Sortir du labyrinthe ou rester là ? Souris-je ?
Me suis-tu, reflet gris, sans juger le moindre être ?
Trop monstrueux mais libre, il faut se joindre aux striges !
Aux chimère et vaseux pots-pourris, j'enchevêtre
Mon âme et d'exquis mots, nourri de folles fables
Qui vont, de bonne humeur, m'oindre aux timbres de lettres.
Je dis : sentez-vous poindre un passe-pied d'instables ?
Jeux d'amphigouri sourd : l'ampoulé, l'oiseux d'ores.
Et déjà l'ange Icare est tombé dans le sable !
Puis la fange entre au sein de ton nid, Minotaure...
Maton, vilain petit ! camard, ta cape rouge
Bouge pour embraser les cieux ; la peur s'instaure
Donc l'impatient Thésée enfin plante son vouge.
strige = vampire femme-chienne
vouge = épieu de chasse
Sonnet d'alexandrins avec alternance
Tératologie
Sortir du labyrinthe ou rester la souris ?
Je me suis tu, reflet, gris, sans juger le moindre.
Être trop monstrueux mais libre, il faut se joindre
Aux striges, aux chimère et vaseux pots-pourris !
J'enchevêtre mon âme et d'exquis mots, nourri
De folles fables qui vont de bonne humeur m'oindre.
Aux timbrés de lettrés, je dis : sentez-vous poindre
Un passe-pied d'instables jeux, d'amphigouri ?
Sourd l'ampoulé, l'oiseux... D'ores et déjà l'ange
Icare est tombé dans le sable puis la fange.
Entre au sein de ton nid, Minotaure maton !
Vilain petit camard, ta cape rouge bouge
Pour embraser les cieux ; la peur s'instaure donc...
L'impatïent Thésée enfin plante son vouge.
Bien que la technique utilisée soit différente, l'apparition
de ce quatorzième vers est à rapprocher des sonnets loydiens
de Claude Berge, Bibliothèque Oulipienne n°22 et pp. 189-193
de l'"Atlas de Littérature Potentielle", folio essais n°109.
J'ai aussi choisi d'employer des rimes en i-è-a-o-ou dans le
treizain, et en i-in-an-on-ou dans le sonnet.
17 octobre 2004
Rimes à contraintes
Zèle gêné gelez !
Voyez le surveillant héler « Té ! Pétrel, eh ! »
Au bord de l'océan, lavant appât naval ;
Car quand il ne plut plus, l'art sacra l'arc astral
Irisant lames d'eau, sel, été : fête-les !
Il vint pour contempler, relever, révéler
La beauté libre où nul amant à rat n'a mal.
Dans son dédale obscur, las ! savant n'a vassal
Qui ne le guide assez... Élément ne mêlez !
Restons rois de nos tours trop snobs, n'osons bon sport,
Chassons cavaliers fous, trot rococo, cor : tort !
Dame ! poule mouillée, urubu du bu ru !
Alors le pion cria : « Fi ! (sic) Ni l'incisif
Mat brillant, ni l'échec qu'un Turc du sud crut nu
Ne sauveront ce jeu ! » Fin script, il lit Pirc, snif.
Rimes palindromes monovocaliques, inspirées par
un hexasyllabe échiquéen
(le dernier du poème) que j'avais déjà
envoyé sur la
liste oulipo en réponse imparfaite
à un défi de Jacques Jouet. Ce sonnet respecte en
outre une alternance de rimes vocaliques & consonantiques, et
celles en -u sont suffisantes car il s'agit de
monosyllabes.
L'idée d'enrichir les rimes par une contrainte formelle
remonte au XVème siècle avec les grands
rhétoriqueurs, mais ils se concentraient sur les
effets sonores.
On pourrait imaginer des rimes palindromes pauvres (monosyllabes
gag, Ève, sis, non,
tut), suffisantes (dissyllabes Anna,
été, ici, Otto,
Ubu), riches (cf. ci-dessus), et l'analogue des
holorimes correspondrait aux vers totalement palindromes que la
liste oulipo nous a déjà offerts (cf. notamment
Robert Rapilly,
Jean Roche,
JacquesPerry-Salkow
et
PatriceBesnard).
L'écriture d'un sonnet globalement palindrome est d'une
difficulté encore supérieure (cf. les mêmes
noms plus ceux de
Dominic Bergeron
et Bernardo Schiavetta). Adoucir cette Contrainte des contraintes
en ne l'appliquant qu'aux fins de vers me semble une idée
productrice, même si l'on n'aboutit évidemment pas aux
mêmes tours de force...
22 octobre 2004
Taratantara (sonnet)
ou la fin d'un tyran épicurien et rigolard
Toi, roi, tôt auras tiare haute entourée,
Terre où tu tairas ta rente éthérée,
Tes rôtis, tes rats, ta rate étirée.
Ton rut te tuera tard -- honte tarée !
Tu rotes. Tes reins tirent eau tarie.
Tu romps ton tarin. Tout rate, otarie :
Ta route au torrent t'arrête et te rend.
Antécédents :
« [...] Tas de riz tentant, tas de rats tentés [...] »,
cf. p. 368 de Pour tout l'or des mots de Claude Gagnière.
« Laërte âtre tartra [...] » de Georges Perec,
cf. p. 181 de l'Atlas de littérature potentielle.
Divers oligophonismes ou biconsonantismes sur
la liste oulipo, dont certains en R & T.
Les assez nombreux taratantara de la littérature
(décasyllabes césurés 5/5).
Tarés folios espiègles_
15 novembre 2004
Écrire un texte court sur la
salle
de bains
[contrainte choisie : la naïade n'emploie
que les consonnes liquides L & R]
Ondine
Je terminais l'installation d'un mitigeur thermostatique pour
bain-douche (verrouillage à 38°C, garanti 2 ans si retourné
dans son emballage d'origine) quand j'entendis vaguement : « L'eau alliée à l'air élira la rouille ! »
J'allais rétorquer que c'était de l'inox, mais personne ne
m'avait accompagné au chantier ce jour-là. Je me précipitai
donc vers les toilettes de l'entrée, d'où cette voix fluctuante
avait semblé provenir. Le cabinet était vide. La veille, j'y
avais hâtivement colmaté une fuite, car les locataires d'en
dessous se plaignaient depuis un mois de l'humidité de leur
penderie. En effleurant les tuyaux d'un doigt professionnel,
pour m'assurer de leur étanchéité, je remarquai des rides
au fond de la cuvette.
De retour à la salle d'eau, je trouvai une nymphette étendue
dans la baignoire. Elle fredonnait : « Raoul ouïra le lai oral : Laure l'a élu, alléluia !
Elle le ralliera à la loi ; elle le reliera au
lierre, à l'île, à l'eau, à la lueur aurorale.
Rieur, il la louera : Ouaille liliale à l'oeil
rare, à l'aile irréelle, à l'allure aérée !
Oie à l'oreille ourlée, à l'arrière roulé, à
l'aréole auréolée ! Ô lolo, Oural où l'airelle
a le rôle-roi ! Ô raie, ruelle rurale où roule
le loulou olé olé ! Oui, Raoul ouïra l'aria :
il lira la loi ; il ira à l'eau ; il aura Laure
au lieu où erre l'oreiller ! »
Soûlé par sa litanie, je lui demandai sans ménagement si
elle cherchait les poux et voulait me voir marri. « Oui,
me répondit-elle, l'or reluira où le ru roulera. Le roi lui
allouera le réal, l'aïeule Eulalie le leu,
Aurélie la lire, Léo Euler l'euro. Où Laure
ira, Raoul aura l'or ou l'aloi ! »
Elle me tendit alors un anneau métallique, mais il n'était
pas de diamètre 32. Pour adapter le flexible au mitigeur,
un joint élastomère était de toute façon préférable (à
condition de ne pas trop le serrer). J'envoyai donc son
jonc de laiton dans ma boîte à outils. Elle ulula : « Erreur, erreur, lori éraillé ! L'ère au rire a rué :
Laure raille l'ara leurré ! Le roi Uriel le rouera,
ô roulure à oeillère ! Erre, erre, râleur Raoul !
Le rire à Laure a l'ire ailée ! »
Elle s'échappa soudain par le siphon, dans un gargouillement
tourbillonnaire. J'y enfonçai illico le bouchon de 40. J'allais
enfin avoir un peu de calme pour achever cette salle de bains.
Nous atteignions déjà trois semaines de retard, et
M. Aloysius
Bertrand nous avait prévenus qu'il emménagerait dans l'après-midi.
[Une présentation soignée de ce même texte
est disponible au format PDF (34 Ko)]
Décembre 2004
Mini-palindromes
La soucoupe s'éloigne avec une aisance fabuleuse : et l'OVNI se déracine en Icare désinvolte.
Trop se laver nuit au savon : et l'user net en résulte !
Même en citant les plus beaux exemples, je n'arrive
pas à enseigner la notion de palindrome : et cela idem, mon élève le nomme « dialecte » !
-- Tant de manières pour rien, n'est-ce pas décevant ? -- Si, certes, cela m'a lassé des salamalecs étrécis !
Conseil : Si le livre se repère servile, lis !Tsunamindrome en deux vagues
(non aux stations balnéaires trop précaires) La marina économe du démon Océan ira mal...
et la haute vague, vase de désaveu gavé, tua. Halte !Les mois précédents, j'avais aussi envoyé ces
deux énoncés explicitement drômois pour un jeu sur les
« palindrômes » dans la Drôme :
On s'étonne, dans la Drôme, que le dur préfet d'à côté fasse
construire une prison au lieu de promouvoir la culture fourragère : Ô hérésie ! un roc, à Saillans relaté,
élut sa Grenoble usuel bon ergastule,
et à l'ers n'allia sa cornue Isère, ho !
(Monstrueux jury aimant
les brillantes nouveautés,
sois sourd encore un moment
et tâche discrètement
de fuir les ambiguïtés) Si, ô mordu démon ni sale ni brut,
tu bêles à mon or apatride,
itère l'otite, yéti,
tolère tiédir ta paronomase,
le but turbiné -- las ! innomé -- du drômois.
En janvier 2005, l'Université de Lille a lancé
un appel aux réflexions & aux citations sur le thème
« De la mesure ! ».
J'ai immédiatement souligné que les palindromes sont
particulièrement réflexifs, et j'ai proposé cet
énoncé :
La cuisine méridionale relevée est aphrodisiaque : Le sud en rut connoît ci : « De la mesure ! »,
cette céruse malédiction nocturne du sel.
J'ai aussi rappelé que celui-ci est presque
de Louise de Vilmorin :
La mesure ruse mal.
Voici ce que j'ai répondu en février 2005 aux
amis se souvenant de la date ophycielle de mon anniversaire :
Et si l'âge le mitige, le laïc remercia
le légitime légaliste !
J'ai peu après tenté ce
début de mélodie palindrome :
Sol ré do ré la mi si la ré ut ré sol si ré
mi la la ré la ré ré ré si mi fa ré sol la
do mi sol la la ré mi ré do la ré si mi la :
Ali misera l'ode, rimera l'allô si modal,
l'osera... Fi ! Miserere, râlera la lime.
Ris, loser ! Tuer Ali si mal, éroder l'os...
Ce haïku commenté date de l'été 2005 :
Ce sera perpette,
élever et réussir
ce jeu que j'écris :
suer te révèle et te prépare sec !
Et ce cauchemar du 1er novembre 2005 fait écho
au tsunamindrome d'il y a dix mois :
Sale repos
Être pâle, Cortázar écrit :
« À bâtir ce raz atroce,
la perte s'opère, las ! »
Février 2005
Court poème polysémique
& autoréférentiel
Le pied bot
C'est un lai sans papiers
Dont pourrissent les pieds
Autrefois nous en rimes
Mais vinrent affleurer
Des vers et nous le vîmes
Ce mètre à pleurer
Toujours dans ce genre diogénien, voici un quatrain holorime
boiteux écrit durant l'été 2005 :
Le glaçant limon sort des pavés détrempés.
Se souvient-on du commun chiendent tendre ?
Ce soûl vient, tondu comme un chien, d'entendre
Le glas : « Sans lit, mon sort d'épave est d'être en paix. »
7 mars 2005
Participation à un
recueil collectif
pour fêter le trentième anniversaire d'Estelle Souche,
créatrice de la liste oulipo.
Le texte suivant, vaguement inspiré de F. Wedekind (et
peut-être aussi de Monsieur William de J.-R. Caussimon),
se sert uniquement des consonnes de son prénom mais pas de sa voyelle.
C'est donc un lipogramme en BCDEFGHJKMNPQRVWXZ, contrainte qui finit par
réduire au silence autant le protagoniste que l'écriveron.
L'unique but de la parenthèse finale est de faire mentir le titre.
Mes autres contributions à ce recueil collectif sont accessibles
sur ma page d'hommages oulipiens.
Lipogramme
Louis Sully, alias Aloysius Tolstoï, alliait l'atout loti au
statut loyal. As au loto, il totalisait tout : sous, toits,
autos ; ou aussi atlas, atolls à tatous, îlots à toutous,
oasis itou ! Oui oui oui. Il lisait Allais, aussi.
À l'août, il assista à « Lulu » (Lully ou Lalo ?). Au solo,
l'alto ululait sol, stylisait la, y liait si, osait aussi
l'ut. Aloysius l'oyait, Aloysius la toisait : la lolita
l'attisait ! Au tutti, il sautillait à la Tati. L'alto salua :
tilt, sa loi l'assaillit, lui lia tout os au lasso.
« Suis-la ! » s'ulula-t-il, « Taïaut ! À l'assaut ! ». Il la
tutoya aussitôt : « Tu luis, ô lys, ô lotus, ô lilas ! » La
lolita toussota : « Ouais, laïus à soûl ! (Asti ou stout ?)
Soit tu sais la loi au lai ou à la salsa, soit tu tais tout
lalala ! Tu louas là l'aloyau ou l'ailloli ? Oust, sot
ouistiti ! »
Aussi y alla-t-il à la Titus : il la saisit, l'isola, lui ôta
tutu, tissus, tout, l'alita, la tâta, la titilla, s'allaita au
lolo lilial, la sauta, la souilla. L'alto lutta, lutta, situa
au sol outil ou tuyau ; la lolita l'utilisa, latta, latta...
Las ! Lulu tua Sully au lit. Oui, Louis, tu as tout sali. Oui,
stylo, la loi t'a tu. Oui, toi, tu as tout lu.
Distique holorime bancal (aussi bien du point
de vue prosodique que scientiphyque !) inspiré par
une conférence de physique théorique :
L'athée au ridé corps détestait toute foi.
La théorie des cordes est testée, toutefois.
Dans son brillant roman américain Ella Minnow Pea,
paru en 2001, Mark Dunn décrit un pouvoir totalitaire qui mutile
progressivement le langage. Pour des raisons un peu longues à
résumer ici, les personnages se voient obligés de chercher
un pangramme plus court que le célèbre « The
quick brown fox jumps over the lazy dog » (voir ma
traduction hétéropanphonétique
de mars 2002), et plus exactement de 32 lettres seulement. Ils finissent
par y parvenir, et de façon fort amusante, mais durant ma lecture
de ce roman en août 2005, je me suis rendu compte qu'il existait aussi
une solution évidente. Il suffit en effet d'une modification
minimale de l'énoncé à battre : « Quick brown
fox, jump over the lazy dogs ! ».
Mise au point de ma galerie de pinacogrammes,
c'est-à-dire de portraits dessinés
avec les lettres des noms des dédicataires.
14 septembre 2005
Aconsonantisme initial En septembre 2005,
Alain Chevrier
a décrit sur la
liste oulipo
l'étonnante conséquence d'une lésion cérébrale :
le patient ne peut plus prononcer les consonnes initiales d'aucun mot.
Pour leur venir en aide, j'ai donc réécrit un
célèbre sonnet,
dont l'auteur était lui aussi notoirement dingue.;-) [La brigade anti-hiatus et le club des Alternants déplorent toutefois qu'il
n'ait été une poétesse.]
El Espichado
(Un Exhérédé)
Il est enténébré, ermite inconsolé,
Infant en Aquitaine aux abris abolis :
Un astre unique expire, un archet étoilé
Exhibe une aube obscure aux ennuis accomplis.
Aux enfeus ombragés, apaisant immolé,
Offre un ultramontain océan, embellis
Avec une ancolie un endocarde enflé,
Allie une églantine aux aramons emplis.
Amour ou Apollon ?... Aignan ou Obéron ?
Occiput empourpré en un embrassement,
Il a imaginé un amphibien amant...
Et il a enjambé, altier, un Achéron :
En itérant avec un orphique instrument
Élue exhalant et envoûteuse acclamant.
Édouard Énerval
Avocalisme initial Évidemment,
Nicolas Graner
m'a immédiatement suggéré la contrainte
complémentaire, nettement plus douce,
dans laquelle aucun mot n'a le droit de commencer par une voyelle.
Il a lui-même écrit très rapidement une telle
version du Desdichado, fort voisine de celle que j'ai
indépendamment pondue peu après, copiée
ci-dessous. Nous
avons par la suite combiné nos meilleurs
vers pour la version disponible au bas de
cette page du site de Nicolas.
Lo Desdichado
(Le mauvais sort mais le bon reste)
Je suis le ténébreux, le veuf déboussolé,
Prince des Landes dont la tour fut démolie :
Ma seule nova meurt, car mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui sais consoler,
Rends-moi Posilippo, la Sicile jolie,
La fleur qui fascinait tant mon coeur désolé,
La rose, le raisin que la treille relie.
Suis-je Hélios, Cupidon ?... Qui : Lusignan, Biron ?
Mon front rougit toujours du baiser de la reine ;
Je rêve dans le flot qui baigne la sirène...
Puis deux fois victorieux, je sus payer Charon :
Réitérant sur la lyre du coryphée
De sainte les soupirs suivis des cris de fée.
Gérard de Nerval
Arythmie L'abus de haïkus (un vers, ça va...) provoque un
autre type de lésion cérébrale, généralement associée à
une arythmie primale.
Exemple pondu en cinq « sept » :
Je suis l'assombri, le veuf et l'inconsolé,
Le prince aquitain dont la tour fut abolie :
Mon étoile est morte, et mon théorbe étoilé
Porte un soleil noir glaçant de Mélancolie.
Dans la nuit funèbre, ô toi qui m'as consolé,
Rends-moi Pausilippe et rivages d'Italie,
La fleur qui plut tant à notre coeur désolé,
Et la treille où pampre à l'églantine s'allie.
Suis-je Amour, Phébus ou Lusignan ?... Ou Biron ?
Mon front est rougi du baiser qu'y fit la reine ;
Je rêve en la grotte où nagera la sirène...
J'ai deux fois vainqueur su traverser l'Achéron :
Chantant tour à tour avec la lyre d'Orphée
Les soupirs de sainte et les hurlements de fée.
Shiraniwal
Nicolas Graner
a tout de suite illustré la décomposition inverse,
en dodécasyllabes césurés 7/5.
Les vers à soie
Les vers à soie murmurent dans le mûrier
ils ne mangent pas ces mûres blanches et molles
pleines d'un sucre qui ne fait pas d'alcool
les vers à soie qui sont patients et douillets
mastiquent les feuilles avec un bruit mouillé
ça les endort mais autour de leurs épaules
ils tissent un cocon rond aux deux pôles
à fil de bave, puis dorment rassurés
En le dévidant on tire un fil de soie
dont on fait pour une belle dame une robe
belle également qu'elle porte avec allure
Quand la dame meurt on enterre la soie
avec elle et on plante, sur sa tombe en octobre,
un mûrier où sans fin les vers à soie murmurent.
Jacques Roubaud, « Les animaux de tout le monde » (Seghers)
Comme Robert Rapilly suggérait le « patois »
parmi les langues possibles, je n'ai pas résisté à
la tentation d'appliquer la méthode voyelle+2, mise au point en novembre 2000
pour torturer le Desdichado de Nerval :
Los vors ì sauo
Los vors ì sauo mermeront dins lo mêruor
uls no mingont pis cos mêros blinchos ot mallos
plounos d'en secro qeu no fiut pis d'ilcaal
los vors ì sauo qeu sant pituonts ot daeullots
mistuqeont los foeullos ivoc en breut maeulló
çi los ondart mius ietaer do loers ópielos
uls tussont en cacan rand iex doex pâlos
ì ful do bivo, peus darmont risserós
on lo dóvudint an turo en ful do sauo
dant an fiut paer eno bollo dimo eno rabo
bollo ógilomont qe'ollo parto ivoc illero
Qeind li dimo moert an ontorro li sauo
ivoc ollo ot an plinto, ser si tambo on actabro,
en mêruor aè sins fun los vors ì sauo mermeront.
Plus sérieusement, j'ai écrit ces variations
homovocaliques (phonétiques) le 23 septembre 2005 :
Vanité
Ver à soie
sert à quoi ?
Taire sa voix,
traire la noix ?
Flair à bois
faire la loi :
gère sa poix
à claire voie.
Sa glaire croît ;
plaire à moi,
hier à rois,
à serfs cois.
Mère a froid ?
Fière a droit
à serre, toit,
vair : la joie !
Verre à soi ?
Pierre à toi ?
Suaire a choix ?
Perds ta foi !
À terre choit
ta chair, proie
à vers. Vois :
bière à croix.
Et j'ai proposé une nouvelle contrainte d'écriture
le 5 octobre 2005 : tous les mots doivent comporter au moins un e caduc
[].
Vers à schwas
Cette chenille chuinte, éplucheuse de chêne
elle ne mange aucune exsangue mûre molle
pleine de sucre guère aubaine vinicole
cette douce chenille, esche séricigène
mastique mainte feuille, antienne de sirène
cela calme ; elle tisse, entoure cette épaule
de blanchâtre édredon replet dessus le pôle
le modelant de bave, elle pionce sereine
Je dévide le câble, effiloche textile
cette fibre devient robe de dame belle
noblement revêtue, ointe comme une sainte
Lorsque dame décède, enterre le textile
contre elle, ensuite plante attenant cette stèle
le chêne reprenant : cette chenille chuinte.
Gilles E.-Farèse selon « Bêtes de ce monde » de Jacques Roussebelle
15 octobre 2005
Participation à
un recueil
collectif pour fêter le soixante-dixième anniversaire
d'Alain Zalmanski,
pataphysicien oulipophile collectionneur de casse-tête
et d'acrobaties verbales en tout genre.
3 novembre 2005
Le cancre
(d'après La Fontaine, Prévert et Roubaud)
L'élève est race oisive : il se lève & rassoit.
Pris de fou rire, il ose une supercherie :
« La laitière s'en va-t-en ville et rêve à soi : "Les verrats s'oient grogner dans notre porcherie."
Mais bien vite l'Ève erre assoiffée : "Hélas ! ouah !"
Car la cruche... c'est elle, outre sa gaucherie. "Au revoir vache, veau, cochon laid, vérace oie !" »
Alors le maître et les enfants prodiges rient.
8 novembre 2005
Vers à soie figurés
Poème de 14 vers de 14 syllabes, dont la marge droite
dessine le profil de Jacques Roubaud.
Étirer les vers du nez donne du fil de bave
à retordre !
Les vers à soie
Écoute les vers à soie
murmurer dans ces mûriers
mais non ils ne mangent pas
leurs mûres blanches & molles
pleines d'un sucre onctueux qui
n'engendre hélas point de gniôle
maints vers de soie très patients
grouillant consciencieux douillets
scient puis mastiquent les feuilles
en brouillant leurs bruits mouillés
leur goût fait que tous s'endorment
mais pour ceindre un tour d'épaules
ils vont nouer leurs chauds cocons
bien gros et ronds aux deux pôles
grâce à leurs vrais fils de bave
puis choient sommeilleux drogués
Sur maints dévidoirs l'on branche
les trois cents longs fils de soie
puis l'on choie quelque harmonieuse
femme instruite aux vingt-huit robes
c'est notre oeuvre ample & gracieuse
qu'elle endosse ouais quelle allure
Lorsqu'un jour la dame meurt
Tu enterres l'oeuvre en soie
avec elle et puis tu plantes
près de sa tombe en octobre
quelque mûrier où sans fin
la chenille à soie murmure
Jacques Roubaud (1932-?)
Le douzième hémistiche était initialement
« mais pour ceindre hanche et épaules »,
mais Nicolas
Graner a immédiatement souligné que le h de
« hanche » devrait être aspiré. C'est lui
qui a trouvé la solution utilisée ci-dessus, à savoir
« mais pour ceindre un tour d'épaules ».
2 décembre 2005
Profil d'Étienne Lécroart
Présentation en prose de son dernier album,
trop rapidement rédigée pour avoir le moindre
intérêt littéraire, mais illustrant que
tout le monde n'a pas le même profil
Hier
soir, à la sortie de
l'auditorium où l'OuLiPo avait
révélé ses vies secrètes, nous avons
eu la joie de trouver Étienne Lécroart,
membre éminent de l'OuBaPo. "L'Association"
vient de publier son dernier album, "L'élite à
la portée de tous" (38 pages, 6 euros). Il remet
en scène les trois héros de "Cercle Vicieux" (une
BD palindrome) et "Le Cycle" (histoire à citations,
autoréférences et contraintes multiples). Cette fois
le professeur Fignoteau et ses acolytes recherchent la
recette du best-seller, et expérimentent les poncifs de
la BD traditionnelle, notamment l'érotisme, la peur et
la violence. Ils se déguisent en personnages réalistes
aux ombres travaillées, ou en croquis de manga aux gros
yeux brillants, mais doutent constamment de la réussite
de telles pratiques. Leur autocritique est un vrai régal,
car ils se livrent à de savantes analyses iconographiques
et métatextuelles, qui contrastent avec leurs scènes très
stéréotypées. Mais les tours de force de Lécroart ne sont
évidemment pas absents. Un passage peut se lire aussi de
droite à gauche, comme les mangas. Un autre cache un
message publicitaire verticalement. Une page
double cache avec virtuosité un énorme
portrait de Fignoteau, constitué
par l'ensemble des cases. Un
meurtre achève un record
d'itération iconique.
(Affichez ce texte
en Courier 10)
Gilles
1er janvier 2006
Holorimes dépressifs pour le nouvel an
[bien qu'ils soient présentés comme des vers
libres, il s'agit en fait de quatrains d'hexasyllabes, croisant
leurs rimes plates & embrassées]
L'an te mange le sang.
Lentement je le sens t'étendre dans la tombe.
Tes tendres dents là tombent, vert silicate à combes.
C'est astreint,
quand descend cet astre incandescent vers six lits-catacombes,
à cordeler glaçants accords de laid glas,
s'en allant guider qu'aux lombes alanguies des colombes.
Et des deux mains te plombe nu l'habile froid,
sans nul habit le froissant,
aidé de maintes plombes.
4 janvier 2006
Traductions français-français
Le 30 décembre 2005,
Robert Rapilly a envoyé
dix millions de sonnets palindromes sur la
liste oulipo !
Il s'agit en fait de dix poèmes utilisant les mêmes rimes, et
l'on en obtient 10 puissance 7 en combinant comme on le désire les
dix couples de vers 1&14, 2&13, 3&12, etc., selon le principe
(ici raffiné) des cent-mille milliards de poèmes de Raymond Queneau.
La potentialité littéraire de ces sonnets n'est pas seulement due
à leur grand nombre, mais aussi à la richesse des images qui s'y
bousculent. Il m'a semblé à la fois intéressant et amusant
d'en traduire quelques uns en français plus courant. Robert Rapilly a
lui-même composé une magnifique
version symboliste de son deuxième sonnet de base.
Ma première tentative personnelle s'est attaquée à son
huitième sonnet de base, dont voici l'original :
Être sidéral s'il se marre
Sûr aperçu le lied rasa
Net repas nourrit nem avare
N'inactive le mimosa
Purâna vêt Cid écartèle
Nice démâta nez et nom
Nos sinus nases sa truelle
Telle Ur tasse sans unisson
Montez-en à ta médecine
Le tracé dicte van à ru
Paso mimé le vit canine
Râ va mentir ruons à perte
Nasarde île lucre paru
Serra mes lis la Ré diserte
Robert Rapilly
J'ai cru y déceler une liste de maximes en vers blancs :
Si le Très-Haut se moque,
c'est un signe évident : le poème est mauvais.
Pour avoir la santé, mangez avec hygiène.
Quand il est peu garni, le pâté impérial
peut être accompagné d'un oeuf dur mayonnaise.
L'hindouisme nous sied, Corneille nous torture.
Le soleil du Midi peut vous défigurer,
voire entraîner parfois l'ablation du tarin.
Le travail du maçon dans sa polyphonie
évoque les cités de Mésopotamie.
Portez ce vieux whisky à votre doctoresse.
« Un panier sur le fleuve » ont dit les Écritures.
Cette danse espagnole exprime la rancune.
Révoltons-nous en vain quand Dieu nous trompera.
La Rochelle, estimant le profit humiliant,
enlaça notre roi dans sa grande éloquence.
Mais cette traduction hachée ne rendait pas justice
au sens suivi du poème original, donc j'ai récidivé
cinq jours plus tard en transformant en prose le dix millionième
sonnet palindrome :
Être si damné de ma tiare
Sur appareil l'ocre mussa
Net reptile l'oedème mare
Ni tube ni vide vissa
Pur cas Ramsès s'il sut cisèle
Nivela sa reine guenon
Non gorgé cria la donzelle
Sellez nodal air ce grognon
Non Eugénie ras alevine
Les ictus lisses Mars a cru
Passive divine butine
Râ même d'Éole lit perte
N'assumer collier apparu
Serait âme d'en ma diserte
Robert Rapilly
J'ai compris qu'il s'agissait d'un simple épisode
de notre doulce histoire de France :
Ma satanée couronne perdit son éclat en plein cérémonial. Le courtisan,
véritable alligator sortant à marée haute, ne fixa pas mon sceptre et
ne chercha pas même à détourner son regard vers le ciel. Ah ! si mes
ancêtres avaient vu ce parfait cas d'école ! Il osa comparer le visage
de mon épouse à celui d'un singe.
« Saignez-le, s'exclama-t-elle, et attachez ce râleur à un cheval !
-- Ma mie, ne devriez-vous point l'empoissonner plutôt ?
-- Arès t'inspire des attaques trop polies : ce dieu efféminé flemmarde
comme un papillon ! Au contraire, Phébus saurait même prononcer la
mort du Vent. »
Son éloquence ne cachait aucune pitié : elle lui passa une corde au cou
et l'étrangla de ses propres mains.
Cinq strophes d'une quatorzine monkienne L'oulipien Ian Monk a remarqué fin 2005 une amusante propriété
de la quenine d'ordre 14 : sept distiques à
rimes plates, aa bb cc dd ee ff gg, sont immédiatement suivis d'un sonnet anglais,
de schéma de rimes gaga fbfb ecec dd. Robert Rapilly a quant à
lui repéré qu'une séquence palindrome abcdefg gfedcba
précède les distiques plats. En fait, les deux précédents
schémas de rimes sont également intéressants, ce qui porte donc à
5 les strophes successives d'une quatorzine dont l'ordre des rimes est facile à
comprendre :
1/ dgc bfea cgd aefb : tercet + quatrain puis anacycliques
2/ bdfgeca bdfgeca : deux septains parallèles
3/ abcdefg gfedcba : deux septains anacycliques
4/ aa bb cc dd ee ff gg : sept distiques
5/ gaga fbfb ecec dd : sonnet anglais
Robert Rapilly &
moi-même avons rapidement expérimenté
cette belle structure avec des vers quadrisyllabiques. Mon exemple ci-dessous emploie
des rimes assez riches, telles que le quatrième quatorzain (à distiques
plats) respecte leur alternance et les classe par fréquence décroissante
de leur première harmonique. Pour gagner de la place, je ne passe à
la ligne qu'aux nouvelles strophes, et combine donc les vers
en de plus longs versets. Cette forme me semble présenter en outre un
intérêt pédagogique : illustrer l'élégance
du schéma de rimes des sonnets !
Tu paraîtras étrange et trouble, oeuvre formelle.
J'ai serpenté non sans cahots dans le désordre de l'anarchie.
Chant pêle-mêle, je me dédouble comme un fatras.
Logomachie, tu vas te tordre en ce chaos désorienté.
Désorienté, tu paraîtras en ce chaos étrange et trouble.
Tu vas te tordre, oeuvre formelle, logomachie !
J'ai serpenté comme un fatras, non sans cahots. Je me dédouble
dans le désordre, chant pêle-mêle de l'anarchie.
De l'anarchie désorienté chant pêle-mêle,
tu paraîtras dans le désordre. En ce chaos je me dédouble.
Étrange et trouble, non sans cahots tu vas te tordre comme un fatras.
OEuvre formelle, j'ai serpenté. Logomachie !
Logomachie de l'anarchie,
j'ai serpenté désorienté.
OEuvre formelle, chant pêle-mêle,
comme un fatras tu paraîtras.
Tu vas te tordre dans le désordre
non sans cahots. En ce chaos
étrange et trouble, je me dédouble.
Je me dédouble : logomachie étrange et trouble de l'anarchie !
En ce chaos j'ai serpenté non sans cahots, désorienté.
Dans le désordre, oeuvre formelle, tu vas te tordre.
Chant pêle-mêle, tu paraîtras comme un fatras.
Les verbiages à soirée musardent dans le muscadet
ils ne manipulent pas ces musaraignes blasées et monarchiques
pléthoriques d'un sud qui ne fantasme pas d'alcoolique
les verbiages à soirée qui sont patraques et douloureux
mathématisent les feutrines avec un brûle-parfum moussant
ça les endurcit mais autour de leurs épaves
ils titillent un code ronflant aux deux polichinelles
à filament de béarnaise, puis durcissent ratatinés
En le dévisageant on titre un filament de soirée
dont on fantasme pour une belliqueuse damnée une robinsonnade
belliqueuse égoïstement qu'elle pose avec allusion
Quand la damnée miaule on entortille la soirée
avec elle et on plastifie, sur sa tombola en octosyllabe,
un muscadet où sans finalité les verbiages à soirée musardent
Jean Rouch, « les Anneaux de tout le mongolien » (Ségur)
Les blairs à joie perdurent dans le guerrier
ils ne louangent pas ces chiures franches et folles
vaines d'un lucre qui ne paie pas de khôl
les blairs à joie qui sont souriants et rouillés
astiquent le deuil avec un Q. I. caillé
ça les décore mais autour de leurs guibolles
ils pissent un flacon blond aux deux gnôles
à style de slave, puis chôment conjurés
En le déridant on vibre un style de joie
dont on paie pour une bête flamme une daube
bête fatalement qu'elle lorgne avec bavure
Quand la flamme pleure on itère la joie
avec elle et on chante, sur sa bombe en vignoble,
un guerrier où sans pain les blairs à joie perdurent
Isaac Rimbaud, « les Esquimaux de tout le songe » (Sollers)
Les vers à suie mormorent dans le môrier
ils ne mangent pas ces môres blanches et mulles
pleines d'on socre qoi ne fait pas d'alcuul
les vers à suie qoi sunt patients et duoillets
mastiqoent les feoilles avec on broit muoillé
ça les endurt mais aotuor de leors épaoles
ils tissent on cucun rund aox deox pûles
à fil de bave, pois durment rassorés
En le dévidant un tire on fil de suie
dunt un fait puor one belle dame one rube
belle également qo'elle purte avec allore
Qoand la dame meort un enterre la suie
avec elle et un plante, sor sa tumbe en uctubre,
on môrier uò sans fin les vers à suie mormorent.
Jacqoes Ruobaod, « les Animaox de tuot le munde » (Seghers)
Les animaux à robe mastiquent dans le monde
ils ne murmurent pas ces épaules pleines et blanches
molles d'un mûrier qui ne tire pas d'octobre
les animaux à robe qui sont rassurés et patients
tissent les feuilles avec un fil rond
ça les enterre mais autour de leurs mûres
ils mangent un sucre mouillé aux deux pôles
à cocon de soie, puis dorment douillets
En le dévidant on plante un cocon de robe
dont on tire pour une belle fin une bave
belle également qu'elle fait avec alcool
Quand la fin meurt on endort la robe
avec elle et on porte, sur sa dame en allure,
un monde où sans tombe les animaux à robe mastiquent.
Jacques Seghers, « Les vers de tout le bruit » (Roubaud)
Porte-plume à l'HN
Alain Chevrier a proposé, sur la liste oulipo, une modification
du dernier vers du sonnet en i de
Mallarmé pour faire allusion
aux cygnes morts récemment de la grippe aviaire en Italie :
« Que vêt tué par le H5N1 le Cygne. » Cela m'a donné envie d'inoculer véritablement ce virus au
poème. J'ai rapidement composé un haïku aux initiales
infectées, puis ai davantage travaillé pour imposer
cinq H et un (seul) N dans chaque vers du sonnet mallarméen.
Le châtié, chahuté mais charmant aujourd'hui
Cherche à me déchirer par un coup de hache ivre
Ce loch rêche lâché que hante chez le givre
L'hyalin champ de rochers du schuss macache fui !
Le cygne chleuh d'hier chuchote que c'est lui
Schahhyper-chic mais qui chagriné se délivre
Se fichant de hucher la sphère chaude où vivre
Lorsque du chiche hiver le hic hargneux a lui
Le haut chef hochera cette hâve agonie
Par chaque éther échue au cher harle qui nie,
Mais hors l'horreur d'humus où chair comme heur sont pris
Ébauche qu'au hameau ce flash à schlich assigne,
Il s'inhibe au haschischhostile de mépris
Tcharchaf de l'échappée hélas humble du Cygne.
Gef d'après Stéph5n1 Mallarmé & Ala1n 5hevrier
Le 12 mars 2006, j'ai aussi proposé de chanter ce
poème de circonstance sur l'une des mélodies
composées pour
Un grand sommeil noir de Verlaine (1880),
notamment par
Ravel (1895), Varèse (1906),
Stravinsky (1910),
Vierne (1916)
ou Honegger (1944).
[Ma préférée est la version de
Stravinsky, suivie par celle de Varèse. Ces derniers liens
pointent vers des extraits
de disques chez Amazon & la FNAC, à écouter
avec le logiciel gratuit Real Player.]
Un prompt traquenard
Choit sans thérapie :
Crevez, tout canard,
Crevez, toute pie !
Voici le venin
Éliminatoire
Du H5N1
Sur mon territoire...
Je fuis tout oiseau
Que la faim balance
Dans le caniveau :
Prudence, prudence !
GeV_
19 février 2006
Étude homographique
[alexandrins à rimes alternées,
accumulant beaucoup d'homographes français,
mais sans aucune prétention à l'exhaustivité]
Révolution
« On dit que les félins se tapissent chez eux
Sur les murs, les fauteuils, les paillassons oiseux. »
Nous notions ces notions haussant nos jalousies
Car nous avions en grippe avions et courtoisies.
Nous nous passions de tout, de rations, de passions,
Alors nous intentions des procès d'intentions :
« L'attitude des gens qui ne nous convient guère,
Qui peignent leurs cheveux d'un coloris vulgaire,
Lacèrent leurs souliers pour en faire des tongs
Et fondaient aussi bien des cités que des gongs !
Nous ne les prisons pas, leurs prisons luxueuses,
Leurs dormants réveillons, leur mise en bières gueuses.
Nous nous blasons du cloître où couvent leurs blasons,
Nous toisons leurs toisons et visons leurs visons. »
Tels des gens murs, il eût fallu qu'ils se terrassent,
Ou comme de givrés esquimaux, qu'ils crevassent.
Mais alors nous portions des portions de manteaux,
Souvent nous nous camions dans des camions-ghettos.
« Eh, pigeons ! nous pigeons vos altruismes vides ;
Bientôt nous moucherons ces moucherons avides. »
Travaillant nos dictions, nous dictions aux barons :
« Marrons-nous ; curetons ces curetons marrons ! »
Ils furent attrapés par des fils de la vierge
Sauf peut-être Jésus ; chacun sortit sa verge
Car trop fier pour se fier à quelque parchemin
« Je pense, copiait-on, donc je suis mon chemin. »
Et nos coups plurent tant qu'ils en redemandèrent.
Puis comme des bateaux ils revirent : la terre !
Nous tendons nos tendons et violons leurs salons,
Nous salons leurs rognons et rognons leurs violons.
Ils admirent enfin leur défaite admirable.
Nous bouffons ces bouffons depuis la tête au râble,
Nous poivrons les poivrons et les rayons du plant.
Mais les rayons du jour insolent l'insolent :
L'heur létal est à l'est, et dès lors qu'ils résident,
Les anciens ennemis du président président.
L'ivre chef va corner « Corner, vulgum pecus ! »
Quand trop d'alcools sont bus, mieux vaut rentrer en bus.
Moralité : boutons et rejetons les pontes ;
Les égards d'un parent parent de telles hontes.
Nourrissons aux nichons nos tendres nourrissons,
Mais pistons et filons les cochons polissons.
[Voir aussi mes
quelquesautrestextes
utilisant des homographes]
27 février 2006
Homographes & alternance
[sonnet d'octosyllabes respectant l'alternance des rimes,
de schéma fmmf fmmf mmf mfm
ou bien mffm mffm ffm fmf]
Les pieds du sonnet somnolent
Dans son niais regard convergent
Mais les rais d'un nuage émergent
Tout en irradiant le dolent
Ils cuisent vite l'insolent
La nuance ou le goût divergent
Puis des vers blancs le détergent
Comme les coups du vent violent
Trop de diérèses résident
En ce lieu commun évident
Les rejets sinueux affluent
Sens ou polysémie obvient
À l'imbroglio quoique influent
Les mots et la fin nous convient
Vocabulaire :
doler = aplanir à la hache / obvenir = échoir
dolent = malheureux / obvier = parer
Paraphrase d'une première lecture :
Quand on louche naïvement sur elles, les
syllabes de ce poème restent apathiques.
Cependant la brume laissera place à une
vive clarté qui nous adoucira. Nous sommes
bientôt grillés, car des couleurs & saveurs
nouvelles nous illuminent. Les alexandrins
apparemment non rimés se comportent comme un
produit d'entretien, une tornade blanche qui
nous pénètre de force. Toi qui te complais
dans les poncifs, as-tu remarqué la grande
quantité de semi-consonnes et de tortueux
enjambements ? Une ou plusieurs significations
sont alors restituées à ce chaos, malgré la
présence de vocables rares, et nous finissons
par comprendre.
Paraphrase d'une deuxième lecture possible :
Les syllabes de ce poème en sommeil entrent
dans nos yeux naïfs. La brume laissera
pourtant place à une clarté qui baignera
les affligés. Tout impertinent sera bientôt
grillé, car les saveurs & les couleurs
s'opposeront à ses préférences. Comme une
tornade blanche, les alexandrins apparemment
non rimés vont le décrasser. Tortueuse rivière
des mots, tes poncifs charrient une quantité
exagérée de semi-consonnes, et elles rendent
vains tes enjambements. Une ou plusieurs
significations vont réduire notre confusion,
certes toujours grande, car nous nous sentons
invités par ses termes et surtout son terme.
Fi ! les gloses à poétiser_
60 Douzembre 2005
Voulez-vous savoir ce qu'est une
anagramme de métro ?
[cliquez sur ce lien ou sur l'image
réduite pour accéder au plan anagrammatique]
Y salis météores [08/04/06]
Ô les asymétries :
L'isolé /
Mur créé /
Sen vu (centime de yen repéré) /
Rêtre (ressusciter ?) /
RAMs (mémoires) /
Des otaries /
Prit jeu /
Un astre /
Un saur (hareng) /
Pneu net /
Un plot
Les meufs nues [10/04/06]
Les us enfumés : Ô cil Olympien, Aorte Réputée,
Christ opéré A uriné Pôle laïc. Même l'open Le hait.
« Voulez-vous savoir ce qu'est un anaphone
de métro ? » [22/04/06] Il suffit de
mélanger les phonèmes d'un nom de station,
en généralisant donc la notion de contrepèterie.
Exemples pour la ligne n°1 :
La Défense (Grande Arche) = Fait la danse (Champ de regards)
Esplanade de La Défense = Sa flanelle dépasse dedans
Pont de Neuilly = Dieu nippon
Les Sablons = Hélas blond
Porte Maillot = Myope à tort
Argentine = Ange à tenir
Charles de Gaulle - Étoile = Le glas le déchoit trop
George V = Je singe rock
Franklin D. Roosevelt = Les quinze lourdes ferventes
Champs Élysées - Clemenceau = Il cause aisément, Chancel
Concorde = Corps de con
Tuileries = Tire-huile
Palais Royal - Musée du Louvre = L'adulé pouvoir à muselière
Louvre Rivoli = Ouvrir l'olive
Châtelet = Lâcheté
Hôtel de Ville = L'îlot vedette
Saint-Paul = Le pinceau
Bastille = Ce tibia
Gare de Lyon = Longue draille
Reuilly-Diderot = Oeil aux ris d'hydre
Nation = Son ail
Porte de Vincennes = Vingt sortes de peines
Saint-Mandé = Dans ses mains
Bérault = Beau rai
Château de Vincennes = Chaude veste à nain
« Voulez-vous savoir ce qu'est une anasyllabe
de métro ? » [23/04/06] Il suffit de mélanger les syllabes d'un nom de station,
en restreignant donc la notion d'anaphone.
Exemples pour les lignes 4 & 14 :
Porte de Clignancourt = Clignante cour de porc
Simplon = Plomb sain
Marcadet Poissonniers = Sceau marqua des poignets
Château Rouge = Chat : route au jeu
Barbès Rochechouart = Bar baisse, roche choir
Gare du Nord = Dune hors-Gard
Gare de l'Est = L'oestre de gars
Château d'Eau = Schah d'auto
Strasbourg Saint-Denis = Ni strass de bourse, hein (Strasse : bourre de Nice, hein)
Réaumur Sébastopol = Paul sait : bah, saur est au mur
Étienne Marcel = Celte hyène marrée
Les Halles = Le hâlé (Ah le lait)
Châtelet = Te lécha (Les chattes)
Cité = T'es si...
Saint-Michel = Chez le seing mis
Odéon = Onde et eau
Saint-Germain-des-Prés = Singe erre près des mains
Saint-Sulpice = Ce sein sut le pis
Saint-Placide = Simple acide (De place ainsi)
Montparnasse Bienvenüe = Ce parvenu n'a mon bien
Vavin = Vain, va... (Vint. Va.)
Raspail = Race paille
Denfert Rochereau = Roche rodant fer
Mouton Duvernet = Ton mou ver du nez
Alésia = Allez-y, ah ! (À l'aise, ja !)
Porte d'Orléans = Emporte-les d'ores
Saint-Lazare = L'hasard ceint (Las arsin [malheureusement brûlé])
Madeleine = Laide manne (Laine de mât)
Pyramides = Mi-rapide
Châtelet = Te lécha (Les chattes)
Gare de Lyon = Galion d'heures
Bercy = Cyber [anagramme de Rémi Schulz] (Berce-y / Six bers)
Cour Saint-Émilion = Tes cinq millions courent
Bibliothèque François Mitterrand = Sois franc, mi-oblitérant tes bics
4 avril 2006
Mutilations de bras
Il paraît qu'un chef religieux a ordonné d'arracher un bras
ou une jambe à toutes les poupées des enfants pour éviter qu'ils
les idolâtrent. Sans entrer dans nulle discussion d'ordre théologique,
mais en se restreignant au domaine des contraintes d'écriture auquel
sont consacrées ces pages, il est intéressant de construire des phrases
changeant de sens lorsqu'on leur enlève un « bras ».
Celle-ci passe du concert à la mise à mort :
Exécution ratée : il eût fallu que les archets vi[bras]sent mieux.
Cette autre donne au contraire deux énoncés qui me conviennent :
Synergie : j'aime les [bras]sages de toutes les populations.
Mon troisième essai improvisé n'a aucun intérêt
littéraire, mais illustre une nouvelle fois la contrainte :
Licence de pilote : pourquoi aurais-je attendu que les avions se ca[bras]sent dans le hangar ?
Frédéric Schmitter a quant à lui obtenu
deux énoncés joliment voisins :
Je n'écoute les chansons à la radio que lorsqu'il y a du [Bras]sens.