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Cette page présente quelques uns de mes exercices oulipiens des années 90
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Fin d'un court roman d'Haslam Bustos
traduit du Castillan ni par R. Caillois, ni
par N. Ibarra, mais par moi (autour du 7 mai 91)
Sa cogitation fut soudain dans sa conclusion, mais plus d'un signal
l'annonçait. D'abord (il n'avait pas plu durant la saison) un
brouillard lointain sur un mont, volant ainsi qu'un albatros; puis, au
Sud, l'azur prit un ton cramoisi, coloration du palais d'un lynx; puis
la nuit d'airain rouilla dans l'air fumant; pour finir maints animaux
fuyant, craintifs ou fous. Car un fait d'antan s'imita: la combustion
annihila tout mur qui constituait jadis la maison du tout-puissant.
Dans un matin sans oisillons, l'alchimisant savant vit un rond
brûlant s'abattant sur lui. Un instant, il voulut fuir dans un
lac ou un ru, mais il comprit aussitôt qu'il fallait choisir la
mort, couronnant son front blanc, l'absolvant du travail accompli. Il
marcha sur maints fanions flamboyants. Aucun n'abîma sa chair, la
flattant sans la rôtir, l'inondant sans combustion. Rassurant,
humiliant, horrifiant, ça lui montra qu'il vivait lui-aussi
ainsi qu'un faux, apparition ou illusion qu'autrui imaginait.
Des flammes s'élèvent
Trêve ! Nulle ne m'achève !
Un autre me rêve
(haïku argentin)
Il avait décidé d'apprendre l'analyse
pour essayer d'avoir un peu plus que zéro
jamais il ne dormait il fallait qu'il révise
jamais il ne riait il songeait aux oraux
Je veux pouvoir un jour clamer ma vantardise
oui je suis à Normale et je le dis tout haut
il méprisait le jeu ou la fénéantise
les études parfois bousillent le cerveau
Il cherche à calculer l'angle de l'asymptote
il espère obtenir une très bonne note
mais c'était un concours et non un examen
Ami tu aurais dû prouver la réciproque
tu as trop travaillé vois ce que ça provoque
car si tu bosses trop tu deviendras crétin
Le sage poète Frissolis
À l'ombre des forêts ah que ne suis-je assise
je n'en suis pas moins homme ah pour être dévot
ah qu'en termes galants ces choses-là sont mises
vaut seul un long poème un sonnet sans défaut
Une Rrose d'automne est plus qu'une autre exquise
les chants désespérés sont les chants les plus beaux
même Xipe Totec tout doucement s'enlise
plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Il ne faut pas confondre euphémisme et litote
pour que Sancho pensât je pense donc Quichotte
s'énonce clairement ce qui se conçoit bien
Une métonymie vaut plusieurs synecdoques
épiphore anaphore ont donné les symploques
j'ai disloqué ce grand niais d'alexandrin
G. E - Aphérèse
Hisse hors des eaux d'Ys Moïse haut
Hôte hautin ô coquin
Haïku
N.B. :
Les cent-mille milliards de poèmes de Queneau ne contiennent
que 99 mille milliards de sonnets (cf. le mot marchandise).
Les poèmes supplémentaires proposés ici ne
contiennent que 726 217 036 959 744 sonnets.
Il n'y a pas lieu de distinguer les rimes en -otte ou -ote, puisque
Queneau change lui-même l'orthographe d'échalote
et de zozoter, et qu'il utilise également des
néologismes.
Gef (~1990)
P.S. du 23/12/19 : En y combinant aussi
ce nouveau centon
et cette
réécriture du
Desdichado de Nerval respectant
les rimes & la grammaire de Queneau, on obient même 111
fois plus de poèmes que lui, soit plus de onze billiards.
Voici également
dix décilliards
de poèmes selon le même schéma
de rimes, mais leur signification est plus obscure.
Zeugmes homonymiques
Application d'une recette simple pour fabriquer des calembours :
prendre deux homonymes, et construire une phrase courte les mettant en
scène simultanément.
À l'aide d'un dictionnaire, j'ai pu de cette façon en pondre
10 pages vers 1990. En voici quelques uns.
"Marie était le point de mire des Rois Mages"
Le curé a un ton peu amène
Un homme pieux reste planté là,
tenaillé par la fin de la messe
Vieux mâle solitaire et incurable,
le cordonnier a une mauvaise alêne.
L'odeur âcre fait un bon demi-hectare
Un show "effroi":
Certains avocats font parfois des plaids infectés
Ils souffrent de mots malheureux
Les crocs du mâtin valent ceux du soir
Quel est le dessein du peintre ?
Qu'est-ce qu'il a peint sur la planche ?
Une tâche noble mais indélébile,
et une poterie de grès ou de force
Tolstoï n'était guère épais
Nous le savons de Marseille
La maigre danseuse a un corps de balai
Ce n'est qu'une petite sotte d'humeur imprévisible
Un épaulé et jeté battu (haltérophilie dansante)
Tu as joué un do d'âne et un sol pleureur
La dévaluation de la lyre du poète et de l'ire du roi
Les 100 hyènes rodaient dans les parages
Un guépard-tapis dans la chambre
Le chien traîne la pâte à crêpes
Ça va de mal en pis, la vache !
Un signe des temps glisse sur le lac
Le paon était trempé, mais la paonne sèche
Le saut royal des carpes
Pour qu'un hêtre soit humain, il faut qu'il ait une tête bien faîte
Un fertile valet de chambre
Un coup d'épais brouillard
Un petit rosé des matins d'automne
Mettre la bôme au coeur du navire
La maison portait son rez-de-chaussée à gauche
Cette recette donne souvent des résultats moins comiques que les
"à-peu-près" cités dans le livre de Patrice Delbourg
Demandez nos calembours, demandez nos exquis mots (Le cherche midi éditeur,
avril 1997), mais elle permet néanmoins de retrouver certains classiques, comme :
Il était maire et père de famille [Paul Verlaine]
Combien fus-je épaté de fois [Boby Lapointe]
On a jamais tant ri de vos garnitures [Jean Pellerin]
Accumulations de figures de rhétorique
Jeu : choisir au hasard quatre ou cinq figures de rhétorique dans une liste
établie au préalable, et les accumuler dans un texte volontairement bref.
Exemple de discordia concors + pronomination + périssologie + épiphonème + parrhésie
Nous ne sommes plus au siècle des lumières. Je vous le livre sans
retenue ni hésitation : il y a comme une panne de courant. Nous le
voyons de nos yeux : c'est la nuit. Mais, soit dit en passant, les
nuits sont fraîches et calmes.
Variante : accumuler plusieurs fois une même figure.
Exemple d'accumulation d'hypallages
Ce matin, en sortant de mon lit paresseux, j'ai trouvé mes rêves froissés. Le miroir étonné m'a regardé, l'eau consciencieuse m'a aspergé, tout s'est déroulé comme du fil. J'ai souri platement à mon bureau calculatoire, mais il est resté de marbre.
Deuxième variante : faire croire à la présence d'une
figure donnée sans l'utiliser.
Exemple de faux zeugmes
Il posa une question et son chapeau
s'envola au même instant une vitre
fut brisée par le courant d'air et
deux protestations s'élevèrent.
Poèmes à rimes rares
Exemple en -arme, -èbres, -ibre, -inx, et -ugue
Orphée
Mes chant plaisent aux dieux mes oeuvres sont célèbres
mais rien n'a plus de sens car j'ai perdu ton charme
fine comme un soupir belle comme une larme
je pars à ta recherche au pays des ténèbres
Les souterrains sont froids effrayants et funèbres
mes pas sont dupliqués par l'écho qui m'alarme
un souffle s'amplifie en formant un vacarme
soudain un cri étrange ébranle mes vertèbres
Poète joue pour moi tonne la voix du sphinx
quelque morceau de lyre ou plutôt de syrinx
je prends mon instrument qui déjà tout seul vibre
La chaconne finie je compose une fugue
puis je chante ton nom et ton nom le subjugue
le monstre a chuchoté ton Eurydice est libre
Sonnet de spin 3/2
Je n'ai pas dactylographié mes anciens poèmes de ce type.
Leur schéma de rimes est le suivant : abba/caac/bccb/ddg/eeg/ffg
[Notons que ce schéma de quatrains ne permettait
pas de respecter la classique alternance des rimes
féminines & masculines.]
Il s'agit d'un jeu oral que j'avais imaginé
pour ma famille dans les années 1980.
Deux joueurs posent simultanément une question
chacun à une troisième personne.
Celle-ci doit non seulement les comprendre malgré
leur superposition sonore, mais
surtout y répondre ensuite par une seule phrase
cohérente — comme si elle avait
deux téléphones en main et qu'elle devait
faire croire à chaque interlocuteur qu'elle
lui répond personnellement. Évidemment,
on évitera de poser des questions dont
les réponses peuvent être
« oui » ou « non ».
Ce jeu fait travailler la polysémie,
et les résultats peuvent varier des calembours les plus
lourds à la véritable poésie.