Gef's Contributions to the Oulipo Mailing List

[0. Classification of the constraints]
[1. Old oulipian page (90s)]
[2. Translation exercises (96-97)]
[3. Miscellaneous constraints (97)]
[4. Oulipian games & poetry (97-98)]
[5. Oulipoetic constraints (98-99)]
[6. Oulipoetry in 1999]
[7. Y2k texts]
[8. Grannets, tanka & Nerval]
[9. Poetry & symmetry (2000-01)]
[10. Sonnets et al. (2001-02)]
[11. Homophonies, anagrams, etc. (2003)]
[12. Combined constraints (2003-04)]
[13. Some original constraints (2004-06)]
[14. New literal constraints & pangrams (2006)]
[15. Holorhymes, pangrams, etc. (2006-08)]
[16. Polysemy & Pastior (2008)]
[17. Collective poems & vocalic sonnets (2008-09)]
[18. Lists & saturation (June-July 2009)]
[19. Anagram pairs, Loyd & Fournel (2009)]
[20. Rhymes, anagrams et al. (2010-11)]
[21. Cut-up, outlaw, Mathews, etc. (2011-12)]
[22. Complex rhymes, multi-lipograms & self-justification (2013)]
[23. Doublets, arithmonyms, alpharhymes, etc. (2014)]
[24. Homoconsonantisms et al., braids, anagrhymes (2015)]
[25. Anagrams, holorhymes, Morse, etc. (2016)]
[26. Rhythm & pangrams (2016)]
[27. Compositions, holorhymes and new constraints (2016-17)]
[28. Syllabic squares, vocalic sequences, music, etc. (2017)]
[29. Paradoxical constraints (2018)]
[30. Extensions of anancograms & other constraints (2018)]
[31. Express palindromes (2018)]
[32. Digrams, mesonyms et al. (2019)]
[33. Intervals, primes, n-grams & Queneau (2019)]
[34. Statistics and prime ASCII art (2020)]
[35. Extensions of HOGs & palindromes (2020)]
[36. Acrostics, rhythm and many other constraints (2020)]
[37. Block designs, neo-gematria, paronyms & boundaries (2020)]
[38. Metatogs, irrational sonnets, neo-sestinas, etc. (2021)]
[39. Prouhet-Thue-Morse, generalized sonnets and other forms (2021-22)]
[40. Architogs, polysympathy et al. (2022)]
[41. Paronyms, protehogs, dichotomy, etc. (2022)]
[42. Tropes and generalized palindromes (2022)]
[43. Block designs, binary gematria et al. (2023)]
[44. New express palindromes and octina (2023)]
[45. Paronyms, surdefinitions & palindromes (2023)]
46. Palindromes, quenines, short forms, intransitivity, etc. (2024)
[47. Recent stuff (2024)]
[Appendix: Homages to a few oulipian friends]


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1er janvier 2024

Voeux en palindrome-express

L'an neuf en Sicile
Promet des bonheurs :
Sans foi ni loi, l'île
Fournit thym & fleurs.

Moralité
Et amoral, rusé, tu as eu l'avenir bel : bonne année !
Enna, en noble brin évalué, saute sur l'aromate.


P.S. du 4/1/24, mettant en scène deux inversions intéressantes
déjà présentes dans cette longue liste de la Saint-Sylvestre

Le feu l'obnubile :
De chaque brasier,
Clovis le débile
Veut se rassasier.

Moralité
Toi, dîne, ignivore mérovingien idiot !

*

Un dessin diaphane
Sur le limon vieux
Tiraille un profane
Entre ces deux dieux.

Moralité
El et Râ : ceci alerte l'amen
noté en argilifère filigrane,
étonné mal-être laïc écartelé.


P.P.S. du 7/1/24

Dur, l'expert en signes
Relie aux cancans
Les élans indignes
Des gens éloquents.

Moralité
Rosse, l'être trop paraverbal à palabre va rapporter tel essor.

*

Ce peuple vénère
Un affreux tibia ;
On ne comprend guère
Son pur charabia.

Moralité
Un totem eh ! promet ce laideron oset
inanité sonore, dialecte, morphème tôt nu.

*

Le sourd journaliste
Hausse l'usé cri
Du soupirant triste —
Vieil auteur chéri.

Moralité
Ce reporter n'oit ce semi-létal céladon, élève
le nodal éclat élimé (section rétro : Perec).

[céladon : amant langoureux]

*

Nous sommes en guerre,
Fougue : tu me tends
Le destin contraire
D'un sombre printemps.

Moralité
Noise : l'élan revêt nègre vide, épopée divergente, vernale lésion.

*

Hurle une sirène
Mais je reste ici
Et te rassérène
D'un geste adouci.

Moralité
Être là et te caresser à cette alerte.

*

Ce bus à vingt faces
Accroît tes soucis
Quand tu te tracasses,
Exclu ramassis.

Moralité
Le tram-là, icosaédral, larde asocial martel.

*

On a mis sa gare
Près du Pont du Gard,
Donc c'est la bagarre
Franche à cet égard.

Moralité
Égarée, Nîmes si disséminée rage.

*

Magique éprouvette
Que m'offrit Satan,
Rends à ma clairette
Sa mousse d'antan.

Moralité
Tube, regazéifiez âgé rebut !

*

Le prophète brique
Ce crustacé mort
Au cours d'eau modique,
Ensuite le mord.

Moralité
Autour, Élisée va lessiver cela : l'écrevisse lavée, si le ru, ô, tua.

*

J'achève un cantique
Grave en étalant
Sa tournure antique,
Moi, le Vert Galant.

Moralité
Ému, en séminifère pépère, finîmes neume.

*

Les questions qu'on pose
Sont à répéter...
Quelle est cette chose ?
C'est ChatGPT.

Moralité
I.A. retâterai.
I.A. réifierai.

*

Ô fumiste, arrête !
Mais as-tu signé
De ta cigarette —
Porte-plume igné ?

Moralité
Eh, paraphe !
Eh, cibiche !

Gef_


10 janvier 2024

Block design (7,3,1) avec les sept consonnes SRTNLCD

L'orphelin
[Les sept consonnes les plus fréquentes en français, SRTNLCD, sont organisées selon un plan de Fano. Chacune des sept lignes de la figure correspond à deux alexandrins consécutifs du poème (de rangs impair puis pair). L'ordre choisi est du même type qu'en 20202023, à savoir NDT / TSC / CRD / DLS / SNR / RTL / LCN, cf. les pastilles colorées avant chaque distique. L'une des difficultés est de respecter un schéma de rimes régulier malgré des graphies différentes.]

        El Huérfano

  Étant d'un teint de nuit, — atone, — inanitié,
        Oint dénué de toit, inondé d'idiotie ;
  A cessé tout succès, — et ce couac associé
        Suscite cet août cuit où ceci te soucie.

  Ce décédé caïd, aide au cadre d'acier,
        Cède d'adouci coeur ce cadeau d'Aricie :
  Le soleil désolé, l'eau, l'île, ou le doussié
        Au dessus du lilas où l'oeil soûl se dessille.

  Suis Éros, sire en or, soeur Sourire ou Néron ?...
        Rosirai sous sa reine insensée ou Sauron ?
  Au trou, la truite trotte et tortille la taille.

        Et relier altier le Tartare tritié.
  Lance la lancinance en canon licencié :
        Ou nuance la nonne ou couine la canaille.

                                                Alessandro Scarlatti

inanitié : mourant de faim
doussié : arbre africain
tritié : contenant du tritium

[Voir aussi ces biconsonantismes de 2019]


18 – 25 janvier 2024

Vers palindromes
[Courts palindromes présentés comme les devinettes des Tablettes du chercheur à la fin du XIXe siècle. J'y ai respecté la tradition des noms propres et des vers isométriques. Les solutions s'affichent quand on passe sa souris sous la ligne de
X répétés.]

Tu balances ton porc, hystérique frangine :
Même en science-fiction, tu connus un auteur
Certes de grand talent mais qui fut tripoteur.
XX XXX, XX XXXXX XXXXXX, XXXXXXX.
En ire, tu vomis Asimov, utérine. (alexandrin okapi)

*

Quand cocos et cathos italiens le critiquent,
Le solitaire auteur le prend pour un échec.
Il fumera beaucoup pendant qu'ils polémiquent :
XXXXXX XXXXXX XXXX XXXXXX XXX.
Cesare Pavese lésé vapera sec. (alexandrin okapi)

*

Ce physicien prétend que de multiples mondes
Coexistent dans leur quantique absurdité
Chaque fois qu'un esprit obserbe un paquet d'ondes
XX XXXX, XXXXXXX XX XXXX XXXXXX.
Et idem, Everett te rêve médité.

*

Surréaliste en chef mon cul ! râle Zazie.
Ton scribouillard, mon pote, est un raté blanc-bec.
Une rame au sous-sol confirme l'hérésie :
XX XXXXX XX XXXXX XXXXXX XXXXXX, XXX.
Ce métro va noter Breton avorté, mec.

*

Un dadaïste un jour tenait une pancarte
Poussant à se conduire en avare rongeur.
Jacques Georges, piteux, ne fut ce tapageur :
« XX XXX, XX XXXXXX », XX XXXXX XXXXXX, XXXXX.
« Et rat, tu agiras », ne pensa Rigaut, tarte.

*

Le premier roi numide a choisi de se battre
Non dans quelque désert mais un lieu de gala,
Un cirque, un hippodrome ou cet amphithéâtre :
X X'XXXXX XXXXXXXXXX XXXXXX, XX. (dodécasyllabe non césuré)
À l'arène Massinissa mènera, là.
Variante en quinze syllabes (leu = loup) : Leu de l'arène, Massinissa mènera le duel.

*

L'oratrice obtint   une enceinte honnête
Pour réconforter   l'argentin public,
XX XXXXXX, XXX  XXXXX XXX (XXX)
Et tentée, Eva  Perón osa (sic)
XXX XX XXXX  XXXXXXX XX XXXXX.
Ici sa sono  repavée et nette.

(les deux derniers vers constituent ensemble un seul palindrome)

*

En commentant   cet auteur satirique
Contemporain   de Jeanne d'Arc, on a
Choqué le monde   orthodoxe et classique :
XXXXXX, XX XX XXXX XXXXXXX.
Annoté, de La Sale détonna.

*

Lorsqu'un jour   ce révolutionnaire
De pastis   et d'ouzo s'avina,
Il devint   soudain pleure-misère :
XXXXX,  XXXXXX XXXXXX.
Anisé,  Lénine lésina. (ennéasyllabe okapi césuré 3/6)

*

Quand il affronte une flopée
De brigands mexicains, fissa
De la pointe de son épée,
XXXXXX, XXXXX XXXXX XX.
Acerbe, Zorro zèbre ça.

*

Lorsqu'à l'Academy française
Entra le grand Jules Romains
En milleu neuf cent trente-seize,
Certains en vinrent presque aux mains :
À ces cons en trop dans la foule
Des immortels, ça n'a pas plu.
« Non, X'XXXXXX X'X-X-XX XXX ?
«    , l'ignare l'a-t-on élu ?
X XXXXXX XX XXXXXXXXX ! »,
Ô girafe de Farigoule ! »,
XXXX XX XXXX XX
Nota le rang IL

Qui dépassait jusqu'au Pont Neuf.
(toute la suite de X ne constitue qu'un seul palindrome)

*

Ce romancier mérite
Legs, prix Nobel, fierté,
Mais dort décontracté :
XXXXX, XXXXX XXXXXX.
Étiré, Hesse hérite.

*

Ce délirant artiste
Aimait sa caméra,
Mais d'un geste anarchiste,
XXXXXXX XX XXXXX.
Arrabal la barra.

*

Quand on reproduit ses portraits, ce poète se sent coté.
XX XX XXXX XXX XXXXXX : X.X. XXXXX X'XXXXXX XXXX. (hexadécasyllabe non césuré)
Et on émit ses toiles : T.S. Eliot s'estime noté.


P.S. du 1/2/24, sans devinette car ce quatrain emploie un vocabulaire peu courant —
outre des rimes toutes masculines. Les deux derniers vers forment un seul palindrome.

Chez nous gringotte   un neuf mais lent guignol
Qui descendrait   du pape Léon X :
Longis sorti   d'énième Médicis,
Ici de même   inédit rossignol.

gringotter : chanter comme un rossignol
Léon X : Jean de Médicis
longis : homme qui agit lentement


P.P.S. du 3/2/24 : vers de pur rien (avec rimes en avion)

Hugo puis Mallarmé prélèvent des phonèmes
En faible quantité de l'archéoptéryx
Afin d'y découvrir l'inspiration du ptyx,
Sème opportunément né menu (trop) : poèmes !


P.3S. du 4/2/24

Mural, Aragon au guano gara l'arum :

Là renégat réséda, L-
[L]es opales, ô snob rose,
Résorbons : ose la pose !
Là déserta général.

[Notez la rime enjambée du premier heptasyllabe, pratiquée par L.A. soi-même.]


P.4S. du 6/2/24 : palindromes adverbiaux, dans l'état d'esprit des vers de pur rien ci-dessus

J'ai demandé que Tjens donne un coup de baguette
Pour ponctuer chacun des « hip hip hip, hourra ! »
Mais la police a fait une contre-requête :
Arno servilement ne me livre son ra.

La chanteuse, aimant tout de façon équitable,
Jouait baroque and roll sur son ukulélé,
Mais le hip-hop sucré n'était pas acceptable :
Elle, impartialement, ne mêlait rap miellé.

En face des votants, cet orateur patraque
Étouffa le renvoi qu'un repas surgelé
Avait occasionné : pour sauver la baraque
Électoralement ne mêla rot celé.

Il m'a fallu parfois réprouver sa conduite
Car jurait en patois ce rustique marmot.
Certes je l'ai puni, mais je voulais qu'ensuite
Tom dialectalement ne mêlât ce laid mot.

En cachant un proton à l'étrange chimiste
Qui se crut africain (c'était sa décision),
Je sus l'embobiner : cet anticonformiste
Noir électivement ne me vit celer ion.

J'ai tant d'appréhension qu'un ver solitaire entre
En moi, que je m'ausculte avec soin : il n'y a
Pour l'instant nul symptôme en mes torse, bas ventre,
Aine : attentivement ne me vit net taenia.

Je consulte un copain thérapeute en urgence,
Mais strict, il me répond ne rien voir d'anormal,
Car même quand il dort, il est sans indulgence :
L'ami sévèrement ne me rêve si mal.

Rigoureux, Guy Lelong songe qu'un pied de vigne
Est moins inattendu que le rien du mistral,
Et quand Gérard Grisey l'imagine, il souligne :
L'art-cep sévèrement ne me rêve spectral.

Le palindrome sait que cet oeil britannique
Le parcourt sans comprendre — à l'instar d'un loris
Dont l'ahurissement est presque tétanique :
« Sir, inutilement ne me lit un iris. »

Le paresseux m'a vu mais il reste de marbre :
Se fondre dans le flegme est pour lui primordial.
Pourtant il est flagrant trop au milieu de l'arbre :
L'aï démesurément ne me ruse, médial.


P.5S. du 7/2/24 : autres palindromes adverbiaux, cette fois en évitant les finales en -ment

L'immense inanité d'un petit conifère
Le révolta peut-être, et cela le guida
Dans un ventre fécond pour un cocon y faire :
Ad infinitum nul, un mutin if nida.

Fitzgerald a chanté pour réchauffer l'ambiance
Lorsqu'elle a hérité d'un grand domaine grec.
Il fallait, dans ce fief sans nulle redevance —
C'est-à-dire d'alleu, qu'Ella déridât sec.

Traverser la rivière avec ma mobylette
Va rendre ce costume et ce manteau fangeux,
Car ne voir presque rien met leur étoffe en jeux,
Et tel gué va là sale, hélas à l'aveuglette.

Ce soldat congolais a ri
De son grade en franglais oral :
Lari, manu militari,
Dira-t-il « I'm un amiral » ?

L'Italien, toujours à se plaindre,
Fut emporté par le cylindre :
La roto gira le rital
À tire-larigot oral.

[Au passage, Louise de Vilmorin avait composé le désormais classique « Eh ! ça va, la vache ? » Une micro-variation employant un adverbe populaire peut le transformer en slogan anti-drogue : « Eh, ça came macache ! » On peut aussi le prolonger pour souligner que même les bovins s'inquiètent des plantes aquatiques : « Eh, ça va, l'algue ? », meugla la vache.]


P.6S. du 11/2/24

La vitesse distend mon durillon local :
La célérité là mal étire le cal.
[Variante un peu plus longue mais moins bien césurée :
La célérité, trop sport, étire le cal.]

Ma progression nickel surclasse ton coup sec :
Ce mi-métal essor rosse l'atémi, mec.

Il fagota sa graisse en un slip de coton.
Noter : ce calecif ficela ce creton.
creton : morceau de graisse

L'esprit vogue sans eau dans cet examen bel,
Les élégances-tests, et sec, nage le sel.

Quel âcre con choisit l'actif et porno gus ?
Suret, un utile X élit un utérus.

Les gars, sachez qu'à poil, ce modèle est sans frein.
Nières, une leçon : noce le nu, serein.
nière : mec

La cocotte au proxo cacha ce corps charnu :
Une cato, mac sec, escamota ce nu.
cato : prostituée
mac : proxénète

Au contrôle d'Éros, le fisc n'est pas tenu :
Une cédule nie, hein, élude ce nu.
cédule : catégorie de revenus

La contrainte éclairée un champagne aviva :
Averti, le carcan nacra ce litre, va.

L'olifant joue en do, l'embouchure s'égare :
Erra ce bec, ah ! corne enrocha ce bécarre.

Nettoyer la murène,
N'est-ce beau comme iris ?
Si, l'écailleur amène
Ma ruellia, ce lis.

écailleur : ustensile pour nettoyer le poisson
iris, ruellialis : fleurs


P.7S. du 14/2/24

Peinait la Muse inverse en un cafard spectral :
L'art sua, noir et las, p'tit psaltérion austral.
[Je me suis souvenu a posteriori que Perec emploie le mot « psaltérion » dans son Grand Palindrome :
« L' (eh, ça !) hydromel à ri, psaltérion. Errée... erre, noir, et la spirale mord, y hache l'... »
Mais mon vers n'est quand même pas tout à fait identique.]

Pour effacer un corps, le vitriol excelle :
Électromédical, tôt l'acide mort cèle.
[De nouveau, les inversions « l'acide médical » et « électrom... / mort celé » sont déjà bien connues.]

Que cette fleur envoûte un légume, on le prône :
Ensorceler, ô belle hellébore, le crosne !
[Une troisième fois, l'inversion « crosne ensorc(elé) » a déjà été trouvée depuis belle lurette, et
le Grand Palindrome de GP contient aussi « Oh, arobe d'ellébore (...) zéro, belle Deborah, ô ».]

Sait-on si Montagnier vainquit la thèse oviste
Et si Luc lamina là l'animalculiste ?

Sait-on si tout est l'oeuvre ad hoc d'un lent styliste
Et si l'aï-ci fit rap artificialiste ?
[avec comme il se doit l' en deux syllabes, contrairement à la synérèse abusive que j'ai osée plus haut]

Quand la fronde se tait, sourd la droite extrémiste,
Et si là n'oit anar, vivra nationaliste.


P.8S. du 19/2/24 : méthode pour construire un sonnet palindrome vaseux.
0/ Avoir la crève.
1/ Lister tous les alexandrins palindromes qu'on a déjà pondus soi-même.
2/ En choisir environ quatorze qui pourraient donner un schéma de rimes régulier.
    S'il n'y en a pas assez, il suffira d'en composer de nouveaux.
3/ Les organiser selon ces rimes, puis inverser l'ordre des premiers hémistiches : celui
    du premier vers passe au quatorzième, celui du deuxième passe au treizième, etc.
4/ Modifier tous les milieux d'alexandrins pour respecter à la fois le mètre et la
    symétrie palindrome.
5/ Choisir une ponctuation faisant croire à un sens vaguement plus suivi qu'il ne l'est.

Ce métro va lier à psaltérion austral
Señor drap, eh cercueil ! Ara nationaliste,
César, épave, tôt ne me rêve si mal :
Ensorceler, ô belle, hep ! artificialiste.

Elle, impartialement, ne me ruse. Médial
Électoralement enlie, ô l'engagiste.
Et si Luc lamina l'oeil, étire le cal,
La célérité lie, ô l'animalculiste.

Et si gagne l'oeil net, ne mêla rot celé :
L'aï démesurément ne mêlait rap miellé.
Et si l'aï-ci fit râpe, hellébore, le crosne ?...

L'ami sévèrement ôté vapera sec,
Et si là n'oit anar à lieu crêché par drones,
L'art sua, noir et las, pareil avorté, mec.


26 janvier 2024

Grannet amincissable
[selon le schéma logique ABCDA / EFGBE / HICFH / JDGIJ que j'avais choisi en juin 2000, mais cette fois en respectant l'alternance des rimes. Si l'on y supprime tous les vers répétés, on obtient le dizain de la colonne de droite]

S'il me faut composer une ode
Pour passer le temps, je noircis
Des lignes de vers épaissis —
Repris selon leur pérïode
S'il me faut composer une ode.

Ce cadre alors je le durcis,
Car en respectant ma méthode,
La volubilité s'érode :
Pour passer le temps je noircis
Ce cadre, alors je le durcis.

Toute rengaine se démode
Et c'est pourquoi je raccourcis
Des lignes de vers épaissis,
Car en respectant ma méthode
Toute rengaine se démode.

Pour finir ces couplets concis
Repris selon leur pérïode,
La volubilité s'érode ;
Et c'est pourquoi je raccourcis,
Pour finir, ces couplets concis.
S'il me faut composer une ode
Pour passer le temps, je noircis
Des lignes de vers épaissis
Repris selon leur pérïode.

Ce cadre alors je le durcis,
Car en respectant ma méthode,
La volubilité s'érode.

Toute rengaine se démode
Et c'est pourquoi je raccourcis,

Pour finir, ces couplets concis.

P.S. du 1/2/24 : grannet d'hexasyllabes en sept huitains (6×7×8). Les vers répétés sont choisis les plus éloignés possible (comme en juin 2000 ou dans mes grannets musicaux de 2017). En y supprimant tous les vers répétés, c.-à-d. les n derniers de la n-ième strophe, on obtient le sonnet birime banvillien (= de Peletier) de la colonne de droite, avec également des rimes aux césures.

Le thème est répété
Maintes fois par principe
Car cela participe
À notre ébriété.
Tout le monde anticipe
Un refrain entêté :
Pour que l'on s'émancipe,
Le thème est répété.

Où que l'on se dissipe,
Au gala décrété
Comme au bal de l'équipe,
Débordons de gaîté.
Puis sans sobriété,
Mangeons à satiété
Maintes fois par principe,
Ou que l'on se dissipe !

Ce chant de variété
Nous est interprété
Tel un stéréotype.
Si le rêve se fripe,
On s'en trouve hébété,
Car cela participe
Au gala décrété,
Ce chant de variété.

Le bonheur qu'on agrippe
Encore est souhaité :
Ô temps, sois arrêté !
C'est pour cela qu'on flippe
À notre ébriété,
Comme au bal de l'équipe
Nous est interprété
Le bonheur qu'on agrippe.

Le moment où l'on ripe,
Impromptu complété,
Reste aussi regretté.
Tout le monde anticipe :
Débordons de gaîté
Tel un stéréotype !
Encore est souhaité
Le moment où l'on ripe.

Partons au casse-pipe
Pour que l'on nous étripe
Un refrain entêté.
Puis sans sobriété,
Si le rêve se fripe,
Ô temps, sois arrêté !
Impromptu complété,
Partons au casse-pipe.

Enfin par vers fêté
Pour que l'on s'émancipe,
Mangeons à satiété.
On s'en trouve hébété.
C'est pour cela qu'on flippe,
Reste aussi regretté —
Pour que l'on nous étripe,
Enfin par vers fêté.
Le thème est répété maintes fois par principe
Car cela participe à notre ébriété.
Tout le monde anticipe un refrain entêté
Pour que l'on s'émancipe ou que l'on se dissipe.

Au gala décrété comme au bal de l'équipe,
Débordons de gaîté, puis sans sobriété
Mangeons à satiété. Ce chant de variété
Nous est interprété tel un stéréotype.

Si le rêve se fripe, on s'en trouve hébété :
Le bonheur qu'on agrippe encore est souhaité.
Ô temps, sois arrêté ! C'est pour cela qu'on flippe.

Le moment où l'on ripe, impromptu complété,
Reste aussi regretté : partons au casse-pipe
Pour que l'on nous étripe, enfin par vers fêté.

11 février 2024

Grandette balladine
La grande ballade médiévale compte trois dizains de décasyllabes de schéma AbAbbCCdCd, plus un envoi de cinq vers CCdCd. Réduisons ces caractéristiques : strophe → verset, hémistiche → mot, syllabe → lettre. Chaque décasyllabe devient donc une suite de deux mots de quatre puis six lettres, la dernière jouant le rôle de rime — par exemple un E si elle est féminine. [En principe, ni le nombre de syllabes ni les sons finals n'importent dans cette forme réduite, mais je n'ai pas résisté ci-dessous à conserver tout de même ces propriétés classiques en plus de leurs réductions.] Les vers refrains terminant les strophes deviennent maintenant deux mêmes mots repris à la fin de chaque verset. Le traditionnel « Prince » démarrant l'envoi peut devenir en quatre lettres un « Chef » ou un « Émir », ci-dessous « Dieu ».

Plan timide pour tester vers rapide, puis poster sans rester
trop tacite : quel licite seul chemin nous invite ? Mais demain ?

Joug rigide peut dicter, bref décide quoi pister donc lister :
leur orbite ivre hérite vrai jasmin, cool pépite. Mais demain ?

Sois lucide : sors quêter luth solide ; pars conter, feux tenter...
Muse, incite voix petite ! Fard carmin, elle excite, mais demain

Dieu limite rime écrite. Tout humain lors hésite : mais demain ?


P.S. du lendemain : petiote balladine, c.-à-d. petite ballade, 3 × aBaBBcBc + envoi BcBc, réduite de façon similaire (strophe → verset, vers → mot, syllabe → lettre). Tous les mots comptent donc huit lettres. Cette fois, j'ai choisi de ne pas terminer chaque verset par le même mot-refrain.

Jaillira Caroline, nourrira magazine :
baratine boniment ? ratatine argument ?

Fournira vitamine, choisira dopamine ?
Dodeline, purement féminine, sagement ?

Inscrira, cabotine ; fleurira, galopine :
entérine sûrement sonatine — rudiment.

Baladine, joliment illumine agrément !


17 février – 18 juin 2024

Chanson des rues
[L'association Zazie Mode d'Emploi a proposé à la liste oulipo de récrire ce poème de François Caradec en respectant les contraintes que l'on veut. Voici quelques variations personnelles.]

Si rue est la bonne,
Le rush y case art :
S'y ruer ! L'abonne
L'heureux chic hasard.

Là, d'octave nue,
Chantez le mambo,
La docte avenue,
Champ tellement beau.

[sélénet holorime]

*

En sortant de notre masure
Sans nous imposer de programme
Chantons cette ville chérie

Il ne sert à rien de choisir
Les chemins que nous parcourûmes
Bifurquons quand ça nous plaira

Laissons décider le hasard
C'est ainsi que nos refrains riment
Les anciens quartiers et les rues

[terine berrychonne]

*

        Mes airs des rues à Paris triste

        Prenez une rue au choix tard
en sortant de chez soi cette voie est plus drôle
        ceci n'est pas un fruit de l'art
à Paris la plus belle inspire un air qu'on miaule.

        Tout chemin rime bien ainsi
et chacun sera mis en refrains qu'on colporte
        tous les cours nous ont dit merci
oui merci de ce chant qui peint la ville morte.

[La transcription du titre en morse donne  -- . ... / .- .. .-. ... / -.. . ... / .-. ..- . ... / .--.- / .--. .- .-. .. ... / - .-. .. ... - .  qui fournit le schéma syllabique du poème, chaque point donnant un monosyllabe, chaque tiret un dissyllabe.]

*

        Prends une rue au hasard
Sortant de chez toi  la première est la bonne
Ici la plus belle  est celle qu'on fredonne

        N'y vois un effet de l'art
        Chaque route rime ainsi

On en fait des airs  qu'on chante dans les rues
        Chaque route dit merci

Merci de chanter  les villes disparues
        (D'après Caradec François
        Poème « Chanson des rues »
Recueil « Le brouillard  urbain que je perçois »)

[Métatog 7+11+11 + 7+7 + 11+7 + 11+7+7+11 : hog dont le total de syllabes des t premiers vers est toujours premier, quel que soit le nombre t impair. Ça reste un hog quand on le tronque à l'un des sauts de strophe.]

*

Chant des rues

Pied,
Toute
Route
Sied.

Goûte
Sans
Doute
Chants.

Dîmes
Rimes.

La
Ville
File
Là.

[monnet, c'est-à-dire sonnet de monosyllabes]

*

        Chanson pour chiens des rues

        Au pif vers herbe ou boulevards,
n'errant en plan chez soi, la fatigue élut ronde
        qu'inspire la Muse — ô ses arts ! —
plutôt belle à Paris pour qu'une harpe on ponde.

        Car à mêler sylphide au front,
maint refrain tinte, impro d'oiseaux, remède aux rues :
        tous nous piaillent et m'y loueront
place idoine au chic roble en la cité courue.

[Poème pour chiens (invention de François Caradec) : des noms de chiens célèbres ou courants sont sous-entendus phonétiquement dans chaque vers, à savoir dans l'ordre Pif, Boubou(l)e, Rantanplan, Gai-Luron, Muzo, César, Pluto, Belle, Pompon, Caramel, Fido, Rintintin, Azor, Médor, Snoopy, Milou, Placid, Croc-Blanc et Lassie.]

*

        Chaire des queues
        Chaise des queux
        Chaleur des raies
        Chambre des RAM
        Chance des roies
        Channe des roues
        Chanson des rues

        Poudrez une rouille au harpail
        Pouillez une roupe au harpeau
        Pourprez une rousse au harpin
        Poussez une rouste au harpon
        Poutsez une route au harrier
        Prêchez une ruche au harviau
        Prenez une rue au hasard
en solvant de hors toi la précieuse est la blanche
en sombrant de par vous la précise est la blèche
en sommant de pour eux la précoce est la blême
en sondant de sous lui la précuite est la blèse
en songeant de sur moi la préfixe est la blette
en sonnant de vers nous la prégnante est la blonde
en sortant de chez soi la première est la bonne
        ce n'est pas un écrou de l'air
        ce n'est pas un écu de l'ais
        ce n'est pas un écueil de l'an
        ce n'est pas un édam de l'août
        ce n'est pas un éden de l'arc
        ce n'est pas un édit de l'ars
        ce n'est pas un effet de l'art
la jà barbe à Pardeux est celle qu'on fragmente
la moins barje à Pareds est celle qu'on fraîchit
la moult basse à Pareid est celle qu'on framboise
la non bath à Parence est celle qu'on franchit
la pas beige à Parent est celle qu'on franchise
la peu belge à Pargnan est celle qu'on francise
la plus belle à Paris est celle qu'on fredonne.

        Toutes les queues rauquent topless
        Toutes les queux règnent toujours
        Toutes les raies renflent vraiment
        Toutes les RAM rentrent vulgo
        Toutes les roies restent adonc
        Toutes les roues rêvent ailleurs
        Toutes les rues riment ainsi
on en coud des refaits qu'on cercle par les queues
on en craint des refends qu'on cerne pour les queux
on en croit des refils qu'on cesse sous les raies
on en cuit des reflets qu'on chable sur les RAM
on en dit des reflex qu'on chaîne vers les roies
on en doit des reflux qu'on change chez les roues
on en fait des refrains qu'on chante dans les rues
        toutes les queues dealent menton
        toutes les queux diaprent mentor
        toutes les raies dictent menu
        toutes les RAM dièsent méplat
        toutes les roies diguent mépris
        toutes les roues dîment merbau
        toutes les rues disent merci
menton d'avoir cerclé la vieille démanchée
mentor d'avoir cerné la vielle demeurée
menu d'avoir cessé la vierge déramée
méplat d'avoir chablé la vigne dérayée
mépris d'avoir chaîné la vigueur dérivée
merbau d'avoir changé la villa devisée
merci d'avoir chanté la ville disparue.

[merluche Brussolo
mérule Bukowski
merveille Buzzati
merzlota Calderón
mésange Calvino
mesure Canesi
méthode Caradec
avec des X+1 fonctionnels à la Queneau au lieu des S+7 originels de Lescure]

*

Ému poème pour tous les itinéraires

Prends donc quelque route au hasard
la première déjà s'avèrera la bonne
non point le moindre effet de l'art
sa somptuosité céans on la fredonne

Maints vieux chemins rimaient ainsi
en un vocalisé refrain parmi la rue
maints vieux chemins disaient merci
merci d'avoir loué la cité disparue

[isocélisme en vers hétérométriques]

*

        Écheveau des rues

Comment choisit le banlieusard ?
        D'hab, hasard.
Quelle est la route qu'il fredonne ?
        Mettrons « bonne ».
Que riment les autres ainsi ?
        Ah merci !

Car dans la ville disparue
Sa mélancolie a grossi
Et son chant cuivré tonitrue —
Bazar, mais trombone amer, si.

[ovillejo homophonique]

*

Bricolez vite « on en fait des refrains » pour citer « en des gwokas joyeux » : on sait que l'humble pangramme échafaudé lui est vital.

(Vague luthiste, remplacez « on en fait des refrains » par « en des gwokas joyeux » afin d'obtenir ce chimérique total vu, miel absolu !)

[panscrabblogramme avec les initiales FC comme jokers, décrivant une pangrammisation minimaliste à la Chevrier]

*

Les desseins du raifort

Vantez ce bourricot à visée ahurie.
Nous quittions l'estimé benêt quand nous offrit
La laitière un grand coeur, comme une centurie
De soldats épuisés, et dans l'état d'esprit

D'un lointain descendant de la vierge furie
D'Orléans, dessinant des anges dont on rit.
Ce flamand gode anal fut la mise mûrie
D'un Breton dévêtu quand sa chanson reprit.

Le plomb chinois létal peut-être on glorifie.
Des squelette et disette encore on se méfie
Quand les fonds transformés ont perdu le motif

Gauche des cumulus, déchiffrant la graphie
Des lettres d'un Germain, décent ciseau chétif
Effaçant tout gambiste en sa blême atrophie.
        Cranson (ses vues)

        Prônez âne, vue du hagard.
On sortait du cher sot : ma crémière eut sa bonté
        de l'ost las en Effel (né d'Arc).
Le plug belge y parie : pst ! celte nu, oh fredonna.

        Doutes des tués aiment Xinsi,
os et faim, les re-crains où or change, sans ces vues
        tortes des nues, lisent Merck.
Merck, l'ovoir chaste, ta viole disparut.

[L'obscur sonnet de la colonne de gauche, aux rimes en -i, est la traduction du texte de celle de droite, modifiant une et une seule lettre de chaque mot du poème de Caradec (paronymes).]

*

Un jour   un poète   à Paris
Tentant   d'incertains   safaris
        Se perd   dans des rues
        Aux moeurs   incongrues
Dès lors   ses talents   sont taris

[limerick]

*

        Leitmotiv de l'asphalte

        Optez pour un trajet au sort
s'extirpant du logis le choix princeps est juste
        il n'exige guère d'effort
c'est l'exquis qu'à Lutèce on gringotte et déguste.

        Moult voie en hymnes a migré
en jingles qu'on fourbit sans nulle paralipse
        chaque chemin nous en sait gré
rend grâces d'exalter l'oppidum qui s'éclipse.

[Contrainte « Canada Dry » (promue par François Caradec) : ça a la sonorité d'une contrainte dure, ça a la lourdeur d'une contrainte dure, mais ce n'est pas une contrainte dure.]

*

        Juge l'O.K. rue illico :
Si de chez toi tu sors, au premier trajet pense.
        Vive un pop style off ou rock, oh !
Imagine à Paris l'asphalte qu'on nuance.

        Vos cours font du chahut béat :
Arrive un air depuis aboyé dans l'impasse.
        Or nul vif jogging ne va froid.
Brame l'ad hoc cité que notre siècle efface !

[Les deux quatrains sont indépendamment des hétérodigrammes, c.-à-d. ne réutilisent aucune paire de lettres successives, même entre mots et vers.]

*

Chanson si s'interrompit maxi-métropole

        La loi simple ois : aime ton monde !
Pars, sors d'ici, ce choix transcrit tes volontés.
        L'art point sied, n'oint vaine Joconde.
Chanson t'inspirent toits, Paris, et sont contés.

        La voirie oira rime, ô comme
À colibris enjoint — antiennes l'on commet.
        La voirie oit : Affligeons l'homme,
S'abolit ville dont il sait gré son sommet.

[Chaque ligne emploie dans l'ordre les mêmes treize voyelles que l'« Aboli bibelot d'inanité sonore » de Mallarmé, bien que les vers alternent octosyllabes & alexandrins.]

Trois boucles intransitives formées par les mots-rimes des strophes & de l'ensemble

*




Graphe de tous les gains entre deux des huit mots-rimes

        Intransitivité des rues

        Choisis sans être furibard
une rue : en sortant, la première est la bonne.
        Est-ce indigne de Léonard
si l'on trouve plus beau ce que rien ne jalonne ?

        Tous les chemins riment ainsi —
on en fait des refrains dont notre âme est férue.
        Chaque boulevard obscurci
nous sait gré de chanter l'aire réapparue.

[Les mots-rimes de chaque strophe et de l'ensemble forment des cycles d'inégalités
intransitives, par exemple : furibard > bonne > ... > réapparue > furibard.]




P.S. du 18/10/24 : solénet, c.-à-d. sélénet dont les deux strophes sont des
sonymes (quatrains dont les vers comptent successivement 4, 4, 3 et 3 mots)

Prends donc une rue
Tout peut se tenter
Est-elle incongrue
Ose la chanter

Car les chemins riment
En des airs datés
Leurs grâces expriment
D'anciennes cités


5 mars 2024

Caradec & Carret : dés
[S'inspirant du même poème de Caradec que ci-dessus, Alexandre Carret a proposé une exploration poétique aléatoire & collective des rues de Paris. Mon propre tirage m'a fait tourner à gauche dans la rue des Deux Ponts au moment où Alexandre partait à droite sur le pont Marie. Voici le quatrain holorime que cette rue m'a inspiré.]

Faute, ô ma tombola ! Se court rue des Deux Ponts
L'heureux flair, ami fier, amant tors à la Muse.
Photomaton beau là, secouru d'aide, ponds
Le reflet ramifié ramant. Or, ça l'amuse.


P.S. du 7/3/24 (à 0h pile), jour où les dés d'Alexandre ont choisi d'avancer de quelques pas dans la rue des Nonnains d'Hyères

Célébrons, en passant la rue des Nonnains d'Hyères,
Les quatre-vingt-huit ans du grand Georges Perec,
Sans oublier, pourtant sans fiertés cocardières,
Qu'Estelle Souche est née au même jour — tie-break !
(Car c'est elle en effet qui créa notre liste
Avec David Monniaux et Philippe Bruhat
Selon l'état d'esprit volontiers formaliste
Du Lionnais : il fallait que chacun s'y ruât.)


17 mars – 1er mai 2024

Contraintes de théorie des graphes appliquées à des paires de lettres


3 avril 2024

Rimes voilées décroissantes
[Chaque vers sous-entend la dernière syllabe du précédent, comme s'il s'agissait de rimes plates de vers isométriques. Le mètre diminue donc progressivement, de quatorze à une seule syllabe. Passez votre souris sur le poème pour afficher les homophonies sous-entendues — parfois proches d'holorimes.]

El Descartado
(Le Diminué)

Je suis le ténébreux,   le prince à la tour abolie,
Gloire mortelle et luth   au renom s'assoupissant.
Toi qui m'as apaisé   soucis, pietà jolie,
Rends-moi la treille où tant   l'ana tu ressens,

Le mont napolitain   que des commères
Fleurissent de rosiers,   et l'effet
Vague enfin qui vaut mille amères
Nuits quand mon coeur plaintif est.

Suis-je un avatar, d'ores ?
Effleurant maman
Assez, tu dores

L'aliment
Qu'on fore,
Laure.




[Gloire morte, et l'élu   tôt renonça, sous pissenlits.]
[Toi qui m'as apaisé,   sous six pieds ta geôle issant,]
[Rends-moi la treille où tant   la nature s'enlie,]

[Le mont napolitain   que des commerçants]
[Fleurissent de rosiers,   et l'éphémère]
[Vague enfin qu'y vomit   la mer. Fait]
[Nuit, quand mon coeur plaintif aime ère.]

[Suis-je un avatar d'Orphée]
[Effleurant ma mandore ?]
[As, es-tu dormant ?]

[La limande or]
[Conforme en]
[L'aurore.]

[Voir aussi cette excellente réécriture de la Chanson des rues de Caradec par Daniel Fabre, et ce poème d'Alexandre Carret selon la même structure que ci-dessus]


P.S. du 7/4/24 : au lieu de ne sous-entendre que la rime précédente, chaque vers sous-entend maintenant toutes celles qui le précèdent. Le nième vers voile donc ses n–1 dernières syllabes. Passez votre souris sur les quatrains pour afficher les homophonies sous-entendues.

Maria Casarès aux troquets
Appréciait les martinis
Qui tel Albert Camus
L'enviraient & co.

Son confesseur l'admonesta
Néanmoins : Est-ce l'amant ?
Ains attends les complies,
Le démon vous a !

Maria Casarès aux troquets
Appréciait les Martiniquais
Qui, tel Albert Camus, niquaient,
L'enviraient & communiquaient.

Son confesseur l'admonesta
Néanmoins et se lamenta :
Hein, Satan les complimenta ?
Le démon vous alimenta ?

Autre idée : diminuer le premier mot-rime d'une syllabe à chaque vers mais sans rien sous-entendre. Voici un exemple reprenant le verbe final du premier quatrain ci-dessus.

Le prêtre a communiqué :
Si le juge communie,
Ta peine sera commue
En simple prison & co.

[Voir aussi ces réponses d'Alexandre Carret]


7 avril 2024

Sonnet abécédaire
[Les acronymes de l'alphabet, appelés abécédaires, sont récemment revenus à la mode sur la liste oulipo. Après nos abécédaires rimés de 2007 – 2009, cela m'a donné envie de tenter un sonnet régulier.]

Avec bienveillance,
Ce durcissement
Étend flamboyance
Généralement.

Héritage immense
Jésuitiquement
Kife luminance,
Mange nutriment.

Oulipiennes pages,
Quels rafistolages
Se travailleront ?

Une véridique
Weltanschauung xérique :
Yeux zigzagueront.

[Voir aussi cette réponse d'Alexandre Carret]


11 – 19 avril 2024

Participation aux « tripalins » d'Éric Angelini
[listes palindromes de trois noms présentées comme des rébus. Les longueurs des noms ou groupes nominaux sont indiquées entre parenthèses. Ci-dessous, je commence par un « dipalin », c.-à-d. deux substantifs seulement, et je termine par un « heptapalin », étendu in fine à trente noms d'animaux, c.-à-d. un « triacontapalin ». Les cinq premiers sont monovocaliques en E, et les quatre suivants respectent « la rigidité de l'okapi » (alternance consonne-voyelle). Certains sont difficiles, car ils emploient des mots volontairement longs, donc voici les solutions retournées si vous y tenez.]

Palindrome monovocalique formé de deux noms
(6+9)

*
Palindrome monovocalique formé de trois noms
(5+6+6)

*
Palindrome monovocalique formé de trois noms
(8+7+4)

*
Palindrome monovocalique formé de trois noms
(9+6+6)

*
Palindrome monovocalique formé de trois noms
(6+7+9)

*
Palindrome formé de trois noms
(5+8+2)

*
Palindrome okapi formé de trois noms
(6+8+3)

*
Palindrome okapi formé de trois noms
(6+8+3)

*
Palindrome okapi formé de trois noms
(3+3+11)

*
Palindrome formé de trois noms
(2+8+5)

*
Palindrome formé de trois noms
(6+8+7)

*
Palindrome formé de trois noms
(5+9+7)

*
Palindrome formé de trois noms
(9+8+8)

*
Palindrome formé de trois noms
(3+10+6)

*
Palindrome formé de trois groupes nominaux
(5+10+6)

*
Palindrome formé de trois groupes nominaux
(6+10+7)

*
Palindrome formé de trois noms
(8+11+3)

*
Palindrome formé de trois noms
(5+11+9)

*
Palindrome formé de trois noms
(5+14+8)

*
Palindrome formé de sept noms d'animaux
(3+4+4+5+5+4+4)

*
Palindrome formé de trente noms d'animaux
(3+4+4+4+4+4  +  3+8+4+4+7+5  +  8+3+3+4+6+5  +  5+3+3+4+7+3  +  5+5+5+4+4+4)

*
*   *

P.S. : Ces trois rébus palindromes dévient des règles d'Éric Angelini
et sont indéchiffrables, donc j'en donne immédiatement les solutions.

Palindrome formé de trois noms
(2+11+5)
Aa, moureillier, Uomaa.

*
Palindrome formé de deux groupes nominaux
(16+7)
Télémètres à laser, Temelet.

*
Palindrome formé de trois groupes nominaux
(5+17+13)
Ségas, sa prédécesseresse, céder-passages.

*
*   *

P.P.S. : deux triplets de toponymes, le premier citant les 18 lettres
d'un village sri-lankais, le second atteignant une somme de 35 lettres.

Palindrome formé de trois toponymes
(8+18+3)
Sawa Yiti, Pahalawalahapitiya, Was.

*
Palindrome formé de trois toponymes
(9+16+10)
Sare Mórsô, Labalaba-labalaba, Los Romeras.

[Voir ce message adressé à la liste oulipo pour deux variantes du second, respectivement monovocalique en A et selon la rigidité de l'okapi, puis trois autres solutions un peu plus courtes. Voir aussi mes précédentes listes palindromes de toponymes.]


P.3S. des 9 au 12/5/24 : Dans le même genre visuel j'ai proposé la notion de fanom : un plan de Fano de digrammes illustrant sept substantifs. C'est extrêmement contraint, donc difficile à construire, mais d'autant plus facile à résoudre. En voici deux exemples.

Dans ces deux messages adressés à la liste oulipo, j'ai posté une bonne vingtaine de nouveaux tripalins employant au moins un mot long (entre 8 et 15 lettres) et très difficiles à résoudre. Voici juste le nom de 15 lettres :

Palindrome formé de trois noms
(15+2+4)
Côte-des-Neigiens, ed, étoc.

J'ai repéré à cette occasion qu'une locution nominale figée de 24 lettres peut être inversée pour former un palindrome. Bien qu'elle emploie plusieurs mots, elle dépasse donc mon précédent record citant un mot de 19 lettres.

Le pirate en un songe a trouvé l'or princier
Donc il n'écoute aucun marchand de plan grossier.
Moralité
N'oit, agi Vane, de carte de tracé de navigation.

[Le Grand Robert précise qu'en philosophie, « être agi » signifie subir une
influence par laquelle le comportement que l'on a est entièrement motivé.]


21 avril 2024

Hommage à la très sensible oulipote Annie Hupé, pour son anniversaire


26 – 27 avril 2024

Abécédaires syllabiques
[Louis Couturier a proposé à la liste oulipo une variante des abécédaires, où les 26 lettres de l'alphabet ne démarrent plus les mots mais les syllabes successives. En voici trois de ma plume, sans hiatus entre les mots ni E caducs entre voyelle & consonne. Le second en argot est en fait aussi un abécédaire classique, car il n'emploie que des monosyllabes. Les deux autres évitent les liaisons avant les voyelles de l'abécédaire, comme Louis le recommande. Le dernier tente d'employer le plus de mots possible, ici 34.]

Conseils vestimentaires
À brocardée en fringue (« Haïk junk, eh ! »), lme néo-piqûreuse trie un vrai wax : « Ayez-en ! »

Obsession d'un colistier
À bout, ce dard en feu Gab hait-il ? Je ken la meuf nue, ô pouf qui rit sur ton urf vit. Wow, X y zieute !

Quels oiseaux clament leur bonheur
De posséder l'arbre ou la fleur ?
Que tes grands flots, rétro nature,
Érodent port et nef obscure !

Au bruit, c'est d'oie et fou geai :
« Haie, if, ... j'ai. Kitch, l'on m'oit. » N'aie
oh ! pas qu'un ru : s'y troue
un vieux wharf, xir yacht, zou !


1er mai 2024

Quenine littérale
[Alexandre Carret a relancé la très dure contrainte des gidouilles littérales sur la liste oulipo (proche des impers pers de novembre dernier), et Rémi Schulz en a proposé une élégante présentation. Ci-dessous, j'ai tenté une 35-ine littérale mettant en scène le biblique roi Nemrod (cher à Bernardo Schiavetta), auquel Dante attribue une langue incompréhensible — cette fois engendrée par la permutation de Queneau-Daniel à partir du troisième vers. Dans l'image de droite, le premier vers se lit en suivant le bord du triangle, et le deuxième selon l'ordre standard des lignes.]

Ah ! cruel perd otite, carie automne à sec. Ô çà,
Aa-choc creuse Alep. Nemrod tout — aïe — tierça :

« Aa, car ce hiot, ce ciræ, tu uso et adlœr, p.m. né
Eanam, c'par re-coëlh dia otte co-esçui urtæ,
[...]
R poeite : Caen, Urtd. L'Cauet CEO AOCs m'a air, eh !
H-rep roie aïat mesc. Ça oëa nouer ctt de Luca. »
...................................A
 A................................C
  H..............................O
   C............................C
    R..........................E
     U........................S
      E......................A
       L....................E
        P..................N
         E................M
          R..............O
           D............T
            O..........U
             T........A
              I......E
               T....I
                E..R
                 CA

P.S. du 3/5/24 : nouvelle tentative à peine meilleure,
cette fois sous forme de 30-ine littérale

Ô néanmoins là tira lilial dressoir
Roi Noé, sas. Nemrod, il nasillait, liar :

« Rraoï ! Il n'toie as l'al s'inséam N.R. Loid
D'rir, ô alor inim l'anet soniie sal-sal
[...]
Aïa, air, oie, alt-N. Noé olrldsr sliismn
N'ami saïaiilr s'ori, se dallrtl no-néo. »
..............................R
 O...........................I
  N.........................O
   E.......................S
    A.....................S
     N...................E
      M.................R
       O...............D
        I.............L
         N...........A
          S.........I
           L.......L
            A.....I
             T...L
              I.A
               R

P.P.S. du 4/5/24 : troisième tentative sous forme de 29-ine
littérale inverse (29 étant encore un nombre de Queneau).
C'est cette fois le deuxième alexandrin qui se lit sur le bord
du triangle, et le premier dans l'ordre standard des lignes.

Anuitée en Nimrod, tester poet. Un Râ
Nie en mots épeurant : ortédrine tua.

I em teer not Dieu at, n'RER tau psonen
Étentiut Rrâ, poënn sut Énæ : do ré mi
[...]
À ARN nuuit tee, œper n'entis mer Tod.
.............................A
 N..........................U
  I........................T
   E......................E
    E....................N
     N..................I
      M................R
       O..............D
        T............E
         S..........T
          E........R
           P......O
            E....T
             U..N
              RA

anuiter : assombrir
Nimrod : autre graphie du babélien Nemrod
poet : poète anglais
 : dieu égyptien
épeurer : effrayer
ortédrine : médicament excitant


8 mai 2024

Alternance paradoxale
[sélénet à rimes
fmfm fmfm comme il se doit, jouant sur le fait que la même
graphie peut être féminine ou masculine selon les verbes & leurs temps]

Les humains étaient
Les mythes qu'ils croient.
Aux prêtres ils paient
La dîme où qu'ils soient.

Je crains que les voient
Maints démons qui raient
« Que ces âmes choient ! »
Leurs sorts les distraient.

[Voir aussi cette brillante réponse d'Alexandre Carret]


16 mai 2024

Sextine carrollienne
[Robert Rapilly a proposé & illustré une variante des quenines, dans laquelle les mots-rimes changent d'une lettre à chaque étape, constituant donc des doublets de Carroll comme en mars 2011. Il a en outre imposé la surcontrainte que chacun des mots-rimes compte le même nombre de lettres que l'ordre de la quenine. J'ai respecté ces règles dans mon adaptation du Desdichado ci-dessous, en choisissant aussi un mètre des vers égal à cet ordre, c.-à-d. des hexasyllabes pour cette sextine. Comme en 2017, j'ai choisi l'ordre d'Arnaut Daniel pour la tornada finale. On peut noter que deux des septuplets employés se relient dans cette tornada, à savoir « prince-grince-gringe-bringé-bridge-bridée-bRisée » et « twiste-triste-trisse-crisse-caisse-baisse-bAisée ».]

El Sexticarroll

Je suis le désolé, —
Le sombre aux amours veuves
En Gironde, — le prince
À la tour abolie.
Mon destin va crever
Comme un luth qui ne twiste.

De cette tombe triste,
Ancêtre désodé,
Ressurgis pour crêter
Non des caprices veules,
Mais la rose abélie
Chère à mon coeur qui grince.

Suis-je morose ou gringe
Si mes désirs je trisse :
Songerie abêtie
Que la Muse décode
Sous les volutes seules
D'une étoffe crètée.

Dans une arche frétée
Au voilage bringé,
J'ai croisé de noirs saules
Dont la souffrance crisse.
Durant cette décade
Encor je m'abêtis...

Après ces abatis,
Plaquant sur une frette
Ma royale récade,
Je fus vainqueur au bridge
Et remportai la caisse —
C'est ainsi que tu saunes.

Fuient ces illusions saines
D'écus sans amatis
Lorsque ma vision baisse...
Alors mes yeux je frotte :
Ma folie est bridée
Dans une humble rocade.

Vitraux saints qu'en la grotte
Amatit ma brisée
Foi baisée, ô tocade !

[Voir aussi les terines carrolliennes qu'Annie Hupé a écrites en mars-avril 2011 — sans la surcontrainte du nombre de lettres choisie par Robert Rapilly. Elles s'inscrivaient dans notre exploration des rimes carrolliennes de cette période, dont notamment le « défi du sonnet carrollien » lancé par Nicolas Graner.
Le même Nicolas a aussi inventé fin 2015 la notion de « sextine glissante », dans laquelle les mots-rimes changent progressivement de genre. Plusieurs autres variantes de quenines ne reprenant pas strictement les mots-rimes ont également été illustrées, dont celle employant des rimes berrychonnes proposée par Michel Clavel, et dont voici quelques exemples de ma plume.]


18 mai 2024

Quneines dyselxiques
[Parmi les cinq types de paronymes que ce superbe programme de Nicolas Graner traite, les anagrammes, les ajouts ou suppressions de lettres et les doublets de Carroll ont été exploités pour rendre les quenines moins statiques. J'essaye ci-dessous la dernière, consistant à échanger deux lettres adjacentes, et qui est de loin la plus rare : c'est en effet un cas
très particulier d'anagramme. Le mètre et le nombre de lettres des mots-rimes coïncident de nouveau avec l'ordre de la quenine.]

Plus de lei ?
Bah tant pis,
Vois ce rai !

La ria
Boit la lie,
Bouche en psi.

Grâce au spi,
On ira
Sur l'autre île.

*

« Mets dans la maie
Juste de l'orge.
Oui, vraiment pure,
Sans quoi c'est nase.

Si tu tiens l'anse,
Ma bonne amie,
Tu vas puer »,
Lui lance l'ogre.

Il est très gore
Et tous les ânes
Sont morts de peur,
Mais elle l'aime.


P.S. du 21/05/24 : Ayant trouvé huit quadruplets de mots de huit lettres reliés par de tels échanges de deux lettres adjacentes (ce qui était peu probable !), j'en ai tenté ci-dessous une octine les employant tous, puisque la permutation de Queneau-Daniel d'ordre 8 cycle après quatre itérations, 12345678 → 81726354 → 48513762 → 24687531 (→ 12345678).

Camaraderie

Mon collègue était nagélien.
C'était risqué quand nous sarpions
Car il s'engluait de caragnes.
Sa scie un jour se décranta
Sur un nid de méloïdés.
« Mais il fallait que tu pilasses
Sans arracher les péronies ! »,
Lui dis-je alors en repilant.

Il me répondit, repliant
Son outil de type angélien :
« Est-ce que moi, je péronise,
Bordel ? » (Certes nous saprions.)
« Exigeai-je que tu pliasses
Tes leurres de pêche aux caranges,
Ou chantai-je des mélodies
Pour qu'ensemble on les décrânât

Et qu'ensuite on les décarnât ? »
Je ne me suis jamais replaint.
Dorénavant je mélodise
Une ritournelle angeline
Pour nous soustraire à ses carnages.
Du Lot à Gap, dans la pernoise
Campagne nous taillons des plaisses
Et des vignobles asprions.

À l'entente nous aspirons,
Freinant tout heurt en décarant.
Je redoutais que tu pâlisses
Lorsqu'un parquet on replanit,
Ou qu'on se fît une perniose
Dans la froide terre meldoise.
Mieux vaut accomplir les cranages
D'engrenages à l'agneline.


P.P.S. du 22/05/24 : quinine à mots-rimes de cinq lettres reliés par l'échange de deux lettres adjacentes

Hère

Tu n'as pas de blase.
Tu cueilles des guars
Près d'une borie
Et d'autres abris
Où tu te ridas,

Rêvant de riads
Où te rendre en balse
Ou mieux en baris.
Y viendraient des gaurs
Pour manger & boire.

Dans un gros boier
Tu ferais des raids :
« Je veux du garus
Et des grains sans bales »
Est l'air que tu brais.

Longtemps tu brias
Quelques fruits d'obier
Pour pêcher des ables,
Jà sans un radis
Sur les quais des graus.

Du blé tu gruas.
L'âge te brisa
Et plus tu n'ardis :
Il faut obéir
Aux sabliers albes.


19 mai 2024

Noème
[Sextine en hexasyllabes, à mots-rimes hexagrammatiques changeant d'initiale à chaque strophe,
comme dans la contrainte de Delmas. La tornada suit encore l'ordre d'Arnaut Daniel.]

Les trop communes routes
Que d'innombrables foules
Ont déjà souvent prises
Ne disent rien qui vaille
À l'Oulipien de souche —
Pour l'art banal peu tendre.

En pensant pis que pendre,
Il aime laisser toutes
Les normes sur la touche
Et distordre les moules
De ces pierres de taille
Pour conformistes frises.

Fuyant leurs muses grises
À la saveur de cendre
Face auxquelles on bâille,
Il préfère les joutes
Et les volutes soûles
D'une sextine louche.

Sur le papier il couche
Des couplets irisés
Aux mots-rimes roulés
En spires, qui vont rendre
Les vers comme des voûtes
Construites maille à maille.

Quand un lecteur le raille,
Il ne prend pas la mouche
Car il sait que les doutes
Sont de salubres crises :
Il continue à fendre
Les courants et les houles.

Toutefois si des goules
Décèlent une faille
Digne de ce qu'un gendre
Éructe de sa bouche,
Ses élans sont brisés
Au lieu d'être goûtés.

Coules-tu dans la douche,
Paille aux focs arisés,
Sans vendre l'or des soutes ?


P.S. du 25/05/24 : nouveau Desdichado sous forme de quinine en pentasyllabes, à mots-rimes de cinq lettres dont celle du centre change ici de strophe en strophe. Les deux derniers vers sont polysémiques : soit les mages portent un bas-relief artistique en plus de leur élégante cape, soit une créative droguée grogne avec eux parce que les contraintes formelles la gomphlent.

Cadre carré

Dans la noire brume
Mes fiefs sont rayés
Ma chance canée
Et mes lyres mates
Hument du sarin

D'un gîte en sapin
Nocturne je brame
Aux consolants mânes
Rendez-moi les rades
Leur côte cavée

La vigne calée
Entre un mont sabin
Et des roses rares
Dont le teint de brome
Cause larmes males

J'ai rêvé de mares
Où s'était casée
Une femme-brème
Franchi le salin
Styx avec des rames

Puis chanté les râles
D'étincelants mages
Vêtus de satin
Et d'une camée
Artiste qu'on brime

[Voir aussi cette quinine berrychonne de septembre 2021]


P.P.S. du 26/05/24 : quinine bi-latine. La deuxième lettre de chacun des mots-rimes (de cinq lettres) suit la permutation de Queneau-Daniel d'ordre 5, et les quatre autres lettres la permutation inverse. Leur superposition constitue un carré bi-latin orthogonal
            A1 B2 C3 D4 E5
            E2 A4 D5 B3 C1
            C4 E3 B1 A5 D2
            D3 C5 A2 E1 B4
            B5 D1 E4 C2 A3

dans le cas présent
        mâche bêche dîmes mores pures
        bûche mares pores dèmes miche
        mires dûmes mèche pares boche
        dômes pires bâche muche mères
        pères moche mûres biche dames

Morne Marne

Récoltant la mâche
Avec une bêche
Pour l'offrir nous dîmes
À nos frères mores
Ces plantes sont pures

Quand l'étranger bûche
Aux abords de mares
Suant de tous pores
Trop loin de ses dèmes
Tends-lui quelque miche

L'abri que tu mires
Jamais nous ne dûmes
En vendre la mèche
Ainsi tu te pares
De l'invasion boche

Les tirs que leurs dômes
Lancent sont les pires
Fuyez cette bâche
Entrez dans la muche
Protéger vos mères

Et pleurer vos pères
Dont la guerre moche
Prit les heures mûres
Personne ne biche
Au Chemin des Dames

[Voir aussi cette quinine bi-latine de mai 2021, en cinq vers au lieu de cinq strophes]


P.3S. du 30/05/24 : connerie phynale sous forme de carré quadrilatin. Les 25 mots ci-dessous (dont dix toponymes, hélas) sont tels que la première lettre se déplace de strophe en strophe selon la quinine 12345 → 51423, la deuxième selon le carré de cette permutation 12345 → 35214, la troisième selon son cube 12345 → 43152 (c.-à-d. le carré de l'inverse), et la quatrième selon son inverse 12345 → 24531 (c.-à-d. sa puissance quatrième). Notez que les mots-rimes comptent ici quatre lettres, en référence aux quatre carrés latins mutuellement orthogonaux — et non plus cinq comme plus haut, reproduisant l'ordre de la quenine. Voir ces explications pour les nombreuses propriétés d'un tel carré quadrilatin.
        rire luni tala sodo Metu
        madi Relo Suru lita Tône
        tuto mora lède Rânu Sili
        sena Tidu rôti mule laro
        Lolu saté mino Téri Ruda

Déshonneur

Ah, laissez-moi rire
Des troubles luni-
Lupins d'un tala
Qui tait la sodo
Subie à Metu.

Un plant de madi
Reçu dans Relo
Le mène à Suru.
Notre homme en lita
Pour en vendre à Tône.

Suivant le tuto,
Il prit du mora
Non loin d'une lède,
Et fuit à Rânu
Puis jusqu'à Sili.

Presque on le sena
Un jour à Tidu :
« Tu seras rôti,
Ô tête de mule »,
Fut dit en laro !

Plus tard, à Lolu,
On mit du saté
Sur ce saint mino...
Souillé vers Téri
Autant qu'à Ruda.

[Voir aussi cette quinine quadrilatine de mai 2021, selon quatre contraintes littérales simultanées, ainsi que mes précédentes illustrations pangrammatiques (en 2018) & oumupiennes (en 2019) de ces quatre carrés latins mutuellement orthogonaux.]


30 mai 2024

Englyn
[Desdichado sous forme d'englyn unodl union, y compris les complexes allitérations
de la cynghanedd galloise — que j'avais déjà tentées en 1998 selon un autre mètre]

Seul, inconsolé, volé prince triste,
        Ce luthiste insolé
Se clamait camisolé
Sans double, déboussolé.


1er juin 2024

Limerick autodescriptif
[Traduction de celui-ci de John Irwin, transmis à la liste oulipo par Éric Angelini. À chanter sur l'air de Popeye. Le premier vers serait grammaticalement moins tordu (et rimerait plus richement avec le dernier) sous la forme « Pour qu'un  limerick  inspire », mais ça s'éloignerait de l'original.]

Pour un   limerick   écrire,
Deux vers   sont rimés,   ô lyre ;
        Le trois   est moins lourd,
        Le quatre   aussi court,
L'ultime   est souvent   le pire.


2 – 18 juin 2024

Formes fixes courtes

Haïku japonais (5/7/5) d'après Bashô

Dans le vieil étang
Une grenouille bondit
Clapotis de l'eau

*

Limerick anglo-saxon
(ici 2+3+2 / 2+3+2 / 2+3 / 2+3 / 2+3+2 sur l'air de Popeye)

Un gars   visitant   l'étang
Croit voir   un poisson   (un tang)
        Dans l'eau   qui clapote.
        Il va   dans la flotte...
C'était   un orang   -outang.

*

Englyn gallois (5+5 / 6 / 7 / 7)

Lès ce vieil étang, le temps lent se mouille.
        La grenouille en sautant
Laisse tinter l'eau : s'entend
L'instant, tant s'agrémentant.

*

Monostiche français (6+6)

Une grenouille plonge au sein du bruit de l'eau

*

Pantoun malais (ici 4+6 / 4+6 / 4+6 / 4+6)

Au vieil étang   bondit une grenouille
Et son plongeon   produit le bruit de l'eau.
Lorsqu'à tes pieds,   belle, je m'agenouille,
Mes profonds pleurs   sonnent tel un mélo.

*

Sijo coréen (3+4+3 / 3+4+3 / 3+5+4)

L'heure est calme   au vieil étang   sous la lune.
Mais soudain   une grenouille   a bondi
Et mon coeur   noyé d'émotion   s'est emballé.

*

Landay afghan (9/13 à non-rimes en -ma ou -na)

Souviens-toi du lac de Maïmana :
Des grenouilles y plongeaient ; la guerre les gomma.

*

Ghazal persan (ici 4+6 / 4+6 / 4+6 / 4+6)

L'amant visite   en dolence le trouble
Et vieil étang ;   le silence le trouble.

Comme son coeur,   une raine balance
Entre deux fleurs ;   son bond lance le trouble.

[À titre hystórique, voici une précédente version
en octosyllabes, trop peu respectueuse des règles :


Au vieux marais où luit de l'eau
Qu'un canal a conduit, de l'eau

Une grenouille soudain fuit
Et l'on entend le bruit de l'eau.]

*

Ovillejo espagnol (8/3/8/3/8/3 // 8/8/8/8)

Quel est ce lieu sans tintamarre ?
        Une mare.
Quels éclats nous envisageons ?
        Des plongeons.
De quoi s'alimentent nos trouilles ?
        De grenouilles.

À peine amorçons-nous les fouilles
Qu'un coassement tout petit
Lance l'alerte, et retentit
La mare en plongeons de grenouilles.

*

Demi-sélénet farellyen (5/5/5/5)

Dans la vieille mare
Un crapaud bondit
Et cela démarre
Le bruit d'eau prédit

*

Monnet (1/1/1/1 // 1/1/1/1 // 1/1/1 // 1/1/1)

Scène
à
la
Seine :

Raine,
va
là,
saine !

Bon
bond,
libre.

Son
son
vibre.

*

Médaille hupéenne (5/7/5)

Plongeon de rainette
Le nénufar se retourne
Un bruit d'eau naîtrait

*

Épigramme (ici 8/8/8/8)

Pour inspirer sa Pastorale,
Ludwig se promène aux étangs,
Mais quand un crapaud saute, il râle :
Je le vois bien mais ne l'entends.

*

Triolet (8/8/8/8 // 8/8/8/8)

Quand longtemps je reste en silence
Et sans bouger au bord d'étangs,
Se décuple ma vigilance
Quand longtemps je reste en silence.

Si quelque grenouille s'y lance,
La moindre ride d'eau j'entends
Quand longtemps je reste en silence
Et sans bouger au bord d'étangs.

*

Sonnet vocalique (ici iaai/iaai/eeo/uou)

Gris marais gît ; la rainette lors chut : plouf !

*

Strophe de chanson d'automne verlainienne (4/4/3/4/4/3)

Au vieux marais
L'âme sans rets
        Vagabonde
Quand un crapaud
Cause un clapot
        Emmi l'onde

*

Lai (5/5/2/5/5/2/5/5/2)

Le vieux marécage
Nous présente un sage
Tableau.
Un crapaud sans âge
Saute en un sauvage
Rouleau.
Le son se propage
Aussi prompt qu'il nage
Dans l'eau.

*

Première ou dernière strophe de Djinns hugoliens (2/2/2/2/2/2/2/2)

La mare
Qui luit
Démarre
Un bruit :
La flotte
Clapote ;
La lotte
S'enfuit.

*

Strophe de rotrouänge écartelée (3/1/6/3/1/6/4/2/8)

      Au marais
          Très
  Calme à l'habit de rouille,
      Je mirais
          Près
  D'un lis une grenouille.
    Elle se grouille
        De trouille
Et saute en un clapotis frais.

[Voir aussi ces brillantes réponses des oulipotes]


8 juin – 8 juillet 2024

Intransitivité
[Louis Couturier a proposéillustré sur la liste oulipo une nouvelle classe de contraintes, exploitant l'intransitivité de lancers de dés. Si chaque mot est considéré comme un dé à autant de faces que de lettres, chacune portant le nombre de points correspondant au rang alphabétique de la lettre, alors deux mots peuvent être mis en compétition. Celui qui remporte le plus souvent la partie est considéré comme gagnant, ce qu'on peut noter avec un signe supérieur « > ». Par exemple, on trouve qu'en moyenne, le mot « art » gagne « fil », ce qu'on note « art > fil ». De même, on trouve « fil > feu ». Mais on a pourtant aussi « feu > art », donc cette relation n'est pas transitive : on a une boucle d'inégalités ! J'ai ci-dessous illustré quelques applications de cette contrainte.]

Tout d'abord une médaille dont les trois mots-rimes constituent un tel cycle. L'inversion syllabique de cette forme est souvent incompatible avec ces cycles, donc on n'est pas loin d'une contrainte paradoxale. Par exemple, l'infinitif « mâcher » et son verlan « schéma » ne peuvent jamais faire partie d'une boucle de longueur 3, donc j'ai dû conjuguer le verbe ci-dessous. En revanche, ces deux mots peuvent entrer dans une boucle de longueur 4, comme l'illustre la seconde variante.

Triangle des mots-rimes

L'Oulipien mâchait
l'intransitif affûtage
d'un roulant schéma

(mâchait > affûtage > schéma > mâchait)

*

Carré des mots-rimes

Vas-tu nous mâcher,
fée à l'intransitif cycle,
l'inverse schéma ?

(mâcher > fée > cycle > schéma > mâcher)

*

J'ai ensuite expérimenté une version monstrueusement dure de cette contrainte, dans laquelle chaque mot perd en moyenne devant le suivant, et bien sûr le dernier devant le premier pour que l'ensemble forme une boucle. C'est si difficile qu'il m'a fallu laisser passer une faute d'alternance et un e caduc entre voyelle & consonne, en adaptant seulement le premier quatrain du Desdichado.

                        Desdicho
Je suis un vaporeux, — gueux zig, — incontrôlé,
Sâr cabus d'Aquitaine au building démoli :
Mon unique sort tue violoneux postulé
Suivant lazzi prôné par sa gauche Folie.
                                                            Aragon

(Desdicho < Je < suis < ... < Folie < Aragon < Desdicho)

*

Ma troisième illustration (le 9/6/24) est bien plus douce : seuls le titre & les mots à la césure forment un cycle de longueur 15. Le mot « retour » du dixième vers y fait allusion. Attention, les flèches du graphe sont orientées dans le sens de l'inégalité >, c.-à-d. ici l'inverse de la lecture. Ce graphe souligne en rouge la boucle globale et celles formées par chacun des deux quatrains.

Graphe de tous les gains entre deux des quinze mots en gras

Le Déshérité

Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé,
Le dévasté deux fois par la Mélancolie.
Rends-moi le Pausilippe et mon luth constellé,
Sainte aux nocturnes cris dans ma tour abolie.

À présent modulant maint soupir désolé,
Jadis battait mon coeur pour la mer d'Italie,
Le soleil et la fleur qui m'avaient enjôlé —
L'aster que Lusignan sur la treille rallie.

Suis-je Amour ou Biron ?... Un Prince ou le Phénix ?
Lorsque m'a consolé le retour de la reine,
J'ai chanté comme Orphée un hymne de sirène.

Ce rêve me plaisait : j'ai traversé le Styx
Depuis mon Aquitaine en gagnant le trophée,
Et le front rouge encor du baiser de la fée.

(Déshérité < ténébreux < fois < ... < Aquitaine < encor < Déshérité)

*

Un sélénet (du 10/6/24) démontre qu'une boucle intransitive de mots-rimes est possible, bien que difficile donc de nouveau proche de la notion de contrainte paradoxale.

Graphe de tous les gains entre deux des huit mots-rimes

Certes je l'assume,
Mon ami Pierrot :
Prête-moi ta plume
Pour vivre en héraut.

Nul art ne rapporte
En restant au pieu.
Mon envie est forte
D'être un boutefeu.

(assume > Pierrot > plume > héraut > rapporte > pieu > forte > boutefeu > assume)

*

Le 11/6/24, j'ai appliqué cette idée aux rimes de notre sempiternel Desdichado, en réduisant le mètre pour moins abuser de la patience du liseron. Les huit mots-rimes des quatrains constituent une boucle intransitive, ainsi que les six des tercets, et c'est aussi le cas pour l'ensemble des quatorze. Le second graphe illustre que beaucoup d'autres cycles existent.

Trois boucles intransitives formées par les mots-rimes des quatrains & des tercets


Encore un cyclothymique

Je suis le prince inconsolé
Au deuil qui se démultiplie :
Du noir, mon luth auréolé
Porte toute la panoplie.

Bienfaiteur qui fus immolé,
Guéris-moi de cette épulie
Graphe de tous les gains entre deux des quatorze mots-rimes Et de ce coeur déboussolé
Sombrant dans la coprophilie.

Suis-je fort comme un percheron ?
Mon rêve est qu'Éros réapprenne
À fuir la colle néoprène...

Vidant le Styx au cuilleron,
Je chante une ronde truffée
De soupirs et de cris d'Orphée.




(quatrains : inconsolé > démultiplie > auréolé > ... > déboussolé > coprophilie > inconsolé
tercets : percheron > réapprenne > néoprène > cuilleron > truffée > Orphée > percheron
sonnet complet : inconsolé > ... > coprophilie > percheron > ... > Orphée > inconsolé)

*

Le 13/6/24, j'ai tenté une adaptation du sonnet en X de Mallarmé en employant les mêmes rimes rares. Notez la présence de deux « phoenix » de sens différents. Le graphe souligne en rouge la boucle globale, ainsi que les triangles intransitifs formés par chacun des tercets, l'hexagone que constitue leur union, et le décagone donné par le second quatrain suivi des deux tercets.

Allégorie intransitive
Graphe de tous les gains entre deux des quatorze mots-rimes
Son vaporeux cocon tissé par maint bombyx,
L'Angoisse, ce minuit, transparaît apivore,
Car le Maître a cueilli des dattes de phœnix
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore :

Un rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore,
Aboli bibelot tombé dans son hélix
Devant la véranda qu'un spectral reflet dore.

Nul ptyx sur la crédence en le miroir, encor
Que, dans l'inane oubli d'un disparu major,
La constellatïon nue obnubile et s'ixe.

Or, un cadre agonise au vide corridor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,
Dans le scintillement fauve de fructidor.

(bombyx > apivore > phœnix > ... > nixe > fructidor > bombyx)

*

Le 16/6/24, j'ai traduit la Chanson d'automne de Verlaine en imposant des inégalités cycliques à la fois pour les 18 mots-rimes du poème complet et pour les 6 de chacune des trois strophes. Ces quatre boucles sont mises en valeur en rouge sur le graphe. Il se lit comme précédemment dans le sens trigonométrique, mais les flèches sont orientées dans le sens de l'inégalité >, donc conformément à l'heure qui avance évoquée par le poème.

Chanson intransitive
Graphe de tous les gains entre deux des quatorze mots-rimes
Ne muselons
Les violons,
        Sonotone !
L'âge arnaqueur
Vient en dragueur
        Monotone.

Me remarquant,
Me débusquant,
        Sonne l'heure —
J'en disconviens,
Musiciens,
        Et je pleure.

Je me sauvais,
Le fiel buvais...
        Qui m'exhorte ?
L'ombre ulula
Qu'autant vola
        L'herbe morte.

(poème complet : muselons < violons < sonotone < ... < vola < morte < muselons
chaque strophe, par exemple la première : muselons < violons < ... < monotone < muselons)

Graphe des cycles décrits entre certains groupes de mots-rimes

*

Le 23/6/24, j'ai légèrement modifié les Voyelles de Rimbaud, en indiquant par des trémas les assez nombreuses diérèses conformes à sa prononciation du XIXe siècle. Les graphes soulignent en couleurs 9 cycles d'inégalités intransitives satisfaites par les mots-rimes (parmi beaucoup d'autres que vous pouvez repérer à l'oeil nu sur le second schéma) :
— en rouge le cycle global des 14 mots-rimes, avec toujours la convention que les flèches sont dans le sens de l'inégalité >, donc ici dans le sens inverse de lecture :

        vielles < latentes < dégoûtantes < bisexuelles <
        mécontentes < continuelles < sensorielles < battantes <
        hybrides < Piérides < pagailleux <
        oranges < étranges < officieux (< vielles)
— en orange chacune des quatre strophes indépendamment ;
— en violet les deux quatrains ;
— en jaune si l'on élimine la première ou la dernière strophe ;
— en vert quand on les élimine toutes les deux, c.-à-d. qu'on ne conserve que les deux strophes centrales.
Notons qu'en revanche, les deux tercets ensemble ne constituent pas une telle boucle intransitive, car
officieux > hybrides dans le même sens que les flèches rouges.

Vielles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : vïelles
Graphe de tous les gains entre deux des quatorze mots-rimes Des timbres, je dirai vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches dégoûtantes
Qui bombinent autour d'algues bisexuelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs mécontentes,
Lances des glaciers fiers, fraîcheurs continuelles ;
I, pourpres, sang craché, fêtes sensorïelles
Dans la colère ou les ébriétés battantes ;

U, cycles, vibrements divins des mers hybrides,
Paix des pâtis semés de frustes Pïérides
Dont les Muses ont tu les refrains pagailleux ;

O, suprême Clairon, contre-pied des oranges,
Silences traversés de ses strideurs étranges :
— O, rayon vïolet du Verbe officïeux !

*

Graphe de tous les gains entre deux des quatorze mots-rimes

Pour finir, j'ai illustré le 8/7/24 qu'on peut imposer un cycle d'inégalités intransitives pour tous les triplets de mots-rimes consécutifs — y compris en considérant que le premier vers suit le dernier. Ils sont soulignés en orange sur le graphe. Ce sonnet reprend la structure des Cent mille milliards de poèmes de Queneau, en évitant les rimes pauvres et celles qu'il avait déjà employées. En le combinant à ces quatre précédents sonnets, cela multiplie le nombre de poèmes possibles par environ 300. Remarquant que la somme gématrique de ce sonnet vaut 6066, Rémi Schulz en a proposé ce titre de valeur 600 : « Le six mille six cent soixante sixième sonnet hérétique ».

Le traître accuse à tort la reine du striptease
pour cacher ses erreurs et ses us amoraux
il sait vaincre un jury que la vengeance attise
on est pris dans ses rets comme des passereaux

Exploitant de chacun la moindre convoitise
qu'on ressent pour les stars aux éclats sidéraux
traitant Mata Hari d'espionne il prophétise
un message est cousu sur ses bas fémoraux

Dans sa diffamation le capitaine flotte
on se met à douter bientôt on le boycotte
ce colon semble abject comme un gros intestin

Le félon subira des procès réciproques
l'âge t'infectera de mortels pneumocoques
et puis pour le salut de ton âme tintin


P.S. du 14/6/24 : Louis Couturier a proposé comme variante de considérer les strophes d'un poème comme des dés portant sur chacune de leurs faces un nombre de points correspondant aux nombres de mots de leurs vers. On peut alors imposer que chaque strophe perd en moyenne devant la suivante, et la dernière devant la première afin d'obtenir de nouveau un cycle d'inégalités intransitives. La plus petite solution que j'ai trouvée pour les strophes d'un sonnet est {1,1,4,4} < {1,2,2,5} < {2,2,3} < {1,3,3} (< {1,1,4,4}), où ces chiffres donnent les nombres de mots par vers. En voici une illustration volontairement minimaliste, avec un mètre aussi court que possible et en conservant l'ordre précis de cette solution (alors qu'il aurait été possible d'ajouter un même entier à tous ces nombres, ainsi que de les mélanger au sein des vers).

Graphe de la plus petite solution intransitive pour les nombres de mots des vers d'un sonnet

Rengaine

Renaisse
Bavard
L'oud d'art
Qu'on n'esse !

Finesse
À part,
Trop tard
L'ut n'est-ce ?

On oit
Le doigt
D'un barde :

Encor
N'y darde
Pas d'or...

oud : luth oriental
esser : calibrer les ouïes d'un instrument de musique
oit : présent du verbe ouïr
darder : lancer une flèche


P.P.S. du 15/6/24 : terine triplement intransitive.
— Les strophes comptent successivement {4,4,7} < {4,5,5} < {3,5,6} (< {4,4,7}) mots.
— Les longueurs des mots sont de {3,3,3,5} > {3,3,3,4} > {3,3,4,4,4,3,3} (> {3,3,3,5}) lettres dans la première strophe, {6,5,3,3} > {5,3,5,3,5} > {4,5,4,4,4} (> {6,5,3,3}) lettres dans la deuxième, et {3,6,4} > {5,5,3,5,3} > {4,4,4,4,4,5} (> {3,6,4}) lettres dans la troisième.
— Les rangs alphabétiques des lettres des mots-rimes donnent les inégalités cycliques début < noté < art (< début).
La principale difficulté n'est pas tant ces inégalités intransitives que l'écriture d'heptasyllabes réguliers malgré ces nombres de mots & lettres imposés.

Ose tel élu début :
Ira ton exo noté
Peu net mais sans trop fol art.

Illico roule cet art
Moins mal après mon début :
Quel grand tour sera noté ?

        Nul alinéa noté
Assez tordu par notre art :
Vois, tout vers sied pour début !

[Voir la brillante réponse de Rémi Schulz]

*

Graphe de la plus petite solution intransitive contenant un singleton

Le 22/6/24, j'ai aussi illustré minimalistement le plus petit triangle d'inégalités intransitives que j'ai trouvé dont l'un des dés n'a qu'une seule face : {2,2,5} > {4,4,1} > {3} (> {2,2,5}). Ces entiers correspondent ci-dessous au nombre de lettres des mots de chaque ligne.

Graphe de tous les gains entre deux des sept mots

        Et en élève
        buté, dors ! Ô
        lit...

Ces sept mots forment aussi le cycle d'inégalités intransitives
        Et > en > élève > buté > dors > Ô > lit (> Et)
en considérant les rangs alphabétiques de leurs lettres. La présence d'un mot d'une seule lettre illustre de nouveau la possibilité d'un dé à une face.







P.3S. des 26–28/6/24 : micro-traductions donnant des intransitivités strophiques. En modifiant aussi peu que possible le sélénet originel puis notre sempiternel souffre-douleur, faire en sorte que les strophes se comportent comme des dés intransitifs lorsque l'on compte le nombre de mots de chacun de leurs vers.

Graphe de tous les gains entre deux des quatre strophes

Au clair de la Lune
Mon ami Pierrot
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot

Ma chandelle est morte
Je n'ai plus de feux
Ouvre à moi ta porte
Miséricordieux

Au clair de la Lune
Pierrot répondit
L'on n'a pas de plume
Franchement contrit

Va chez la voisine
Je crois qu'elle y est
Dedans sa cuisine
Reluit le briquet

{5,3,4,4} < {4,6,5,1} < {5,2,7,2} < {4,6,3,3} (< {5,3,4,4})

*

Graphe de tous les gains entre deux des quatre strophes

Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et les ceps que la treille aux églantiers allie.

Serais-je Amadeus, Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et doublement vainqueur je franchis l'Achéron :
Modulant constamment sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.

{8,8,9,7} < {10,9,9, 9} < {6,10,10} < {7,7,11} (< {8,8,9,7})


P.4S. du 28/6/24 : autre micro-traduction donnant une intransitivité des vers lorsque l'on compte le nombre de lettres de chacun de leurs mots, mais en conservant strictement le nombre de mots de l'original. Cette contrainte est bien plus dure que la précédente ! Le graphe illustre en rouge la boucle globale et les quatre formées par chaque strophe indépendamment, en violet celle des deux premiers quatrains, des deux strophes centrales ou en supprimant ces deux strophes centrales, et en jaune quand on élimine la 2e, 3e ou 4e strophe.

Graphe de tous les gains entre deux des quatorze vers

Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :
L'astre a d'abord canné, — notre orgue constellé
Mène le soleil noir à la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
Le ru qui là plaisait à mon coeur désolé,
Et la vigne où le pampre aux chics roses s'allie.

Suis-je aède d'Amour, image de Biron ?
Ma face est rouge encor par la bise de reine,
Tant je rêve en la grotte où nagea la sirène...

Et j'ai vainqueur à fond traversé l'Achéron :
Tour à tour modulant à mon cistre d'Orphée
Les soupirs de la Schtroumpf et les sorts de la fée.

Graphe illustrant que tout ordre de ces strophes définit un cycle intransitif

*


Bien qu'il ne s'agisse plus de micro-traductions, je regroupe ci-dessous mes autres explorations de l'intransitivité entre vers dont on compte le nombre de lettres des mots. Le 1/7/24, j'ai illustré qu'un enchaînement des strophes dans n'importe quel ordre est possible tout en conservant un cycle d'inégalités intransitives. Ici, le dernier vers de chaque strophe n'est qu'un seul mot de trois lettres, et le graphe montre que tous les « 3 » sont reliés aux premiers vers des quatre strophes. Le tout premier vers du poème est en haut, et les suivants se lisent dans le sens trigonométrique. Il s'agit de la plus courte la solution à ce problème. La seconde version du graphe y superpose toutes les autres relations de gains entre deux vers.

Fruits oulipiens

Ne mords-je
L'extra
Malt d'orge,
Ara ?

Graphe de tous les gains entre deux des quatorze vers Ou tords-je
L'infra-
X : hors-jeux
Ira ?

Jà rompt-ce
L'ocre once,
Épi ?

Là choit-ce
D'oued, race
Api ?


*

Graphe de tous les gains entre deux des cinq vers

Le 2/7/24, j'ai composé un quintil dont tout triplet de vers successifs définit un cycle d'inégalités intransitives — y compris en considérant que le premier vers suit le dernier. C'est de nouveau la plus petite solution, et je n'ai cette fois même pas changé l'ordre des entiers imposant le nombre de lettres des mots.

Ô jougs extrêmes
Qui nous taillez
De courts poèmes
Vite noyez
Tôt nos problèmes

[Rémi Schulz a trouvé que ces 14 mots totalisent 66 lettres et une somme gématrique de 14 × 66. C'est involontaire, bien que j'apprécie le nombre 14.]

Graphe de tous les gains entre deux des sept vers

*

Le 4/7/24, j'ai illustré par un septain de schéma de rimes classique aBaBcBc le très élégant jeu de sept dés intransitifs trouvé par Oskar van Deventer, et transmis à la liste oulipo par Louis Couturier via cette archive. Sans ponctuations, il s'agit d'alexandrins isocèles.

Quelque imaginatif inassouvissement
Joliment appelé distributionnalisme
Osait tourbillonner acrobatiquement
Pour réorganiser comportementalisme :
Idéalisés, ils désembourgeoiseraient
Un extraordinaire antirationnalisme,
L'irrégularité désembouteilleraient !


Graphe de tous les gains entre deux des sept vers

*

Sonnet autodescriptif du 11/7/24, dont les longueurs des mots sont imposées par le plus petit heptagone que j'ai trouvé, invariant par rotation de 2π/7 et tel que tout triplet de sommets successifs définisse un cycle d'inégalités intransitives. Cet heptagone est ici employé deux fois de suite, et sans modifier l'ordre naturel des entiers. Une élégante propriété du graphe, outre sa symétrie par rotation de π/7, est que les couches successives de flèches entre sommets de plus en plus éloignés (allant du rouge au violet) tournent alternativement en des sens opposés. Il contient en tout près de trois millions de cycles d'inégalités.

L'oculus concentrique
Clôt notre intransitif
Et combien restrictif
Juste ordre numérique
Graphe de tous les gains entre deux des quatorze vers
Une jonction cyclique
Entre sommet captif
Puis bras transformatif
S'ensuit périmétrique

Vois cette intrication
En quelque inéquation
Comme belle carboucle

Par chouette rotation
Bâtis géante boucle
Mais sans disproportion

carboucle : pierre précieuse (sans lien étymologique avec boucle)

*

Le 17/7/24, j'ai enchaîné dix-huit fois de suite le plus petit triangle intransitif {2,2,5} > {1,4,4} > {3} (> {2,2,5}) — que j'avais déjà illustré. Chaque strophe l'emploie deux fois, donc peut être considérée comme un octaèdre. Chaque triplet de strophes se termine par des rimes masculines en -oi, et donne un graphe où les couches successives de flèches (entre sommets de plus en plus éloignés) tournent alternativement en des sens opposés, comme ci-dessus. Le poème complet est constitué de trois de ces triplets de strophes. Son graphe est invariant par rotation de π/27 radians = 6,66…°, mais il possède trop de liens pour être lisible. Il est tout de même affiché à droite parce que ça reste amusant. Un agrandissement du début illustre aussi le sens alterné des flèches.

Octaèdre formé par l'enchaînement de deux mêmes triangles intransitifs

        Lai

Si ta prose
N'urge, pose
        Sur
Un dé : trime
D'ahan, rime
Graphe de tous les gains entre deux vers de chaque triplet de strophes         Dur.

Jà le barde,
L'aède, arde
        Air
Où le mythe
D'Éros cite
        Mer.

Là si belle,
Ô star, mêle-
        Toi,
Et du style
À voir file-
        Moi !


Graphe de tous les gains entre deux des cinquante-quatre vers Or la gemme
S'élit : aime
        Tri
Si la sotte
N'émet note,
        Cri.

De ta viole
L'ange vole
        Tel
En la trêve
S'orne rêve
        Bel

Et se brode
L'ardu code,
        Loi :
Il te gruge,
L'oral juge-
        Roi.
Agrandissement du début du précédent graphe

En sa terre
D'odes, erre,
        Fol
As, où vraie,
L'igue raie
        Sol.

Fi ! la salle
D'ores râle,
        Fat :
En ta quête
S'abat bête
        Mat.

Ce dé guide
L'acte, vide
        Foi :
Il ne narre
D'opus rare,
        Coi.

Octaèdre formé par tous les gains entre deux des six vers

*

Le 18/7/24, j'ai combiné les idées de deux oulipotes : Louis Couturier a proposé l'exploration de polyèdres d'inégalités intransitives, et Rémi Schulz la construction d'un ruban de Möbius. Voici donc un « octöbius » : bien qu'ils s'interprètent différemment, les deux graphes affichés sont équivalents. J'ai conservé les mêmes couleurs pour faciliter leur comparaison.

Ruban de Möbius formé par tous les gains entre deux des six vers

Ô face fière,
Éon aère
Lé de Möbius !
J'adore, comme
Ici, tout nome
Et son cursus.



P.5S. du 25/7/24 : illustration d'une variante extrêmement dure d'intransitivité, proposée par Alexandre Carret dès le 11 juin, mais que personne n'avait eu le courage d'essayer jusque là (à part mes multiples recherches de respect inconscient dans la littérature ou la construction de centons). Chaque vers est ici considéré comme un dé dont les nombreuses faces portent les rangs alphabétiques de ses lettres. La grande différence par rapport aux mots-rimes ci-dessus est que toutes les lettres participent à la contrainte. C'est à mon avis aussi dur, et peut-être même encore pire, que l'une des premières variantes testées, dans laquelle chaque mot perd en moyenne devant le suivant. Le graphe octaédrique à droite illustre qu'en plus d'une boucle intransitive globale, chaque triplet de vers successifs donne aussi un triangle d'inégalités (surcontrainte que j'ai choisie depuis début juillet).

Octaèdre formé par tous les gains entre deux vers

Pour pondre un triolet cyclique
Illustrant l'Éternel Retour
Notons un thème symbolique
Pour pondre un triolet cyclique

Les vers s'asservissent en clique
Comme des moutons au pastour
Pour pondre un triolet cyclique
Illustrant l'Éternel Retour


14 juin 2024

Atbash vocalique
[Rémi Schulz a composé un nouveau Desdichado oligogrammatique (c.-à-d. multiplement lipogrammatique), dans lequel seules les six voyelles AEIOUY sont autorisées, ainsi que les consonnes de mêmes rangs dans l'ordre alphabétique inverse : ZVRLFB. Il a posté le premier quatrain le 13/06/24 sur la liste oulipo, en proposant aux abonnés de poursuivre. J'ai écrit le second quatrain la nuit suivante, et Rémi a complété avec les deux tercets dès le lendemain matin. Voici l'ensemble, dont les trois quarts sont donc de Rémi. J'ai juste modifié la rime des 9e & 12e vers, pour éviter la répétition d'un substantif tout en nous rapprochant des « -ron » du poème original.]

El atbashado

Avouer avoir revu le veuf, le vérolé,
Le vil vizir arabe à l'olive abolie,
Livré vif à l'azur, relief auréolé
Où la vielle irréelle y voile la folie.

À l'effroyable bière, ô feu frère zélé,
Offre la rive ou l'eau, lieu lez la lobélie
— La fleur bleue a ravi l'orfèvre affriolé —,
La barrière où le lierre à la bruyère allie.

Fabuler Love ou Râ, Rivarol ou Zorro,
Faire bizou baveur à la belle ferrière,
Babiller à l'ouvroir où rêve l'ouvrière.

Au fleuve Érèbe aller, y revivre à zéro,
Voler à l'éveilleur la lyre au vieil Orfée,
Ouïr l'air au brailleur, ou le verbe à la fée.

                                        Rémi Schulz & Gef_


22 juin 2024

Monnet ténébreux
[Desdichado en vers d'une syllabe]

¡Ay!

Noire
Va
Ma
Poire.

Croire
À
La
Gloire ?

Ô
Chantre,
Entre

Au
Centre
D'antre !

[Voir aussi la version d'Alexandre Carret d'il y a deux mois]


29 juin 2024

Fibonnet
[poème dont les longueurs des vers sont les premiers éléments de la suite de Fibonacci,
en soulignant par des césures leurs décompositions comme somme des deux précédents]

L'ode

Encode
L'au-delà

De l'âpre méthode
Que Fibonacci   modela
Certes pour compter   des lapins   de façon commode
Mais quatorze siècles plus tôt   pour rythmer des vers
        selon le rhéteur Pingala.

Il ne suffit pas cependant   de choisir un mètre
        et des rimes pour composer   une oeuvre émouvante
        ou se rapprochant du sublime.
Car dans une ligne trop longue   est souvent perdu
        le propos du poétereau,   comme sa musique   et son souffle
        indifférenciés,   donc ce que l'on nomme beauté
        ne s'aperçoit plus   et progressivement s'élime.

Pourtant de sensibles auteurs   restent élégants
        même avec d'imposants versets,   qu'on pense à Paul Fort
        ou Ramuz,   ensuite Aragon,   plus récemment Noël Bernard —
        mais en général,   les poètes fibonacciens
        n'exagèrent pas :   Silliman,   Nims, Levin, Leuzzi,
        McCosh, Pincus, Coon, Birken, Clark,   May, Lebel et al.
        stoppent à treize voire huit.
(Ce format au carré   vaut le terme qui suit.)


19 juillet 2024

Jargonnet
[simple mélange des mots d'Alain Towarski dans Clair de femme pour en faire un sonnet]

Agaga de Vincennes
                        « C'est peut-être un poète. »

Grenouille hypogramme a poupette
Camomelle cloclo baba
Polygone et rouba ba ba
Vec la bouche os à clarinette ?

Petit pouce mordieu Perrette
Mais la grute a pchi pchi... pcha pcha...
Labébine, ma foi, choucha
Fonce pilate ou la la tête.

Asticot tac tac ? Mon pruneau
Bidule a touché biyoneau
Des Carpates pisse macache.

Couscous des abbèches blapis
Gardafui Montaigu cocache
Clapoque aux chabigots bchappis.

                         (d'après Roman Kacew)

[Voir aussi mes précédentes explorations de troubles du langage évoquant des fins de vies]


29 juillet 2024

Harmonie gématrique
[Rémi Schulz est passionné par les harmonies gématriques, et notamment les relations du type (nombre de lettres) × (nombre de mots) = (somme gématrique), comme il en a par exemple repéré une involontaire plus haut. J'ai construit ci-dessous un centon d'alexandrins classiques respectant de telles égalités, donc dont la moyenne gématrique par lettre est un entier. Le titre en 14 lettres (= nombre de vers) a été choisi pour que la moyenne gématrique globale soit d'exactement 11 par lettre et 38 par mot (deux entiers). Les totaux de lettres (532), de mots (154) et gématrique (5852) sont tous multiples de 14, et les deux derniers également de 11. Le produit des deux premiers vaut 14 fois le troisième.]

Tremblotements

Que ne peut l'artifice et le fard du langage
Pour faire naître en elle autant que j'ai d'ardeur ?
Tu m'as rendu mon change et m'as fait quelque peur —
Je sais bien que ma nef y doit faire naufrage.

Et comme ce dompteur, seul au fond de la cage,
Sous le ciel clair qui brûle et n'a plus de couleur,
Mon sang est tout gelé : je n'ai plus dans le coeur,
Là, pas d'oiseau chanteur ni d'abeille en voyage.

Mon sang est le seul bien qui me reste en ces lieux.
Je sais que ce haut rang n'a rien de glorieux.
Juge un peu si la pièce a la moindre apparence !

Je me suis bien défait de ces traits d'écolier :
Je vais où va le son qui de mon luth s'élance,
Se plie aux jeux réglés du fer et de l'acier.


[35×10 = 350, La Place royale de Pierre Corneille]
[40×11 = 440, La Suivante de Pierre Corneille]
[39×12 = 468, Clitandre de Pierre Corneille]
[36×10 = 360, Honorat de Bueil, seigneur de Racan]

[35×10 = 350, René-François Sully Prudhomme]
[40×12 = 480, Charles Marie Leconte de Lisle]
[38×12 = 456, Béroalde de Verville]
[38×10 = 380, Théophile Gautier]

[40×12 = 480, L'Illusion comique de Pierre Corneille]
[35×11 = 385, La Thébaïde de Jean Racine]
[37×10 = 370, Le Menteur de Pierre Corneille]

[37×10 = 370, La Suite du Menteur de Pierre Corneille]
[34×12 = 408, Alphonse de Lamartine]
[34×11 = 374, Émile Verhaeren]

31 juillet 2024

Binsmala
[Une image peut être codée dans la représentation binaire des gématries des lignes ou des mots successifs d'un texte, comme nous l'avons exploré l'année dernière. Cette contrainte a été récemment relancée sur la liste oulipo. Son inventeur Rémi Schulz a alors proposé de coder la basmala « ﷽ », formule reprise au début de chaque sourate du Coran. Elle a donné lieu à de nombreuses calligraphies, notamment celle-ci qui est très bien adaptée à une image binaire. Il est toutefois impossible de coder une image aussi large à l'aide des gématries binaires des lignes d'un texte — variante la plus abordable de cette contrainte. Même la concaténation des gématries des mots successifs (très dure variante) n'autorise pas des lignes horizontales blanches aussi longues. J'ai toutefois remarqué que les segments blancs verticaux de cette image sont moins longs, donc il m'a suffi de la tourner de 90°, comme ci-contre, pour parvenir à la coder. Ma prière ci-dessous reprend les mots de la formule coranique. Notons qu'après trois étoiles de David, cette page Web est très oecuménique !]

Basmala tournée de 90°

Ô saint patronyme, je
clame, lors mystique,
à la face divine. Criez
ce remerciement irréprochable à
puissant ubiquiste, à pur
Rahmâni : charité puis
pitié, bon berger âgé !
Verbalisons « Allah » gaîment,
fils philosophique : bismillah !
Prodigieux nom, bismillah !
Intemporel sauveur, bismillah !
Crois adage constitutionnellement,
aède. Avec providence, ici
montrons ce planétarium à
an : Rahïmi, règle cela !
Évoquons sage destin.
Longuement réitérons « bismillah » :
acclamez votre Jéhovah !
Car Dédale sur ciel
cacha transsubstantiation verbale
à gnostique, chiffrage miraculeux.


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