3-oligogrammes
[Tous les mots emploient au plus trois lettres distinctes, leurs
répétitions étant autorisées. Cette contrainte offre moins d'un
demi pourcent du vocabulaire français, mais elle est adoucie par
la présence de la plupart des mots-outils. N.B. : Même les
2-oligogrammes permettent de courtes phrases, comme cette
variation sur un thème de Marcel Proust
à la Perec :
En l'an de sa tétée, le bébé alla au dodo tôt.]
El Dado ido
(Le Dé jeté)
Je suis l'être d'ébène, — hui sans femme, — tout nu,
Le Duc de l'Eure aux toit et terre que l'on nie :
Mon pur Éon décède, — et l'oud tel un écu
Vêt le tannant Échec d'un ton kaki de lie.
Toi qui m'as élevé, père du tertre issu,
Ressers-moi col ou val, et la mer me dédie,
Les appas de l'iris que ma veuve âme a vu,
Et la serre où le cep à l'ixïa se lie.
Suis-je Élie ou Kafka ?... Lully, Zorro, Ferré ?
Ma tête émue — en feu — par le roi révéré
Rêve du lac où vit la déesse fieffée...
En as, je suis allé sur l'infini magma,
Et j'ai mis au koto qu'un bon aède aima
Cet ahan de la nonne et ce cri de la fée.
Guy de Falla
Mur du çon
[franchi à contre-courant pour la
journée internationale de la francophonie]
Gaz, flux qu'y prend jet : bim, shock wave !
[pangramme franglais de 30 lettres, octosyllabe monosyllabique]
P.S. du lendemain : le dernier hémistiche est un hétéropangramme plurilingue
La sorcière lisait un grimoire mêlant
Suédois, hollandais et français. Les recettes
Indiquaient qu'il fallait mijoter cinq roussettes
Mais qu'un autre poisson serait équivalent.
En revanche, il était requis de faire boire
À leur chair tout le sang d'une volaille ad hoc,
Par exemple de poule ou de pintade noire,
Et de bien remuer : « Häxbrygd : zwenkt vijf lumps, coq. »
häxbrygd : potion de sorcière en suédois
zwenkt : remue en néerlandais
vijf : cinq en néerlandais
Architog anagrammatique
[Poème de 5+7+5+7+5+7+5 syllabes, précédé d'un titre
quadrisyllabique, pour la journée internationale du
livre voyageur. La contrainte
la plus dure était en fait d'éviter les douze anagrammes
déjà trouvées par
les oulipotes !]
Y vagir l'oeuvre
« Vive Orly ! », argue
Valéry, « Ove rugi ! »
Lyre ivre vogua,
y revigora velu
vil yoga rêveur :
y a vu léviger or
via ru lévogyre.
Définition de l'architog
(ici détaillée)
hog dont un nombre impair de vers consécutifs
totalise toujours un nombre premier de syllabes
(ces vers n'étant pas forcément au début
du poème, contrairement
au
cas
des
métatogs)
Plus court architog de sept vers
[de schéma 3+3+7+3+3+7+3]
Le poète
Nous inquiète
De papier est sa maison
Pirouette
Cacahouète
Il a perdu la raison
Qu'on l'arrête
Parabole exagérée
Un hyperchutiste hyperguayen, aphypertchik du dictateur local, hyperdait dans les hyperges d'une île hyperdisiaque en habit d'aphypert. Accahypernt les biens de la population dishyperte, même des infirmes et des plus pauvres dont il se moquait ouvertement, cet hyperdigme du macho n'hésitait pas non plus à faire éliminer tout pahyperzzi ayant éveillé son hypernoïa chronique. Un jour, il réquisitionna un hyperpente chez un réhyperteur. Il hypercheva la préhypertion de l'hyperlélogramme de toile en le badigeonnant d'hyperfine. Mais il hyperphait ainsi son arrêt de mort, ou disons d'hyperlysie définitive, car le harnais se séhyper lors du premier essai. Couvert de shyperdraps, cahyperçonné de plâtre et abusant d'hypercétamol, l'hyperplégique finit par aphyperître hyperdoxalement comme un hyperngon des hypersites de la société qu'il méprisait tant auhypervant.
[Voir aussi ces néologismes de l'année dernière]
Haïkukïahs
[Robert Rapilly a défini
l'« haïkukïah » comme un haïku dont les premier
& troisième vers sont anacycliques (c.-à-d. forment ensemble
un palindrome) et dont l'heptasyllabe central, non contraint,
sert à clarifier le sens de l'ensemble. En voici quelques uns de
ma plume.]
Ce
lama-là, sec,
fuit toujours comme la peste
ce
salamalec.
Une
mégalo
prétend être née d'hier :
Ô
l'âge
menu !
Stop, sel
révélé
dangereux pour le bébé :
Élever
les
pots !
On
a
ciré
mal
le bar ; où vais-je poser
l'américano ?
Bar, lunettes, sac :
on m'a vraiment tout volé.
Cassette, nul
rab !
Ce
méli-mélo
fait perdre un bon kilomètre.
Ô
le
mile, mec !
Rosse, notre
ver
à soie espère survivre :
rêver
ton
essor...
Écarter
ton
aile
pour nettoyer : Azraël
élia
notre
trace.
Émir
fataliste
fredonne quand il est triste,
et
s'il
a
taf, rime.
P.S. du 29/03/22 : Haïkukïahs macabres
L'âge
legato
m'enferme en son sablier :
otage
légal.
Saper
tétanos,
dit le pianiste, sinon
sonate-trépas.
Rimer « fémoral »
et sentir des catacombes
l'arôme. Frémir.
Rêver
cet
adal
trop maigre, et lorsque viendra
la
date, crever.
Si
l'été
fatal
est annoncé, ce sera
là
ta
fête, lis.
Émir, ce
crédule
Khashoggi ne saura pas
éluder
ce
crime.
Marsupiailkus
[Nicolas Graner a retrouvé dans
cette définition du mot « marsupial » un
concept proposé par un dénommé Shipley dans les années 1960 :
un mot est obtenu en prélevant dans l'ordre quelques lettres
d'un autre mot plus long (comme dans les plus récents
« avions » de
Michelle Grangaud), mais ces deux mots
doivent aussi être des quasi-synonymes (rappelant donc les
« surdéfinitions » oulipiennes). Nicolas a
proposé le nom « marsupiailku » pour un haïku dont les derniers
mots des premier & troisième vers sont de tels marsupiaux,
et en a composé
six excellents à sens suivi. En voici
trois de ma plume. J'ai cherché à compenser par d'autres
mots voisins le lien sémantique distendu entre le compas
et la contemplation !]
L'extraordinaire
est tout ce qui nous étonne
parce que c'est rare.
*
Tu contempleras
de tes yeux ronds cette orbite
tracée au compas,
oyant le rectangle
sangloter : « J'ai le droit d'être
construit à la règle ».
Avril
apâlir
va
[haïkukïah terminant cette
définition volontairement absurde
de la « fable
oulipienne généralisée (fog) » — dans les archives de la
liste oulipo]
Tel
avril, bonnet
d'âne ou poisson ne pourra
t'ennoblir, valet !
Néologismes du Wiktionnaire
[En ajoutant récemment 91 ordres vocaliques rares dans
cette ancienne page de 2017,
j'ai remarqué que le Wiktionnaire n'a aucun complexe pour
considérer comme du vocabulaire français les néologismes
des internautes et les mots empruntés à d'autres langues.
Ça m'a évidemment donné envie d'en employer quelques uns
dans de nouveaux pangrammes,
malgré cinq consonnes répétées.]
Un lévrier azawakh éjecté du giboyeux maquis, paf !
[41 lettres]
Volkswagenisez ce fameux jouet hybride équipé.
[40 lettres]
Vif dyslexique, je baragouine mapuche et
kwaza.
[39 lettres]
Fan d'atikamekw, parlez-vous quechua ? Joyeux bug !
[39 lettres]
J'exhume ce vif
bolonka zwetnaya gris d'époque.
[38 lettres]
Wikifiez-y d'injurieux blogs, chaque topo vomi.
[38 lettres]
Poum, j'évoque cet inoxydable
wakizashi forgé.
[38 lettres]
L'évêque fin juge d'archétypaux
Wezembeekois.
[38 lettres]
Vamp gothique, newyorkisez le judicieux bief !
[38 lettres]
Bof, patchworkisez déjà l'ex-Moyen Âge évoqué.
[37 lettres]
Ça va bof : jugé typique d'un
ex-shalwar kameez.
[36 lettres]
Wikitraquez-m'y : j'éponge la bave des fâcheux.
[36 lettres]
Bavant « Quel wizard rock ! », figé, je m'asphyxie.
[35 lettres, alexandrin]
Gwakez perfidement, bolcheviques joyeux !
[35 lettres, alexandrin de 4 mots]
Le 13/9/22,
j'ai obtenu cet hétéropangramme n'employant
que des mots « français » — au sens du
Wiktionnaire !
Les belles provoquaient l'assez souple vigie
Qui se sentit soudain prise de nostalgie.
Gzyr
flex
vit punks
djomb :
chawq.
[26 lettres]
P.S.
du 11/4/22 :
Jacqueline « Jacquadit » a
posté
sur la liste oulipo
ce superbe pangramme onomastique :
Gombrowicz, hôte punk déjà visqueux y file !
[35 lettres, alexandrin]
Comme elle se plaignait de ne pas avoir pu réduire
le nombre de voyelles, j'ai tenté deux énoncés en prose.
Le premier demande si Witold s'est intéressé aux coiffes
égyptiennes ou aux chats sans poils :
Qu'a déjà vu Gombrowicz : klaft, sphynx ? [30 lettres]
Le second gagne une lettre au prix d'une syntaxe encore moins naturelle. L'écrivain donnait un nom de fleurs à la drogue qu'il consommait :
Gombrowicz, vif junky des « phlox » (qat !) [29 lettres]
J'en ai profité pour construire quelques autres pangrammes onomastiques, mais aucun ne fait vraiment mieux que mes résultats de 2003 & 2012. En voici tout de même un assez court mentionnant le prix Nobel de littérature de 1932, dont l'héroïne Irene Forsyte est une sorte de femme fatale :
Galsworthy, kifez cinq bijoux de vamp ! [31 lettres, décasyllabe césuré 5/5]
Et un alexandrin de 35 lettres (dont le dernier mot est peut-être un adjectif) :
Voyez déjà ce glas qu'exhibe Mark Twain, paf !
Planer en auteur
[Architog de schéma
7+23+7+23+7+23+7+23+7+7+23, où les vers de 23 syllabes sont
césurés 8/7/8, ce qui donne une alternance presque parfaite
d'heptasyllabes & d'octosyllabes — à la petite perturbation
près d'un distique d'heptasyllabes juste avant la fin.
Les valeurs premières correspondant à ce schéma sont 11 pour
le nombre de vers, et pour les totaux de syllabes de n'importe
quel nombre impair de vers consécutifs :
7,
23,
7+23+7 (= 23+7+7 = 7+7+23) = 37,
23+7+23 = 53,
7+23+7+23+7 (= 23+7+23+7+7 = 7+23+7+7+23) = 67,
23+7+23+7+23 = 83,
7+23+7+23+7+23+7 (= 23+7+23+7+23+7+7 = 7+23+7+23+7+7+23) = 97,
23+7+23+7+23+7+23 = 113,
7+23+7+23+7+23+7+23+7 (= 23+7+23+7+23+7+23+7+7 = 7+23+7+23+7+23+7+7+23) = 127
et 7+23+7+23+7+23+7+23+7+7+23 = 157.]
El Descacharrado
[Même schéma d'architog que
ci-dessus, mais en césurant cette fois
les vers de 23 syllabes en 7/8/8, afin de faciliter la scansion.
En considérant les heptasyllabes comme des octosyllabes dont
la première syllabe est muette, on obient en effet des accents
réguliers sur les dernières syllabes des vers et des
« tierstiches », et chaque vers est naturellement suivi par un
silence de la durée d'une syllabe. Cela nécessite d'enchaîner
les octosyllabes sans pause.]
Je suis le dissymétrique
Le poème aux vers boiteux dont le théorbe comateux sombre en sa complexe métrique
Toi qui m'as déshérité
De l'alexandrin classique et du sonnet rends au lexique une albe régularité
Chaque fleur de rhétorique
M'avait jadis exalté comme le genièvre malté couleur des roses d'Amérique
Diseur de phébus piteux
Je rêve d'amour cryptique et d'une sirène mythique au troublant parfum capiteux
Explorateur héroïque
De cet enfer protéique
Je module un cahoteux architog au patron matheux et sans doute assez prosaïque
[Voir aussi cet architog d'Alexandre Carret, reprenant la même structure]
3-bambochade stricte
[Les N-bambochades sont une nouvelle
classe de contraintes littérales proposée par
Noël Bernard : N lettres consécutives de
l'alphabet doivent apparaître dans chaque mot (dans un ordre
quelconque). Ci-dessous, j'en ai expérimenté une version dure
pour N = 3, dans laquelle davantage de lettres consécutives
sont en revanche interdites. Par exemple, le mot « desdichado »
est possible car il contient les trois lettres consécutives
CDE mais pas de B ni d'F. La difficulté principale de cette
contrainte est le manque de mots-outils.]
Hijo desdichado
(Descendant déshérité)
Mon esprit serait triste, — orphelin, — sort sinistre,
Monarque toulousain, mon campanile usant,
Mon astre décédant seulet, — lorsque mon cistre
Montre mon ostensoir funeste nécrosant.
Cède monts transalpins, fends mon tumulus bistre,
Accorde Napoli, soutien cicatrisant !
Combien certains sarments mon transport enregistre,
Tous prompts rosissements ensemble harmonisant.
Figurer Cupidon ?... Pérignon Dominique ?
Sultane embrasserait incandescent minois ;
Guettons océanide, aguicheur tapinois...
Traversons victorieux profondeur satanique,
Transposant crescendo mythiques variations :
Vertueux chuchotis, féeriques pulsions.
Fred Mistral
[Voir aussi cet antérieur Desdichado en bambochade de Noël Bernard]
P.S. du lendemain : expérimentation d'une version bien plus douce des N-bambochades, pour N = 1, mais en interdisant de nouveau les N plus grands. Autrement dit, aucun mot n'a ici le droit d'employer deux lettres voisines dans l'alphabet. C'est donc en fait le contraire de l'idée initiale de Noël Bernard, et l'on pourrait l'appeler autoréférentiellement « règle sage » plutôt que « bambochade ». La présence de la plupart des mots-outils rend cette contrainte plus abordable, bien que le vocabulaire disponible soit trois fois moins riche qu'avec la 3-bambochade stricte.
El Azorado
(Le Paria)
Je suis l'enténébré, — l'ermite inapaisé,
Le prince d'Eure-et-Loir à l'enceinte salie :
Ma seule étoile morte et ce théorbe aisé
Livrent le soleil brun d'une bile avilie.
Dans l'ombre d'une tombe, ô toi qui m'as lésé,
Peins-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La trémière qui plaît tant à ce coeur squeezé,
Et la treille où le pampre à l'acacia se lie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Jarnac ou Lusignan ?
Le visage rougi d'une bise à la reine,
J'ai rêvé dans la grotte où vit la riveraine.
Et j'ai cinq fois passé le Cocyte en gagnant,
Répétant à la lyre une ivre litanie :
La plainte du pïeux et le cri du génie.
Grégoire du Nerval
P.P.S. du 19/04/22 : comme toute contrainte modulable par un entier, les N-bambochades strictes pourraient être utilisées pour coder par exemple les décimales de π. Mais c'est sacrément difficile, comme l'illustre cet humble essai :
Nombre3 pi1 prestigieux4, chacun1 questionnera5
Macroscopiquement9 ton2 morphogénétique6
Chiffrage5 transcendant3 : incomplet5 pronostique8 ?
Sténographiquement9 déshypothèquera7 ?
Le même exercice est plus abordable avec les N-oligogrammes du mois dernier. Mais il vaut mieux choisir autant que possible des mots de plus de N lettres, sinon ça ressemblerait trop au procédé standard.
Sous3 l1'énoncé4, d1'aucuns5 considèreront9 tôt2
Chiffre6 énuméré5 par3 quelques5 monumentaux8
Supercalculateurs9, tronquant7 développables9
Amas3 ici2 saisis3 : transcendants8 réels4 stables6 !
[Centon reprenant la forme de ces
alexandrins fondants
d'il y a 24 ans,
juste pour le plaisir d'essayer un autre type de
centon
à
contraintes]
Vanité
Des grands bois, pleins d'oiseaux dont Dieu seul sait le nombre,
[Victor Hugo]
Les fins clochers, les lacs, frais miroirs, les champs blonds,
[Charles Cros]
Le beau printemps sans fleurs, le mois d'août sans moissons,
[Marc Papillon de Lasphrise]
Et plein d'odeurs, le Lit, défait, s'ouvrait dans l'ombre.
[Paul Verlaine]
Voilà pourquoi je dis, quand tu sors d'un ciel sombre,
[Jules Barbey d'Aurevilly]
Que la Mort tous les soirs tend par où nous passons,
[Jean Richepin]
Amour dans les grands lys qui montent des vallons.
[Germain Nouveau]
Et l'archange comprit, pareil au mât qui sombre.
[Victor Hugo]
Mais quand tu dormiras de l'éternel sommeil,
[Charles Marie Leconte de Lisle]
Dans un pesant repos d'après-midi vermeil,
[Émile Verhaeren]
Tu ne garderas pas trace de mon passage.
[Jules Barbey d'Aurevilly]
Représentant la vie et sa fragilité,
[François Tristan L'Hermite]
Le père méditait une réponse sage,
[Jean-Pierre Claris de Florian]
Un céleste rayon de la divinité.
[Jean Auvray]
Fables-express de Na
[Nicolas Graner a composé deux
sollicitudes pour
l'héméroméride du
19 avril, mettant en scène un personnage
nommé « Na ». Robert Rapilly a repris ce nom dans une
série de fables-express terminant par
des homophonies approximatives en forme de moralités,
et la liste oulipo
lui
a
emboîté
le
pas.
En voici dix-sept de ma plume.]
En la préhistoire,
Na voulut en vain
Quinze litres boire.
Hélas, pas de vin !
Moralité :
Na but qu'eau, dinosaure.
*
Dormant sans sa crypte
Mais coiffeur au port,
L'ancien roi d'Égypte
Na n'est jamais mort.
Moralité :
À quai Na tond.
*
Si je n'interprète
Plus Na, c'est bien vrai,
Je veux être un prêtre
Et puis m'enivrer.
Moralité :
J'ai rhum, ça vaut Na (rôle).
*
L'Empereur commande
De s'enfuir, donc Na
(Et toute sa bande)
L'aire abandonna.
Moralité :
Na, Paul (et ombre au Na) partent.
*
L'enfant mangeur de sabre est rarement gêné,
Mais face au maréchal, maintenant il hésite
À fièrement donner sa carte de visite :
L'avaleur Na tend, pâle, nom preux d'aise à Ney.
*
Le vent nucléaire
Qu'avait lâché Na
Fut crime de guerre
Car mort entraîna.
Moralité :
Na gaza qui ?
*
Na trouve si chouette
L'écrivain Thibault
Que vite il rachète
Un grand paquebot.
Moralité :
À Na tôt le France.
*
Sais-tu ce qu'anime
L'écrivain Arnoult
Pour son pseudonyme ?
— Non, mais dis-le nous !
Moralité :
Or, c'est Na.
*
Na, choriste à Prague,
Chante contralto,
Mais beaucoup trop vague
Est son vibrato.
Moralité :
Laid, oscilla Na (Tchèque).
*
Du conservatoire,
Le compositeur
Na demande à boire
Au bronzé porteur.
Moralité :
Maure hisse eau à Na.
*
De la capitale,
Na part sans douleurs —
Musique est vitale
Autant que les fleurs.
Moralité :
Ville ? Na veut val en thym !
*
Na dit « Rends service »
À Lamy (kiné).
« Soigne le novice
Au lieu de traîner. »
Moralité :
Pierre, qui roule Na, masse pas mousse.
[moralité employant trois homographes
au lieu des traditionnelles homophonies]
*
Na préférait rire
À labourer bien,
Donc sa tire-lire
Ne récolta rien.
Moralité :
Car Na valait ce qu'il a ritté†.
† ritter : labourer avec une charrue à soc recourbé
*
Na, ce lascar, aime
Les rouges sirops,
Puis se décarême
En mangeant six rôts.
Moralité :
Allègre, Na dîne.
*
« Coolos ! » dit au maître
Ta, joyeux gamin.
Na sut le remettre
Dans le droit chemin.
Moralité :
À coups Na mata Ta.
*
Na choisit le causse
Pour son chapiteau,
Mais soudain se hausse
Un mistral costaud.
Moralité :
Le cirque de Na vacille.
*
En voyage en Crète,
Faustine a rompu.
C'est alors Jeannette
Qu'aurait Na voulu.
Mais sa soeur Florence
Lui dit : « Zigoto,
On est en vacance,
Jouis du bateau ! »
Moralité :
Île, été. Un peu Tina vire qui ? Na !
« Vais-je à Jaja ?
— Mais Na, vis gai ! Ouais, ouais, mate l'eau !
Mate l'eau, Na ! Vis, gosse ! » hurlait Flo.
Polysympathie
[Dans le premier sonnet ci-dessous, deux mots voisins ont
exactement une lettre en commun, mais jamais davantage
(« 1-sympathie stricte »). C'est donc une variante endurcie
de la « contrainte sympathique » proposée par
Alain Chevrier fin 2003,
et anticipée en 1973 & 1976 par
John Muirhead, Judith Tarr Isquit et
Ross Eckler.]
El Desdichado
(Le Déshérité)
Je geins, — le ténébreux, — le veuf inconsolé,
Un prince de Gascogne à la fac abolie :
Mon étoile décède, et le luth ciselé
Porte le black soleil — feu de Mélancolie.
Par ta nuit du tombeau, pair ayant consolé,
Me rends ce Pausilippe et plage en Italie,
Une rose plaisant au coeur bien désolé,
Et ta treille que pampre à la pampa rallie.
Comme Phébus, Amour, Lezay ?... Plutôt Biron ?
Prude front est rougeaud à baiser cette reine
Et rêver en ces lieux où flotta sa sirène...
Car mainte fois vainqueur je viens sur Achéron
Et module la lyre auguste qu'eut Orphée :
Les soupirs des saints et ce que crie une fée.
Gérard au Nerval
[Vous pouvez vérifier le respect de la contrainte avec ce programme PHP écrit dix jours plus tard]
*
[Autre Desdichado respectant une version encore plus dure de cette contrainte, dans laquelle exactement trois lettres différentes sont partagées entre deux mots successifs, mais jamais davantage (« 3-sympathie stricte »). Elle a été composée en collaboration avec Noël Bernard, qui est l'auteur des strophes 2 et 4. Si vous êtes allergiques au H muet à tort du « hautbois » du premier quatrain, vous pouvez soit le remplacer par un « blues », soit modifier son adjectif à la rime en « toilé », et la contrainte restera respectée.]
Malaventurado
(Quel écroulement !)
Mon nom morne noircit, — soliste chamboulé,
Dauphin dans Angoumois, dans maison abolie :
Floue étoile expirant, — puisque hautbois constellé
Porte altier soleil saoul larguant Mélancolie.
Sondant tombeau muré, revenu consoler,
Rouvre vert souvenir rechantant Italie,
Fleurette médusant mien démon désolé,
Vignoble câlinant glaïeul, libre folie.
Valoir Amour, Gontaut ?... Apollon, Anthéron ?
Ton front court rouge encore envers baiser sien, reine,
Rêvant secrète grotte éclaboussant sirène...
Parfois, insoumis, vins renverser Achéron :
Modulant mêmement, mirant mortel Orphée,
Soupirs corrompant sainte, enjôleuse assoiffée.
Giovanni von Calvino
[Noël Bernard & Gef]
[Vous pouvez de nouveau vérifier le respect de la contrainte]
P.S. du 9/05/22 : tentative à la limite de 11-sympathie stricte
Tuberculisation corticosurrénale
Autocélébrations contextualisèrent
Neuroplasticités : circulariseront
Requalifications, culpabiliseront...
Potentialisateurs conceptualisèrent
Superfractionnements, spécularisations,
Démultiplications, désarticulations.
P.P.S. du 10/05/22 :
codage de 3,141592653 par le
nombre
de lettres différentes partagées entre les mots successifs
Mon3nombre1était4irrationnel1:
Débusquez5distributionnel9
Rebondissement2céphalique,6
Placide5Archimède3angélique !
P.3S. du 29/05/22 :
expérimentation de la 2-sympathie stricte,
d'après le premier quatrain de
Pitié des choses de
François Coppée
Que douleur aiguise les sens ;
— Hélas ! la galante est partie ! —
Jouxte cette nature, sens
Une indicible sympathie.
P.4S. du 31/05/22 : principe de Roubaud appliqué à la 2-sympathie stricte
Assez aimable autoréférence
Mon sonnet examine une bien sympathique
Et bébête contrainte : on oriente nos mots
Selon le défilé des énoncés normaux
Où court inaugurer un rendu thématique.
Avec ce canevas, risquons une pratique
Plus complexe : adoptons des vocables jumeaux,
Partageant juste deux seuls signes minimaux —
Programme devenant assez acrobatique.
Ça cause des efforts, quoique rien ne viendrait
Trop limiter les vers avec ce couperet
Savamment oulipien qui fréquemment me brime.
Mais sans ironiser, mon autodescription
Semble plate et recta manque un enjeu sublime —
Que veut cette inutile et vaste déception ?
Gilles Espo-Farèse_
P.5S. du 01/06/22 : codage d'un titre de Perec avec les uniques lettres partagées entre mots successifs d'une 1-sympathie stricte [à la manière de ce premier exemple d'Alexandre Carret, suivi par cet autre de Noël Bernard]
Tweete, clown fou brûlant, le destin colossal
Où survint avec spleen maint cri paradoxal
Des malchanceux fistons, affreux antipodal
Scrunk† hypothético-légal.
† scrunk : genre musical
employant souvent des hurlements
P.6S. du 06/06/22 : sonnet arithmonyme (8 mots par vers) et 1-sympathique strict, l'unique lettre partagée entre mots successifs épelant le deuxième verset du Cantique des Cantiques VI : « Mon bien-aimé est descendu à son jardin, au parterre d'aromates, pour faire paître son troupeau dans les jardins, et pour cueillir des lis. »]
Masque-moi ton absence, oubli prédit en chant —
Voilà mi-calme enfin vers sublimant dot digne :
Mets discours-clé bientôt dans du parfum, assigne !
Vous contez juin déjà car rend plaid innocent.
Sans adieu pour Pégase, arc rompt et redescend
Par notre lied dansant, par notre boum maligne.
Ta quête sera plus prompte où musard forligne,
Sauf via tourbillon vers plein champ, air indécent.
Trop lyrique est alors mon antienne, truc drôle,
Tout pur concept verbal. Chacun, sourd, vida gnaule
Sinon flask moelleux, sec, jus jovial car drogué.
Dit vineux, soyons brefs, et pfft ! prononçons goutte
Sur récit : aucun peut rien, pli mal divulgué
Parmi bord de schéma lorsqu'il pis surajoute.
Abécédaire muet
[Léopold Julia a proposé à la
liste oulipo d'employer des
mots français dont l'une des lettres est
muette afin de construire un court paragraphe. Dans
son premier exemple, il a choisi d'illustrer
chaque lettre muette dans l'ordre alphabétique, et d'intercaler
un mot sans aucune lettre muette entre chacun de ceux respectant
sa contrainte. J'ai repris ci-desous ses règles du jeu dans un
sizain d'alexandrins. Attention, toutes les liaisons doivent être
effectuées pour ne trouver qu'une lettre muette par mot de rang
pair.]
Après son pèlerinage qui lui avait déformé le gros orteil, un prince voulut se reposer. Hélas, son siège était resté si longtemps en plein soleil qu'il s'y rôtit, et lui échappèrent alors d'étranges blasphèmes.
En août, un plomb du banc si chaud brûla peau, chair,
Nerf donc sang du rajah. L'oignon de Hajj Kader
Trekkant, un outil là damné le tyrannise...
« Pour voeu, je compterai les cinq quiz, barre grise ! »,
Disjoncta l'oint sultan, nargua tel Avvakoum
Ses qawwalis : « Ô Dieux des riyals et raz, boum ! »
Symétrog irréductible
[Appelons « hog irréductible » un hog
qui n'est pas un tog (ce qui est le cas du haïku traditionnel
5+7+5), et « tog irréductible » un tog n'admettant qu'une seule
décomposition en hog + un reste non vide (ce qui est aussi le cas
du tanka traditionnel 5+7+5 + 7+7). Le poème ci-dessous respecte
la définition du tog irréductible, à part le fait qu'il
emploie plus de deux mètres différents. Comme
Bernard Maréchal dans
ce poème adressé à la
liste oulipo, j'ai en effet utilisé dans
l'ordre des nombres premiers consécutifs. Il sont organisés
de façon symétrique (comme dans le haïku traditionnel),
en deux vagues dont la seconde est plus petite (comme
dans le tanka traditionnel). Le schéma choisi est le suivant :
3+5+7+11+13+17+19+17+13+11+7+5+3 + 2+3+5+5+3+2.]
La nature
Parfois sait fournir
Un péril que l'on savoure
Néanmoins comme un aliment trop amer.
Vers 1803, Hokusai, plutôt jeune encore,
Était employé sur une fragile barque en tant que skipper.
Mais un tremblement de terre ou bien un typhon près de Tokyo fit éclore
Un vrai tsunami qui faillit tout engloutir et causa grand peur.
Sauvant l'équipage, il devint héros du folklore
Où l'on conte aux gens amoureux de la mer
Son incroyable bravoure
Pour entretenir
Sa stature.
Plus tard,
L'aventure
N'est qu'un souvenir
Mais qui va finir
En peinture :
Grand art.
P.S. du 18/06/22 : autre symétrog irréductible, cette fois en holorimes et selon le schéma 3+5+7+11+7+5+3 + 2+3+5+5+3+2.
Méditation du perroquet
Cet ara
Utérin divague :
Commune, l'âme d'oeuf fond
Quand elle est dans un récipient d'eau bouillante,
Comme une lame de fond
Eut terrain dit vague.
C'est tard, ha !
Ce leurre
Causera,
Sous l'eau de la vague
Soûle, au-delà vague
Qu'osera
Seule heure.
P.P.S.
du 21/06/22 : long symétrog irréductible de schéma
3+5+7+11+13+17+19+23+29+31+37+41+37+31+29+23+19+17+13+11+7+5+3
+ 2+3+5+7+11+13+17+19+23+23+19+17+13+11+7+5+3+2, fixant cette
fois la longueur des lignes successives. Il s'agit d'un centon
en sonnet, complété par un octosyllabe blanc final.
Que
reste
t-il de
lui dans la
tempête brève
Qu'est devenu mon
cœur navire déserté
[Emile Nelligan]
Pour voir danser, pieds
nus, les nymphes sur la grève
[Albert Samain]
Afin d'être puni de ma témérité
[Béroalde de Verville]
Mais le flot sur le flot en mugissant
[Alfred de Vigny]
s'élève Que le fruit de son sein soit ton
[Henri Murger]
portrait flatté Et voile à ma douleur
le vaisseau qui t'enlève En tes
[Alfred de Vigny]
contorsions, risible humanité
[Charles Baudelaire]
Un front tout renfrogné
tout le visage hâve
[Théophile de Viau]
De ces pleurs que
mes yeux font
couler jour
et nuit
[Philippe Desportes]
Et je
dis
en
mon
cœur:
fortune
je te brave
[Charles-Marie Leconte de Lisle]
Et les heures
s'en vont, par le
couvent, sans bruit
[Émile Verhaeren]
Vagues, rochers, gazons
regarde, c'est la terre
[Victor Hugo]
Qui nous tient lieu
de tout, quand la
vie est amère
[Jules Barbey d'Aurevilly]
Nous étions
trempés
jusqu
aux
os
[Alexandre Okinczyc]
Initiales alphabétiques inversées
[La première version du texte ci-dessous contient vingt-six mots
commençant par les lettres successives de l'alphabet. La seconde
version est obtenue en inversant cet alphabet, sans aucune
modification du reste. Il s'agit d'un
raffinement surcontraint d'une
proposition de
Nic Sirkis à la
liste oulipo.]
L'alcoolique aiguë faisait la manche, mais le passant ne lui lança qu'un ben ! Ne traînez pas sous ce cyste. Allez plutôt au Secours populaire, où vous recevrez plusieurs dons. Ce qu'il vous faut est un bon élan ! Quand le cafard a usé son humble frite, on doit y mettre un germe. Il est probable que quelque homme vous aidera. Iouler dans ces caniveaux juillanais, c'est ne pas pouvoir kifer la vie ! Le Seigneur lit toujours la souffrance de ceux qui sont tombés à la masse. La noire oie de ce pays sans parité fournit l'unique réponse possible : le qi. Le temps a rodé la soûle, qui tâchera désormais beaucoup de bien-manger. Les attaques d'un acide urique n'ont plus vu leur effet s'amplifiant. À quoi bon les water ? Ça ne mérite pas de xantiques. Si j'ai autrefois préféré la passivité au Big Yang, ce n'était qu'un effet de mon zutisme.
L'alcoolique zigue faisait la manche, mais le passant ne lui lança qu'un yen ! Ne traînez pas sous ce xyste. Allez plutôt au Secours populaire, où vous recevrez plusieurs wons. Ce qu'il vous faut est un bon vlan ! Quand le cafard a usé son humble urite, on doit y mettre un terme. Il est probable que quelque somme vous aidera. Rouler dans ces caniveaux quillanais, c'est ne pas pouvoir pifer la vie ! Le Seigneur oit toujours la souffrance de ceux qui sont tombés à la nasse. La moire lie de ce pays sans karité fournit l'unique réponse possible : le ji. Le temps a iodé la houle, qui gâchera désormais beaucoup de bien-manger. Les attaques d'un acide friqué n'ont plus eu leur effet s'amplifiant. À quoi bon les dater ? Ça ne mérite pas de cantiques. Si j'ai autrefois préféré la passivité au Big Bang, ce n'était qu'un effet de mon autisme.
Aelindrome
phonémique
[en boule de neige croissante puis décroissante. C'est donc un
cas particulier de ce qu'Alexandre Carret vient de baptiser
pilindrome — nom faisant allusion aux
piles de phonèmes déplacées et non au nombre π.
Comme c'est assez courant avec les contraintes phonétiques,
les voyelles ouvertes & fermées sont souvent confondues
ci-dessous.]
Sentence On est mort, ridule et lexique au ras du seul Ide à l'ire perfide — ô rital, ô duc, home ! Eux s'y laissent ruiner d'une onde amère comme En cette nuit tombale à fabuleux linceul. À bout, récompensé, te sens griller, aïeul Ambulant qui l'osait. Froidement qu'un glaucome Efface inégalé cep, agnelet se gomme, L'extrait fruitier fascine et gars laisse épagneul. Effroi de manque, un glauque homme éraille l'embue, L'ankylosé qu'on pend. Cette sangria bue, Le lin se laboure, et te nuit ton balafon. Damé, recommençait ce Ruy, né d'une eau due Comme sylphide au rite à la lyre perdue, Ce lied si choral et les cris du morne éon. |
ɔ̃ ne mɔʀ ʀidy lelɛk sikɔʀa dysølid aliʀøpɛʀ fidoʀital odykɔmøsil ɛsøʀɥinedyn ɔ̃damɛʀøkɔmɑ̃s ɛtønɥitɔ̃balaf abylølɛ̃sølabuʀ ekɔ̃pɑ̃setøsɑ̃gʀij eʀajølɑ̃bylɑ̃kilɔz efʀwadømɑ̃kœ̃glokɔm efasinegalesepaɲøl esøgɔmlɛkstʀɛfʀɥitj efasinegalesepaɲøl efʀwadømɑ̃kœ̃glokɔm eʀajølɑ̃bylɑ̃kilɔz ekɔ̃pɑ̃setøsɑ̃gʀij abylølɛ̃sølabuʀ ɛtønɥitɔ̃balaf ɔ̃damɛʀøkɔmɑ̃s ɛsøʀɥinedyn odykɔmøsil fidoʀital aliʀøpɛʀ dysølid sikɔʀa lelɛk ʀidy mɔʀ ne ɔ̃ |