont nos ronrons
        Proposons nos photos
Nos bons sorts rompront tôt  nos torts profonds

      Sommons borgnon  sonnons fort
      Comptons nos chronos  l'on dort

Coordonnons nos corps  frôlons nos fronts
            Or nos polos
        Grosso modo font pont
D'os longs dont flot non-stop  fond trop mollo

      Sommons borgnon  sonnons fort
      Comptons nos chronos  l'on dort

Ton porno sort  confondons son flot fol
            Ton porno sort
        Confrontons ton trot mol
Lors rodomonts  prononçons donc nos morts

      Sommons borgnon  sonnons fort
      Comptons nos chronos  l'on dort

Sont clos nos ports  sont clos nos sots flonflons
            Tronçonnons tôt
        Nos conforts nos pompons
Hors l'oblong pont Lhomond  vont nos prompts flots

      Sommons borgnon  sonnons fort
      Comptons nos chronos  l'on dort

                        W. Kostro, « Portos »


24 février 2020

Thème de la fugue du « Tombeau de Couperin » de Ravel

Fractog
[Généralisation autosimilaire des HOG & TOG de Roubaud : le schéma syllabique du
poème ci-dessous est  2+3  +  2+2+3  /  2+3  +  2+2+3  /  2+3  +  2+3  +  2+2+3.
Cela donne un nombre premier de :
— syllabes par vers (2 ou 3),
— vers par strophe (2 ou 3),
— strophes par partie (2 ou 3),
— parties dans le poème (3),
— syllabes par strophe (5 ou 7),
— vers par partie (5 ou 7),
— strophes dans le poème (7),
— vers dans le poème (17),
— syllabes dans le poème (41).
C'est donc un cas particulier surcontraint de HOG, et sa troisième partie est aussi
un HOG (7 vers et 17 syllabes), donc il peut aussi être considéré comme un TOG
inverse. Sa construction est détaillée dans ce message adressé à la liste oulipo.]

    Je suis
un proton

    Parmi
    plusieurs
d'un atome,

    Dans quelque
molécule

    Perdue
    au sein
de cellules,

    Formant
le tissu

    Des muscles
d'une main

    En train
    d'écrire
ce poème.


P.S. du surlendemain : même construction autosimilaire à partir des entiers 5 & 7,
utilisant comme lignes le véritable tanka et un court chôka traditionnels, qui sont
tous les deux des togs (c.-à-d. des hogs dont la première strophe est aussi un hog).

5+7+5 + 7+7
5+7+5+7+5 + 7+7
5+7+5 + 7+7

5+7+5+7+5 + 7+7
5+7+5+7+5 + 7+7

Cela donne un nombre premier de :
— syllabes par vers (5 ou 7)
— vers par strophe (2, 3 ou 5)
— strophes par ligne (2)
— lignes par paragraphe (2 ou 3)
— paragraphes dans le poème (2)
— vers par ligne (5 ou 7)
— lignes dans le poème (5)
— syllabes par ligne (31 ou 43)
— vers dans le poème (31)
— syllabes dans le poème (191)

    Sous le pont des Arts
Courent toujours nos égards
    Après le cafard

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

    Mais après la peine
Faudra-t-il qu'il m'en souvienne
    Coule avec la Seine
La joie ôtant le brouillard
    D'éternels regards

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

    Restons face à face
Sous le pont de nos bras passe
    Une onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure


    Nos vers achevons
Puisque les amours s'en vont
    Comme l'eau courante
Et comme la vie est lente
    L'Illusion violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

    Passent les semaines
Les jours les saisons anciennes
    Jamais ne reviennent
Dans la Seine l'amour part
    Sous le pont des Arts

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure


P.P.S. du 28/02/20 : fractog sur les entiers 2 & 5, où l'ordre le plus bas correspond
au nombre de lettres des mots (brillante mais difficile idée de Noël Bernard).

2+5 / 2+5+2+5+5
2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5+2+5+5
2+5 / 2+5+2+5+5
2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5+2+5+5
2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5+2+5+5

2+5 / 2+5+2+5+5
2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5 / 2+5+2+5+5 / 2+5+2+5+5

Cela donne un nombre premier de :
— lettres par mot (2 ou 5)
— mots & syllabes par vers (2 ou 5)
— vers par strophe (2 ou 5)
— strophes par partie (2 ou 5)
— parties dans le poème (2)
— lettres par vers (7 ou 19)
— mots & syllabes par strophe (7 ou 19)
— vers par partie (7 ou 19)
— strophes dans le poème (7)
— lettres dans les quintils (71)
— mots & syllabes dans la première partie (71)
— lettres dans la seconde partie (97)
— mots & syllabes dans le poème (97)

Le thème
Se croit de moult gemme.

Il croît
Et comme un trait droit
Se lance
En piste où mieux danse
Un mètre au coeur froid.

Ce lemme
Me donne un teint blême.

Je tends
Le corps et perds dents ;
Se glace
Ma chair là quand passe
En force un tiers temps.

On ronge
Un frein où maint songe
Se joint ;
Le chant ne court point
Au champ qu'ombre longe.


Tu meurs
En croix, oh noirs heurs !

Si grâce
Au pleur un clown casse,
Se rompt
Le creux et vieux front,
Il geint qu'ordre lasse.


P.3S. du 09/03/20 : fractog selon le schéma

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

*

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

*

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.
2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 2 3 ; 2 3, 2 3, 2 2 3.

Cela donne un nombre premier de :
— syllabes par mot (2 ou 3) [les mots élidés ne comptant pas]
— mots par syntagme [entre virgules] (2 ou 3)
— syntagmes par proposition [entre points-virgules ou deux-points] (2 ou 3)
— propositions par phrase [entre points] (2 ou 3)
— phrases par paragraphe (2 ou 3)
— paragraphes par section [séparées par un astérisque] (2 ou 3)
— sections au total (3)
— syllabes par syntagme (5 ou 7)
— mots par proposition (5 ou 7)
— syntagmes par phrase (5 ou 7)
— propositions par paragraphe (5 ou 7)
— phrases par section (5 ou 7)
— paragraphes au total (7)
— phrases au total (17)
— syllabes par phrase (29 ou 41)
— mots par paragraphe (29 ou 41)
— syntagmes par section (29 ou 41)
— propositions au total (41)
— mots au total (239)
— syllabes au total (577)

Et l'on peut aussi mentionner ces totaux premiers pour les
longs morceaux de type méta-« 2 2 3 » (= méta-méta-« 3 ») :
— syllabes par longue proposition (17)
— mots par longue phrase (17)
— syntagmes par long paragraphe (17)
— propositions par longue section (17)
— syllabes par longue section (239)

La principale difficulté technique est l'interdiction des monosyllabes.


L'ombre s'éployait, rendant l'orbe silencieux ; alors l'astronaute, avec anxiété, choisit d'aller l'observer. Geste courageux, qu'aucun autre n'oserait : sortir lentement, pointer l'engin d'analyse ; encore incrédule, ouvrir l'objectif, scruter l'aspect extérieur.

D'abord engourdi, l'aimant semblait hésiter : pourquoi préférer, plutôt simplement, une seule direction ? L'acier ballotta, virant ensuite amplement ; l'homme regarda, presque rassuré, tourner l'aiguille affolée. Instant décisif, prendre congé maintenant : adieu l'équipage, ailleurs s'apprend l'inconnu ; l'amarre enlevée, ainsi libéré, l'esquif enfin s'éloigna.

*

Voyage incertain, parmi l'abysse indigo ; l'ellipse aboutit, toujours calmement, contre l'étrange océan. C'était Solaris, l'illustre étoile hydrophile ; antan prospectée, elle dormait désormais ; comment l'éveiller, malgré l'amnésie, afin d'ouïr l'infini ?

Certes compliqué, parce qu'elle méditait ; souvent réfléchir, l'optique enseignait, voulait dire refléter. L'astre s'imitait, copiant chaque vibration ; l'onde frémissante, immense intellect, mille clones engendrait. L'éther s'emplissait, l'espace allait s'encombrer ; pourquoi répéter, pourquoi soudain s'entasser : cela recherchait, claire déduction, une survie éternelle.

*

Avant l'explosion, l'effroi gagna l'astronaute : urgence absolue, autant s'éclipser, vite d'ici déguerpir ! Régler l'astronef, avec l'élan maximal ; lancer l'appareil, selon l'orbite excentrique ; après patienter, longtemps s'échapper, atteindre une vacuité.

Sciemment ralentir, pendant qu'oeuvrait l'horizon ; autour regarder, comprendre âprement, l'effet qu'offre l'Univers. Voici l'artifice, une totale imposture ; absurde illusion, notre monde déguisé : chaque galaxie, amas sidéral, d'atome avait l'apparence.

Ensemble intégral, comment paraît l'édifice : une déité, l'Être supérieur, l'esprit d'essence algébrique ? Une déraison, l'écho d'efforts structuraux ; l'aveugle invention, l'erreur d'écrivains, l'échec d'essais hasardeux ? L'homme délirait, croyant saisir décemment : sûre conclusion, c'était l'ascète oulipien ; voilà l'encrier, l'Aleph borgésien, l'espoir d'ivres stylographes !


12 & 19 mars 2020

Deux ourobindromes-express du 12/03/20 et six palindromes-express du 19/03/20

La prééminence
Devant la Santé
Qu'atteint la phynance
Aigrit l'édenté

Moralité :
Or ça m'a suri, volage mégalovirus à Macron !

*

Tallard n'est avide
Mais son échevin
Accepte qu'on vide
L'entrepôt de vin

Moralité okapi :
Gap, économe, légalise du désilage le monocépage.

 *
* *

Dans ton inconscience
Tu crois vivre heureux
Sans toit ni bombance
Hère poussiéreux

Moralité :
Ô dolce vita ! Tu pédalas en une salade putative, clodo.

*

Jamais tu ne mixes
En tes lourds quatrains
Les soupirs de nixes
Aux songes marins

Moralité :
Tes rêves ne dédièrent Néréide, dense verset.

*

Heidegger, l'altesse
Sans partialité
Réfute en vitesse
Ta réalité

Moralité :
Alerte, la reine reniera l'être-là.

[Palindrome certainement plus naturel, mais moins nouveau,
sous la forme « Drôle, ... le lord. » ou « Rosse, ... l'essor. »]

*

Évade-toi vite
Vendeur de confort
Pour cuisines : quitte
Ce Bohémien fort

Moralité :
Fissa, ménagiste dépacsé, rescapé de tsigane massif !

*

On a vu dimanche
Maint Français dehors
La crise s'enclenche
À haut niveau lors

Moralité :
Semaine renégate, n'obéir ? Une priorité lèse le tiroir : pénurie. Bon étage ne reniâmes...

*

Il faut retranscrire
Cette page assez
Longue, eh oui sans rire,
Pour se déplacer

Moralité :
Car ci récitons notice ric-rac


P.S. du 22/03/20 :

Écritures

Plutôt que la stance
Sublime d'un lion
Passons sous silence
L'art du tabellion

Moralité :
Taira-t-on lai virtuose, vers rêvés, ou trivial notariat ?

*

Chanteur monégasque
Assez dépressif,
L'étale eau te masque
Du temps le récif.

Moralité :
        Sot, ce ridé
Si l'âge te trace là un été nul,
la mer reflète l'a priori —
miroir pâle tel Ferré mal luné,
tenu à l'écart et égalisé directos.


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