Sonnet sans hiatus
Les règles malherbiennes de la poésie classique interdisent la
présence d'hiatus, c'est-à-dire de collisions entre les voyelles
finale & initiale de deux mots consécutifs, comme dans « il a osé ».
Si le deuxième mot commence par un H aspiré, on considère qu'il n'y
a pas d'hiatus, donc « il a haussé » est permis.
Les hiatus à l'intérieur d'un mot ont également toujours été
autorisés, comme dans « baobab » ou « chiite ». Le cas des mots
composés comme « finno-ougrien » ou « kala-azar » n'est pas très
clair, mais de toutes façons Malherbe s'en serait probablement
passé.
On considère également qu'il n'y a pas d'hiatus lorsque le premier
mot se termine par un E caduc, comme dans « la pie a volé ».
Curieusement, les cacophonies comme « la pie ira voler » sont donc
classiquement autorisées, et l'on en trouve même chez Racine : « à
sa proie attachée ». Cela souligne simplement que la prononciation
du français a considérablement évolué, car les E caducs entre deux
voyelles ne se prononcent plus aujourd'hui (*). Au XVIIème siècle,
l'hémistiche de Racine se disait à peu près
« à sa proiewattachéeu » (**).
Cela fait maintenant un bon siècle que ces règles désuètes des
hiatus ont généralement été abandonnées, mais quelques puristes
continuent à les respecter, sans doute pour le plaisir des
contraintes gratuites (que nous connaissons bien sur cette liste).
Cela m'a donné envie de construire un petit sonnet respectant les
règles malherbiennes, mais le plus cacophonique possible (***) :
Ô Poe, ô pope aux poètes,
Géant du néant béant,
Ta vue eut humé d'inquiètes
Lueurs d'yeux de chat-huant
Aux zoos, aux oubliettes
De boue où houe en rouant
L'agréée aile des chouettes,
Ce tohu-bohu gluant.
Ta feue euphorie y file,
Ta vie ici s'annihile
En une voie à haïr.
Cahin-caha, muet hère,
La réaction nucléaire
D'ahans hauts va t'envahir.
En vous priant de croire à l'expression de mes sentiments les plus
anticonformistes ; Gef_
(*) Les E caducs entre voyelle & consonne ne se prononcent d'ailleurs
pas davantage de nos jours, ce qui rend obsolète une autre règle de
Malherbe : l'interdiction de tels E caducs finaux après voyelle, sauf
si le mot suivant commence lui-même par une voyelle ou un H muet.
(**) Avec la prononciation encore en vigueur dans l'aristocratie
à cette époque, cet hémistiche se disait même
« à sa proèwattachéeu »,
c'est-à-dire sans hiatus ni cacophonie !
(***) Il existe au moins une autre façon de créer
des cacophonies, en utilisant des mots traditionnellement non
liés, comme « et » (dont le T ne se
prononce pas avant voyelle) ou « oui » et
« onze » (prononcés comme s'ils
commençaient par un H aspiré). Par exemple :
« La haie est hélée et est
heurtée ». Malgré le T
intermédiaire, c'est toutefois considéré
comme un hiatus selon les règles malherbiennes.
5 janvier 2003
Holorime quantique
Hugh Everett III
(Les gens de Copenhague
ont compris de travers.
Le réel est, sans blague,
un multiple univers !)
Everett a médit (par Allais, le fat homme !)
Et veut rétamer dix parallèles fatums.
[Voir aussi ma précédente série de
distiques holorimes]
14-15 janvier 2003
Définitions de l'homéopathie
[contributions personnelles à un jeu proposé
par Jacques Theillaud
sur la liste oulipo]
Fables TGV
Goliath leva son casque et David l'abattit. Moralité Heaume est haut : pâtis !
« Vivement le printemps ! » couine le coati. Moralité Ô mai ! hop, hâte-y !
Monovocalisme
Ce genre de remède (créé près de terres belges) est censé remettre les
gens en très belle pêche. En excès, cette même essence engendre l'effet
renversé : les gens se sentent gênés, prennent des têtes blêmes, et en
décèdent de temps en temps. Le thème de ce remède est en effet de prendre
des germes tempérés, et d'exercer les défenses de l'être envers ces bébêtes.
N.B.: Cette définition a été critiquée en ces termes
par Nicolas Graner :
C'est excellent et je m'en fends le cent de pêches !
En même temps, le thème des germes tempérés censés exercer les défenses me
gêne légèrement. Les remèdes référencés en ce texte ne se servent de telles
bébêtes dégénérées, ce me semble. Je préfère cet exemple : Le thème de ce
remède est en effet de prendre des sels et des essences d'herbes, de bêtes
et de gemmes extrêmement éthérés, et d'exercer etc.
Je te présente mes encensements de frère (de pensée).
N, exégète en herbe
M+7 (d'après le petit Robert)
Métier thermodurcissable (du médianoche allié Haida) qui constelle à
soliloquer les malaimés au mozarabe de remilitarisations (à dossières
infléchies occluses par diminutif) capitalistiques, à des dossières plus
ellipsoïdales, de programmer sur l'homogamie saisonnière des synchros
semi-auxiliaires à celles du malais à commenter. Homicide et allume-cigare.
Contrepèterie
(tellement naturelle qu'elle est probablement classique)
Définition allopathe : L'homéopathie ? L'homme est au tapis !
Définition homéopathe : L'homme est au tapis ? L'homéopathie !
Contrepèterie double
Deux définitions de Nicolas Graner
(d'après une idée moins aboutie de moi-même)
L'allopathie : à l'hôpital.
L'homéopathie : homme est hôpital.
Contrepèteries multiples et
anaphonèmes (mélange total des sons)
du mot « homéopathie »
L'homéopathie serait-elle une autre façon d'être mystique ? Opium athée
[avec une diérèse sur « Opi-um » pour que le « i » sonne bien]
Variante : remède pour malvoyant non-croyant. Ô myope athée !
L'homéopathie consiste à attirer les malades avec peu de chose : Appeau aux miettes
L'être humain a pourtant choisi cette méthode thérapeutique : Homme y a opté
Mais autant l'aubergiste que son invité en ont perdu la santé : Hôte y a paumé
L'Église en a elle aussi oublié l'origine de ses querelles internes : Iota paumé
Monostiche minimaliste : Poème iota
À la chasse ! Mince, il a fichu le camp. Taïaut ! Paumé.
L'homéopathie est recommandée quand on a légèrement mal en haut des joues : Aïe aux pommettes
Il suffit de manger le fruit de l'arbre de la sagesse : Pommier tao
Méfiez-vous de ce charlatan et de sa poudre aux yeux de perlimpinpin ! Homme aux paillettes
Même s'il a une canne de grande qualité : Pommeau taillé
Ou même s'il se comporte comme un artisan céramiste : Âme au potier
Voire s'il ne porte qu'un tee-shirt pour paraître plus décontracté : Maillot opté
Ou un blouson de cuir noir pour sillonner la France en deux-roues : Pays à moto
Mais il vous faut essayer l'homéopathie, mon ami ! Savez-vous ce que
vous avez attrapé ? Atome aux pieds
Mais si, vous êtes mon ami : Ô ami opté
Contribution à un dictionnaire français-argot : Ami est poteau
Anagrammes
Description d'un patient homéopathétique : Oh, aphte ! Émoi...
Remède homéopathique minimal : Ô hématie : hop !
L'homéopathie gagna-t-elle du terrain sur l'allopathie ? Empiéta ? Oh oh...
Y m'a jamais vu, çui-là ? Eh, aime photo ?
16 janvier 2003
Écrire un texte contenant dans l'ordre les dix mots suivants : dimanche, vol, campagne, exercer, bleu, chiendent, rude, mille, instant, courir
[Ces dix mots ont étés choisis par
l'OuLiPo pour la
« 8ème semaine de la langue
française ».
La revue Florilège a proposé
de conserver les mots dans l'ordre au sein d'un seul texte bref, et
Pascal Kaeser
a transmis cette idée sur la liste oulipo. Le poème qui suit est ma réponse.]
Amour mourra
(sonnet holorime)
[Jean Goudezki (*) aimerait encore inviter son camarade Alphonse dans son
cottage, mais la santé de son épouse Hébé l'inquiète.
Parfois l'espoir revient quand elle ouvre ses yeux clairs, mais on devine dans ses
reflets la serpe de la camarde. Goudezki songe à leur éden sensuel,
dont Allais se moquait souvent de sa bonne voix grave. Il rentre
d'urgence en ville pour hospitaliser la belle, mais c'est trop tard.]
La sentence à côté tombait : « Coma t'empoigne ;
L'homophone cercueil à linceul est toilé ;
Le glas sépare... » À dimanche en temps sec, en pagne :
L'annexe air s'est calmé, houle au vol emballé.
Lasse, entends ça : qu'au thé, ton bécot ma tempe oigne !
L'homme aux faux ne sert qu'oeil hyalin, seul, étoilé ;
Le glacé paradis m'enchante en ces campagnes :
Là n'exercer qu'almée ou Love au lent ballet.
Ô ris bleu, chien d'ennui ! Va goûter mainte lie,
Horrible chiendent, nuit vague où tes mains te lient !
Aidé jadis, pas rude, un trop malin stentor
Dut changer, beaucoup rire à mille rêves nus.
Et déjà disparu d'un trauma, l'instant tord :
Du champ j'ai beau courir, ami, l'heure est venue.
(*) Jean Goudezki est l'auteur du
premier sonnet holorime
de la littérature, invitant Alphonse Allais à la campagne. Toutes
les éditions que je connais indiquent « les bêtes et
les gens » au onzième vers, mais il me semble évident
que Goudezki avait en tête « les bêtes ou les
gens » pour respecter l'homophonie avec le dernier hémistiche
« L'Hébé te soûle, hé !
Jean ! »
Pour éviter toute confusion, précisons que le poème ci-dessus
à mots imposés (Amour mourra) n'est pas un deuxième
hommage de
Goudezki
à Allais, mais un exercice de mon humble plume
(Gef) en hommage à Goudezki.
[Voir aussi ces ambigrammes des mêmes dix mots,
et mes précédents
poèmes holorimes ou homophoniques]
quatorze décillions de poèmes (14 suivi de 60 zéros)
un sonnet provenant de la Bibliothèque de Babel
puis un autre légèrement plus lisible
Voici un exemple caractéristique des 14 décillions de poèmes
(mais visitez le lien ci-dessus pour d'autres versions,
et surtout les chefs-d'oeuvre inédits que produit
parfois le deuxième programme)El Desplazado (por ± 7)
Je suis le Ténifuge, -- le Vexatoire, -- l'Incontestable,
Le Prion d'Aquilée à la Touffe abîmée :
Ma seule Étiqueteuse est morte, -- et mon lutin consonant
Ponctue le Solénoïde noétique de la Mélanésienne.
Dans la nullité du Tomodensitomètre, Toi qui m'as consolidé,
Renforce-moi le Pas de Calais et la menthe d'Ithaque,
La flemmardise qui plaçait tant à mon coffre-fort désossé,
Et la traverse où le Paludologue à la Roquelaure s'alphabétise.
Suis-je Amphitryon ou Phaéton ?... Lustiger ou Bioy Casares ?
Mon fromager est roturier encor du baise-en-ville de la Réimperméabilisation ;
J'ai ricané dans la Grossièreté où nasille la Sinusoïde...
Et j'ai sept fois vagissant traumatisé l'Acadie :
Mixtionnant tour à tour sur la lymphographie d'Ors y Rovira
Les souplesses de la Saison et les crevés de la Fécule.
Gef d'après
Gérard de Nerval,
Jean Lescure,
Raymond Queneau
& Paul Robert
Et voici l'une des réalisations possibles du troisième sonnet
en langage « presque humain »
(le nombre d'autres solutions est d'environ cent mille duosexagintillions,
c'est-à-dire 1 suivi de 377 zéros)El pan rústico
Te lael ci Pátécpoet, -- re Noic, -- p'Iscipriló,
So Clestu n'Epiicauti ù re Niun esorie :
Ro luori Écuono arn ritca, -- ul cis ratp poptpettú
Ranro ci Casean noil lo po Nésotcasei.
Sats pe tain si Celruao, Nou cai t'ar nacralú,
Nalnp-roi sa Seecuracne ep ce til s'Ecacue,
Cu nlees rua nnauneit nepn è tir noeuc súsité,
Ut ca lcuoptu eà pa Loplto ò su Ripe p'etsio.
Laic-pa Enuos ou Ppúrop ?... Ricotpin eu Tatul ?
Noc tlont err teato octel li nuelot cu ro Tuoce ;
C'oa râtí suns nu Scospu ià lasi to Nupàsu...
As c'ae raat coup siispeoon nritutló t'Ucpánip :
Tulocess poul è tael pes pu neta c'Alpcáo
Ror puicocr ci re Caipli or lun tpup sa ca Cóo.
Gef d'après
Camille Abaclar,
Jorge Luis Borges & Georges Perec
[Des versions dynamiques
d'El Desplazado
et El pan rústico
sont également disponibles sur le site des
Avatars de Nerval
chez Nicolas Graner]
9 février 2003
Un beau cliché Alain Zalmanski a
demandé à plusieurs de ses amis de définir en dix
lignes la notion
d'élégance en mathématiques. Ma réponse
ci-dessous, légèrement autoréférente,
discute
la pertinence même de cette notion dans le cadre de la recherche
scientifique.
L'élégance en recherche est certes bienvenue, mais elle a moins
de poids que dans l'enseignement. Le plus fondamental est bien
évidemment la preuve d'une loi correcte et inconnue. Tout passage
douteux ou standard atténue l'intérêt d'un travail, même écrit
joliment. Très souvent la beauté n'intervient qu'au moment où
l'on révise une oeuvre ancienne et biscornue. On découvre comment
la reformuler aux moyens de résultats récents plus généraux :
un cas particulier donne un vieux théorème. L'intuition que
fournit ce cadre original augmente pour longtemps le charme
du problème... jusqu'à ce qu'il devienne élégamment banal.
25 février 2003
SonnétérogrammeRécapitulons
Précisant l'OuLiPo, tu crânes, copiant
Leur scénario plus tors à culte ni puriste
(Plaçons-en l'art où picora nul ptics en liste
Pour ça) ni trop casuel, ni placet souriant.
Le corpus à polir, c'est un loup s'écriant :
Tu clonais Perec là, purotin, sur la piste.
Contrains le couplet, croîs, puant luron spécialiste,
Car on punit le cours aperçu spoliant.
Stop ! Un éclair t'inculpe, ô raseur, tocsin pâle.
Toc ! Un spiral pulsar te coince, puis ton râle
Naît plus coriace : un sport loupant les ricaneurs.
Lot pictural, espion, crétin à l'opus cuistre,
Plaçons ton puéril cas au pilon certain : pleurs
Côtoient sur place l'ut noir. Pas cap, ô nul cistre !
Espo t'inclura
Bien sûr les nombreux poèmes hétérogrammatiques en prose de Perec,
écrits entre 1974 & 1979, et utilisant surtout des séries de 11 lettres
(Ulcérations, Alphabets), mais aussi de 12 dont un joker (La Clôture),
13 (pour Hans DaHleM), 14 dont un joker (Métaux), et même 16 dont un
joker (Pouce-pouce).
Le seizième poème de Mes Hypertropes, publié en 1977
par Paul Braffort dans le numéro 9 de la Bibliothèque Oulipienne.
C'est un hétérogramme sur la série de 11 lettres ESARTINULOC, dont
les vers très courts ne sont pas mesurés au sens syllabique du terme, mais
qui présentent néanmoins une certaine régularité rythmique.
[Merci à
Rémi Schulz
de m'avoir rappelé l'existence de ce texte.]
Le pénultième alexandrin d'un
sonnet multicontraint
de Nicolas Graner, écrit en février 2001, dans lequel la série de 11 lettres
ESARTINULOC est également employée.
Huit hexasyllabes construits sur la série de 10 lettres ESARTINULO,
que m'a fait lire Robert Rapilly en mars 2001. En plus de la contrainte
métrique, Robert a combiné la règle des hétérogrammes avec celle qu'il
préfère : son poème est également un palindrome !
Un quatrain d'alexandrins mallarméens à rimes croisées, publié en
octobre dernier par Daniel Bilous dans le numéro 94 de la revue Poésie
2002. Son poème, construit sur la série de 11 lettres ESARTINULOM, se
trouve en page 64, suivi de trois intéressantes pages d'auto-analyse.
Ces trois derniers exemples sont les seuls que je connaisse pour lesquels la contrainte
hétérogrammatique est coulée dans des vers mesurés.
Il a eu évidemment d'autres explorations en prose de cette forme
de poème inventée par Perec, mais je ne saurais toutes les citer
ici. Mentionnons quand même les hétérogrammes anglais de
Ian Monk, et l'analogue
éodermdrome (en français) que Bernard Magné a publié en pp. 210-211
de Formules n°2.
Le choix de ma série de 12 lettres ci-dessus, ESARTINULOCP, a surtout
été déterminé par le titre en un seul mot « Récapitulons ». [On peut
aussi former le futur « capitulerons » avec ces 12 lettres, tout comme
les 11 d'« ulcérations » permettent aussi le futur « consulterai ».]
Il y a plusieurs années, j'avais recherché les mots uniques que permettent
diverses séries hétérogrammatiques. L'un des résultats
dont je me souviens est que la série de 11 lettres ESARTINULOJ donne un superbe
« journaliste ».
Perec ne s'en est curieusement pas servi dans sa série en J d'Alphabets.
[Merci à Alain Zalmanski
d'avoir vérifié l'absence de cette anagramme dans les
poèmes de Perec.]
Amitiés dodécaphoniques ; Gef_
03/03/03
Virelangonnet
Je suis un singe assez ancien, sans insouciance.
Je songe aux os séchés, aux gisants échansons,
Aux cieux jais, au Saint-Siège, au Juge ès échéances,
Aux sagesses censées changer chance et chansons.
J'enchâsse en six sachets ces choses et ces sciences,
Ces géants échoués, ces gens sans saucissons,
Ces cent sillons au sang sous-jacent, ces engeances,
Et j'essaye ceci sans user seize sons.
J'ai choisi ce sujet zézayant sans aisance
En saisissant son sens assassin : jaillissons
En choyant ces chahuts, associons ces essences
Oiseuses aux jeux sots. Agençons : agissons !
Joyeuses sensations, osons cesser séance :
Chassons ces chauds encens et ces haillons chaussons.
Jean Sans Chaise
Cet exercice de diction a été écrit pour une portègne (= Argentine
de Buenos Aires) qui a du mal à différencier les consonnes sourdes
et sonores, notamment les fricatives dentales (s/z) et chuintantes
(ch/j). Ces phonèmes consonantiques sont donc les seuls autorisés,
en plus de toutes les voyelles et semi-voyelles du français. Comme
indiqué au huitième vers, seize phonèmes consonantiques sont ainsi
interdits. Exemple de phrase utilisant tous les sons du français :
< http://www2.iap.fr/users/esposito/panphonemes/BigPanphon11.gif >
Gef_
10 mars 2003
Carcasonnet II
Le sonnet suivant respecte les règles de l'« ardhabhrama »
sanskrit. Il est composé de deux diagonnets 7x7
entrelacés par une lecture spiralante : le même texte est obtenu en lisant
normalement le tableau de syllabes ci-dessous de gauche à droite et ligne après
ligne, ou bien en commençant par la première colonne de haut en bas, puis la
dernière de bas en haut, puis la deuxième de haut en bas, l'avant-dernière
de bas en haut, etc.
Par ailleurs, il respecte les règles malherbiennes du sonnet, y compris l'alternance
des rimes (mais zoui, même dans les quatre derniers vers ;-).
Ardhabhrama
Au son d'un épithalame
L'art ardu t'amorce, Amor.
Son chant couleur d'aube et l'or
Tombent en rets ta douce âme.
D'un coup supposé de lame
Reculant le matador,
Naît leur poésie. Essor
Succinct : ma loi le rétame.
Pis d'oser d'inattendus
Rêves de malentendus.
Ta belle laisse en guitare
Est brève, s'incube tard :
La mort a mordu ta rare
Prière et sucre ton lard.
Vocabulaire :
Épithalame : chant nuptial sur canapé
Amor : l'amour l'atteint
Tomber (transitivement) : mater
Rets : utilisés pour ne pas laisser filet
Rétamer : démolir un objet déteint
Pis : plus grave, la vache
Laisse : couplet qui a du chien
Sucrer : éliminer en déconfiture
Voici en complément deux exemples moins travaillés,
qui illustrent plus simplement la contrainte de l'« ardhabhrama ».
Il s'agit ici de quatrains d'octosyllabes, comme en sanskrit. Le premier ajoute
la contrainte de rimes, comme dans le sonnet à carcan ci-dessus.
Salon littéraire nippo-musulman
« Redeviens pur, voilà la voie re de vien pur voi la la voi
De la sagesse » a dit Allah. de la sa jè sa di ta la
Viens savourer nos mardis : là, vien sa vou ré no mar di la
Purge et répands en nô sa voix. pur jè ré pan zan no sa voi
Le deuxième exemple combine la lecture spiralante de
l'« ardhabhrama » avec des vers palindromes de syllabes,
et peut donc aussi être lu en commençant par la dernière
colonne de haut en bas, puis la première de bas en haut, l'avant-dernière
de haut en bas, etc. Cette forme porte le nom de « sarvatobhadra »
en rhétorique sanskrite.
Une magicienne se moque de moi
N'ai-je, déçu, su déjeuner, né je dé su su dé je né
Jeter mes ris, rimer tes jeux, je té mé ri ri mé té je
Démêler à râler ? Médée dé mé lé ra ra lé mé dé
Sut rire à l'art, la rare issue. su ri ra lar lar ra ri su
[Voir aussi ces diagonnets 8x8 en hommage à Borges,
10x10 avec rimes,
12x12 constituant un sonnet,
et ce cube 4x4x4]
Gomûtrika itéré
Les lettres majuscules (minuscules) entre crochets
ci-dessous signifient que les vers correspondants
emploient les mêmes syllabes de rangs impairs (pairs) : [Aa] Mé pa sia man seu mé tro ver
[Ab] Mé ré sia lé seu lé tro pic
Le « gomûtrika » sanskrit est composé
de deux vers ayant en commun leurs syllabes de rangs impairs,
comme [Aa] et [Ab].
Ici, non seulement les syllabes paires sont aussi partagées
avec d'autres vers, mais chaque syllabe
apparaît en fait trois fois dans le poème. Chaque
vers est donc au moins quatre fois plus difficile à
construire que ceux des gomûtrika sanskrits. L'alternance
des rimes et l'holorime entre les premier
& dernier vers (pour boucler la structure syllabique)
augmente aussi la dureté de cette contrainte,
au point d'en réduire un peu trop la potentialité littéraire...
[Aa] Mes pas sciemment semés trop vers [Ab] Mer et sial, esseulés tropiques [Ba] Du pavement : comme est l'envers [Bb] Du rêve, l'écho l'élan pique.
[Bc] Dût-on venir coder l'ancien [Cb] (Plus récent), l'air hâlé typique, [Cc] Pluton s'en ira des Titien [Cd] Plus cassant qu'un ralenti pâle [Dc] Au ton honni -- rudesse aux siens.
[Dd] Ô chaos, qu'un ru lance opales ! [Da] Au pas, homme enrhumé ! Sauve air, [Ad] Mec assis ! Ha, qu'un seul entre aux palles, [Aa] Mais patiemment se mettre aux vers.
1er mai 2003
Un sonnet sans contrainte isolé dans ces pages
[Ce poème s'inspire d'un documentaire américain.
Une alternance de rimes vocaliques & consonantiques est respectée.]
Un homme entre courbé, le front trop en avant,
Un papier dans la main tenu comme une fleur
Offerte d'un peu loin, marchant sans grande peur
Mais à tout petits pas qui hésitent souvent.
Il demande au plancher, aux murs et au divan
Si l'on peut le conduire au niveau supérieur,
Bureau d'aide sociale. Il prend un ascenseur
Et rejoint un comptoir vide comme le vent.
On entend une voix : « Qu'est-ce qui vous amène ? »
Il hésite un instant puis, se tournant à peine
Dans la direction d'où venait ce faible son,
Répond : « Je ne sais pas. On m'a dit de remettre
À jour ces documents. » Il tend alors sa lettre.
Long silence : l'aveugle est seul, pris d'un frisson.
8 mai 2003
Déformations d'expressions courantes (« langage cuit »)
[Ce sonnet s'inspire de la nouvelle « El Sur » (Le Sud) de J.L. Borges.
Ses vers font successivement allusion à des expressions plus ou moins
figées : presser l'orange & le citron (tout vert) - comme à la longue
- santé de fer (métaux) - songe, mensonge - lance d'Indien (*) - plonger
dans le somme_il - jeter l'éponge - émaux et camées - aux grands maux
les grands remèdes - prolonger un délai - passera pas l'hiver - passer
l'arme à gauche - tirer la sonnette d'alarme - réveiller les vieux démons.
(*) On pouvait tenter des jeux de mots plus complexes avec des choses
comme « L'Indien lui décoche... » ou « Un Indien s'agite... ».]
Sur
L'infection l'oppresse et le ronge
Car il s'est ouvert le citron.
Nous craignions qu'un coma l'allonge
Mais tôt ses forces renaîtront.
Guéri, Dahlmann aux romans songe :
Un Indien lui lance « poltron ! »
Faut-il plonger, jeter l'éponge ?
C'est sûr, en somme ils se battront.
Aime, ô camé, ce grand remède :
En prolongeant cet intermède,
Tu franchiras les temps hiémaux.
Hélas il passe au gaucho l'arme.
Tirons donc le sonnet des larmes
Et réveillons le vieux des mots.
« L'Ostral » (poésies figées)
gef@iap.fr
16 mai 2003
Chryse de vers
[poème dont la structure est construite sur
la suite de Fibonacci]
Chrysonnet
Mes yeux plongeant dans le minium, violette peine-ombre,
M'effacent de cendre & grenaille : ouest blond s'oxydant
Où disjoncte Apollon mainte heure, au fond de décombres.
Oublient-ils qu'hui Saturne aspire à plomber leurs dents
Et longtemps les mettre au pilon ? Simplement je sombre.
Éteint comme un chaudronnier terne aux poêlons fondants,
Dont quelque antirouille inférieur moisit sans encombre,
Donc médiocre sceau, je m'en vais, lot peu transcendant.
Au revoir ! Lors, nous vous filons un doublon de cuivre.
Ni ces ruses ni cette humble encre oeuvrant à poursuivre
N'y pourront jamais rien changer : je perds tout aplomb.
Car sans rapport, l'échec ne sert, au lieu d'y survivre,
Qu'à retarder l'abstrait hors-jeu, puis un mat peu long.
Pour clarifier, voici les explications qui accompagnaient ce
poème sur la liste oulipoCe poème est un premier essai de "chrysonnet", mettant en
scène plusieurs éléments de la suite de Fibonacci dans sa
forme (1 poème de 13 vers de 13 syllabes césurés 8/5, 8 =
5 + 3 vers dans la première strophe et 3 + 2 = 5 dans les
dernières, chaque vers étant formé de 34 + 21 caractères)
et dont le fond parle en filigrane du contraire de l'or !
Comme le rythme de ces vers de 13 syllabes me semble très
bancal, ces anti-allusions forment finalement une honnête
autoréférence : ça n'est pas brillant ;-).
Techniquement,
ce sont les lignes isocèles (nombre de caractères imposé)
qui m'ont demandé le plus de travail : 34 + 21 caractères
sont en général un peu trop longs pour 8 + 5 syllabes. Il
m'a donc fallu utiliser un vocabulaire gourmand en nombre
de lettres. Notons que faire entrer 8/5 syllabes dans des
vers de 21/13 caractères aurait été encore plus difficile
car ils auraient cette fois été trop courts. Ce serait le
même problème pour des vers de 13/8 syllabes saturant des
lignes de 34/21 caractères.
J'ai volontairement évité les
rimes à la césure, afin de pouvoir respecter l'alternance
des rimes finales. Mais il est clair que ces octosyllabes
non rimés nuisent à la musicalité. Alain Chevrier m'a par
exemple rappelé que Baudelaire et Pierre Louÿs (d'or) ont
écrit des poèmes en octo- et pentasyllabes alternés, mais
comme ces vers sont indépendamment rimés, le résultat est
beaucoup plus fluide.
En revanche, peut-être remarquerez-
vous que presque tous mes octosyllabes sont antérimés.
Si
vous désirez afficher correctement de tels vers isocèles,
veuillez utiliser une police de chasse fixe (comme Monaco
ou Courier). Avec mes sentiments qu'or dit hauts ; Gilles
25 mai 2003
14001 alexandrins
Dans l'« Oupus 2 » de l'OuBaPo, Étienne Lécroart a montré les
potentialités d'une lecture zigzaguante au sein d'un tableau :
chaque case peut être suivie par les deux ou trois qui se trouvent
à sa droite, sur les lignes immédiatement supérieure & inférieure
et sur la même ligne. En quatre strips de quatre cases, il obtient
ainsi 68 lectures différentes (double du 9ème nombre de Fibonacci).
Rémi Schulz a récemment repris cette idée avec quatre phrases de
cinq groupes de mots, fournissant ainsi 178 énoncés différents
(double du 11ème nombre de Fibonacci). Toujours selon le même
principe mais avec davantage de lignes (sortant donc du cadre
fibonaccien), voici 14001 alexandrins obtenus par des lectures
zigzaguantes dans un tableau 9 x 8. Ils sont très majoritairement
obscurs, mais grammaticalement assez cohérents (à condition
d'insérer parfois un peu de ponctuation). Mon but a surtout
été d'illustrer ce joli nombre 14001, de m'amuser à changer le
genre & le nombre dans certaines colonnes de mots en me servant
d'ambiguïtés lexicales ou de termes invariables, et de modifier
de temps en temps le nombre de syllabes par case. On peut aussi
considérer ce tableau comme un jeu de société : retrouver les rares
vers intéressants dans cette botte de foin ;-). Si vous décidez de
lire 9 vers à la suite, en commençant par les 9 cases de gauche ou
au contraire en terminant par les différentes rimes, vous avez tout
de même la bagatelle de 29 655 309 476 451 789 073 018 687 500
possibilités (près de trente mille quatrillions) !
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Quand|mon |crâne | insensé | rêve | ta | règle | avide, |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
| Sur |ton | pont | incliné | coule | une | Seine | acide, |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Sous | le | mort | Mirabeau | plante | la | vierge |... espoir ;|
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Vers | ma | tour |vert-de-gris| jette | son | noble | rouge, |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Dans |leur| voix | à-la-noix |ne croit| nul | drapeau | : bouge ! |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Hors | sa | paix |d'autrefois | reste | ce | combat | noir, |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
| Par |des | faux |mal-en-point|tranche | en un |seul coup| fruste, |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Pour |tes |francs|casse-pieds | juge |,âme,au| sens du | juste, |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
|Vois |ses | mots |zigzaguants | entre | mes |choix le | soir. |
+-----+----+------+------------+--------+-------+---------+------------+
Comme le nombre de lectures de vers indépendants croît nettement
plus vite avec le nombre de colonnes que celui des lignes, il
suffit d'un tableau de 4 lignes et 12 colonnes --par exemple un
quatrain d'alexandrins monosyllabiques-- pour obtenir 150050
possibilités (double du 25ème nombre de Fibonacci). C'est déjà
supérieur au nombre 136946 obtenu à partir d'une grille 10x10.
Il faut juste prendre garde à ne pas utiliser deux fois le même
mot dans une colonne (cf. les articles) sinon le nombre de lectures chute brutalement.
Voici donc 150050 alexandrins (trop) rapidement construits juste pour illustrer l'idée.
Il y a 1 765 623 802 535 986 176 quatrains se terminant par les quatre mots rimes,
c'est-à-dire plus d'un milliard de milliards.
Oui mon coeur bat trop fort au fond de ma voix d'ombre
Quand ton front luit si pur ce jour sous ta main nue
Où son oeil rend plus tôt un creux sur sa peau vue
Mais leur corps vit moins lourd sans mal en la mort sombre
31 mai 2003
Fable express
Elle avait des modems haut dé-
Bit mais préférait les antiennes
Riches de paroles anciennes.
CarcasonnetIII
[Sonnet à carcan vaguement auto-référentiel et qui
respecte presque partout les règles malherbiennes]
Lorsque la netteté frêle quimpe, excédée,
Que cryptent dans le tas mille opportuns rameaux,
Lattes-tu leur hublot, soûl de harpe accordée,
N'aidant le rainé gris d'indices lacrymaux ?
Te leurre une aigre faune, et l'eau les vaut, codée,
Tes tableaux griffonnés : korê par animaux !
Frémit soudain Écho, parallèle, entraidée,
Le lot de dits laurés, ramollis, tout primaux.
Qu'importe, harcelé par les lyriques mandchoues,
Et qu'un pâle avocat hante ou que tu échoues
Ces raccords, cris honnis, réprimandés, guindés,
Démodés : Maud aime ode et mots chouchous des bardes.
L'or scripturaire n'est pas mort ! Ris-tu, guimbarde,
Des rapaces locaux, colosses paradés ?
Vocabulaire :
quimper = tomber (en argot, dixit Armel Louis dans son Robert des rimes)
rameau = ramification
rainer = rainurer
korê = statue de jeune fille
[Variante moins savante du 6ème vers, mais ne respectant
pas les liaisons : « corps épars, animaux ».]
dit = texte médiéval
lauré = couronné de laurier
primal = relatif à la souffrance à l'origine d'une névrose
lyrique = (n.f.) poésie lyrique
mandchou = chinois
honnir = blâmer
barde = poète
scripturaire = relatif à l'écriture
guimbarde = instrument de musique minimaliste
Corrections :
Le troisième vers commençait initialement par « Là
te tuE leur hublot ». Pour éviter ce E caduc intermédiaire
qui me gênait, Rémi Schulz m'a proposé « Lattes-tu
leur hublot ». C'est en fait bien meilleur du point de vue du sens,
puisque une fenêtre obturée par des planches de bois évoque
une nouvelle fois l'obscurité de ce poème !
Rémi Schulz m'a aussi proposé « Qu'importe, art
celé par » au neuvième vers, pour éviter
mon H muet à tort (mais consciemment). C'est une nouvelle fois
excellent du point de vue du sens, mais peut-être un peu moins
grammaticalement. J'ai donc conservé ci-dessus mon
« Harcelé » non-malherbien...
Il s'agit d'un diagonnet 12x12, c'est-à-dire d'une matrice carrée
symétrique de syllabes. Les douze premiers vers peuvent se lire
aussi bien selon les lignes que selon les colonnes. Les deux
derniers vers correspondent aux diagonales. Les rimes du sonnet
imposent la structure répétitive du 12ème vers, que j'ai reprise
d'une récente fable express. La symétrie du diagonnet implique
que le dernier vers est un palindrome syllabique, que l'on peut
donc lire en partant aussi bien de la case en haut à droite que
de celle située en bas à gauche.
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| lors | ke | la | nè | te | té | frè | le | kimp | èk | sé | dé |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| ke | krip | te | dan | le | ta | mi | lo | port | un | ra | mô |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| la | te | tu | le | ru | blô | sou | de | ar | pa | kor | dé |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| nè | dan | le | rè | nég | gri | din | di | se | la | kri | mô |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| te | le | ru | nég | re | fôn | é | lô | lé | vok | o | dé |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| té | ta | blô | gri | fôn | né | ko | ré | par | a | ni | mô |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| frè | mi | sou | din | é | ko | pa | ra | lèl | ant | ré | dé |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| le | lo | de | di | lô | ré | ra | mo | li | tou | pri | mô |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| kimp | port | ar | se | lé | par | lèl | li | ri | ke | mand | chou |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| èk | un | pa | la | vok | a | ant | tou | ke | tu | é | chou |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| sé | ra | kor | kri | o | ni | ré | pri | mand | é | guin | dé |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
| dé | mô | dé | mô | dé | mô | dé | mô | chou | chou | dé | bard |
+------+------+-----+-----+-----+-----+-----+-----+------+------+------+------+
[Voir aussi ces diagonnets 8x8 en hommage à Borges,
10x10 avec rimes,
ce cube syllabique 4x4x4,
et cet ardhabhrama 2x7x7]
29 juin 2003
Poème en prose
Remplume l'aigle,
chrome la suie,
rythme la note,
inhume l'astre,
trio de calumets sciés à mot exclu !
Lei amples choperai : un erg khmer à soi !
Embrume l'astreint opéra d'une triple parole, CD quiet !
Apprends, ô dei azur,
ers, schéma iodé !
Scrute l'ancien globe : nature, isthmes adorés...
L'iule tard n'emploiera du temps ; Pleiados enrhumerait
de chlore l'amuï Est scléral.
Obéis-tu devant ces violes à sujets triés,
à bon effluve ?
« Iambres » gloserai.
Un ex-P.D.G. sera roi et, y furetant, réimposera
(dûment illégal !) or et pluie.
L'archet frôle Ian, use -- zzzz -- le la, ion en flûte ;
parvient l'ode mature. Ils pré-radotent :
« Iule tard n'emploiera du temps ; Pleiados enrhumerait
de chlore l'amuï Est scléral. »
Ô sein d'une Daphné, gniôle, naturel schiedam !
Omets-tu de « iambres » l'hôtel à iules ?
L'sphex aboie : scrute l'arbre !
Il n'ôtera d'une griffe sa Rolex d'hui
et, as très drôle, Ian use, B.C.B.G., de « J'ai osé ! ».
Scrute l'altier ysopet adulé (ISBN mégaloterni).
Une vamp n'en choiera juments :
Freia, ho !
Remplume l'aigle,
chrome la suie,
...
C.Q.F.D.
Ne va, Soleil, muselant le triolet !
Abusés, striés, azotés : chute Ian, tremblote l'aï.
Un end vs de la joie.
Scrub étanche, ignore ratures ; lis tes
atones truies, affres pro dei à super-T.N.T.
Déjà Io n'exclure, pardi ! et prôner à pure IVG
l'hexapode, sciure d'archets, d'oies à duvets.
Vocabulaire :
lei = pluriel de « leu », monnaie roumaine
erg = désert de dunes (et unité d'énergie)
khmer = cambodgien
dei = « de Dieu » en latin (dont l'ordre des mots est libre)
ers = herbe fourragère
iule = mille-pattes noir ou fleur en épi
pleiados = « constellation de sept étoiles » en grec
amuï = devenu muet
scléral = relatif au blanc de l'oeil
iambre = mot-valise d'« ambre » et d'« iambe » (rythme noire-blanche)
Ian = prénom (Jean)
schiedam = eau-de-vie d'origine hollandaise
sphex = grande guêpe
ysopet = recueil de fables
Freia = Vénus wagnérienne
scrub = épaisse brousse buissonneuse
IVG = avortement
hexapode = qui a six pieds
Dans ce texte de mille lettres, les « a » apparaissent
toutes les 12 lettres, les « e » toutes les 6 lettres,
les « i » toutes les 14 lettres, les « o » & les « u »
toutes les 18 lettres et les « y » toutes les 336 lettres.
Ces périodes sont voisines des valeurs 12, 6, 14, 19, 17 et
333 (pour AEIOUY) qui se déduisent des statistiques du site
<http://www.apprendre-en-ligne.net/crypto/stat/francais.html>.
Il est nécessaire de les modifier légèrement pour qu'elles
aient des diviseurs communs, sinon il devient impossible de
construire un tel texte, car plusieurs voyelles devraient
occuper la même position.
En éliminant les espaces & la ponctuation, et en remplaçant
les consonnes par des points, ce texte se schématise ainsi : --------------------------------------------------
.e...u.e.ai..e...o.e.a.uie.y...e.a.o.ei..u.e.a...e
..io.e.a.u.e....ie.a.o.e...u.eia...e...o.e.aiu.e..
...e.a.oie...u.e.a...ei..o.e.a.u.e..i..e.a.o.e...u
ie.a...e...o.eia.u.e.....e.aio.e...u.e.a..ie...o.e
.a.u.ei....e.a.o.e..iu.e.a...e...oie.a.u.e.....eia
.o.e...u.e.ai..e...o.e.a.uie.....e.a.o.ei..u.e.a..
.e..io.e.a.u.e....ie.a.o.e...u.eia...e...o.e.aiu.e
.....e.a.oie.y.u.e.a...ei..o.e.a.u.e..i..e.a.o.e..
.uie.a...e...o.eia.u.e.....e.aio.e...u.e.a..ie...o
.e.a.u.ei....e.a.o.e..iu.e.a...e...oie.a.u.e.....e
ia.o.e...u.e.ai..e...o.e.a.uie.....e.a.o.ei..u.e.a
...e..io.e.a.u.e....ie.a.o.e...u.eia...e...o.e.aiu
.e.....e.a.oie...u.e.a...ei..o.e.a.u.e..i..e.a.o.e
...uie.a...e...o.eia.u.e.....e.aio.e...u.e.a..ie.y
.o.e.a.u.ei....e.a.o.e..iu.e.a...e...oie.a.u.e....
.eia.o.e...u.e.ai..e...o.e.a.uie.....e.a.o.ei..u.e
.a...e..io.e.a.u.e....ie.a.o.e...u.eia...e...o.e.a
iu.e.....e.a.oie...u.e.a...ei..o.e.a.u.e..i..e.a.o
.e...uie.a...e...o.eia.u.e.....e.aio.e...u.e.a..ie
...o.e.a.u.ei....e.a.o.e..iu.e.a...e...oie.a.u.e..
--------------------------------------------------
L'une des difficultés est la présence de suites de voyelles
peu courantes (notamment 11 « eia »), ou de cinq consonnes
consécutives entre deux « e » (ce qui se produit 14 fois).
L'apparition d'un iule dans mon « poème en prose » ne
s'explique pas seulement par la présence de 8 « iu » dans
ce patron vocalique. Le mille-pattes noir est aussi une
métaphore de ce texte obscur de mille lettres ! ;-)
Quand j'ai proposé une grille similaire sur la liste oulipo
en mai 2003, d'après une idée encore plus monstrueuse d'Éric Angelini,
Patrice Besnard a été le seul à relever le défi.
Son texte est d'une
belle cohérence pour une telle contrainte ! Il m'a fallu trois semaines
de plus que lui pour composer le « poème en prose »
ci-dessus, en choisissant des fréquences de lettres légèrement
différentes. Comme Patrice avait déjà prouvé qu'un sens
à peu près suivi était possible, je n'ai pas cherché
à rivaliser dans le même domaine, et j'ai donc volontairement
donné libre cours à toutes les images surréalistes que
la contrainte suggérait.
Complément statistique (2 juillet 2003)
Le poème suivant est une légère modification d'un
célèbre sonnet de
José Maria de Heredia,
de telle sorte qu'il comporte exactement 500 lettres,
et que chacune apparaisse avec le même pourcentage que
sa moyenne
en français. Il compte donc exactement 42 A, 5 B, 15 C, 21 D,
86 E, 6 F, 6 G, 5 H, 37 I, 2 J, 0 K, 30 L, 15 M, 36 N, 26 O,
15 P, 5 Q, 33 R, 40 S, 35 T, 29 U, 7 V, 0 W, 2 X, 1 Y et 1 Z.
[Cette idée m'a été suggérée par
Éric Angelini.]
Comme un vol de gerfauts tirés du toit natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir cet objectif métal
Que le Japon mûrit en ses mines lointaines,
Et les vents appâtés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Au soir, étape espoir de lendemains épiques,
L'azur, pape des mers de basales Tropiques,
Échauffait leur sommeil d'un mirage doré ;
Peu penchés à l'avant de blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan ces étoiles nouvelles.
[Voir aussi ces réécritures du
« Desdichado »
de Nerval et d'un sonnet de
Queneau
respectant la même contrainte littérale
que ci-dessus, donc anagrammatiques les
uns des autres. Dans un tout autre genre, cette version
faussement holorime des
« Conquérants » de Heredia peut
aussi vous amuser.]
21 août 2003
Sonnet holorime régulier ?
En France & en principe, les sonnets réguliers doivent employer
les mêmes rimes dans leurs deux quatrains. A priori, un sonnet
holorime régulier devrait donc contenir deux quadruplets de vers
homophones. De tels énoncés multiplement holorimes ont déjà été
proposés, notamment sur la liste oulipo, mais je ne connais que deux
exemples de sonnets holorimes réguliers, respectivement en vers
monosyllabes et en pentasyllabes, tous les deux de Daniel Marmié
dans son livre « De la Reine à la Tour » (éd. de Fallois, 1995).
Voici une première tentative en alexandrins, qui manque certes
de clarté et contient plusieurs faiblesses prosodiques (quelques
césures discutables, un H muet à tort, répétition de « sot » et
de « haine »), mais qui respecte à part ça les règles classiques.
J'invite les amateurs d'homophonies à construire des exemples plus
cohérents & plus malherbiens à la fois.
L'art décochons !
[Les bourdons et les jeux de mots laids intimident le
fils d'Adam, mais ces pièges à comtes peuvent rapporter
de grandes richesses rimiques. Se moquant de tels
méandres, sa fertile mère prend un envol onirique.]
Les sonnets détraqués l'assènent : leur acompte,
C'était le temps des vers. L'amer art hideux vend !
Lai sot n'aidait trac, hélas... Haineux leurre à comte,
Seth hait le taon -- dais vert lamé rare y devant.
Laisse au nez des traqués la scène. L'heure à conte,
C'est elle -- tant d'Ève air -- : la mère a ri devant
L'Essonne. Et d'être à quai la Seine le raque : honte.
Cette aile tendez vers la mer, aride vent !
Volant à double sens sa rime, ô chants sonores,
Vos lents tas, d'où bleu sang s'arrime aux champs, s'honorent
De richesse pour sots, d'homophonie écran.
Car Ève, effaçant les rances bourdons, n'eut bile
Qu'à rêver, face en l'air en ce bourg dont nubile
D'eux rit chez ce pourceau d'homme au faux niais cran.
Poésies ? Fi ! L'art se glose_
[Voir aussi mes précédents
poèmes holorimes ou homophoniques]
Eh, miaule : c'est c'qui altère
Le sonnet suivant est un exercice rythmique sur l'ambiguïté
de mesure 6/8 vs 3/4 chère à Ravel et à la musique espagnole en
général. Les premiers hémistiches sont tous formés de deux groupes
de trois syllabes (dont la dernière est accentuée), et les seconds
hémistiches de trois groupes de deux syllabes. Schématiquement,
tous les alexandrins sont donc du type
..- ..- / .- .- .-
Pour plus de clarté, les syllabes accentuées ont été indiquées en gras.
Hémiole
Écoutez la chanson bizarrement rythmée
D'une femme espagnole aux yeux d'ébène ardents.
Elle claque des mains et fait briller ses dents
Sur chacun des accents de l'ode déclamée.
Elle danse à présent « Carmen » de Mérimée.
Deux pas lents sensuels et presque décadents
Puis trois coups de talon rapides -- ô tridents
Qui transpercent le coeur d'épine parfumée !
Sa mesure ambiguë illustre tous ces jeux
De lascives amours et d'âges orageux :
La passion ne respire à fond que syncopée.
Sentez-vous ? la marée exprime biens & maux :
Platitude huïleuse et vague alors frappée
Sur l'esprit dérangé des gens goûtant ces mots.