Sonnet
Premier nombre espagnol par ordre alphabétique
Ce poème est un simple hommage à un nombre que j'aime bien.
[L'exacte moyenne de sept mots par vers est un coup de pot.]
1. Catorce
2. Cf. l'Écriture du dieu de Jorge Luis Borges
3. Cf. la Demeure d'Astérion de Jorge Luis Borges (traductions
française
& anglaise)
4. Quatorze et quinze ne riment à rien
5. B+A+C+H = 2+1+3+8 = 14
6. E en base >= 15
7. pH maximal
8. Osiris
9. Quatorze classes de réseaux de Bravais
Plus petit entier pair que l'indicatrice phi d'Euler n'atteint pas
10. 12 + 22 + 32 = 2 + 3 + 4 + 5 = 14
11. Zêta(1/2 + 14,1 i) ~= 0, premier zéro non trivial
12. « Yao si » homonyme de 14
Montée au Calvaire
13. 42, cf. The Hitchhiker's Guide to the Galaxy de Douglas Adams
Carbone 14
14. Comptez sur vos doigts
Dactylonnet
T'opposer pour mieux entreprendre Mais ne défendre au troubadour de te surprendre Construire au jour quelque ample tour et te détendre T'allier aux lais d'or de viole et de nonpareille Que l'amoureux murmure au creux de ton oreilleIl s'agit d'un sonnet de quadrisyllabes de schéma abba/baab/ccd/eed mais présenté comme une main :
L'apparition
L'image ci-dessous ne contient à première vue que des
lignes noires verticales. Mais en vous éloignant de votre
écran ou en le regardant de biais, vous verrez apparaître
le visage d'un grand écrivain. Pour la construire, je n'ai
fait que suivre les instructions données sur l'excellent
blog de l'ambigraphiste chilien
Homero Larrain, lui-même ayant
découvert cette illusion sur une publicité
de l'agence espagnole TBWA mentionnée dans plusieurs
autres blogs.
Éric Angelini, adorateur de toutes les formes d'autoréférence, m'a proposé le 8 mai 2006 de cacher un texte décrivant l'image plutôt qu'un visage. Voici une réalisation possible de son concept.
Quatrain holorime offert à Philippe Gras, chaque jour auteur d'un impeccable sonnet sur un sujet d'actualité
Poli, Gras Philippe ose enchanter l'électrice,Palindrome phonétique adressé à Patrice Debry, créateur d'un blog consacré à cette même contrainte
Tu choisis donc d'hisser, d'aiguiser --Participation à un recueil collectif pour fêter la naissance le 4/5/6 de Joseph, fils de Béatrice & Stéphane Susana
Deux nouvelles plaisanteries desdichadiennes
La première est un GAG,
c'est-à-dire une Glose Assistée par Google
(acronyme trouvé par
Nicolas Graner) :
chaque mot significatif du poème original
de Nerval est remplacé par le premier énoncé
grammaticalement cohérent que propose
Google
quand on y cherche "Le [mot] est"
(l'article pouvant être féminin ou élidé,
voire absent si rien n'est obtenu en sa présence).
Le desdichado est devenu le fils
Le Ténébreux est sur le point de se libérer de sa prison
Le veuf est prêt à être enlogé toutes les semaines
L'inconsolé est l'histoire d'un pianiste qui est invité dans une ville germanique assez étrange
Le prince est un enfant
L'Aquitaine est une région française du Sud-Ouest de la France
La Tour est protégée de l'oxydation par plusieurs couches de peinture
L'Aboli est une abréviation pour l'Abolisseur
La seule est celle de l'esprit
L'Étoile est située à Paris
La Morte est une commune française
Le luth est presque entièrement en bois
La constellation est d'ailleurs proche du Cygne et de l'Aigle
La porte est ouverte
Le Soleil est une étoile naine évoluant sur la séquence principale
Le noir est une couleur qui naît avec les années 60
La mélancolie est jubilatoire
La nuit est mon royaume
Le tombeau est un objet hybride
Le Toi est le resto idéal
Le ConSole est en plastique recyclé entièrement sans chlore
Le rend est très différent
Le moi est-il haïssable
Le Pausilippe est loin
La mer est-elle salée
L'Italie est une démocratie parlementaire
La fleur est constituée par l'ensemble des organes de la reproduction
Le plaisir est pour moi
Le tant est remplacé par le si
Le Coeur est un chasseur solitaire
Le désolé est réjoui
La Treille est un quartier périphérique
Le Pampre est un studio
La rose est donc un des symboles de l'amour
L'allié est capable de monter une cybernétique de niveau 1
L'amour est confiance et certitude
Le Phoebus est une oasis de loisirs
Lusignan est une ville de 3000 habitants environ
Biron est arrêté
Le front est une zone virtuelle et changeante
Le rouge est vert
L'Encore est un jetable américain de la fin des années 40
Le baiser est la véritable panacée
La reine est la femelle féconde d'une colonie ou d'un essaim d'insectes sociaux
Le rêve est une régression temporaire
La grotte est ouverte au public depuis 1926
La nage est leur activité principale
La Sirène est le lieu de rencontre privilégié des défenseurs de la tradition française orphéonique
Le deux est pas évident
La foi est une ferme assurance des choses qu'on espère
Le vainqueur est l'Uruguay
La traverse est rythmée par les glanages et bricolages
L'Achéron est ainsi doté du matériel propre à lui permettre une complète autonomie
Le modulant est de fréquence 100 kHz
Le Tour est fait pour apporter du bonheur
Le Tour est parti
La Lyre est l'une des 88 constellations du ciel
L'Orphée est fait d'harmonie et d'équilibre
Le soupir est le silence qui correspond à la noire
La sainte est portée en procession
Le CRI est à votre écoute depuis huit ans
La FEE est une organisation internationale
Le Gérard est synonyme d'audimat
Nerval est ensuite au Caire
En complément,
voici un exemple du nihilisme googléen :
Le A est enregistré comme caractère inconnu.
Le B est abrogé.
Le C est un vieux langage.
Le D est jeté.
Le E est remplacé par une apostrophe.
Le F est devenu H.
Le G est quasi inexistant.
Le H est donc à proscrire.
Le I est à peine articulé.
Le J est une lettre absente.
Le K est rapidement devenu inutile.
Le L est remplacé par le R.
Le M est de trop.
Le N est bloqué.
Le O est exclu pour éviter la confusion avec le zéro.
Le P est sans doute inutile.
Le Q est fort peu présent.
Le R est escamoté.
Le S est muet.
Le T est caché.
Le U est remplacé par un V.
Le V est supprimé.
Le W est lui-même atténué.
Le X est effacé.
Le Y est une faute de frappe.
Le Z est automatiquement mis à 0.
La seconde plaisanterie est une réécriture
nervalienne
d'un « rap du 92 » qui a déjà
fait le tour de la francophonie.
[N'oubliez pas de visionner aussi l'excellente
version pop qu'en a faite
Martin Granger.]
El DesharRAPado
(Le Déguenillé)
Je suis le roi des nuls au chignon de mouton,
Le Billal qui n'a plus rien à faire à Nanterre :
Comme ici chacun rit de ma tête de con,
Je rentre à Saint-Denis affronter la Misère.
On sera sans pitié pour briser mon menton
Dans les couloirs obscurs où s'enivre mon père.
Rendez-moi la danseuse et je serai fécond ;
Devrais-je m'arrêter parce que l'on diffère ?
Suis-je nain, phoque, eunuque, ou juste intimidé ?
Mon front est rouge encor de ce membre ridé
Qui ne fait pas rêver la chaude ballerine...
Car j'en ai vu deux fois de plus amples et durs
Sur de jeunes enfants incroyablement mûrs.
Hélas ! je ne peux donc m'exhiber en vitrine.
le râpeur Camembert
Sollicitude
[Au sein de l'OuLiPo,
Jacques Roubaud & Olivier Salon ont redonné vie à la tradition
des « sollicitudes », c'est-à-dire quelques vers mettant
en scène un calembour du type « Qu'a Membert ? ».
Comme on pouvait s'y attendre, la mode s'est quelque temps emballé sur la
liste oulipo. Je n'ai eu pour ma part la faiblesse de n'en
commettre qu'une seule, accumulant volontairement beaucoup de déviations
des règles ophycielles : conjonction & adverbe d'introduction,
passé simple, pluriel, pas de nom propre, outre des rimes riches
et surtout une autoréférence indirecte à l'assez
lourde hilarité générale.]
Quelle blague avait suscité
Rigolades voluptueuses
Grognements de félicité
Parmi la meute des tueuses ?
Et pis qu'eurent hyènes ?
Héraldeeque
Ce message propose une règle littérale assez neuve, et cependant explicitement inspirée par le désuet art des écus et des emblèmes. Rappelons en exorde que de telles armes se servent en principe de sept teintes seulement : l'argent (i.e. le blanc et ses semblables comme le crème), l'or (blond), le gueules (rose garance), le sable (foncé comme l'ébène), le ciel (bleu), le seenople (vert) et enfin le purple (gris-lie-de-vin tiré du murex). [En vérité, presque personne ne se servit de cette dernière teinte, peut-être mêlée à l'ensemble dans le seul but d'édifier une structure « divine » de sept tons colorés.] Ces teintes sont décomposées en deux ensembles bien distincts : les deux premières d'une part (blanc et blond) et les cinq dernières séparément (cerise, ténébreux, bleu, vert, amarante sombre). La seule règle imprescriptible de l'art des emblèmes est que les teintes d'une même classe ne peuvent se rencontrer ni se superposer. Par exemple, le blanc sépare le bleu de l'écarlate dans l'étendard de France. Ceux des états étrangers respectent généralement ce principe, bien que de rares banderoles créées plus récemment l'enfreignent (comme celle des gens parlant Brésilien à senestre de l'Espagne, assemblant vermeil et vert sans bande blonde ni blême intercalée).
En se rappelant la célèbre synesthésie d'un jeune poète de Charleville *, on peut évidemment imiter ce règlement dans la sphère des belles-lettres. Le premier ensemble de voyelles comportera seulement le E (blanc), et le second les cinq restantes : A (basalte), I (érubescent), O (céleste), U (menthe), Y (égal à l'éclat ardent de l'I s'il est voyelle, et à négliger s'il est consonne comme dans le mot « voyelle » justement). On peut rendre la parenté entre les teintes et les sons encore plus sûre et flagrante en attachant le parme à cet Y employé comme voyelle. [Il est même concevable de lier l'ocre doré à l'É accentué par exemple, avec les È, Ê et Ë bien entendu ; cela perturbe cependant le système, et interdit divers passages de ce message.] Le code des écus exige donc de détacher les voyelles différentes du E par des E (accentués si désiré), en permettant malgré cela de les répéter à de nombreuses reprises. Le cas précis des banderoles monochromes correspond exactement à la classe des textes mono-voyelle, comme les Revenentes, What a man ! et Morton's ob de Georges Perec. Les paragraphes se servant seulement du E et d'une seconde voyelle respectent également ce précepte des armes colorées. En revanche, exclure le E et employer plus d'une voyelle, comme dans l'Éclipse du même créateur, est formellement interdit.
Cet exposé exhibe la règle, et montre que rédiger des vers expressément destinés à la tester n'est pas essentiel. Par exemple, il semble superflu de récrire le ténébreux Desdi de Nerval en la respectant, attendu que divers monovoc's existent déjà. Elle reste cependant assez intéressante comme développement des leçons de l'Atelier Potentiel des Littérateurs. Elle se repère très modérément, je pense, bien qu'elle demande un peu de besogne, et donne en conséquence une règle « Canada presque dry ».
En revanche, la charte plus dure discernant les E sans accents (blancs) des E accentués (blonds) pose davantage d'embarras. Je me permets donc de l'exemplifier ici. Il est limpide que comme ci-dessus, les deux genres de E servent à séparer les voyelles restantes. De plus, ces divers E ne peuvent pas s'effleurer dorénavant. Décomposer par exemple cette phrase en grappes de voyelles donne ceci : é oo e a eeeee a ee a ee o ee o ee i [...] e oo e u e u é a e a ee o é à ee, et l'on note que nul É avec accent n'est collé à des E. Tentons le sonnet-archétype :
Mes camaraderies à l'ensemble de cette liste ; Gilles_
* « A black, E crème, I kirsch, U pus, O flot : voyelles » de Rimbaud, qui ne satisfait pas la contrainte héraldique décrite dans ce message, pas plus que cette note elle-même.
Mots longs
[Pierre-Marie Tricaud a proposé sur la
liste oulipo d'écrire un texte
dont la longueur moyenne des mots soit la plus grande
possible. Voici la réponse que j'ai rapidement
tentée, dépassant 21 lettres par mot
dans le tract en italique.]
Selon leur couleur de peau, leur poids supposé, voire leur possible allergie aux UV, les vendeuses de chaînes hi-fi obtiennent différents statuts et sont envoyées dans des régions distinctes. Elles préparent donc une révolte contre ces règlements injustes, mis au point par des ronds-de-cuir insensibles à l'aspect synergique de la globalisation. Leur tract manque hélas de clarté, car il amalgame les responsables de leur discrimination aux raisons qu'ils invoquent. La dernière revendication est même d'une tout autre nature, à savoir démarrer enfin la production de minuscules ovnis :
[Fin octobre 2006, le jeu appelé « Googlewhacking » a refait une brève apparition sur la liste oulipo : donner deux mots au moteur de recherche Google de telle sorte qu'il ne trouve qu'une seule page Web les contenant. De nombreux exemples sont fournis par les diverses pages oulipiennes, car elles contiennent souvent des mots rares. Le tract en italique ci-dessus est caractéristique : chacune de ses lignes ne fait pointer Google que vers cette unique page (en tout cas à la date du 26/10/06) ! Plus précisément, les 16 mots de ce tract permettent 120 paires de mots, et 93 d'entre elles désignent cette page Web de façon unique.]
Permutation de consonnes
[Toujours sur la
liste oulipo,
Annie Hupé a proposé d'écrire
des vers employant des paires de mots liés
par l'échange des consonnes M & P, comme
père & mère. Le
quatrain que j'ai construit ressemble à
un résumé de film de Marcel
Carné.]
Le mousse veut changer de pipe,
frimer, parier et ripailler.
Le mime veut changer de fripe,
pousser, se marier, rimailler.
Voyelles
[Réécriture localement monovocalique
du célèbre sonnet d'Arthur Rimbaud (1871).
Le dernier mot sans circonflexe est une licence poétique,
justifiée parce que
« kohol » existe aussi avec deux o ouverts ;
on pourrait aussi garder cette
graphie et supprimer l'adjectif « rond »
du « Lorgnon ». Mon sixième vers
commençait initialement par
« Épée en gel des chefs »,
mais Rémi Schulz m'a
immédiatement proposé la meilleure solution
« Fers gelés, blêmes chefs ».]
Trois nouveaux pangrammes de 30 lettres (et de 4 mots), deux alexandrins pangrammatiques encore plus courts, deux pangrammes de trois « mots » seulement, et un pangramme alexandrin de 4 « mots » et 31 lettres.
Robert Rapilly a proposé à la liste oulipo de récrire la courte nouvelle suivante en respectant les contraintes que l'on veut :
Annan, ou le destin de pierre
Trois suffocantes journées de chameau nous ont conduits dans la vallée d'Annan,
pays des Vents Éternels. L'air toujours en mouvement charrie des effluves de
désert et de mer, et transporte une fine poussière couleur de rouille qui
finit par imprégner chaque vêtement. Son sifflement lancinant ne s'arrête
jamais, au point d'interdire toute conversation dans la rue. Le Manuel de la
Rose des Sables raconte que si le vent devait cesser un jour de souffler,
les murs de toutes les villes d'Annan s'effondreraient.
En Annan, au jour de la première pluie de printemps, l'enfant qui va avoir
dix ans dans l'année tire au hasard une pierre d'argent hors d'un sac de toile.
Sur cette pierre est gravé son devenir d'adulte. Le sort désigne aussi bien
son futur métier, l'identité de son compagnon ou de sa compagne, le nombre
de ses enfants que la date de sa mort. Certains destins sont heureux et
doux, d'autres d'une effrayante banalité, quelques-uns enfin tumultueux et
sanglants. Mais aussi terribles soient-ils, tous les citoyens d'Annan s'y
conforment à la lettre, sans amertume ni révolte.
Nous avons fait part à notre guide de notre étonnement. Il a souri.
-- Subir le plus tragique des destins n'est rien, si l'on se sait innocent de
son propre malheur.
Hervé Le Tellier, « Cités de mémoire »
(2002, Berg International)
[Permettez-moi au passage de recommander très chaleureusement ce livre, véritable merveille de concision, d'intelligence, d'humour et de poésie !]
Annan et le destin de pierre
Presque sept accablantes après-midi de trot ont emporté notre caravane dans le val d'Annan, terre des Vents Incessants. Le foehn en sempiternelle turbulence exhale des effluves d'erg et de mer, et hisse une fine cendre ocre dont nos effets finissent fatalement par rester imprégnés. Son obsédant et cruel sifflement ne stoppe pas, à en interdire les bavardages dans les rues. Le Livre des Roses des Sables relate que si le vent cesse de respirer à l'avenir, les murs de l'ensemble des villes d'Annan s'effondreront.
En Annan, à la seconde averse de printemps, le jeune dont on
commémorera les onze ans dans les deux semestres tire à
l'aveugle une pierre d'argent d'une besace de jute.
Sur cette pierre est gravé son devenir de personne mûre. Le
sort désigne le futur métier comme l'identité précise des amants,
le nombre d'enfants, et la date de mort également. Des destins
seront heureux et agréables, diverses vies d'une effarante fadeur,
quelques-unes enfin effervescentes et sanglantes. Si terrible
un tel hasard semble-t-il, le peuple complet d'Annan le respecte
cependant à la lettre, sans amertume ni révolte.
J'avertis le cicérone de mon étonnement. Il s'en divertit.
-- Ici, endurer le pire des destins n'est rien, parce que
l'on est sûr de ne pas mériter son propre malheur.
H. Le Tellier, recomposé par Gef selon le principe des vieilles
banderoles,
« Cités sans amnésie »
(1000 & 1002, Berg Intersidéral)
Annan, ou le destin de pierre Trois suffocantes journées de chameau nous ont dirigés dans la vallée d'Annan, région des Vents Infinis. L'air toujours en mouvement charrie quelques effluves de désert et de mer, et transporte une fine poudre à teinte de rouille qui finit par imprégner chaque costume. Son sifflement abrutissant ne s'interrompt jamais, au point d'interdire les conversations dans la rue. Le Manuscrit des Roses des Sables conte que si le vent devait cesser un jour de souffler, les murs de tous les villages et cités d'Annan s'effondreraient. À Annan, au jour de la première averse de printemps, tout enfant qui va avoir treize ans dans l'année tire au hasard une planchette d'argent hors d'un sac toilé. En cette pierre est gravé son devenir d'adulte mûr. Le sort désigne aussi bien son métier futur, l'identité de son mari ou de sa femme, l'effectif de ses enfants que la date de sa mort. Certains destins seront heureux et amusants, d'autres d'une épouvantable platitude, quelques-uns enfin tumultueux et même sanglants. Mais aussi terribles s'avèrent-ils, tous les citoyens d'Annan vont les assumer scrupuleusement, sans ressentiment ni révolte. Nous avons fait part à notre guide de notre étonnement. Il a ri. - Subir le plus déchirant des sorts n'est rien lorsque l'on se sait innocent de sa peine. Hervé Le Tellier revu par Gef "Cités de mémoire", Berg 2002
Destin de pierre
Atteindre Annan nous prit trois jours de dromadaire
Dans le vent continu fleurant l'erg et les mers
Qui souillait nos habits d'une rousse poussière
Et sifflait durement pour effacer nos vers.
Un mythe dit que si le vent devait se taire
Tout mur s'effondrerait. Quand les cieux sont couverts
Au printemps chaque enfant tire au hasard la pierre
En argent qui prescrit leurs devenirs divers.
Le sort désigne tout : professions, partenaires,
Nombres d'enfants, décès soudains ou centenaires,
Qui loge au paradis, s'ennuie ou vit l'enfer.
Mais aucun citoyen ne cherche à s'y soustraire.
Le guide a ri de nous : -- On ne peut être amer
Si l'on est innocent de son propre calvaire.
G. E-Fasère d'après Héver Le Tellièr,
« Cités de mémère »
Appap, sweepstake pétrifié
Cinq sèches journées de chameau nous ont menés à la vallée d'Appap, capitale du Vent Éternel. Le gaz en mouvement infini charrie des bouquets d'erg et de plage, et convoie une fine poussière aux coloris grège-rouille qui finit par tacher et imbiber chaque vêtement. Son vacarme entêtant ne s'arrête jamais, au point d'exclure tout dialogue dans la rue. Le Manuel de la Rose des Sables raconte que si le sirocco devait cesser d'ululer, les murailles de toutes les villes d'Appap s'écrouleraient.
En Appap, au lendemain de la première pluie qui commence le
printemps, l'enfant qui va avoir quatre ans dans l'année choisit
au hasard un caillou empli d'argent au milieu d'un sac toilé.
En cette pierre est imprimé son formel devenir d'adulte. Le sort
désigne aussi bien son futur métier, l'identité de son conjoint,
le nombre de ses gosses que la date de sa mort. Certains destins
sont agréables et moelleux, d'autres effrayants de médiocrité, ou
encore orageux et meurtriers. Mais aussi terribles soient-ils, les
différents citoyens d'Appap s'y plient à la lettre, sans amertume
ni révolte.
Nous avons fait part à notre guide de notre hébétude. Il a souri.
-- Subir le plus tragique des destins n'est rien, si l'on n'est pas
coupable de son malheur accepté.
Ils siègent treize à table mais ne peuvent manger
Aucun d'entre eux ne semble vraiment dans son assiette
Qui se tient toute droite derrière chaque tête
Le Seigneur en plein centre sait qu'il est en danger
Hervé, ou le Mémoire de Berg
Le futur est rose à l'enfant innocent qui part au pays de la couleur, hors des villes suffocantes d'Annan. Le printemps transporte le son d'une lettre de sa première compagne, de si doux effluves de son vêtement. L'air heureux d'un sifflement la désigne :
« Pierre, avons-nous enfin une fine pluie bien propre ? Notre conversation date de... de cette année des dix vents tumultueux, et aussi de ses trois terribles journées de désert. Nombre d'enfants n'ont plus jamais souri ni rien. Le mouvement de la mer charrie tous sables au jour, tire la vallée d'Annan au vent d'est, finit par interdire notre identité et avoir quelques uns à sac. On a gravé de cesser. Chameau de Pierre, raconte-nous ! »
Destins de citoyens d'Annan ? Ils sont sanglants et s'y conforment ! Mais les autres aussi s'effondreraient en lancinant si toute rue devait subir la Une : toutes soient d'Annan ! Arrête de devenir un compagnon de son tragique. Qui ne se révolte point chaque jour sait que son étonnement rouille. Il sort s'imprégner de banalité ou d'amertume dans les conduits des destins certains, va souffler sa poussière dans les murs éternels de la mort. Son métier manuel en fait l'adulte sans hasard que l'argent sur guide toujours dans le malheur et l'effrayante toile des ans.
Pierre Le Tellier, « Destin de cités » (2002, Annan International)
Alizé, ou le dzhari de pyrn
Tramontanes suhalis jorans de chamsin nous ont catabatiqués dans le vaudaire d'Alizé, pampéro des Vents Étésiens. L'auster tourbillon en mousson cherguie des éléphantas de simoun et de meltem, et téchuantepèce un foehn passat kuban de rotetur qui freemantle par yamaoroshier shamal williwaw. Son sirocco levant ne s'austrut ghibli, au ponant de zéphyre tunagain contre-alizé dans la rafale. La Matinière de la Risée des Samiels révoline que si le vent borait cerser un joran de southerly buster, les marins de tunagaines les willy-willies d'Alizé s'euraquileraient.
En Alizé, au joran de la pruga puelche de puna, l'eurus qui va
autan-noir badisad obistroz dans l'aquilon tivane au halny-wiatr
un pyrn d'harmattan helm d'un skiron de tauem.
Sur ce pyrn est galerné son nirta d'autan. Le suroît stikine
aussi bien son sures mistral, le libeccio de son chocolatero ou
de son chinook, le norther de ses eurus que le sumatra de sa
mauka. Certains dzharis sont haboobs et loos, d'autres d'une
euroclydone bouffée, quelques-uns enfin typhons et santa Ana.
Mais aussi tamboens soient-ils, tunagains les cyclones d'Alizé
s'y canterburent à la leste, sans piteraq ni reshabar.
Notus avons foeh blizzard à nordet grain de nordet ouragan.
Il a sonori.
-- Sweeper le plus takn des dzharis n'est roger, si l'on se
sharave solano de son bora maloja.
Hégoa Le Take, « Kniks de matanuska » (2002, Burga Grégale)
Bises ; Zef_
La première réponse nous a
été envoyée par notre ami nîmois
Pierre Ménard avant même
que ce jeu ne soit ophyciellement proposé. Il s'est
attaqué à l'un des monostiches les plus connus
de la langue française, à savoir « Portez
ce vieux whisky au juge blond qui fume ». Voici comment
il a réussi à le transformer en pangramme :
Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume
Impressionnant de fidélité.
La deuxième réponse est
de Patrice Debry, qui a
traduit ce haïku de
Bashô :
« Le zashiki d'été /
Fait bouger et entrer / La montagne et le jardin ».
[Un zashiki est un salon japonais ouvert sur un jardin.]
Voici sa remarquable réécriture
pangrammatique :
Au zashiki voir
beaucoup : weigélia qu'imite
onyx du Fuji
Frédéric Schmitter a quant à
lui réussi une traduction de l'alexandrin minimal
de Georges Perec : « WWWW ».
Sa première version est un pangramme alexandrin
de 32 lettres :
Viking : choyez dix plombs, juif : quatre W.
En 34 lettres, ça devient encore plus clair :
Voyez ces W de plomb, khâgneux juif : quatre !
Et si l'on oublie l'alexandrin, l'énoncé
de Frédéric atteint une limpidité
rare dans le monde des pangrammes :
Voyez, khâgneux juif, ces quatre W de plomb !
En ce qui me concerne (Gef),
j'ai d'abord tenté un quasi-alexandrin décrivant
une ligne vide.
Saurez-vous apprécier ma pêche silencieuse ?
« »
Voici sa transcription pangrammatique en 37 lettres :
Kifez c'wading mutique où j'asphyxie le verbe
Il est assez cohérent mais contient hélas
deux fautes prosodiques. Il existe des variantes plus
alexandrines mais trop obscures, comme :
Jouez de wicket verbal, magnifique asphyxie
J'ai aussi modifié l'un des plus
célèbres distiques de la langue française
de telle sorte que son premier vers devienne un pangramme :
Job, le queux de Schwarzkopf, y va, tour magnanime,
Galamment de l'arène à la tour Magne à Nîmes.
J'avoue ignorer si Elisabeth ou Norman ont eu un cuisinier
nommé Job, mais il se peut que les nombreux autres
Schwarzkopf de la planète aient eu cet honneur.
Rappelons que l'holorime original est de
Marc Monnier (et non de Victor Hugo,
qui aurait certainement gommé l's final de
« Nîmes » pour respecter
la rime graphique).
Le 9/9/6,
Didier Bergeret s'est attaqué au
« Chantre » d'Apollinaire, à savoir
l'alexandrin « Et l'unique cordeau des trompettes
marines ». En prétendant que l'auteur
serait Georges Perec (pour placer ses initiales à
la fin sans qu'elles comptent dans l'alexandrin), il a obtenu
cette belle évocation d'instruments à une corde :
Quinze crwths monofils du joli vieux kabyle. (GP)
Rappelons que le crwth est une lyre galloise,
et que son nom est l'un des rares mots anglais sans voyelle
standard (le w est en fait une voyelle dans ce mot !).
J'ai moi-même cherché par la suite d'autres traductions
pangrammatiques possibles du monostiche-calligramme d'Apollinaire.
La première d'entre elles compte 37 lettres :
Jodle aqueux biwa folk, tympanischiza grave !
Jodler signifie jouer en changeant fréquemment d'octave,
le biwa est un luth japonais, et le tympanischiza est
tout simplement un autre nom de la trompette marine,
antique contrebasse à une corde. Mon deuxième
« Chantre » pangrammatique cite le nom
de l'auteur original, mais compte cette fois 41 lettres :
J'aime Kostrowitzky, pur chant veuf d'aqueux bugle
Kostrowitzky = Apollinaire, veuf = isolé = unique,
bugle = trompette, aqueux = marine : cqfd ;-).
Il existe beaucoup de variantes possibles, par exemple celle-ci
de seulement 39 lettres mais moins fidèle :
J'aime Kostrowitzky, Chopin veuf d'aqueux bugle
De nouveau en 41 lettres, on peut évoquer le titre
du poème :
Chant de Kostrowitzky : j'emplis veuf bugle aqueux
On peut aussi garder la cheville initiale et exclure de l'alexandrin
le nom de l'auteur (ce qui conduit à un pangramme de 48 lettres) :
Puis jeux du fil unique, humide buccin vague (Kostrowitzky)
Mon record actuel de concision, en 34 lettres, réutilise le brillant
(mais franglais) crwth monofil de
Didier Bergeret :
Voyez crwth monofil, juke-box d'équipages
Le 13/9/6, Annie Hupé a donné cette
interprétation superbement poétique du monostiche
« I » de Jacques Bens :
Suis-je hiatus ombreux d'un blanc gouffre karstique
Lézarde où s'évapore y ou w ?
En fait, le vers de Bens doit être lu comme l'alexandrin
« Un en chiffres romains et en Garamond gras ».
J'ai donc moi-même proposé peu après cette
traduction pangrammatique en 37 lettres :
Nombre zen, je vaux « few » : ski dactylographique
Comme le zen médite beaucoup sur les chiffres 1 & 0,
et que few signifie quelques unités, l'intersection
détermine le 1 sans trop d'hésitation. Par ailleurs, le
I de Bens ressemble assez à un ski.
J'ai également tenté des approximations pangrammatiques
de trois poèmes minimalistes de François Le Lionnais.
J'ai d'abord transformé son poème d'une lettre, « T »,
en un pangramme de 38 lettres ne répétant qu'une seule consonne
(le T bien sûr) :
Zawiyas ! j'aime « vingt », croix d'alphabet kufique
Zawiya = monastère musulman,
alphabet kufique = écriture arabe ancienne et angulaire,
T = vingtième lettre de notre alphabet.
Le nombre 20 est représenté par la lettre
kaf en kufique, qui ressemble bel & bien
à une croix mais peu à notre T. Toutefois,
la croix du Christ avait probablement la forme d'un T.
Le Lionnais a aussi écrit un poème d'un seul mot,
« Fenouil », qui ne rime à
rien en français si l'on respecte l'alternance. Mon
approximation pangrammatique compte encore 38 lettres
(il existe des solutions plus économiques mais
moins cohérentes) :
Paddy, kiwi, fenouil, crithme exquis : bavez, juge !
Paddy = riz non décortiqué, crithme = fenouil marin.
Attention, ne voyez pas des symboles chrétiens partout :
le crithme n'a rien à voir avec le chrisme Xp (chi-rho),
monogramme du Christ !
Queneau & Le Lionnais trouvaient que le mot
« antépénultième »
constituait un poème à lui tout seul. Mon
approximation pangrammatique compte cette fois 34 lettres :
J'ai mugi schwa d'Uzbek : quel vif paroxyton !
Schwa = e muet,
paroxyton = mot accentué sur sa pénultième syllabe.
Peu après, Patrice Debry a lui-aussi pangrammisé
le « Fenouil » de Le Lionnais, sous la
forme d'une « question pour un champion »
en distique d'alexandrins :
Ombelliféracée, d'un beau goût anisé,
je pique et au whisky et aux vents alizés
Dans un esprit voisin de
Pierre Ménard,
Alain Chevrier a quant à
lui pangrammisé l'une des phrases cruciales de la Disparirion
de Perec, à savoir « Portons dix bons whiskys à
l'avocat goujat qui fumait au zoo ». Voici sa subtile
réécriture (légèrement modifiée
par mes soins pour qu'elle soit un véritable pangramme, mais
sans en changer le concept) :
Portons dix bons whiskeys à l'avocat goujat qui fumait au zoo.
Quelques jours plus tard, Alain Chevrier a aussi souligné que
le « Fenouil » de Le Lionnais pouvait être
interprété différemment d'un mot ne rimant à
rien. Ce poème pourrait en effet évoquer la mort du
vers traditionnel : « feue nouille ». J'ai donc
tenté une pangrammisation en 36 lettres de cette
intéressante lecture :
Flanquez m'y juke-box : wow ! spaghetti cadavre
Pour terminer sur ce « Fenouil », j'ai remarqué
qu'il est presque parfaitement contenu dans le nom de l'auteur.
Avec l'ancienne graphie de ce mot, on trouve par exemple l'anagramme
très cohérente :
François Le Lionnais = son fenoil, clair anis.
Mais je ne crois pas que cela puisse être conscient de la
part de Le Lionnais, malgré les intéressants travaux
de Saussure consacrés aux paragrammes.
Le 15/9/6, j'ai essayé la pangrammisation du
monostiche « Quand le poète est mort, il fait
encor des vers » de Georges Brandimbourg. [Selon
Alain Chevrier, qui a trouvé l'information
dans un livre de Michel Herbert, ce bohème n'aurait laissé
qu'un vers à la postérité !] Voici d'abord
une traduction sous forme de haïku :
L'ex-chantre en week-end
y fait japper quinze vers
(Georges Brandimbourg)
On peut ensuite tenter un monostiche mentionnant les initiales de l'auteur
entre parenthèses (et conduisant à un pangramme de 41 lettres) :
Quand l'ex-moujik y zappe, il fait des vers à schwa. (G.B.)
Le poète est hélas devenu un paysan, mais « ex » et
« zapper » font quand même un peu allusion à la mort.
Sans initiales de l'auteur, on peut trouver par exemple en 42 lettres :
Quand l'ex-moujik bégaye, onze vers à schwa frappent.
Il y a plusieurs variantes à 39 lettres, mais encore
moins fidèles. Je crois que ma meilleure solution, en 38 lettres, est :
Bégaye, ex-moujik feint ! Dupliquez, vers à schwa !
Il reste peu de choses de l'original (seuls l'ex et les
vers y font encore allusion), et on se demande où est la
feinte dans cette histoire, mais j'aime assez la cohérence
des deux impératifs aux sens voisins.
Xlokkworld, ou le vache fatum jacobin de quartz gypseux
Quatorze suffocantes journées de chameau nous ont conduits dans la beige vallée de Xlokkworld, pays des Vents Éternels. L'air toujours en mouvement y charrie des effluves de désert ouzbek et de mer, et transporte une fine poussière couleur de rouille qui finit par imprégner nos vêtements en wax. Son sifflement exténuant ne s'arrête jamais, même le week-end, au point de faire bégayer chaque conversation dans la zone. Le Grimoire de la Rose des Sables raconte que si le zéphyr devait cesser un jour de souffler, les murs de toutes les villes de Xlokkworld s'effondreraient.
À Xlokkworld, au jour de la première pluie de printemps, l'enfant
qui va avoir onze ans dans l'année entrebâille un sac de toile
et y tire au hasard une pierre d'argent.
Sur cette pierre est gravé en joyeux swahili kufique son devenir
de zombi majeur. Voyez-vous, le sort désigne aussi bien son
futur know-how, l'identité de son époux ou de sa compagne, le
nombre de ses rejetons que la date de sa mort. Certaines vies
sont heureuses et jazzy, d'autres d'une effrayante banalité,
quelques-unes enfin des patchworks tumultueux et sanglants. Mais
aussi terribles soient-elles, tous les gens de Xlokkworld s'y
conforment scrupuleusement, sans schizonévrose ni jacquerie.
Nous avons fait part de notre ébahissement à Jacky Maxwell, le
guide aztèque. Il a souri pacifiquement, et bégayé cette zwanze
d'une voix de kharidjite :
-- Subir le plus kafkaïen des destins reste joyeux, si la squaw
ou le zig se voit innocent de son propre malheur.
Hervé Jack Wolfy Lopez-Quixote, « Cités de mémoire » (2002, Berg International)
Mise au point d'une page Web rassemblant
tous mes pangrammes,
et en rab
une historiette & quelques hétéropangrammes
composés deux jours plus tard :
Le 21/09/06, j'ai aussi mis au point en PHP une page Web dynamique
permettant de tester les pangrammes
(et au passage de transformer automatiquement n'importe
quel texte en pangramme ! ;-)
Ammam, ou un bail momifié
Un mois à pied m'a enfin paumé en Ammam, pampa aux fameux haboobs. On y hume maints fumets embaumés ou puants, empaillés ou mouillés, puis un piaffement boueux et fumant imbibe en bai mes habits abîmés. En aboyant, maints haboobs me font bafouiller. Un Poème-Épopée aux Bois Feuillus pépie « Faut me méfier : fumée bouffée, hameaux et fiefs biffés ».
En Ammam, au mois où un papillon est béat, où on oit bâiller
abeille, hibou, pipeau ou hautbois, un enfant peu bébé
fouille en un puits maillé et y happe un aimant émaillé.
On y appuie un papier et on y pompe un bail un peu fumeux :
y est mis habillement, amants, famille (époux, femme et
enfants), et même moment où ma fin est mimée. Maints mômes
ont un bail fameux ou bouffon ; maints poupons en ont un
bohème, moins fouillis, moyen ou infime ; et maints bambins,
enfin, ont un bail infâme et haï, fuyant aux bas-fonds,
pouilleux et affamés, ayant pillé puis payé maints méfaits.
Mais baux bons ou fous, on y obéit point à point : phobie
au ban, pas un fieffé faux-fuyant !
On fut ébahi, ébaubi et même ému. Mon ami, un pioupiou,
a pouffé.
-- Au fond, infamie ou embonpoint au pif font un bienfait,
pas un abus : bafouer un pieux met un baume en mon âme.
Aimé Me Payer, « Hameaux fameux » (MMII, Mont à maints pays)
Mise au point d'une page Web dynamique pour
traduire en patois
n'importe quel texte,
selon le procédé
« Voyelle + 2 » (& ses variantes)
imaginé
par Camille Abaclar en novembre 2000,
un jour où l'une de ses têtes avait la fièvre.
Extrait de mauvais roman noir :
Entends-tu ces bruits suspects dans la canalisation ?
Les agents secrets te semblent laids, mais ils vont
t'expliquer la loi du silence, et t'offrir un livre
en exposant des détails plutôt difficiles à supporter.
On te frappe sur l'échine, et nulle idiote du littoral
n'est là pour te plaindre. Les vieillards sont plus
phallocrates encore : l'un d'entre eux t'humilie en
énumérant les ultimes infidélités de ton épouse,
pendant que tu cherches à encaisser les coups.
Réécriture vaguement poétique de la première moitié :
Tu ressens des sons
l'eau du mur.
Barbus furent parus moches,
diront l'omerta ; in octavo
l'offrent, ceci dur du dur.
La deuxième moitié est obtenue en appliquant la
méthode « Voyelle + 2 »
(patois abaclarien) :
Te rossons dos sans
l'oie de mer.
Birbes feront pires machos,
durant l'amorti ; un activa
l'affront, cocu der de der.
Pangrammisation
(à la manière
d'Alain Chevrier) d'un petit
chef-d'oeuvre de Verlaine :
Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie :
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie !
Je n'y vois plus rien,
Je perds la mémoire
Du mal et du bien...
Ô l'affreuse histoire !
Je suis un rickshaw
Qu'une main balance
Au creux d'un caveau :
Silence, silence !
[Voir aussi ma précédente réécriture infectée de ce même poème, où je donne quelques liens vers des extraits musicaux]
Nous avons vu plus haut que la réécriture pangrammatique de poèmes très courts pose de sérieux problèmes. Au contraire, plus un texte est long, plus il est facile d'en faire un pangramme grâce à une discrète modification. Permettez-moi donc de vous offrir un anti-record dans ce domaine de la pangrammisation de textes très longs. La traduction française de la Bible par J.N. Darby se trouve en effet être un lipogramme en W, malgré ses quatre millions de caractères. Je vous prie d'y remplacer l'une des 6500 occurrences de « l'Éternel » par « YHWH » -- ou « Yahweh » si vous préférez -- et de considérer que je suis désormais l'auteur de ce livre ! ;-)
Pangramme plein de défauts mais assez court :
Considérez-vous que cette cantatrice a une grande voix, ou
qu'elle est polie & froide comme une Américaine B.C.B.G. ?
Quiz : Mkrtchyan, big vox ? fjeld wasp ? (28 lettres)
En octobre 2004, Alain Zalmanski avait déjà atteint
29 lettres grâce à ce nom propre.
J'avais moi-même proposé :
Qu'allez-vous répéter avec cette cantatrice susceptible ?
Des lieder romantiques ? Vous risquez la rupture !
Quid jobs ? Wolf ? Gap : vexez Mkrtchyan ! (29 lettres, décasyllabe)
Le décasyllabe est correctement césuré 4/6,
car ce nom arménien se prononce « Mékertitchian ».
Nouveaux pangrammes de quatre mots,
utilisant des noms propres attestés sur Internet [25/09/06]
« Le sonnet des recherches atoniques » ? Vous devriez prétendre
que cette bourde a été causée par votre écriture très rapide.
Invoquez jambage expéditif, Rychlewsk ! (33 lettres, 4 mots)
Votre paire de croûtes déprécie notre ville.
Méjugez Wolfskirchen, baveux diptyque. (33 lettres, décasyllabe de 4 mots, césuré 6/4)
Et les montants qui les soutiennent nous offensent.
Vexez Wolfskirchen : jambage-diptyque ! (32 lettres, décasyllabe de 4 mots, césuré 5/5)
Vous êtes dans la lune, assistant ! Est-ce
avec un mouchoir qu'on doit prendre le pouls ?
Sphygmique oxford ? Objectivez, Wankel ! (32 lettres, décasyllabe de 4 mots)
Ce jeune vin celte insulte notre invité allemand.
Vexez Gschwendt, beaujolpif kymrique. (32 lettres, octosyllabe de 4 mots)
Le 27/09/06, Nicolas Graner a signalé sur la
liste oulipo que l'adjectif invariable
« kwa » désigne un groupe de langues
d'Afrique de l'ouest. Le pangramme alexandrin de 36 lettres
qu'il a composé est joliment autoréférent,
car il suggère de nous servir désormais de cet adjectif
dans nos pangrammes : « Bip ! Changez de format.
J'y ois quoi ? La voix kwa. » [Nicolas Graner].
J'ai moi-même imprimé un tableau de conjugaisons yoruba
à partir d'une gravure sur bois. Pourriez-vous le certifier
conforme ?
Vidimez subjonctif xylographique kwa. (33 lettres, alexandrin de 4 mots)
Toujours en 33 lettres, 4 mots et sans nom propre, une
fausse citation de Stockhausen :
« Percussions, faites ressortir la pulsation
frappée sur la poêle fibreuse. »
Objectivez filandreux wok sphygmique. (33 lettres, décasyllabe de 4 mots)
Nouvelle moisson de pangrammes
polonomastiques de peu de mots [30/09/06]
Cet ancien opposant polonais me semble trouble.
Janowczyk, ex-adversatif amphibologique (35 lettres, 3 mots)
Nous utilisions autrefois des patronymes belges
et savoyards pour tester les machines à écrire.
Vanwambeke, Féjoz : ex-dactylographiques (34 lettres, alexandrin de 3 mots)
Mais ce nom polonais est heureusement facile à avaler aujourd'hui.
Favorablement ex-dysphagique Wojczak (33 lettres, alexandrin de 3 mots)
La scène se déroule en Norvège. La star polonaise démontre ses
talents d'allumeuse bien qu'elle ait totalement arrêté de fumer.
Fjeld. Chrzanowsky, ex-tabagique vamp. (31 lettres, décasyllabe de 4 mots)
Quand il a hérité de tout un quartier de New York,
le soldat polonais a eu quelques palpitations.
Bronx dévolutif, sphygmique Wojczak. (31 lettres, taratantara de 4 mots)
Enfonçons-nous un peu plus dans l'abscons. L'ambigu opposant de tout
à l'heure fait du camping.
Il vérifie qu'il a bien apporté son
camembert et son sac de couchage, puis se tourne vers La Mecque
pour la prière du soir. Soudain une grosse guêpe vient l'importuner.
Janowczyk : fromgi, duvet, qibla. Sphex ! (30 lettres, taratantara)
L'agaçant bourdon troubla alors sa foi. Mon Polonais musulman
invoqua d'abord Kali pour
avoir l'air hindou, mais il n'adorait pas la strangulation.
Puis il crut qu'un long cursus anglais
lui fournirait la paix. Mais il finit par assouvir sa soif
d'inconnu dans l'amour d'un corps nu.
Janowczyk : Qibla ? Thugs ? Oxford ? Vamp ! (29 plombs, sans schwa)
Signé :
Ludvig Jim Quent Baxy Schwarzkopf (29 lettres, octosyllabe)
Quelques pangrammes sans noms propres
Publicité norvégienne :
Même plus besoin de cinq pains d'orge et deux poissons.
Avec cette simple poêle et une anodine formule magique,
vous nourrirez aisément plusieurs villages.
Humble wok, ptyx : gavez cinq fjords. (28 lettres, octosyllabe)
De gros efforts pour réduire le nombre de lettres
m'ont alors conduit à une variante du remarquable
hétéropangramme d'Éric Angelini
(à savoir « Fjeld cinq, ptyx vs
rhumb ; wok ? gaz ? ») :
Une poêle et un peu de géographie ou de
poésie suffisent pour nourrir toute la région.
Wok, rhumb, ptyx : gavez cinq fjelds. (27 lettres)
Mais en 26 lettres, je ne vois que la solution d'Éric !
Autres résultats un peu plus longs
Le télégraphe du fort pourrait-il expédier
cette liste d'ancêtres africains ?
Bordj, faxez vingt-cinq phylums kwa. (29 lettres, octosyllabe)
Si vous amenez votre chien de traîneau norvégien
dans le magasin, il détruira probablement deux
douzaines de tissus imprimés africains.
Fjord-husky : plombez vingt-cinq wax. (29 lettres, octosyllabe)
J'ai disposé autour du vaste pré autant de chéchias
sénégalaises qu'il y a de lettres dans l'alphabet.
Vingt-six fez kwa : quel champ j'y borde ! (30 lettres, octosyllabe)
L'auditorium signifia son courroux quand on lui
parla du sol trop improductif. On l'amadoua alors
par un don colossal d'alcool fort.
Podzol : vingt-cinq furax. Jumbo-whisky ? (31 plombs sans schwa, dix blocs)
Cher chef des prêtres,
Je me présente : Esterelle, célèbre elfette de légende.
Les serpes & les fenettes se sentent rejetées, et elles
cherchent des
tentes chez le clergé.
Défendez-les de temps en temps ! (Ne méprenez cette lettre :
Esterelle n'espère de prêt elle-même.)
Mes révérences et mes respects, Esterelle
Évêqe, hébergez fées le week-end (je m'excepte) (36 lettres, vers réglé)
Bref et en même temps enténébré : je pêche des brèmes,
prends des tenthrèdes en ces rets, et j'en élève des
crécerelles ; ce geste m'endette de temps en temps.
J'embecqe flet, sphex ; grevez week-end. (trente lettres)
Quatre pangrammes octosyllabiques de 28 lettres, par ordre de capillitraction croissante
Quel décalage entre les glaciers norvégiens et la musique
africaine qui s'y joue parfois sur des tambours de cuir !
Gap vu : fjelds, rythmez cinq box kwa !
Choisissez parmi ces diverses steppes africaines : on y
trouve encore du serpolet ! (pour un tarif raisonnable)
Jugez cinq velds kwa : thym ! (prix bof)
Il faut apporter un imperméable pour la visite scandinave
et quelques fleurs pour l'assemblée russe. Pas d'erreur ?
Fjord : k-way ; zemstvo : cinq phlox ; bug ?
Je crois que les Norvégiens avaient aussi demandé une poêle
chinoise et des bières égyptiennes. Avons-nous encore assez
pour les acheter ? Rien oublié, cette fois ?
Fjeld : wok, cinq zythums ! Prix va ? Bug ?
Celui-ci comporte 29 lettres et emploie un prénom, mais il est cohérent au point de rendre l'explication superflue
Un violent libéral anglais devient dresseur de félins :
Jack, brusque whig, domptez lynx vif !
Et pour compléter, un pangramme masochiste de 31 lettres
Est-ce un vil sirocco (d'au moins 2 kW) ou une
douce brise qui s'engouffre dans notre tente ?
Wigwam qu'abject xlokk fend vs zéphyr ? (décasyllabe)
Dix contraintes tinrent ton kid
[Palindrome de phonèmes engendré
à partir de l'expression « dix ans »,
pour fêter la décennie de
la liste oulipo. Le texte a curieusement choisi
tout seul de parler d'un sport pour lequel j'éprouve
un intérêt négligeable. En brut étau,
nos contraintes tinrent ton connoté turban !]
En nos théorèmes, une sottise à rétamer :
Maussade, en citant l'art littéraire aux heureux
gens, dors-tu donc ? Notre téléphone a dix ans
quand Zidane -- ô fêlé ! -- t'heurte au nom du
trop dangereux horaire. Est-il ralentissant
d'assommer Materazzi tôt, ce numéro étonnant ?