Pangrammes & lettres doubles
[Jean Fontaine a retrouvé le pangramme du juge
blond qui fume dans un
manuel d'Albert Navarre publié en
1924, citant le champion dactylographe Charles Triouleyre (qui
l'avait peut-être lui-même emprunté à
Navarre ou un prédécesseur). Outre les pangrammes,
Triouleyre propose aussi une phrase contenant des lettres
répétées. On peut combiner les deux
idées en composant un énoncé incluant toutes
les paires aa, bb, ..., jusqu'à zz. Éric Angelini
& Daniel Lehman avaient en fait déjà
exploré cette contrainte en 1990-91 dans leur livre
Cadédiou. Voici ma première
improvisation dans ce domaine, en me limitant volontairement
à une seule occurrence par doublet. Comme le but est la
dactylographie, il ne faut pas confondre la paire
« ee » avec les courantes terminaisons
françaises en « -ée ». Et comme
il semble nécessaire d'employer des noms propres pour
certains doublets, on pourrait simplifier cet
énoncé par exemple grâce au village
groenlandais
d'Ittoqqortoormiit !
Avec mes meilleurs voeux pour l'an 2013
(la rime de mon nom
a ramené sa fraise).]
Bien que vous niiez l'accès au Graal, comme cette bonne mezzo nourrie à la ojja par Exxon, l'appel wahhabite issu du continuum omeyyade suggéra en effet à l'abbé Avvakoum, un week-end de Chawwal, que Bouddha alla en drakkar au zoo de Saqqara.
En rab, un pangramme hétéroconsonantique et dodécasyllabique de 37 lettres, comme le juge blond qui fume, construit à l'annonce de la disparition du général américain, le 27/12/12 :
On juge le vieux Schwarzkopf médiatique : bye !
Visions récurrentes
[Puisqu'on doit employer des noms propres pour certains
doublets, abusons-en ! J'atteins ici 113 lettres et une
esperluette avec uniquement des noms attestés (au lieu
de 192 ci-dessus).]
D'Ittoqqortoormiit à Payyappaddy, par Berry Hill (Tennessee), la Vía XX, Oggebbio, Bezzecca, Ukk, Jaww & Movva, Emma Kirchhoff vit Aakuluujjusi.
Alcoolisme aristocratique sur la ligne 2
[Sonnet dissyllabique sur les rimes à
« bus » &
« métro » choisies
par Françoise Guichard puis
Noël Bernard sur la
liste oulipo. Pour respecter
ici l'alternance des rimes, les féminines
sont en -usse.]
Bistrots
de Russes :
gugusses
spectraux !
Qu'au trot
je busse ?
Que j'eusse
gastro ?
Astuce :
je suce
cointreau
de Prusse,
de puces
rétro.
Avocalismes tchèques
[Au début des années 1990, le physicien
Jiří Bičák
m'avait appris le virelangue avocalique tchèque
« Strč prst skrz krk »,
que je m'étais d'ailleurs amusé à placer
dans « Whizz kid ! ».
On trouve aujourd'hui sur Internet une
liste des mots avocaliques de cette langue.
Le plus long est la mesure de capacité
« čtvrthrst » (quart de
poignée), mais des dizaines d'autres semblent encore plus
prometteurs pour construire des
pangrammes.
Ci-dessous, je me sers de l'adjectif
« ztvrdl » (durci) puis du verbe
« prskl » (il a postillonné).
La difficulté est de trouver comment citer de tels mots
tchèques de façon suffisamment naturelle dans un
énoncé français. Mon premier essai ne compte
que 29 lettres, mais change brutalement de langue pour des
raisons éthyliques. Le second est un alexandrin de 33
lettres beaucoup plus naturel, d'autant plus que
l'ojibway est une autre langue
(amérindienne). Il peut devenir encore plus clair en
remplaçant le « Mi » initial par
un « Ami », mais il compterait alors 13
syllabes.]
Whisky bu, paf, je mange ex-coq ztvrdl.
[29 lettres]
Mi-gavé d'ojibway, faxez prskl
en tchèque !
[alexandrin de 33 lettres]
À l'oeil (vanité)
[Depuis
Alphonse Allais en 1901–1903, les
« rimes à l'oeil » ont plusieurs fois
été réexplorées, notamment en anglais
par Harry Mathews dans sa Bibliothèque Oulipienne n° 70
de 1994, et par divers abonnés à la
liste oulipo. J'avais moi-même
déjà osé
ces
trois
sonnets.
Ci-dessous, j'ai simplement imposé de telles fausses rimes
également à l'hémistiche, en évitant
celles déjà employées auparavant. Mes
recherches m'ont d'ailleurs confirmé qu'Allais avait
intelligemment choisi les plus fournies, à savoir celles
en -mens et -tient.
J'ai aussi volontairement délaissé les nombreuses
qui restent des assonances, ne différant que par une
consonne finale prononcée ou non.
J'ai remarqué au passage que certaines expressions
courantes sont d'inconscientes rimes à l'oeil, par exemple
« plusieurs messieurs » avec
six lettres finales identiques.
Il existe quelques triplets intéressants, comme ce
haïku : Lorsque je me lave / puis m'asperge
d'after-shave, / je dis maint Ave.
Mon seing est la clef : le singe est du corned-beef,
et je signe Gef_]
Existence à deux pence
Lorsque intervient la Walkyrie,
tous les bétails, depuis les faons
jusqu'aux bobtails & lycaons,
ces couards envient nos kyrie.
Car naît d'Orient la monodie
de saints muezzins raillant les paons,
qu'ils soient zinzins ou pharaons :
des morts se rient-ils sine die ?
Bois donc ce gin ou ce cocktail,
ô mon frangin épouvantail !
Dans notre moelle affluent des gemmes.
Si l'on comprend juste le tiers
de ma formelle aubade aux femmes,
le happy end choit volontiers.
Pluriels irréguliers
[copie d'un message adressé à la
liste oulipo]
Dans le sonnet ci-dessus, il
m'a été difficile de me passer de la rime à
l'oeil lied/pied, que
Rémi Schulz avait déjà
employée. Mais elle m'a donné l'idée d'une
généralisation des pluriels rares, du type
« un pied → des
pieder », qui pourrait intéresser
l'OuGraPo. La généralisation
abusive des pluriels italiens est un grand classique (par exemple
les dactyli vont aux lavabi), et je me suis rendu compte
que Dominique Didier a déjà
brillamment traité la question sur son blog.
Mais il existe bien d'autres pluriels irréguliers en
français, a priori pleins de potentialité
littéraire.
Pour commencer calmement, restons dans les pluriels italiens.
En plus des courants -o → -i, Dominique Didier
signale les -a → -e, comme dans une
toccata → des toccate. On pourrait donc parler
désormais de duplicate de documents. Mais il existe
aussi des -e → -i (condottiere, lazzarone, ...),
donc ça nous donnerait par exemple des
gouttièri ou des neuroni.
Les pluriels latins sont voisins, et je pense que des choses
comme un abribus → des abribi, ou un
olibrius → des olibrii, ont
déjà été employés maintes fois
(notamment par Queneau & Perec). Le pluriel neutre
-um → -a (cf. quantum) est un peu moins
éculé, donc ça nous donnerait ce coup-ci
des parfa suaves. Quant au pluriel latin féminin,
il nous conduirait à danser des
bossæ-novæ.
Les pluriels anglais me semblent aussi déjà un peu
explorés, bien que je ne me souvienne pas avoir entendu
parler de romen policiers (mais j'ai retenu qu'on parle de
« musulwomen » dans San-Antonio, sans
pourtant en avoir lu un seul). Les -y → -ies
donneraient aussi des chantillies ou des claviers
azerties. On peut obtenir d'autres aberrations comme les
tsarévitches ou les bakchiches (ou encore
les tchadores, à l'espagnole). Et pour finir, le
penny → pence fournirait le pluriel d'une pomme
granny → des pommes grance.
On a déjà vu plus haut les alexandrins de douze
pieder que fournit l'allemand. En le combinant avec un peu
d'italien et d'anglais, on pourrait en déduire que le
pluriel d'« un no man's land » est
« des ni men's länder »
(où se cachent les brigänder).
Pas facile d'étendre le pluriel
leitmotiv → leitmotive (à la
rigueur un Vél'd'hiv → des
Vél'd'hive).
Même pas nécessaire de singer les langues
étrangères, car certains pluriels bien
franchouillards manquent de naturel. En imitant les
composés comme bonhomme → bonshommes, on
en déduit que les bonsapartistes étaient
des surshommes se battant contre tous les mesarchismes
mesumentaux, prêts à courir des
mesrathons pour trucider des visdames. On devrait
aussi désormais parler de mesthématiques
modernes (et manger des mescaroni, voire des
mescarona si l'on se souvient du pluriel arabe
méhari → méhara).
Le français fournit aussi tout seul un
glaïeul → des glaïeux, un
logiciel → des logicieux, ou un
e-mail → des e-maulx (cf. ail). Mais
on peut faire pire en imitant vieil → vieux, qui
donnerait un recueil → des recueux, ou un
soleil → des soleux. Le pluriel
réal → réaux donnerait des
sex-appeaux. La transformation de celui à ceux
impliquerait que le glui (paille de seigle) donne des gux
au pluriel, et celle d'oeil en yeux conduirait à du
fenouil → des fenyuux !
Quelques mots bretons ont aussi donné des pluriels
inhabituels, comme bagad → bagadou ou
fest-noz → festou-noz. On en déduit qu'il
faut parler d'un condensateur de 2 faradou, et que la
police utilise des alcootestou (ça fait plus sympa,
non ?).
Nous avons déjà signalé le pluriel arabe
méhari → méhara ; il
impliquerait que les canara font des charivara (voire
des charavara). Toujours en arabe,
ksar → ksour prouve que je travaille sur les
pulsour binaires. Et le pluriel berbère
targui → touareg signifie que « le
chergui est un sirocco » doit se transformer en
« les chouereg sont des sirocci ». En
hébreu, le pluriel kibboutz → kibboutzim
donne des ersatzim, des cristaux de divers
quartzim, et surtout notre courant alternatif à 50
hertzim.
Pour finir, quelques autres pluriels sont fournis par les
monnaies d'Europe de l'Est. Le roumain leu → lei
implique un jeu → des jei ; le
bulgare lev → leva prouve que les physiciens
devraient écrire
1 eV → 2 eVa ; et le russe
tchervonets → tchervontsy donne un
délicieux entremets → des
entremtsy.
Avec mes sentiments potentieux ; Gef_
P.S. : On peut inventer la notion de pluriel de
pluriel, et l'itérer. Par exemple, deux objets s'appellent
un duo. Le pluriel italien o → i nous indique que
lorsqu'il y en a deux, il faut dire des dui. Mais le
pluriel arabe méhari → méhara
signifie que deux de ceux-là s'appellent des dua.
Servons-nous du latin pour atteindre 24 = 16 objets de
départ, qu'on nommera donc des duae. L'italien
revient alors avec e → i, pour des duai
comptant 32 objets, et l'on peut désormais cycler sur
e → i → a → ae → ai → aa → aae → aai → aaa...
Il est facile de remarquer que trois fois le nombre de a
donne la puissance de 2 à calculer (à raffiner avec
un e ou i qui peut suivre), donc on en
déduit qu'il y a des
duaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaai
de particules dans l'Univers.
[Voir aussi ma première contribution à l'OuGraPo : les conjugaisons relativistes]
Decrescendo
Premier prix d'art gothique enscelle son jeune âge,
puis deuxième à Normale en lettres ou philo.
Pris d'argotique, en ses leçons je nage
et bon an mal an l'être zou file, oh !
Mais son esprit tel un vitrage
s'est brisé dans son ciboulot.
Aussi prit-elle un virage
changeant de petit boulot.
Lorsqu'un jour ses pensées
au fond d'insensées
fictions dévient,
la blafarde
camarde
vient.
[La structure choisie pour ce
poème de deuil est la suivante :
nombre de syllabes = non-rimées + rimées (schéma)
12 = 2 + 10 (A)
12 = 5 + 7 (b)
10 = 0 + 10 (A)
10 = 3 + 7 (b)
8 = 3 + 5 (A)
8 = 5 + 3 (b)
7 = 2 + 5 (A)
7 = 4 + 3 (b)
6 = 4 + 2 (C)
5 = 3 + 2 (C)
4 = 4 + 0 (d)
3 = 2 + 1 (E)
2 = 1 + 1 (E)
1 = 1 + 0 (d)]
[Voir aussi la Chute
pour des holorimes de tailles variables, et par
exemple le Pied bot pour
un changement de mètre autoréférentiel.
Deux précédents deuils m'avaient inspiré
ces
trois
poèmes.]
Antiréférence
[Le mètre variable du poème ci-dessus a
conduit la liste oulipo à ré-
explorer les énoncés autoréférentiels
comptant leurs syllabes ou lettres.
Mon esprit de contradiction m'a alors inspiré cette
antiréférence.]
Il avait humblement choisi des vers d'une syllabe
Mais les trouva mesquins donc il en essaya deux
Puis trois en soupirant Ce rythme est fort hideux
Et quatre ou cinq temps font un lai qui cacabe
Six battements s'envolent comme un labbe
Sept ou neuf semblent trop hasardeux
Huit dix et douze cafardeux
Onze ou treize vont en crabe
Alors cherchant ailleurs
notre rimailleur
voulut à tort z-
igouiller
quatorze
pieds
Poèmes-barre isogrammes
[copie d'un message adressé à la
liste oulipo]
Dans le chapitre Rimes de son livre
incontournable
Pour tout l'or des mots, Claude
Gagnière rappelle que les rimes sont indépendantes
du nombre de lettres finales identiques de deux vers. Il y cite
une saynète de Courteline augmentant progressivement ce
nombre de finales identiques, avec des contre-exemples comme
L'humidité des isthmes
Ne vaut rien pour les asthmes
et termine par le célèbre distique
d'Alphonse Allais aux 22 finales identiques :
Les gens de la maison Dubois à Bône scient
Dans la bonne saison du bois à bon escient.
Alain Zalmanski reproduit ces citations.
Pour augmenter encore ce nombre de finales identiques, il suffit
de construire ce que la liste oulipo a appelé des
isogrammes, c'est-à-dire deux vers utilisant
exactement les mêmes lettres, aux positions des espaces
près. À ma connaissance,
Patrick Flandrin est le premier à en
avoir composé, en tout cas sur cette liste, le
28/11/96. Il y en a eu
plusieurs autres par la suite, mais la
plupart d'entre eux rimaient, et les autres étaient
présentés comme de la prose. Essayons donc ici
de suivre les traces d'Alphonse Allais.
37 lettres identiques :
Don Camillo tissait d'âpres couples en tiers
Donc à mil lotissait d'après coup les entiers
33 (= 16+17) seulement, mais deux paires de rimes à l'oeil
et une syllabe en plus gratuite pour le prix de 24 :
Danse de nouba, rhum,
Litham, acide, alcool
Dans Éden ou bar – hum,
Lit, hamac : idéal cool !
Le litham (ou litsam) est un voile couvrant le
bas du visage. On pourrait le ré-associer aux lits dans
des dodécasyllabes non césurés de 29
lettres :
Lits, à manu si militari, me convient
Litsam à nu-simili : ta rime convient
Mais c'est loin de valoir la maison Dubois d'Allais.
Invitons donc ma fille aux lectures de l'Oulipo à
la BnF, en 37 lettres identiques :
Annales, jeu, discours bas à l'envers, convient
Anna les jeudis : cours basal en vers convient.
Terminons en demandant à notre ami
Roche, en hexasyllabes de 17 lettres,
de ne pas user déraisonnablement les pantalons qu'il
emprunte :
Foutu polisson Jean,
Fou, tu polis son jean !
P.S.: J'ai failli prétendre savoir affirmer
adorer laisser faire croire aller écouter déclarer
penser pouvoir
préférer courir voir monter entendre souligner
vouloir aimer dire me sentir devoir espérer descendre
confirmer oser souhaiter sembler assurer falloir passer certifier
paraître écrire des conneries.
[Voir aussi mes précédents poèmes-barre à rimes homographiques]
L'oulipote Noël Bernard a répondu du tac au tac :
Là, selon Gilles,
L'Ase long, il les
A mus, Esposito. Nouveauté :
Amuses positon. Où veau te
Révère Farèse, Rami en
Rêve. Ré ? fa ? ré sera mien.
(Les pieds irréguliers sont les pieds les plus bots)
Les absentes
[Sur la
liste oulipo en
août,
septembre &
octobre 2006, Alain Chevrier avait
retouché plusieurs poèmes célèbres
afin de les transformer
en pangrammes. On pourrait aussi en faire des
belles absentes, ce
qui semble nécessiter moins de travail puisqu'on ne doit
pas y placer de KWXYZ, mais demande en fait plus de contorsions
pour éliminer les lettres successivement interdites. Voici
un exemple modifiant un poème
d'Antoine Pol superbement
chanté par
Brassens (qui met en valeur les rimes
féminines). Ici chaque strophe, et non chaque vers, code
une lettre absente. Le prénom caché, Barbara, a
été choisi pour minimiser le boulot du
réécriveron. Je n'ai par exemple même pas eu
besoin de changer une seule lettre de la strophe centrale. En
revanche, supprimer les A ou R de cinq autres strophes n'a pas
été totalement évident. J'ai aussi
supprimé les 7 X, 4 Y et 1 Z de l'original, histoire
d'être propre, bien que la règle des belles absentes
ne les interdise pas.]
Je vais dédier ce poème
À toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets,
À celles qu'on connaît à peine,
Qu'un inégal hasard entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais.
Celle qu'en un clin d'oeil peut-être
On voit derrière une fenêtre
Et qui, preste, bouge et s'enfuit ;
Or cette svelte silhouette
Est si jolie et si fluette
Que l'on en demeure séduit.
À la compagne d'équipage
Dont chaque oeil, fascinant village,
Va diminuant le chemin ;
Dont seul on a deviné l'âme
Bien que descende cette dame
Sans juste un contact de la main.
À celles qui sont déjà prises
Et qui vivant des heures grises
Près d'un être trop différent,
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant.
Ô chères icônes perçues,
Convoitises d'un jour déçues,
Nos mémoires vous gommeront ;
Pour peu que le bonheur survienne,
C'est peu commun qu'on se souvienne
De tout épisode du front.
Mais si l'on a manqué sa vie,
On songe avec un peu d'envie
À tous ces bienfaits soupçonnés,
Ces bouches d'antan qui nous hantent,
Ces chaudes passions qui patientent,
Ces visages jamais glanés.
Puis les jours ou soirs d'hébétude,
Nous peuplons notre solitude
D'ombres douces du souvenir ;
Nous pleurons les lèvres furtives
De ces si belles fugitives
Que nous ne sûmes retenir.
[Voir aussi cette plus ancienne réécriture bivocalique d'un autre long poème chanté]
Palindromes isogrammes
[Noël Bernard a demandé à
la liste oulipo quelle est la distance minimale
entre
deux palindromes – avec une certaine définition
de la distance. Je me suis amusé
à illustrer, de façon volontairement simpliste,
qu'une distance nulle est possible :
voici en effet quelques paires de palindromes employant la
même suite de lettres,
aux accents et à la ponctuation près.]
Ma fille n'a plus douze mois
Anna
an n'a.
Son problème est le branchement des haut-parleurs
Sonos :
son os.
Vive la folie des vacances
Et été
étêté !
Vive ce paradis écolo
Et rêver, té !
Être verte !
Usage de l'article devant un nom de ville /
Fumer fémur
La Rome (fém. oral)
L'arôme fémoral
Explication de texte
Saper : t'être pas
Sa perte : trépas
Feu notre colistier
Droin se plaint en permanence
de nos joutes verbales (ourobindrome)
De là, René gêné râle de
l'arène générale, (de l'arène
générale, ...)
Tweets quadriconsonantiques
[Les Livreurs ont lancé en avril 2013 un
concours de tweets lipogrammatiques,
dans lesquels seules les consonnes BGLP sont
autorisées, en plus des voyelles
AEIOU. N'ayant pas de compte
Twitter ni l'envie d'en
ouvrir un, je me suis
contenté d'y participer virtuellement, sur la
liste oulipo.]
Un p'tit alexandrin pour commencer, évoquant
un anticqve roman
et le plus célèbre
pangramme anglais
(j'avais déjà mis en scène un
goupil beige dans cet
hétéropanphonème
de 2002) :
Églogue publiable ?
L'agile goupil beige a piégé l'âgé loup
Lipogramme en E d'exactement 140 caractères
(taille maximale des tweets) :
Ali Baba alla au galop à
Bilbao où il pilla la loggia
à Pablo Balboa.
Il alloua au populo la bibli où
Li Po publia
"l'Aboli babil bilabial".
Palindrome monovocalique infini évoquant
le pla paï :
Glèbe belge ! Glèbe belge ! Glèbe
belge !...
Sonnet dissyllabique d'exactement 140 caractères,
respectant l'alternance des rimes :
Pagaille à l'Oulipo
Pâli,
le bègue
allègue
l'oubli.
La blague
à l'eau,
Paulo
élague.
Le bleu
a le
beau bogue :
Blabla,
poil à
l'églogue.
P.S. du 14/04/13 : isocélisme de 140 caractères
Goupillai épouillée palilalie bilabiale Aiguillai blablabla oubliable Gouaillai papouille appelable libellule Épiloguai babillage publiable
P.P.S. du 15/04/13 : 140 caractères,
langage SMS extrême à la manière
d'Alphonse Allais, Louise de Vilmorin et plusieurs membres de la
liste oulipo.
Cf. par exemple
cette
série
de
phonnets
et ces
hétéropangrammes
épelés.
ABI ! ABI !
G OBI O PP LU,
O BA PP AG,
LE PI A PIÉ.
ABI ! ABI !
O AIE LLÉG,
OIL ÉP LA !
L LOG O.
AI, AI, AI...
AI, UL LU I LIÉ,
LA O LA P.
Transcription :
Abbaye ! abbaye !
J'ai obéi au pépé élu,
au béat pépé âgé,
et le pays a payé.
Abbaye ! abbaye !
Ô aïeux ailés, légers,
oyez, l'épée est là !
Elle est logée haut.
Aïe, aïe, aïe...
Haï, hué, l'élu y est lié,
et là haut est la paix.
Addenda entêtant
Imitant le
minimalisme des « notes / sténo »
d'Alain Chevrier, je vous propose quelques couples de mots
phonétiquement anacycliques.
Comédien fraudeur : adulé éluda [palindrome littéral]
Promesse électorale : agirai - érigea
Rasage partiel : aisselle laissée
Orgueil félin : angora arrogant
Manuscrit : annoté étonna [palindrome littéral]
Justice expéditive : arrêtant enterra
Coup sur l'écu : atteinte tinta
Cocher coaché : attela, haleta
Appât du legs : attiré hérita
Amour timide : attisé hésita
Lady Gaga : avide diva [palindrome littéral classique]
Mallarmé : azur rusa
Pêche aux crustacés : barques, crabes
Tournant de steeple : brook courbe
Reptiles : broutent tourbe
Assassin et escroc : butant entube
Gene Kelly : chanter étanche
Corvidé vivipare : choucas accouche
Visiteur saharien : dira aride
Flirt de junkie : dragua hagarde
Masochiste : drague garde
Déclaration de CRS : écartâmes matraqués
Édredon moelleux : échine nichée
Vagues : élaguent galets
Jardins versaillais : élaguez, égalez
Avant Mendeleïev : éléments emmêlés
Affiche politique : éloquent encollé
Paradis fiscal sûr : émirat arrimé
Petit rongeur : empresse serpent
Giscard : énarque crânait
Avalanche : enneige, gênant
Angèle : enrôle Laurent
Solfège : entonna, annotant
Licencié : enviera arrivant
Dopage : équipe piquée
Vedette arrêtée : esquif fixé
Apprendre à écrire : étape pâtés
Vieux grabataire : étendez édenté
Corruption : éthique quittée
Borges perd la boule : fêla aleph
Silicone : galbe-blague
Pêcheurs de thon : gardâmes madrague
Ta gueule : gerba abrège
Ennui au jeu : hasard rasa
Eau de mer : hélas salée
Veuve liftée : hériter étirée
Décès : impasse sapin
Cachette organique : intube butin
Litron : ivresse servie
Caton l'Ancien : jacasse saccage
Hors-bord : jaillisse sillage
Maton sournois : kapo opaque
Cervelet atrophié : lacune nucale
Perceval : largue Graal
Agent immobilier : logeant enjôle
Chouette alouette : lulu hulule
Tazreen Fashions : marque crame
Pâque juive : misa azyme
Lessive Ala : misant enzymes
X-man en vie : mutant anthume
Fils de tes ennemis : naquirent, ricane
Schwa du phonéticien : nota atone
Selon l'Inquisition : opus suppôt
Xénophon : quitta Attique
Modernisation : quittant antique
Puberté : raidisse sidère
Pâtes au fromage : râpé épars
Brian Jones : ratisse sitar
1933 : Reich chiard
Palindromiste : rêvant envers
Blanchiment : rupin impur
Villa non déclarée : rusâmes masure
Bergers landais : sachez échasses
Récit interminable : saga agace
Cros redécouvert : santal latence
Enfer : Satan entasse
Étude du Kamasutra : saurai éros
Baudruche : talquée éclate
Goûter pollué : tartine-nitrate
Quasi moderato : tendant andante
Statue de la Liberté : tendra ardente
Veuve importune : tenta attente
Poker : traque cartes
Cheveux abîmés : tresses certes
Émissions réduites : trêve verte
Dvořák : valse slave
Chicorée fourrée : vidant endive
Tente de peu fier : yourte-trouille
« Salut, tu l'as ! » fais-je, Gef_
Après-r(e)pas
Entr(e)-temps, j'ai remarqué qu'élider
certains E caducs donne d'autres anacycliques phonétiques.
Faisons-les ici r(e)vivre.
Totalitarisme : aim(e)ra armée
Déclarer sa flamme : arder aid(e)ra
À cause de Mediapart : arnaque can(e)ra
Souci de Seguin : chêvre r(e)vêche
Couture au nylon : fibre r(e)biffe
Le PDG et son comité : harcèle, laiss(e)ra
Alizé corrosif : harmattan entam(e)ra
Bas de classe : lettrage-jarr(e)telle
Crise phynancière : lucre r(e)cule
Bergerie à réparer : pâtre r(e)tape
Encore mal dirigé : r(e)casse Sacre
Pensionné dépressif : r(e)traite-tertre
Ennemis pendus : r(e)vanche-chanvre
Mauvais créneau : ray(e)ra arrière
Étalons-nous : zèbres r(e)baisent
Lis-je Gilles ?
Sept anaphones en rab
Elle compte vite tomber enceinte de son
mari législateur malgré le
diaphragme qu'elle a installé, mais il lui a
refilé une MST ; chapeau !
Pairesse pressée espère percer pessaire.
Herpès ? Respect !
Sonnaïku pastoral
[Noël Bernard a eu la gentillesse
de se réintéresser à la forme
« sonnaïku »
que j'avais proposée... il y a plus de 15 ans,
en l'illustrant d'un
seul poème.
Cela m'a du coup incité à en écrire
un deuxième, respectant cette fois
l'alternance des rimes (ce que ne permettait pas
le schéma cdc / ede choisi
pour les tercets en 1998, à moins d'imposer
c = e). Les deux derniers vers
sont bien sûr un redécoupage du
Chantre d'Apollinaire,
associé pour moi
au fragile fil de la vie depuis mon
sonnet anagrammatique
de 1999.
N.B.: Noël Bernard a imaginé
une autre méthode
pour respecter l'alternance des rimes.
Notez qu'en 2005, le poète canadien
anglophone Gregg Rowe a aussi baptisé
sonnaiku une forme
qui n'a rien à voir : c'est un sonnet de mètre
fixe où est inséré un haïku
après le huitième vers.]
Soleil reflété
Sur l'onde qui vagabonde
Miroir de couronne blonde
Monde toiletté
Quand revient l'été
Sans que le bonheur abonde
Mon amnésie est profonde
M'inonde Léthé
Maintes ballerines
Tambourinent un rondeau
Bercé de clarines
J'entends l'hirondeau
Et des trompettes marines
L'unique cordeau
Cryptogramme
Encore une lettre anonyme qui va dénoncer n noms, je parie ! Elle se justifie mal : ces écrivaillons à contraintes simplistes osent pondre sans fin des lignes isocèles déjà si uniformes jadis. Mais on y devine aussi une invitation au décryptage : quel genre d'art sera employé dans ce pli ? En effet, un bel acrostiche s'y trouve itou, toutefois d'une nébulosité agaçante. On y épelle Fatrasson, terme inconnu. Pourtant tu pourrais séparer ce mot en Fatras son, où l'on devrait alors enregistrer quelque nouvelle proposition... Fantastique, elle nous saute ingénieusement aux yeux, en un exact alignement diagonal : tout comme le romancier Lahougue ou bien le rusé Perec, assez maladroitement hélas, cet amateur a su axer ses èches en direction du secteur inférieur gauche. On lit même mieux si on groupe 41 caractères par ligne. Ainsi oui nous voyons cette explication ! Mais on n établit toujours pas qui en est l'auteur. Encore une lettre anonyme qui va dénoncer n noms, je parie ! Elle se justifie mal : ces écrivaillons à contraintes simplistes osent pondre sans fin des lignes isocèles déjà si uniformes jadis. Mais on y devine aussi une invitation au décryptage : quel genre d'art sera employé dans ce pli ? En effet, un bel acrostiche s'y trouve itou, toutefois d'une nébulosité agaçante. On y épelle Fatrasson, terme inconnu. Pourtant tu pourrais séparer ce mot en Fatras son, où l'on devrait alors enregistrer quelque nouvelle proposition... Fantastique, elle nous saute ingénieusement aux yeux, en un exact alignement diagonal : tout comme le romancier Lahougue ou bien le rusé Perec, assez maladroitement hélas, cet amateur a su axer ses èches en direction du secteur inférieur gauche. On lit même mieux si on groupe 41 caractères par ligne. Ainsi oui nous voyons cette explication ! Mais on n établit toujours pas qui en est l'auteur.
[Solution]
Sélénet harmonique
[Noël Bernard
a proposé une nouvelle contrainte
« harmonique » sur la
liste oulipo : transcrire une
mélodie en lettres et écrire un texte dont
les syllabes successives emploient ces lettres.
Ses deux
premiers exemples ont été des
sélénets,
chantables sur l'air d'« Au clair de la
lune ». Ci-dessous, j'ai conservé la même
mélodie, mais en ré majeur pour que le mi (E)
puisse jouer trois fois le rôle de rime féminine, et
je ne me suis servi que des sept lettres standard A à G
pour représenter les notes de la gamme.]
Didon, digne femme, [D D D E F# E] D'efforts ne mendia ; [D F# E E D] Dans de douces flammes [D D D E F# E] De front s'expédia. [D F# E E D] Énée entend bribe : [E E E E B B] Veuf ? donc saborda [E D C# B A] De dam dix nefs - scribe [D D D E F# E] D'effroi décéda. [D F# E E D]
P.S., ouïr : opus ri [20/05/13]
[Application de cette contrainte à la
mélodie composée par Ravel
pour la première moitié de
Soupir de Mallarmé :
D E E D F# F# E A G D A A
C# B F# F# E B G F# F# D F# F#
E A A G G D E E G A A C# B
D E G G A G A B D B D E E
D F# D B F# B G F# F# D F# F#
Mes lourdes allitérations sont bien sûr
imposées par cette très dure contrainte.]
Ô si pur
Dès que peindre offre au feu l'heur languide et blafard,
Ces bois font feuilles bas, gifle froide enfouit fard ;
Le calme ange gardien reléguera l'acerbe
Dans les granges aux gris habits d'où, blonde, l'herbe
Défend de blancs flambeaux, gouffre fade enfle flots !
Hétérocélisme
[copie d'un message adressé à la
liste oulipo]
En juillet 2000, nous avions exploré l'idée de tankas ou haïkus
isocèles, malgré le nombre de syllabes variable des vers. Et si
nous essayions carrément d'inverser leur profil en écrivant des
pentasyllabes plus gourmands en lettres que les heptasyllabes ?
Nos anciens messages prouvent que c'est faisable, par exemple :
Schtroumpfs, schtroumpfs, schtroumpfs, schtroumpfs, schtroumpfs...
274
schtroumpfs : schtroumpfs, schtroumpfs, schtroumpfs, schtroumpfs !
Mais sans chercher les records de dissymétrie, il pourrait être
intéressant d'écrire des haïkus à taille de guêpe plus subtils.
Même avec des vers d'un seul mot, ça reste a priori abordable :
Disproportionnelle
hétérogénéité
psycholinguistique
Inévitabilité
Inexorabilité
Il me semble plus joli de garder tout de même des pentasyllabes
de même taille, ainsi que des heptasyllabes isocèles quand il y
en a plus d'un, dans les tankas. Dès qu'on se sert de plusieurs
mots, cela devient plus souple donc potentiellement plus riche.
Chouette un vieux marais
Un alyte sautera
Bruit de l'eau qui gicle
Expérimentons l'idée sur un sonnaïku (5775 / 5775 / 575 / 575).
Je suis le veuf sombre
au minaret aboli
Mon ukulélé poli
porte ennuis en nombre
Toi qui chus à l'ombre
récupère l'aïoli
le désiré néroli
et l'eau sans encombre
Jouai-je aux Lusignans
ému figure rosie
par blonds frontignans
Quand l'oeuvre choisie
exécutera nanans
d'encre ou d'ambroisie
Ai-je le droit d'avouer que l'alternance des rimes et l'absence
de ponctuation m'ont donné du fil à retordre ? Amitiés, Gilles_
Trois p'tits pangrammes
Ramanujânerie
J'ai retrouvé l'ancien taxi de Hardy J'y débusque ex-rickshaw 1729, zou ! [pangramme alexandrin de 43 lettres]
Petite annonce
(reprenant l'expression « whisky
pur malt » employée par
Guy Deflaux dans plusieurs
excellents pangrammes)
Job : zig vend coq, fox, whisky pur malt. [29 lettres]
Encourageons l'écrivaine argentine
Susana Szwarc
(ni ancienne droguée ni créatrice de revue
littéraire, contrairement à ce que la contrainte
a choisi de dire)
Go, Szwarc ! vamp ex-junky qui fit l'hebdo ! [décasyllabe de 31 lettres]
Sonnaïku holorime
L'averse et le verset
Très net rôtissage,
sauna tropical, si naît
son âtre, au pis calciner :
traîner trop tisse âge.
Çà ! voici l'orage
d'ire sombre et frais au nez
dire sons brefs, résonner
sa voix si l'eau rage.
Amolli keffieh
par l'été : délit, qu'est-ce en ce
hameau liquéfié ?
À couvert s'y fier :
parle, et tais déliquescence,
haïku versifié !
[Voir aussi mes précédents sonnaïkus]
P.S. du 26/06/13, mettant brièvement en scène un duel de chanteuses :
Les jeunes sons qu'échappe Adèle
Lèges ne sont. Ke$ha ? Pas d'elle !
Palette
[Minimaliste sonnet isocèle inspiré par
les cubes
conceptuels
de Strofka, et employant le vocabulaire de ces
deux
listes. Notez que
Nicolas Graner
avait déjà composé fin 2002
un Desdichado fondé
sur la deuxième.]
Azur, poil de chameau, rouge d'alizarine,
Cuisse de nymphe émue, or, magenta foncé,
Cerise, beurre frais, olive, blanc cassé,
Amarante, abricot, mauve, noir d'aniline.
Rose, fauve, carmin, orange, bleu marine,
Gris tourterelle, blond, topaze, violacé,
Aile de corbeau, plomb, ocre jaune passé,
Opalin, acajou, fleur de soufre, platine.
Amande, vermillon, lilas, vert smaragdin,
Bitume, poivre et sel, rubis, incarnadin,
Brun marengo, charbon, indigo électrique.
Argile, caramel, bronze, queue-de-renard,
Ivoire, beige clair, sinople, métallique,
Livide, feuille morte, isabelle, blafard.
Semaine amnésie
[Septain ronsardien (aabcbcb) dont chaque vers emploie
uniquement les lettres d'un jour de la
semaine. Cela généralise
aux consonnes l'idée des excellents
lipomérides
de Noël Bernard.]
Nul nid d'indu lulu, ni Lulli ni d'Indi !
D'air marri m'irradia mi-ramdam à midi.
Décide de créer rime-ci déridée,
Jeu dédié de Judée : idée, ud, Dieu, Jedi.
Ne rien deviner, vivre en verve dévidée,
Amas de dadaïsme, essaim de mimes d'aï.
Déchaîne, aède ami, ma démence amendée !
OVLIPVS
Inscription découverte dans une fouille romaine :
Transcription en texte brut
(merci aux oulipotes Didier Bergeret & Jean Fontaine de m'avoir
aidé à la déchiffrer) :
En y insérant des espaces &
virgules modernes, ça devient :
IN HAC SENTENTIA SVNT III A, I B, II C, I D, IV E,
I F, I G, II H, XXXII I, I K, I L, I M, V N, I O,
I P, I Q, I R, III S, V T, VII V, IV X, I Y ET I Z.
Nos explorations
d'il y a quinze ans n'avaient donc rien de neuf. Elles
nécessitaient toutefois l'utilisation d'un programme
informatique implémentant un algorithme subtil, alors
qu'une telle autodescription en chiffres romains est assez
facile à obtenir à la main. Vous pouvez
vérifier
ici le décompte des lettres.
Prosoneuvainbour
[Robert Rapilly a proposé à la
liste oulipo d'illustrer des figures de
rhétorique ou des contraintes formelles à l'aide
de fables express, dont la moralité soit une homophonie
approximative du nom de la contrainte. En raison de la
découverte romaine ci-dessus,
je me suis réintéressé aux
énoncés autodescriptifs. Mais la nouvelle
difficulté technique a été d'imposer
un nombre de syllabes multiple de douze, sans connaître
à l'avance les nombres de lettres à
énumérer. Vous pouvez
vérifier
ici leur décompte.]
Vois-je un trop bien nourri phasianidé (quel nom !)
Dans mon poème entrer comme en un hypogée ?
Que viennent faire ainsi des conifères ronds
Et ces deux b, six c, quatre h, un k, cinq g,
Quatorze a, treize d, dix-neuf r, vingt-huit i,
Quarante-quatre e, treize o, deux y, dix q,
Quatre f, deux l, six m, trente n, six p, deux j,
Dix-sept s, vingt-deux t, six v, vingt et un u,
Un w, treize x et cinq z sans raison ?
Paon gras, mot, ode, est-ce crypte, ifs ?
Pangramme autodescriptif ?
P.S. de fin juillet & début août 2013 : plusieurs pangrammes autodescriptifs annonçant également leur somme gématrique. En voici deux exemples :
Cette phrase de deux cent trente-trois lettres et de
gématrie trois mille cent trente contient cinq a, un b,
huit c, huit d, trente-cinq e, deux f, trois g, six h,
vingt-quatre i, un j, un k, quatre l, trois m, dix-neuf n, huit
o, trois p, six q, dix-sept r, treize s, trente-cinq t, seize u,
deux v, un w, huit x, un y et trois z.
[Vérifications du
décompte des lettres
et de la gématrie]
Cette phrase de quatre cent quatre-vingt-quatorze
lettres et de somme gématrique six mille quatre cents
contient trente-deux a (dont un avec accent grave), un b,
dix-sept c (dont un en majuscule), seize d, soixante-dix-sept e
(dont deux avec accent, un aigu et un grave), cinq f, douze g,
six h, vingt-neuf i, deux j, un k, huit l, sept m, quarante-neuf
n, vingt et un o, onze p, quatorze q, vingt-sept r, vingt-cinq s,
cinquante-huit t, quarante-trois u, douze v, un w, dix x, un y,
neuf z, douze traits d'union, une apostrophe, quatre
parenthèses ouvrantes et quatre fermantes, cent treize
espaces (ou retours à la ligne), trente et une virgules et
un point.
[Vérifications du
décompte des lettres
et de la gématrie]
Prosonnet de la rigueur
[quatorze monostiches en forme
de fables-express rhétoriques,
utilisant dans l'ordre alphabétique
des figures pas encore
illustrées dans les
prosodistioties de la
liste oulipo
— notamment
ces excellentes
de Nicolas Graner]
L'affreux King Kong fiscal écrase entre deux doigts
Allez, gorille ! / allégorie
Chaque chnoque couché chiquant quetsches et quiche,
Alité, ration / allitération
Plaisamment comprimé dans son placard de riche ;
En 'tit logis / antilogie
La Mégère de fer le braille sur les toits.
Entonne hommasse / antonomase
Mais folle Europe, hélas ! parader tu ne dois
A' pose trop, pff ! / apostrophe
Car c'est l'espoir ballant que ta rigueur s'affiche.
Bras qui au long gît / brachyologie
En implorant la grâce et Dieu voire un fétiche,
Inde y a dix / hendiadys
Es-tu mûre malgré ton âge si pantois ?
Y pas l'âge / hypallage
Soûlons-nuos, y'a pu qu'ça puor houblier, mon pote,
Hip ! ô type, ose ! / hypotypose
Où se cache la mer jaune de la cagnotte
Mais taf, or ? / métaphore
Et l'arbre végétal dont nous respirons l'air.
Plaît aulne, asthme ! / pléonasme
Moi, le rugby, j'attends que viennent vos équipes,
Sers-moi six nations / sermocination
Chiennes en lice sans aucun maître ni flair :
Six clebs / syllepse
Même un docte hôpital ne peut soigner leurs grippes.
Si n'est que doc / synecdoque
Deux sonnets minimalistes
dédiés à
Alain Chevrier, dont j'ai pompé
le concept numérique. Il a en effet construit
cent taratantaras (décasyllabes
césurés 5/5) listant les entiers pentasyllabiques.
Je me suis pour ma part contenté de quatorze vers citant
des nombres dans le désordre, contrairement à A.C.,
mais avec des rimes respectant
l'alternance. Le premier sonnet en alexandrins
correctement césurés emploie quelques rimes non
triviales. Le second en octosyllabes est encore plus minimaliste,
et se rapproche des
sonnets minces de Jacques
Jouet.
178, 1240 ; 179, 246 ; 198, 256 ; 199, 1250. 241, 1260 ; 242, 270 ; 243, 290 ; 245, 1430. 246, 282 ; 247, 1222 ; 248, 273. 249, 177 ; 251, 276 ; 252, 197.
474 477 497 494 1174 1177 1197 1194 478 498 1244 479 499 1254
P.S. du 24 juin 2014 : sonnet d'alexandrins
césurés à l'hémistiche et respectant
l'alternance des rimes — celles des tercets
étant moins triviales que les autres.
Enchères
à A.C.
— 14274.
— 14279 :)
— 14294.
— 14299 ;-)
— 14374 !
— 14379 :-D
— 14394 !
— 14399 :-°
— 177240 !!
— 177250 8-)
— 177410 >:-(
— 177413 ?
— 178076 %-/
— 178086 :'D
P.P.S. : ceci n'est pas un
twoosh
34 494 494 494
En revanche, ces deux lignes sont des pangrammes :
J'y ai 23! kW
J'ai 737 k-ways
La première compte 10 symboles et 3 espaces, mais
sous-entend 172 lettres sous forme développée :
J'y ai vingt-cinq
mille huit cent cinquante-deux
trillions seize mille sept
cent trente-huit billions
huit cent quatre-vingt-quatre mille neuf cent
soixante-seize millions six cent quarante mille
kilowatts
La seconde emploie 13 symboles et 2 espaces, mais sous-entend
110 lettres sous forme développée :
J'ai onze billions
quarante-sept mille trois cent
quatre-vingt-dix-huit millions
cinq cent dix-neuf
mille quatre-vingt-dix-sept k-ways
Écrites en chiffres, la première est aussi un
panchiffre, mais pas la seconde où manquent 2 & 6.
L'idée de tels pangrammes numériques remonte
à mai 2001 avec
Éric Angelini,
la liste oulipo ayant finalement atteint des
records de concision apparente, comme
e36
soit explicitement
2,PUW5NGGJF8Y4NFYoRYFUKSo6DS803X1DWNS1NADYo3UHAKYXL4NPUQ1EP5N58B50H
R7YNA3QH3V4PKUo2F7XDVGSJ3YXXFDJNSTETQSD1E31LC0oULUXAC6FAoMHZii3XMCK8
F75EH2TSBoSR2581AUoK10ZU5M8L5U7RND0XTLLJVQ6VAB8GZVDXZJD6DT5GLXM9...36
[Voir aussi plus haut le taxi de Hardy]
Appesantissement dodécasyllabique
[sonnet de mots hexasyllabiques]
Artificialité psychopathologique
Réinitialisons l'inconstitutionnelle
Potentialisation, l'approfondissement
D'impossibilités acrobatiquement,
L'alphabétisation multidimensionnelle !
L'épistémologie organisationnelle
Révolutionnera grammaticalement.
Responsabilisons l'inaccomplissement,
L'encéphalopathie anticonceptionnelle !
D'emberlificotés réaménagements,
D'infinitésimaux anéantissements
Démoralisateurs s'intellectualisent.
Déculpabilisons l'irrationalité !
Qu'artisanalement s'individualisent
L'expérimentation, l'originalité !
P.S. du 14/08/13 : Robert Rapilly a eu l'idée de construire des distiques dont les vers emploient respectivement le plus de mots possible (deux fois le nombre de syllabes) et le moins possible (un seul). Cela généralise donc au nombre de mots la notion de distique asymétrique (en nombre de lettres) lancée par Alphonse Allais fin 1901. Voici deux décasyllabes et deux octosyllabes de ma plume :
Baptême saharien interdit en l'absence de vent marin
(20 mots / 1 mot)
L'on n'oit l'air d'ouest, d'où l'erg n'a d'eau ; n'oins m'en
anticonstitutïonnellement !
Ce proverbe n'offre aucune issue ; place à la
technologie (16 mots / 1 mot)
L'us n'est l'huis : l'oeil n'a l'heur d'ouïr l'âme.
Électroencéphalogramme !
P.P.S. du 17/08/13 : sonnet de mots octosyllabiques (tentative à la limite)
Désindividualisation
Internationalisation
Américanobritannique,
Imperméabilisation
Américanosoviétique.
Déspiritualisation
Anatomophysiologique,
Quasidésertification
Désoxyribonucléique.
Histocompatibilité ?
Incommunicabilité ?
Électroencéphalogrammes !
Cinématographiquement,
Infinitésimalement,
Désintellectualisâmes.
Septuors
[Lirina Bloom, relayée par
Noël
Bernard sur la
liste oulipo, a proposé
sous le nom de septuors l'écriture de
« twooshs »
(tweets d'exactement 140 caractères)
décomposés en sept lignes de 1, 3, 8, 15, 24, 35
et 48 caractères, en hommage à la
propriété
pyramidale carrée de
140 — les retours chariot étant
comptés avec la ligne qui les suit.
En voici trois rapides de ma pomme, selon différentes
idées : prose illustant la lettre H qui n'avait
pas encore été traitée, et finissant par
une évocation de Verlaine ; citations
« parfois légèrement
modifiées » de Bens, Perec, Le Lionnais,
FLL & Queneau, Rostand, Apollinaire et
Racine ; un seul « mot » par
ligne.]
H
ici
l'on est
soigné avec peu
d'espoir d'en réellement
guérir un jour car c'est le service
d'oncologie désormais palliative silence silence
I
M^9
Fenouils
Antépénultièmes
Hypocampéléphantocamélos
Unique cordeau de trompettes de mer
Le jour n'est pas plus pur que le nid de mon âme
Septupéfiants
H
LSD
Morphine
Racéméthorphane
Alpha-méthylthiofentanyl
4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine
2-méthylamino-1-(3,4-méthylènedioxyphényl)butane
El Descriptivo
[sans son titre ni sa signature, ce sonnet annonce
ses propres nombres de lettres, comme dans
le neuvain ci-dessus]
Je contiens vingt-quatre A, trois B inconsolés,
Seize C, seize D — ô lettres abolies !
Mon seul Y est mort, mes cinq X constellés
Portent les vingt-cinq L de nos mélancolies.
Dans ces trente-neuf I, ces vingt-trois U volés,
Rends-moi les quatre Z et les six P qui plient,
Ces quarante-quatre S qu'aimaient les désolés,
Les quarante-cinq N où quinze Q s'allient.
Et suis-je un W, sept G, cinq H, Biron ?
Mon K est rouge encor des cinq J de la reine ;
J'ai rêvé des neuf M, neuf V de la sirène...
J'ai vu soixante-dix-sept E dans l'Achéron :
Modulons vingt-deux R ou vingt-huit O d'Orphée,
Trente-huit T de la sainte et cinq F de la fée !
Le DVD réarrangé
En rab, quelques rapides anagrammes
d'Erik Satie offertes à
Jacques Ponzio pour intituler
ses compositions :
Éric Satie
Cita série
Ta série-ci
Air se cite
Ça itère « si » (allusion au Gibet de Ravel ?)
Et sciai « ré »
Ta scierie
Art-ci siée (subjonctif)
Ce site a ri
Se rate ici
A. reste ici (son copain Alphonse Allais, qui signait Ésope fils ?)
Ici teaser
I sectaire (rose+croix ?)
Car étisie (extrême maigreur)
Erik Satie
Kit à série
Kit à risée
Tirée à ski
Et skierai
Éric Alfred Leslie Satie
Il écrit les ré-fa dièse-la (un peu trop majeur pour Satie !)
Debout rimez
[Comme dans
le poème
peut-être écrit au début du XIXe
siècle par l'oncle d'Hugo Vernier, les rimes ci-dessous
reproduisent le premier sonnet de monosyllabes de la
littérature, à savoir la géniale
épitaphe
FORT
BELLE,
ELLE
DORT.
/
SORT
FRÊLE !
QUELLE
MORT !
/
ROSE
CLOSE,
LA
/
BRISE
L'A
PRISE.
de Paul de Rességuier (1835). Mais on peut aussi
extraire la première syllabe de ces alexandrins pour
obtenir un sonnet inédit :
Coulent
vers
clairs,
roulent.
/
Soûlent
blairs :
nerfs
croulent.
/
Vos
flots
passent...
/
Gros
mots
lassent.
D'autres troncations sont envisageables.]
Qu'Oulipo nous impose encore des efforts,
Vertueux entrelacs sertis de mots rebelles,
Clefs rimant au-delà pour des raisons formelles,
Roulis qu'un code âpre ose ordonner aux condors !
Sous la plume Echenoz sait tendre maints ressorts,
Blé récolter : forçat, il s'évade et s'offre ailes,
N'erre vice versa, trouvant que des séquelles
Crouleraient en sa glose obscure sans remords.
Vole donc, paresseux félibre au lai morose !
Flore enfin te délivre, abandonnant sa clause
Pastorale au chanceux rafiot de Marsala.
Grotesque nacelle ivre, écoute : un vers se brise,
Moribond effaçant, sinon le mandala,
La saine effervescence et la strophe entreprise.
Robert Rapilly a proposé à la liste oulipo de récrire ce paragraphe de Jacques Jouet en respectant les contraintes que l'on veut :
– La nuit... Quand nous aurons allumé le
feu, nous ne pourrons plus voir la nuit. Quand il y a le feu, il
n’y a plus que le feu qui compte. Le feu est un
hypnotiseur. Ce soir, regardez, le ciel a chassé tous ses
nuages pour nous ! Il a fixé au plafond ses punaises
de cuivre, avec une lune élégante en arrondi
d’ongle soigné. Il n’en fait que plus
frisquet, bien sûr, mais on respire, mais on
s’aère, c’est les vacances et le camp de
vacances ! C’est vrai qu’il manque la mer, mais
le ciel n’est pas mal non plus comme image de
l’infinitude. On ne s’attendait pas à partir
en vacances aussi vite, et peut-être aussi longtemps.
Regardez cette étoile, je la vois, tu la vois, et pourtant
elle n’existe plus, s’il faut en croire les affaires
de vitesse de la lumière.
Jacques Jouet, « Mek-Ouyes chez les
Testut » (TEC-CRIAC & Comité
d'Entreprise Testut 2004 / P.O.L. 2006)
Accumulation de faux sens, contresens & non-sens
– Sol double dièse est nocif... Quand nous
aurons tabassé le défunt, nous n'aurons plus le
droit de fréquenter le funeste si double bémol.
Lorsqu'il y possède le cadavre, il n'en
bénéficie davantage que le mort effectuant des
additions. Le trépassé d'orient nous endort.
Méfiez-vous de cette vieillesse ; l'au-delà a
tué tout ce que nous considérons comme des
rêveries ! Il a dévisagé au maximum ses
gendarmes de fanfare, au derrière gommeux, approximation
de serre guérie. Frisquet ne fabrique que ceux qui
plaisent, en parfaite sécurité, mais on se calme,
on est moins concis, c'est le vide et le goulag de
vacuité ! C'est vrai : qu'il rate la
grève ! mais le paradis n'est pas souffrant, non,
surtout en tant que photographie prise de très loin. Nous
ne laissions pas les retardataires nous rattraper, y compris
depuis le néant
— dépêchons-nous !, et nous savons
également vivre vieux. Prenez garde à cette
vedette ; je lis sol double dièse, tu
déchiffres si double bémol, bien que son existence
n'augmente pas, quand on nous oblige à avoir la foi en les
furtifs scandales du génie.
Paysan Ludique, « Coquilles chez les
Testut-Kil » (Accouchement et Exploitation du
Sol - Milieu de Fouille et de Joli Changement Acquis /
Cellule d'Essayage Testut-Kil 20 avril / Pologne 20 juin)
Le 21/09/13, j'ai aussi osé ces deux bêtises.
Filigrane-rallye
Le sonnet qui suit est un lipogramme en W non
trivial. Chaque vers évoque en effet un mot contenant
au moins deux W (beaucoup d'entre eux incluant un trait d'union,
voire une espace pour le groupe figé
« new wave ») :
Schwebwiller (67440),
Schwabwiller (67660),
bow-window,
know-how /
wigwams,
pow-wow,
one-woman-show,
new wave /
www,
chow-chow,
wow /
wawas,
welwitschia,
craw-craw ou crow-crow.
Quatorze
autres
noms de communes françaises contiennent deux W ;
les deux choisies présentent l'intérêt
d'être aujourd'hui incluses dans des communes sans W. Les
vingt-cinq autres lettres sont bien sûr employées
ci-dessous.
Souvenir d'enfance
Un lieudit près de Thal-Marmoutier m'a vu naître,
Mais j'ai grandi non loin, à Betschdorf, un moment.
J'aimais tant ma fenêtre en encorbellement
Que de ce savoir-faire ai voulu tout connaître.
Pour les huttes d'Indiens, j'ai fait maint kilomètre
Et me suis infiltré dans leur rassemblement.
Seule en scène, une artiste ouvrait l'événement
En jouant du synthé puis du potentiomètre.
En Amérique aussi trouvai-je Internet où
Je m'achetai ce chien de Chine roux et dou.
Quelle jubilation ! Toile assez admirable !
Cherchant un lieu d'aisance, il a patte levé
Sur l'arbuste africain gnétophyte du sable,
Mais les démangeaisons de vers l'ont achevé.
Tétragrammes
[Le 17/09/13, Noël Bernard a proposé &
illustré la notion de
quatre-san-ku, haïku n'employant que
quatre lettres différentes.
Voici les cinq que j'ai composés le mois suivant.
Les deux premiers emploient les mêmes lettres et
forment un ensemble.
Le troisième est monovocalique en E, et les deux
derniers lipogrammatiques en E.]
[Cette contrainte tétragrammatique m'a
rappelé le tour de force de Georges Perec,
qui a réussi à combiner sans
répétition les 24 permutations possibles des
lettres AERT :
(L)aërte âtre tartra et aère rat
à tertre art aéra (être à tarte tarera tête !)
arrêta âtre
are ter tarte a
et ratera à être art
Le 10/10/13, j'ai expérimenté cette
monstrueuse contrainte sur les lettres ACER,
qui avaient fourni en 2009 une phrase étonnante
formée de cinq
anagrammes, mais qui
permettent en fait moins de mots que les AERT de Perec.
Il m'a fallu ruser pour placer
les deux permutations « aecr » et
« crae », respectivement à
la toute fin et au tout début.]
CRAE, race à créer ? Ça réa, car ecce are carré !
Ça créa acéré arc à Ercé. Âcre – crac ! – arec
aérera, car cerce arc aéra. Ecce Râ, à écr...
[CRAE : centre de recherche en arts et esthétique
réer : bramer
ecce : voici
are (n. m.) : 100 m2
Ercé : commune de l'Ariège (09140)
arec : noix contenant du cachou
cerce : gabarit en bois d'une courbe]
[En rab, un pangramme alexandrin de 30 lettres
construit le 15/10/13 après avoir entendu un
ingénieur de mon laboratoire
me répondre en franglais quelque chose de voisin.
Outre le franglais, on notera aussi une abréviation
(unité) et une phaute
d'orthographe (bog au lieu de bug ou bogue), donc c'est
un concentré de faiblesses.]
Switchez flux kV quand bog y jumpera
Vague à l'âme
[quasi holorime palindrome phonétique]
Est-ce en moqueur, ou j'outrais mal
La perte où j'ourle, comme ansée,
Et sans mot, coeur rouge ou très pâle,
La mer toujours recommencée ?
Code à Haddock
[insultes palindromes]
Taré ! Décaféiné ! Nié ! Face de rat !
Si vous en supportez davantage, n'importe quel
qualificatif peut facilement jouer le rôle d'insulte :
Taré ! Décaféiné ! Turbulent ! Naïf éditorial ! Évacué !
Nu énervant ! Revu ! Oublié ! Rapé ! Recalé ! Rageur céruse !
Tari ! Péri ! Opéré ! Cafre séminal ! Uni-pattu ! Ôté ! Levé !
Raté ! Bite baba ! Teuton imitable ! Érudit roman alpin !
Revêtu assisté ! Cintré sidéré ! Déferré féru ! Jivaro laïc !
Osé traceur céladon ! Rat atténué ! Jeté ! Perturbé ! Lifté !
Rusé gamin opalin ! Usé dit urbain ! Retenu ! Lunette !
Nu-tête mal élu ! Cité-relu ! Omnivore mâtiné buté ! Vil bâté !
Droit ami agrégé ? Légitime Miao ! Nap étonné ! Zélé fécal !
Pec naval ! Aîné givré ! Sur ! Cruel ! Lié ! Mitré vanillé !
Fessu ri ! Mûr dégagé ! Gâté ! Lare négro tu ! Bel cono
mégalo ! Gnome grognon ! Érodé ! Mufle usuel fumé !
Doré ? Non ! Gorgé ! Mongol âgé ! Monocle ! Butor
général ! Étage gagé ! Dru mi-russe ! Fell inaverti !
Meilleur cru servi ? Génial ? Avancé ? Placé ? Fêlé
zen noté ! Pano aimé mitigé ! Léger ! Gai ! Mati !
Ord établi ! Vêtu bénit ! Amer ovin moulé ! Réticulé !
Lamé ! Têtu ! Net tenu ! Lune ! Terni ! Abruti ! Désuni !
Lapon imagé ! Suret ! File, brut répété ! Jeunet Tatar !
Nodal écru ! Écarté ! Socialo ravi ! Juré ! Ferré ! Fédéré !
Disert nicet sis ! Sauté verni ! Plan amorti du réel bâti !
Mino tué ! Tab abêti ! Bêta révélé ! Tout tapi ! Nul !
Animé ! Serf acéré ! Poire ! Pirate su recru ! Égaré !
Lacéré pareil ! Bu ! Ouvert ! Navré ! Neuneu ! Cave !
Lai rôti ! Défiant-né ! Lu ! Brute ! Nié ! Face de rat !
En rab du 27/11/13, une dilatation
monovocalique en A du célèbre
palindrome
A man, a plan, a canal : Panama !
de Leigh Mercer,
ici en 107 mots (dont 49 articles)
— d'après une précédente
version en 102 mots obtenue en
juin 2009
mais non publiée :
A man, a plan, a cap, a mag,
a gala, Pan, a farad, a ram, a hall,
a bar,
a carat, a tag, a lama, a lab, an ana,
basalt, an arawak, Satan, Adam,
a rat, a bass, an abaca, a gas, a draw,
a nap, a law, Ajax, a ward, a pass,
a mass, a pad, Ra, wax, a jaw, a lap,
an award, a saga, a cab, an ass,
a bat, a ramadan, a task, a war,
an atlas, a banana, Balaam, a lag,
a Tatar,
a car, a ball, a ham, a radar, a fan,
a pal, a gag, a map, a canal :
Panama !
Les noms propres de lieux autorisent un palindrome bien plus long !
Une liste analogue est très difficile
à construire en français,
car l'article « un » s'inverse mal.
Voici un humble essai :
Un été d'occulte, une vertu
à cornu, un éternel lopin grenu,
une métro-plage, un nô connu,
égal porte-menu, un erg
ni pollen retenu, un roc autre venu
et Luc codétenu.
Et en rab du rab, une traduction palindrome des
couleurs primaires
— ou du
drapeau arménien
délavé :
rosi,
pâle lapis,
or.
N os au nez et nos sonnets
[sonnet holorime
et palindrome phonétique]
Qui n'a peint au talc est sot : met-il art aux mates
Rêveries ? Mais geôle y sabotait mes tissus.
Rai veut rimer joli – sa beauté métisse eut
Quine à penthotal, caisse aux méthyl-aromates.
Entends des lais sans labbe, et le message est su
En t'en délaissant la belle mais sage, et sus !
T'agace air viral, ô mol Harry ! Vrai, ça gâte
Tag à servir à l'homme au lard ivre : est-ce Agathe ?
Eussé-je assez meulé, ballant ces legs d'antan,
Us et jacées me l'aient balancé l'aide en temps :
Tas mort à l'item os éclate au teint panique.
Hussite aimait au bât s'y loger ; mi-revers
Eut cité Métaux bas : silos gémirent, verts,
Ta moralité – mot sec, là tôt tympanique.
[Voir aussi mes précédents sonnets indépendamment holorimes ou palindromes phonétiques]
Haïcouples anacycliques
En novembre et décembre 2013,
Annie Hupé a posté
trois
excellents
haïkus sur la
liste oulipo, caractérisés par
les derniers mots de leurs premier & troisième vers,
inverses syllabiques l'un de l'autre. Leur réussite a
poussé mon formalisme oulipien à en définir
la structure dans un cadre plus général, afin de
donner potentiellement naissance à de nouveaux types de
poèmes voisins.
P.S. du lendemain : le mélange des syllabes est assez souple pour fournir trois mots-rimes, bien adaptés aux haïkus.
P.P.S. du surlendemain pour notre ami Schulz :
Vers palindromes syllabiques, tout en respectant l'inversion des deux dernières syllabes des premier & troisième vers [09/04/15] :
Programmation d'un
générateur
de sonnets de monosyllabes aléatoires,
contenant en outre une anthologie de tels poèmes.