L'arrivée de l'année 2015 a rappelé à tous que quatorze et quinze ne riment à rien en français (bien que je me sois déjà amusé plusieurs fois à les faire rimer quand même). Le sonnet qui suit respecte l'alternance et même la plupart des consonnes d'appui, en voyageant depuis l'Espagne jusqu'en France, via le Mozambique (deux escales), l'Albanie, la Pologne, le Maroc, le Tibet, de nouveau la Pologne (trois escales), la Libye, la Papouasie-Nouvelle-Guinée (de l'autre côté de la mappemonde) et le Liban. Notez qu'en plus de sa méchanceté et de sa prétention, le protagoniste a une très mauvaise prononciation des noms propres étrangers. ;-)
Renoncement
(d'après Georges Fourest)
Le Cid m'offrit Chimène en étrenne à Betorz,
Je tutoyais le roi de Lagoa Chinginze,
J'eus un million d'amants près de Baixo Maquinze,
Et traversai la mer pour uriner à Dorz.
Désirant m'admirer, Ubu vint à Batorz
Puis cira mes souliers jusqu'à Jebel Taguinze,
Le Dalaï-lama prit sa suite à Renqinze,
Chaque jour je mangeais trente nouveau-nés d'Orz.
Mon cousin Lucifer me reçut à Gostchorze,
M'observa torturer l'abbé de Podklasztorze,
Je décidai soudain de raser Khashshat Qinz.
D'un regard je régnai sur les sorciers de Torze,
Puis, ayant tout conquis, rentrai d'Ouâdi-el-Kinz
Pondre des bouts-rimés chez ma manman à Gorze.
Rimes singulières
[Sonnet à rimes très rares,
considérées comme orphelines dans certaines
références. En compilant diverses sources, j'ai
obtenu une liste de 120 mots ne rimant en principe à rien.
Pourtant, un vocabulaire assez riche permet de trouver des rimes
pour au moins 45 d'entre eux (j'ai pioché dans cet
ensemble pour le sonnet ci-dessous). 55 de plus admettent des
rimes avec des noms propres (« quatorze » et
« quinze » en font partie, ainsi que les
célèbres « simple » ou
« triomphe » si l'on accepte les noms de
villes prononcés à la française). Il n'en
reste donc finalement que 20 véritablement orphelines,
jusqu'à preuve du contraire : æschne, asple,
aspre, chanvre, coach ([o] fermé contrairement à
scotch), dextre, disjoncte, fichtre, goinfre, gürz, incurve,
jouxte, monstre, peuple, pourpre, putt ([œ] ouvert et
rime masculine), sceptre, sépulcre, stagne et zeugme.
Je me souviens pourtant qu'Hugo a utilisé
sépulcre à la rime,
et Fourest monstre 8-).]
Navet Visionnons ce que nous concocte Ce film aussi nul qu'un western Où le héros prend son air docte En découvrant un grossier cairn Il emploie un lourdaud syntagme Comparant la pierre au pop-corn Et contracte dur son diaphragme Tel un Roland jouant du saxhorn Ce trop pâle Indien est absurde Et sa langue ressemble au kurde Craindrait-il de mourir de soif Même un peau-rouge d'Andrinople Quand il a peur devient sinople Je ris comme un cabot ouaf ouaf
P.S. anticonformiste du lendemain (rébellion des rimes orphelines devant les lois du sonnet classique) :
La révolte des vieux proscrits Vêtu de son manteau de pourpre Et tenant dans sa fière dextre Quelque aristocratique sceptre Le roi fainéante et se goinfre Il n'a cure des maux du peuple Immonde engeance qui le jouxte En un marrant marais où stagne Son espérance et ce bon zeugme Brusquement sa garde disjoncte Et quand la droiture s'incurve Le monarque peut crier fichtre Orphelins encerclez le monstre Bouseux cravatez-le de chanvre Parias offrez-lui son sépulcre (ce texte n'est pas un sonnet)
[Voir aussi ces croisements sonores de 2003, utilisant plusieurs rimes orphelines]
P.P.S. du 30/01/15 : un Desdichado à rimes très rares, parfois considérées à tort comme orphelines
El Aislado
(L'Isolé)
Je suis le ténébreux, — le veuf privé de legs,
Le prince dont la tour fut abolie à Bourges :
Ma seule étoile est morte, — et le soleil des regs
Carbonise mon luth comme un Cafard de bourges.
Dans la nuit de la tombe, ô mon ami touareg,
Rends-moi le Pausilippe et l'Italie où cours-je,
La rose qui fleurit dans le creux du talweg,
La treille où le raisin s'entremêle à la courge.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Saint Malc ?
Le baiser de la reine était juste une burle ;
J'ai vu que s'entraînait la sirène en son palc...
Et j'ai deux fois créé des cordes sur ma curle :
Modulant des soupirs aussi doux que le talc,
Mais imitant parfois l'envoûteuse qui hurle.
Gernköpfle de Nervatn
Hommages à Charlie Hebdo
Cabu, Wolinski, triomphez-y du vieux fou qui juge !
Isonnetwoosharlie
On railla toute lie accomplie l'étrilla La charia fut salie l'ordalie mitrailla Ô Charlie que folie endeuilla Multiplie et publie un chouïa
ROMIÉTFAC OQPAKCEIR DKPRAILFO IDOZIEFMR CÉVIÉOZMO CRODKIÉAT ÉTILAPLRI SMLSAIAIÉ ÉULFIJDPI OZMRVIÉDS XLSIEBZFS LIZUQMAIÉ LAPIRARIN SUIADGLAN LADITAPIÉ
[Ce twoosh – sans son titre – cache un sonnet d'octosyllabes :
Héros émiettés, effacés
Occupés à casser oeillères,
Décaper et railler les faux
Idéaux et dieux éphémères,
Ces éveillés osaient des mots.
Ces héros des cahiers athées
Étayaient la paix et les ris,
Essaimaient les saillies aillées,
Et huaient l'effigie des pays.
Osez d'émerveillées déesses,
Ixez les cieux, baisez des fesses,
Et lisez du cul émaillé !
Et la paix hier aérienne
Essuya des jets et la haine...
Et la déité a payé.
Il est techniquement possible de composer des
alexandrins avec neuf lettres épelées, en
plaçant un Y et un W (ou bien trois Y) dans chaque vers,
par exemple
MÉWQBZUPY = Aimé
doux bleu vécu, baiser du pays grec
ou
bien cette description d'un travailleur au noir, sur un chantier
naval, recrutant discrètement ses assistants
LMYHRAWDZ = Et
l'émigré cachait radoub, levait des aides
mais ça rend le poème si
répétitif que j'ai préféré
éviter. J'ai au contraire choisi de réduire la
taille des vers, qui auraient plus
naturellement été des ennéasyllabes, en
plaçant une semi-voyelle dans chacun d'eux. Je regrette
que quelques liaisons ne soient
pas correctes dans la version à épeler, mais pour
compenser, j'ai respecté le genre et le nombre des rimes
dans la version décodée.]
Palindromes urbains minimalistes
[dans l'état d'esprit des
couples anagrammatiques]
Toi, chien guinéen —
aboieras à Sare Ioba
Fauteuil péruvien —
accotoir à Río Tocca
Police béninoise —
agrafait à Tiafarga
Sécurité routière en Italie —
airbag à Gabria
Orbes borgésiens au Pakistan —
alephs à Shpela
Méridionaux en Norvège —
Alésiens à Sneisela
Sein donné au Sri Lanka —
allaiter à Retialla
Fallas catalanes —
allumer Remulla
Famine lituanienne —
anémiez Zeimena
Marocaine sensuelle —
animale à El Amina
Viens jouer au Sénégal —
animeras Saré Mina
Vends du pastis en Afghanistan —
aniseras Sare Sina
Mousson brésilienne —
anorak à Karona
Maghrébins en Indonésie —
arabes à Sebara
Va ravaler au Yémen —
araseras Saresara
Amérindien au Pakistan —
Arawak à Kawara
Sériciculture vénézuélienne —
Arenitas satinera
Peuple gambien attaqué —
assailli à Illiassa
Drachme stabilisée —
assainir Riniassa
Supporter guinéen —
assumeras Sare Mussá
Loups bosniaques —
canidés à Sedinac
Câlin en Loire-Atlantique —
caressa à Assérac
Herbe antillaise —
cramcram à Marc Marc
Guerre russo-suédoise —
dérange Egnared
Heure d'hiver en Suède —
dérégla Älgered
(Agitateur suédois —
déréglas Sälgered)
Secours en Mauritanie —
El Badia aidable
Village libanais globalement inoffensif —
El Baïdar radiable
Solide Soudan —
El Barud durable
Plus de régime en Suède —
épaissir à Rissiape
Réfugiés en Albanie —
exilés à Selixë
Inondation allemande —
föhneriez Zeirenhof
Alcools malais —
gnaules à Seluang
Guinéens autrefois nus —
habillés à Sèllibah
Déforestation afghane —
haches à Seh Câh
Piment libanais —
harissa à As Sirah
M.S.T. indonésienne —
herpès à Sepreh
Franc-maçonnerie grecque —
initiez à Zeïtíni
Nouvelle occupation de Taïwan —
ixième à Emei Xi
Kyste indonésien —
Labutarap paratubal
Joconde en Afrique du Sud —
Léonard à Dranoel
Trace de nouvelles routes iraniennes —
ligneras Sarengîl
Va habiter en Corée du Sud —
logeras à Sare-gol
Commerce afghan —
magasin à Nisagâm
Que la caille chante au Pakistan —
margotât à Tatogram
Langueur libanaise —
mollesse à Es Sellom
(Que je me détende au Liban —
mollisse à Es Sillom)
Mièvrerie bhoutanaise —
Nangnang gnangnan
Accent coréen —
nasonnas à Sanno-san
Flotte turque —
navires à Serivan
Hitléro-coréennes —
nazies à Seizan
Pakistanais aryens —
Niâm Reg germain
Vagabond indien —
nomade d'Edamon
Giraffidés zambiens —
okapis à Sipako
Salon en Afrique du Sud —
Olivier à Reivilo
Religieux tunisien —
rabbin à Nibbar
Chef indien en Macédoine —
radjah à Hajdar
Efforts israéliens —
ramiez à Zeimar
Voleur indonésien —
rapinais à Sianipar
Volte-face en Tanzanie —
revirais à Sia River
(Volte-face en Australie —
revirait à Tia River)
Rivière espagnole sans intérêt —
Río Sar rasoir
Confiance au Liban —
tablasse à Es Salbât
Que le Japon rêve —
Tanigami imaginât
Que le Niger se défende —
Tassabat tabassât
Que le Maroc s'exprime —
Tasserda s'adressât
Sports d'hiver suédois —
téléskis à Sikselet
Naissance afghane —
vagiras à Sari-Gav
Sabre turc en Russie —
yatagan à Nagatay
Facture
1 001 274 + 101 277 + 101 297 + 101 274 + 101 294 + 101 278 + 101 298 + 101 374 + 101 279 + 101 299 + 4 173 = 1 917 117 + 6,31% = 2 038 087
Cette facture (aux résultats
corrects !) est un
twoosh isocèle
cachant un sonnet d'alexandrins respectant l'alternance. Il
n'est certes pas d'une profondeur insondable, mais c'est
un témoignage poignant des centres d'intérêt
de notre société. ;-)
Un million mille deux cent soixante-quatorze
Plus cent un mille deux cent soixante-dix-sept
Plus cent un mille deux cent quatre-vingt-dix-sept
Plus cent un mille deux cent soixante-quatorze
Plus cent un mille deux cent quatre-vingt-quatorze
Plus cent un mille deux cent soixante-dix-huit
Plus cent un mille deux cent quatre-vingt-dix-huit
Plus cent un mille trois cent soixante-quatorze
Plus cent un mille deux cent soixante-dix-neuf
Plus cent un mille deux cent quatre-vingt-dix-neuf
Plus quatre mille cent soixante-treize égale
Un million neuf cent dix--sept mille cent dix-sept
Plus six virgule trente et un pour cent égale
Deux millions trente-huit mille quatre-vingt-sept
[Ses modestes difficultés techniques
sont cachées dans les 11e & 13e
vers, dont les valeurs agissent à la
fois sur leur compte de syllabes et celui du vers suivant
— les 12e & 14e devant
de plus rimer entre eux.
Vous avez grammaticalement le droit d'écrire
deux fois « égalent » au lieu
d'« égale ».]
Pieds bots
[isonnetwoosh
arithmonyme
à mètre dissymétrique]
Oulipiens Fouillent irréalité Touillent inutilité Rouillent émotivité Bouillent unanimité Planchent Tranchent inégalité Vainquent animosité Trinquent
[Voir aussi ces précédents isocélismes à mètre variable]
Contre-assonances riches
[sur trois phonèmes consonantiques finals]
El Desastre
(Le Désastre)
Je suis le ténébreux, — l'éploré qui se prostre,
Le prince d'Aquitaine au fort jadis illustre :
Ma seule étoile est morte, — et sur mon luth un astre
Fuligineux répand sa Dépression sinistre.
Toi qui m'as consolé, dans l'ombre où l'on te claustre,
Rends-moi le Pausilippe et l'eau vive du Doustre,
La rose qui me fit au coeur un effet monstre,
Et des fruits et des fleurs l'alliance sylvestre.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Ou Mølstre, Kornoc Cleustre ?
Le baiser de la reine a fait rougir mon rostre ;
J'ai rêvé la sirène en sa nage lacustre...
Et j'ai deux fois payé Charon de mainte piastre :
Modulant tour à tour sur mon orphique cistre
De la sainte un soupir, de la fée un orchestre.
Tristram de Maistre
P.S. du lendemain :
holo-contre-assonances
(proches des règles de la
cynghanedd
galloise ; cela ressemble aussi aux
homoconsonantismes, mais seuls les sons
comptent ici, et non la graphie,
et les phonèmes vocaliques des deux vers
ne doivent jamais coïncider)
Gall, ami de la reine, alla, tour magnanime,
Goulûment dans le riz ne lotir mignons nems.
[d'après Marc Monnier]
Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses :
Deux cents monts-blancs, liqueurs, hideuse dame heureuse !
[d'après Charles Cros]
Pour les bois du Djinn, où s'entasse de l'effroi,
Part l'aube adagio — noce intense ondule au frais.
[d'après Alphonse Allais]
Variante plus borgésienne (évitant l'identité
des voyelles d'effroi et d'aleph) :
Pour les bois du Djinn, où s'entassent de las freux,
Part l'aube adagio, noce au tissu d'aleph rond.
Hâve oiseau pondu loin de la vogue emmerdante,
On vise en pédalant dans le vague amour... Doute.
[d'après Alphonse Allais]
Lacan, à Paname, à l'essai psychanalyse
Le canope inhumain, l'os absent que nul ose.
[d'après Daniel Marmié]
Assonances riches
[sur les trois phonèmes vocaliques
finals a-é-i, sans aucune rime véritable]
¡Maldecid!
(L'Ascétisme)
Je suis le ténébreux, — le veuf, — le pathétique,
Sans donjon aquitain, le déchu tsarévitch :
Mon étoile a péri, — mon luth plein d'astérisques
Porte le soleil noir de puissants Maléfices.
Dans la nuit du tombeau, mon soutien affectif,
Rends-moi cette Italie où je veux amerrir,
À mon coeur désolé la fleur qui magnétise,
La treille où le raisin s'allie à l'améthyste.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Ou quel noble archétype ?
Mon front est rouge encor du baiser d'Albertine ;
J'ai rêvé que nageait la sirène aguerrie...
Et j'ai deux fois vainqueur rejoint les satellites :
Modulant comme Orphée à sa lyre accessible
La sainte soupirante et la fée agressive.
Astérix de Baskerville
Pangramme métropolitain
respectant l'alternance des rimes
(les vers successifs sont repérés
sur la carte par leur numéro)
Manéglise Bellaunay Vaudelnay Molompize Valencize Frontenay Jorquenay Pellebize Appenwihr Riquewihr Maxéville Keskastel Cideville Plogastel
Palindrome passant par l'Iran,
le Pérou, le Nigeria,
le Sénégal, la Malaisie,
le Honduras, l'Ouganda, le Ghana, encore
la Malaisie, les Philippines,
encore le Nigeria, l'Indonésie,
encore les Philippines, et l'Inde.
Le Pérou (2) et le Honduras (6)
se trouvent sur la mappemonde de droite.
Marâgallû Copa Copa Mara Mara Kobo Toki Apin Apin Tawa Tawa Morkisuwa Awusikrom Awat Awat Nipa-Nipa Ikot Obok Aram-aram Apoc-Apoc Ullagaram
Intégration
[Le 4/2/15, Noël Bernard a défini sur la
liste oulipo la notion de
dérivée d'un texte : une
lettre par syllabe en est extraite (dans l'ordre) pour composer
un nouveau texte.
Il a également proposé & illustré
l'opération inverse, l'intégration : les
lettres successives du texte source doivent apparaître
dans les syllabes successives de la
primitive.
Ce qui suit est mon premier essai
dans ce domaine.]
Imaginons un voyage depuis la Croatie jusqu'en Chine, plus
précisément entre les deux localités
Rt Cuska ↔ Je-liu
L'une de ses primitives se trouve être le célèbre
pangramme
Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume !
Et l'une des intégrales de ce monostique donne
un tercet d'alexandrins monosyllabiques :
Peut-on ouïr « tout est zen » ? car le vrai Dieu n'est plus,
Aux tweets, choix vain, les geeks s'y liant seuls jusqu'aux glus,
Et, bien lourds, jouant un deuil que tous ils font... peu mus.
Gef_
P.S. : L'exponentielle, fonction égale
à sa dérivée, peut par exemple être
représentée par une
suite infinie d'un même monosyllabe, comme
« Schtroumpfs,
schtroumpfs, schtroumpfs, ... »
Les sinus et cosinus hyperboliques, ou plus
généralement les fonctions identiques à leur
nième dérivée, peuvent être
illustrées par une suite quelconque de syllabes employant les
mêmes lettres, par exemple cette évocation
du quotidien des cerfs :
« Réer, errer, réer, ... »
ou cette allusion au labyrinthe des oulipiens :
« Rats stars. Rats tsars ! Arts. Strass... »
[Voir aussi ces holorimes stroboscopiques de mai 2004]
Outre ans
[isonnetwoosh
anagrammatique / hétérogramme en ESARTONU]
Dieu du temps circulaire et des dictons sanskrits,
Sire enchaîné gobeur de cinéraire amphore,
Vampire sans sépulcre aux inaudibles cris,
Mon squelette ne veut plus t'écouter encore :
Ô Saturne as tourné soutra né ôtas urne Noué tsar usa trône eut sonar sûr atone T'enrouas ne trouas Os nature tuera son autre son on sature
Sentence extrême
[isonnetwoosh
monovocalique du 27/02/15]
Le cyclone croissant du jugement dernier
M'étreint comme une amante et me jette au charnier :
Les vents enflèrent crevèrent gréements Les temps cessèrent fermèrent mes dents L'enchère m'enserre J'entends m'enferre m'éprends m'enterre
À la recherche du temps ardu
[juste pour le plaisir d'employer les sept noms de
localités monovocaliques & avocalique
les plus longs du monde, situées respectivement en
Irak (a), au Groenland (e), à Taïwan (i),
en Corée du Nord (o), en
Thaïlande (u), et les deux dernières au
Pays de Galles (y et w).]
Je recherche le gel des fjelds, et je déserte
Qanāt an Naharwān al Mandatharah, car
L'art glaçant m'avala — pas à Madagascar :
Sekstende September Gletscher, en Terre Verte !
D'instinct, j'inscris ici Shih-i Mining District :
Non ! tronçon trop mongol, grosso modo Hong Kong...
Proposons donc l'oblong T'osŏngdong-chosok-tong
Si l'indistinct pidgin finit vif jingxi strict.
Crus-tu qu'un cumulus plut sur Bung Thung Phung Phut ?
Tu fus un pur summum du kung-fu, plus du luth,
Lys d'Yspytty-Ystwyth — Gypsy rhythm spryly.
Jugez un faux patchwork que vide ce symbole,
Sphex, quittez-y Bangkok : à Cwmffrwd je m'envole.
Fou crwth de gambe exquis, vas-y, ponds zouk joli !
Contre-assonances (le retour)
L'oiseau léger antan sculpté sur l'Acropole
Chérit celui qui court paré d'un éclat blond.
Je m'adresse aux Incas — c'est à tort qu'Apollon
A béni mon poème au glorieux symbole :
Onc lourde aile, hellène
monument pierreux,
prompte mouette ample aime
pur ocre-or émeu.
Mon chant dit le myrte
jaune — plaide enfin,
ivre âme ointe en perte,
parle aux moeurs d'Indiens !
[sélénet
reproduisant les consonnes phonétiques de l'original
Au clair de la lune, en
évitant autant que possible ses voyelles, mais avec
encore moins de rimes que le modèle]
La rhétorique douce est beaucoup plus seyante :
Ô prestes ratures,
compatiriez tôt :
fraîche loi capture
foule et tribun sot.
Parenthèse énorme,
rejet grumeleux,
outrenoir à forme
souple accoutrent mieux.
[sélénet
reproduisant les voyelles et semi-voyelles phonétiques
de l'original Au clair de la lune,
en conservant le nombre de consonnes de chaque syllabe ; notez le
son un et non in au 4e vers]
GP de GP
Mise au point d'une page présentant le
Grand Palindrome de Georges Perec
(pour son 79e anniversaire).
Il y en avait déjà des dizaines voire des
centaines sur Internet, mais celle-ci offre trois
nouveautés :
— j'y ai corrigé un bon nombre d'accents
et de coquilles ;
— en passant sa souris sur le texte, les paires
de caractères symétriques sont affichées
sur fond rouge ;
— une autre présentation, suggérée
par le pianiste Jean-François Ballèvre,
est disponible au format PDF.
Ces présentations facilitent la comparaison des
deux moitiés du palindrome.
P.S. du 11/03/15 : ajout d'une page imitant
la seconde présentation en HTML
(mais elle dépend hélas beaucoup
des préférences de votre navigateur), et
d'une autre respectant les paragraphes
& alinéas décidés par Perec.
Contre-assonances
très riches
[Le dernier mot de chaque vers se termine par les
phonèmes consonantiques P-S-T-R dans cet ordre
(oui, « bstr » se prononce aussi comme
s'il s'agissait de « pstr »), et le
schéma fmmf fmmf mmf mfm
de ce sonnet est d'un impeccable classicisme, mais
il ne compte pourtant aucune rime. Quatorze autres
mots en T-R-T-R sans rimes sont aussi utilisés dans les
premiers hémistiches, en respectant la même
alternance. Je ne crois pas qu'il existe d'autres quadruplets
de consonnes phonétiques donnant autant
de contre-assonances sans rimes.]
Stertor abstrus
Traître nuit sidérale où m'ancre l'apoastre,
Castrateur règlement qui forme le substrat
Du traintrain oulipien, tes travaux posturaux
M'entretinrent souvent mais de beauté s'abstinrent.
Au Tartare j'ai vu des peintures rupestres
Figurant tourtereaux et candides pastours ;
Mon esprit trottera comme un preste pistard
Et deviendra sans tartre une lampisterie.
Car j'enverrai tartir les Muses m'obstruant
Qui juraient « Torturons ce chantre riposteur ;
Notre âme autoritaire en sera l'épicentre. »
Vous nous maltraiterez par vos ordres abstraits,
Mais la littérature exclura l'imposture
En triturant les vers qu'ici nous posterons !
Tristram Duteurtre et Dempster Lepistre
P.S. du 24/03/15 : Notez que
paradoxalement, deux mots peuvent être en assonances
(même son vocalique final)
et simultanément en contre-assonances (mêmes sons
consonantiques finals) mais pourtant ne pas rimer entre eux.
Voici un quatrain minimaliste sur les mêmes consonnes
[pstr], mais où la seule voyelle [è] se
déplace progressivement :
[pèstr], [psètr], [pstèr] et [pstrè].
C'est la réponse d'un collègue de l'Observatoire
de Haute-Provence quand je lui
ai demandé si le ciel a été clément
le matin du vendredi 20 mars 2015.
Grisaille
L'observatoire alpestre
où pouvait l'éclipse être
visible un court laps ? Taire
ce flou Turner abstrait...
P.P.S. du 25/03/15 : L'érudit Alain Chevrier a critiqué le nom « contre-assonances » que j'attribue à de tels homoconsonantismes phonétiques en fins de vers. (Je l'ai fait par analogie avec les « assonances », qui sont des homovocalismes phonétiques en fins de vers.) Les contre-assonances ophycielles sont plutôt définies de façon négative, comme des rimes imparfaites, dont la voyelle phonétique diffère (cf. ces exemples de ma pomme). Du coup, mes explorations ci-dessus sont à considérer comme des généralisations. Si « contre-assonances » vous déplaît autant qu'à A.C., attribuez-leur un nom quelconque ; par exemple « artichauts », ça n'a aucune importance. L'isonnetwoosh artichtique ci-dessous résume nos échanges sur la liste oulipo.
Du cachot néo-boche au bachot à caboche ici chaut exo moche à manchot Anicroche Ami chaud rabiboche ô réchaud à brioche artichaut & bidoche
Voici aussi un poème-barre évoquant cette discussion :
Fils Alain Chevrier, sévère qui s'annonce,
Fissa lynche vrillés ces vers à consonances.
La Goulue
[essai de palisonnetwoosh
(sonnet isocèle palindrome de 140 caractères) respectant
l'alternance des rimes]
Après sa pâmoison, la grivoise hétaïre
Met le nabot dehors, même s'il est fringant.
Elle part toute seule en province, alléguant
Qu'elle sera sa mie au retour, pécaïre !
Elle veut être ondine et n'aura pas d'égards
Pour les dépossédés ni les grands boulevards,
Clamant que la censure est partout à proscrire :
Exit nain si alerte ex-inerte sel catin Ère train ère verte nia perte être pain Et révère ni artère ni taclés Être nixe et relais niant ixe
En rab, un mini-palindrome qui saute aux yeux quand on lit
de droite à gauche le nom de ce petit tubercule comestible
Le méchant maître-queux gronde son employé :
L'épiaire du Japon ne se sert pas mouillé.
Essore le crosne ensorcelé, rosse !
(Il te faut le laquer, crétin mal réveillé :
Enrobe le crosne ensorcelé, borné !)
Homo(c/v)ismes
Les vers 1 & 2 emploient les mêmes
phonèmes consonantiques, ainsi que les
3 & 4,
et les 1 & 3 les mêmes phonèmes
vocaliques, ainsi que les 2 & 4. La version
littérale
de cette contrainte avait été proposée par
Nicolas Graner en
mars
2003 sur la
liste oulipo, et
Rémi Schulz
en avait un peu exploré cette
variante
phonétique.
Harpagon peint la nue en piètre aquarelliste,
L'illégal ver luisant effraye la styliste :
Avare aigre élit ciel à duvet
environ gris. Luciole est devant,
attaque esthéticienne, allumée
anticonstitutionnellement.
Autres exemples des jours & semaines suivantes
(l'ordre des quatre vers étant libre) :
Béatitude après un grand Côtes-de-Toul
Ô belle aube au ballet du nid net où s'unirent
L'art onirique, l'eau cristalline et l'automne,
Lorraine au roc hâlé, cru stylé nous lutine,
Aboli bibelot d'inanité sonore !
Révolution individuelle
L'agir n'a peuple : pars (quand le fada manque air)
Rassir sapeur que mal range ta parenthèse !
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon coeur
Ressourcé par cumul : rejetons peur honteuse !
Réveil de cuite
Ci-gît pur, en allé (sikh est fort, ô voleur),
Songe épeuré : n'y laisse aucun fer t'aveulir !
Mi-virus embrasé qui mène au clos d'horreur,
Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire.
La muse de Nerval se dresse et vocalise
Mais Raymond dit stoppons cette vide bêtise :
Tête aux chants opportuns d'ointe ivoirine fée
(D'où Queneau relooke en moi sa loi sur le vain,
Déconnant rôle aucun, moins si loisir) levée,
Toute chose pourtant doit avoir une fin.
Frères humains qui après nous vivez,
N'enviez succès, car aux piques pendîmes.
N'est vieux, succinct, qui râpe et coupe idem ;
Franc résumé : chaos prit neuve envie.
*
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme soeur,
Pionne à remède – ombrons mou dévot malheureux –,
Pieds nus rend mes débris : ma diva met les ris,
Mais nûment, vert éfrit arrive à quel messire ?
[Éfrit = mauvais génie de la mythologie arabe]
*
Pure onciale imprimez ! Temps remonta, tonna,
Père en cieux l'on promet, tint rhème en tétanie :
Serment creux non cloné – plainte et cendre épanouir –
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
[Onciale = type de calligraphie
Rhème = mot significatif]
Généralisation de la contrainte
précédente à une matrice 4×4 de
trisyllabes, croisant
phonèmes consonantiques horizontalement et vocaliques
verticalement — ou l'art de
faire croire que du bruit possède un sens suivi
grâce à une traduction préalable
;-)
Calme-toi, hasardeux exercice oulipien,
Enfante un son grâce au croisement littéraire
Dont le perroquet fou choisit l'itinéraire,
Ô réel aliment de l'esprit olympien :
Roue, doux jeu, rodage à rédiger rude, oh gis
mou ! Tousse mot, as à métisser, mute aussi
douloureux do : l'ara délire, et du lori
vous route vos ratas, vérité vue, rôti.
Autre généralisation possible :
deux vers successifs emploient les mêmes phonèmes
consonantiques ou vocaliques, et les 14e & 1er
vers respectent également cette
règle, bouclant la boucle. (Les 9e & 10e
vers sont carrément choisis holorimes,
afin de respecter leur rime plate caractéristique
du sonnet français.)
Éclectisme à mots
(Les dits éreintants)
Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé,
J'insole ton nombril, hâve flaque salie ;
Prince au renom conquis, la menace s'allie,
Presse ironique écho : l'on m'annonce esseulé.
Des pilotis des morts, compagnon décelé,
Dépeins la tiède mer, campagne d'où sa lie
S'éteint ; l'alliaire plaît tant, là-dessous pâlie,
Sentant l'oullière et plant tous les deux s'épauler.
Pan, Chantre où piété pende ?... ou Sénecé, Borée ?
Penchant troupier t'épand, d'où saine séborrhée ;
Pêche, être épié tapi dans sa nasse, abbé rond.
J'ai déblayé ravi lent râga d'Achéron,
Jeudi bleu, hier, et veux le regain dont chorée
Reluit : rebelle et pieux, feu le pinson d'orée.
Rédacteur ès Gammes & Jureur d'un Art vil
Homo(c/v)ismes littéraux
[vers deux à deux homoconsonantiques
ou homovocaliques
— contrainte proposée en
mars 2003 par
Nicolas Graner]
Nous livrerons nos fruits bientôt, grâce à l'averse
Et nos greffes de maints agrumes disparates.
À tue-tête chantons et dilatons nos rates
Jusqu'à briser nos voix dans ce drôle commerce :
Jeudi, nue, ô restaus ! seront des nectarines.
Jeu d'unir astes : as rient, dos néo-citrons,
Tel un qui, cardé dais, te rompt tes morions
Et l'unique cordeau des trompettes marines.
[Aste = branche de vigne portant des grappes
Cardé dais = ciel en tissu grossier
Morion (avec diérèse selon Littré) = casque]
Homovocaloconsonantisme
[Les deux lignes sont à la fois homovocaliques
(même suite ordonnée de voyelles)
et homoconsonantiques (même suite ordonnée de
consonnes), mais elles ne sont
pas des isogrammes, c.-à-d. que leurs suites de lettres
diffèrent. Leurs voyelles
sont en effet décalées par rapport aux consonnes.
C'est une généralisation littérale,
à toute la ligne, du paradoxe
illustré le 24 mars. Notez l'autoréférence
et le respect
de la « rigidité de l'okapi »
(alternance consonne/voyelle). Le jeu de construction de
la deuxième ligne pourrait aussi devenir
« Ô pile cela se décale l'ego, ça
d'égal ! ».]
Police lésa, décela lège codage, là :
Ô pile cela se décale, lego ça d'égal !
Autres homo(c/v)ismes phonétiques
Médaille à vers palindromes syllabiques
Isonnetwoosh multi-lipogrammatique
[Noël Bernard a retransmis à
la liste oulipo
le défi lancé en janvier 2015 par
Vivi@my_ampersand
sur le réseau Twitter :
« On joue à un jeu? Trouvez
le plus de mots possibles avec les lettres
W E R T Y U I O P
pour tweeter un truc décent. »
Son téléphone mobile avait en effet un
problème d'affichage
ne lui permettant de taper que ces neuf lettres.
J'ai tenté cette réponse en
isonnetwoosh.]
Pote pipe pour ôter et étripe tôt routé Têtu type y tweeter prototype youyouter Pur poète pirouette ô terreur Être pire rewriteur itou rire
Isotankwoosh :
tanka (5/7/5 + 7/7 syllabes) isocèle
(lignes de même longueur) totalisant
140 caractères
Trouvons des chefs-d'oeuvre Dans nos lettres innocentes Nos brouillons nos feuilles Nous sommes des typographes Aux mots obtenus des arbres
Autre exemple envoyé à
Noël
Bernard pour son
zodianku du 10 au 20 avril 2015
[correspondant au signe du Bélier et à
la planète Vénus, donc aux voyelles
eu/ei/eu//eiu/eiu
selon la règle choisie par Noël ; on notera
ci-dessous des allusions à la sentimentalité
de Vénus et aux affrontements du bélier, ainsi
qu'à trois romans de Raymond Queneau]
Fleurs bleues déclencheuses Resplendissez d'emblée chez Cent chercheurs chercheuses Puis vite détruisez presque Le rude chiendent livresque
Et pour son
zodianku du 21 au 30 avril,
correspondant aux voyelles eu/aeu/eu//aeu/aeu,
j'ai repris l'Annan
de Le Tellier qu'avait évoquée
Guy Deflaux dans la deuxième
strophe :
Prends l'heur en ces gemmes Sculptant tes gestes futurs Leurs splendeurs terrestres N'entends-tu pas cet augure Que le temps mène au hasard
[Voir aussi mes haïkus & tankas isocèles de 2000, mes encore antérieures expérimentations d'isocélismes à mètres variables, et ce plus récent hétérocélisme]
Trois nouveaux isotankwooshes
[le premier monovocalique et rimé ;
le second holorime ; le troisième anagrammatique
en ESARTINULOC et arithmonyme]
Des spectres verts semblent Peser en mes belles-lettres Les temps pressés tremblent J'épelle en de mêmes mètres Ces vers jetés des fenêtres
Khan compte en pleine ombre Leurre çà s'omet yeux rares Quand contemplaient nombres Le ressasse au meilleur art L'heure s'assommeillera rrr
Ci-dessous, quelques vers à formes hermétiques
braillent candidement comme des perroquets.
L'oulipien fouille ainsi les jeux labyrinthiques
et l'arc-en-ciel obscur des bateleurs toqués :
Ces traits noirs clos tours Sortent cris scouts à loris Trois sons clairs et courts Sic trottons car les souris Sont ruse à stricts coloris
Isonnetwoosh holorime
Prisonnier de forbans, le chantre indonésien
Ose en vain la magie apprise en Amérique ;
Puis il risque un pantoum dont la bègue métrique
Ravit le capitaine aux goûts de béotien :
Ce malais télépathe neural et hopi rate Sema lais au pirate Ne râlait Tel épate Et lut en élu temps Il y cite bellement illicites bêlements
Bibliothèque
de Babel programmée en PHP
Jonathan Basile a eu
l'idée de transformer en véritable
site Web l'univers-bibliothèque
imaginé par
Jorge Luis Borges dans
cette célèbre nouvelle.
Il offre à la fois une
interface graphique, une
recherche par mots-clés
dans l'ensemble des livres d'une pièce, et un
outil pour repérer les mots anglais.
Mais sans doute pour accélérer ces recherches,
il conserve tous les livres sur disque dur, donc n'en propose
qu'un million environ (à cette date).
Mon
programme n'offre pas ces outils, mais il illustre qu'un
nombre potentiellement infini de livres peut facilement
être proposé, en les fabriquant
en direct lorsque l'internaute les consulte : le
numéro de la pièce hexagonale peut être
choisi aussi grand qu'on le veut. Pour respecter la
description
de Borges, mon programme n'utilise qu'un alphabet de 22 lettres,
plus l'espace, la virgule et le point.
P.S. du 2 mai 2015 :
Le site <http://libraryofbabel.info> de Jonathan
Basile fabrique désormais à la volée les
livres consultés, comme mon humble
programme cherchait à l'illustrer. Ce dernier n'a donc
plus aucun intérêt, et je ne vais le conserver
qu'à titre historique.
La superbe nouveauté de Jonathan Basile est que
l'on peut maintenant chercher des mots-clés dans la
totalité de sa Bibliothèque !
Vous pouvez donc facilement y retrouver un extrait de texte
connu (par exemple
du
Borges)
au milieu de caractères aléatoires.
P.P.S. du 12/09/17 :
Repassant sur ce site deux ans plus tard, j'y découvre
par « hasard » une page dont la
dernière ligne indique sa propre adresse
<http://tinyurl.com/autobabel>
(avec l'alphabet réduit autorisé dans
cette Bibliothèque), ainsi qu'un
célèbre portrait et un
thème musical
non moins connu.
[Voir aussi mes précédentes expérimentations babéliennes]
Isonnetankwooh
Travaille août qu'a fourche à la paille Va taille ouais dia l'ouaille [classiquement deux syllabes selon Littré] oeuvre ah Bon l'âme s'exclame âpre heur Ô plainte s'éreinte mon coeur Cet isonnetwoosh totalise 2×14 = 28 syllabes, mais un redécoupage donne ici les 5+7+5+7+7 = 31 d'un tanka : Travaille août qu'a fourche [5] À la paille va taille ouais [7] Dia l'ouaille oeuvre ah bon [5] L'âme s'exclame âpre heur ô [7] Plainte s'éreinte mon coeur [7] On notera que le sonnet respecte la diérèse classique d'« ou-aille » mais que ce mot devient monosyllabique dans la prosodie plus orale du tanka non rimé. Certes j'aurais mieux fait d'autoriser un peu de ponctuation dans cet exercice, car les mots obligatoirement d'une seule lettre ont compliqué ma tâche. Dinguement, Gef_
Double pangramme
[Éric Angelini
a relancé nos anciennes discussions sur les
hétéropangrammes
épelés en demandant que le texte
décodé soit également un pangramme.
La difficulté principale est alors de placer le
« w » dans ce texte décodé.
L'exemple que j'ai construit commençait plutôt
bien avec
l'alexandrin « Ah show doux, bleue veillée
qu'agitaient ces pays ! », mais les
dernières lettres à placer m'ont forcé
à le bousiller.]
Hellène attiré à la fois
par les vêtements féminins du Maghreb
et par le djihadisme :
Haïk sème béat show doux,
bleue veillée qu'agitaient ces pays !
Grec usé des laissez-faire,
j'ai cuvé des haines.
AXMBHOWIÉKJTCPYUZLSFRGQVDN
Quatrain express
[Robert Rapilly a quant à
lui relancé l'ancienne tradition des
fables-express sur la
liste oulipo.
Les deux que j'ai osés sont des twooshes
(140 caractères) aux quatrains
isocèles.]
Des plus joueurs calembours aux contraintes bien dures, ces branquignols n'ont cure du sens de leurs discours : L'Oulipo cible nul contenu. * Homère était fort adroit Milton immense, j'admets Joyce malin, on le croit Même Groussac doué, mais Au royaume des aveugles, Borges est roi
Tresses de syllabes
[copie d'un message adressé à
la liste oulipo]
Torsade
Mon coeur est enchaîné dans tes cheveux bouclés
Ménageant niais sort — y laissais-je envoler l'ange ?
Mon araignée chérie dense écheveau boulange
Mais que j'entends sonner l'été — j'en veux les clefs !
[Les deux derniers vers sont obtenus en
torsadant les deux premiers.
Si l'on attribue la couleur 1 au premier vers et la 2
au deuxième,
ce quatrain a donc comme structure syllabique
111111111111
222222222222
121212121212
212121212121
C'est ce qu'on appelle un
gomûtrika
en poésie sanskrite. On remarquera
que tout distique holorime est invariant par cette
transformation. ;-)]
Tresse
Cet hélicon t'aura qualifié d'entêté :
Net rôdeur rigolo fut pantelant, daté.
Mettre l'intrication sérieusement maligne,
C'était l'intrigue au lot qu'à Lise mandater.
Naître lyrique ara, furieux fiel, an maté, ...
Mais trop de contorsions serpentent dans tes lignes.
[Le deuxième tercet est obtenu en tressant
les vers du premier, selon le schéma syllabique
111111 111111
222222 222222
333333 333333
113322 113322
231231 231231
322113 322113]
Deux quatrains d'octosyllabes pourraient être
composés selon le schéma de la tresse à 4 brins
11111111
22222222
33333333
44444444
12244331 (1...)
21423413 (2...)
34132142 (3...)
43311224 (4...)
Les parenthèses signifient qu'on retrouve l'ordre
1234 de départ à la 9e syllabe.
Il suffit bien sûr de prolonger de quatre syllabes pour
obtenir des alexandrins, de
la même façon qu'on termine
généralement une tresse aux
extrémités des cordes.
En voici un exemple :
*
Ce chaos vit ci-bas des plis de désarroi :
Stoppe, ô héros des mots, ta dérive erratique !
Ton club raccourcit-il en jardin rhétorique,
Bouchant l'âme texto ? S'en va le pro, déçoit.
Ce poème textile empli de vers à soi
Stocka l'art aussitôt, déjà ridé d'éthique.
Ton chant, au cours d'ébats sans dédain prosaïque,
Boucle, bravissimo ! Ta valeur est au roi.
*
Comme le repérage des syllabes devient plus
difficile à mesure que le nombre
de vers augmente, en voici la décomposition
phonétique :
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
Se ka ô vi si ba dé pli de dé za roi
2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
Sto po ê ro dé mo ta dé ri vèr a tik
3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3
Ton kleu bra kour si til an jar din rét or ik
4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4
Bou chan la me tex to san va le pro dé soi
1 2 2 4 4 3 3 1 1 2 2 4
Se po ê me tex til an pli de vèr a soi
2 1 4 2 3 4 1 3 2 1 4 2
Sto ka la ro si to dé jar ri dé dé tik
3 4 1 3 2 1 4 2 3 4 1 3
Ton chan ô kour dé ba san dé din pro za ik
4 3 3 1 1 2 2 4 4 3 3 1
Bou kleu bra vi si mo ta va le rét or roi
Des généralisations à
davantage de brins sont aussi possibles, mais je crains que
la réutilisation des premières syllabes dans la
seconde moitié du poème passe de
plus en plus inaperçue. Il existe par ailleurs plusieurs
types de tresses. Avec cinq
brins, on aurait par exemple des quintils de décasyllabes
selon les schémas
1111 111111 ou 1111 111111
2222 222222 2222 222222
3333 333333 3333 333333
4444 444444 4444 444444
5555 555555 5555 555555
1122 554433 (1...) 1133 554422 (1...)
2255 443311 (2...) 2315 345241 (2...)
3514 235142 (3...) 3251 432514 (3...)
4331 122554 (4...) 4524 123153 (4...)
5443 311225 (5...) 5442 211335 (5...)
Six brins donneraient naturellement douze alexandrins,
par exemple selon le schéma
111111 111111
222222 222222
333333 333333
444444 444444
555555 555555
666666 666666
122446 655331 (1...)
214264 563513 (2...)
341625 436152 (3...)
436152 341625 (4...)
563513 214264 (5...)
655331 122446 (6...)
Et l'on pourrait même tenter
un « sonnet » de
tétrakaïdécasyllabes
selon l'un des schémas de la tresse
à sept brins, disons
1111111 1111111 ou 1111111 1111111
2222222 2222222 2222222 2222222
3333333 3333333 3333333 3333333
4444444 4444444 4444444 4444444
5555555 5555555 5555555 5555555
6666666 6666666 6666666 6666666
7777777 7777777 7777777 7777777
1122337 7665544 (1...) 1133557 7664422 (1...)
2233776 6554411 (2...) 2315375 6746241 (2...)
3377665 5441122 (3...) 3251736 5472614 (3...)
4716253 4716253 (4...) 4527163 4527163 (4...)
5441122 3377665 (5...) 5472614 3251736 (5...)
6554411 2233776 (6...) 6746241 2315375 (6...)
7665544 1122337 (7...) 7664422 1133557 (7...)
par exemple avec 1, 3, 5 & 7 rimant entre eux,
ainsi que 2, 4 & 6 indépendamment.
Il suffit de tronquer à douze syllabes si l'on
préfère les alexandrins. Dans ce cas,
le deuxième choix peut fournir un schéma
de rimes régulier (abba abba bba bba)
si 1, 4 & 5 riment entre eux, ainsi que 2, 3,
6 & 7 indépendamment.
Honteux et hors du coup, se trompaient de comptines
Ou de ratés rondeaux des lettrés batailleurs.
Lascar happe crochet — l'appât porte malheur ;
Aussi sourd que corsé, lad si costaud s'échine.
Va parmi mes lacis, coule la stéarine,
L'aluni sifflement verbal à orateur !
Et voix riant de l'équipe, on périme en rousseur,
On te rappela si pomper Laos et Chine.
Où caser mes croquis, courbe aristo railleur ?
Las ! demi-mort léché vers le commentateur,
Haut parade dûment la syllabe à routine.
Vacillante, elle coule ad patres tes consoeurs.
Là voir, sourcils froncés, ce laid port de haleurs
Et l'unique cordeau des trompettes marines.
*
Décomposition syllabique :
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
On te zé or du kou se tron pè de kon tine
2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
Ou de ra tê ron do dé lê trè ba ta yeur
3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3
Las ka ra pe kro ché la pa por te ma leur
4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4
Ô si sour ke kor sé lad si ko sto sé chine
5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5
Va par mim mé la si kou le la sté a rine
6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6
La lu ni sif le man ver rba la o ra teur
7 7 7 7 7 7 7 7 7 7 7 7
É vwar yan de lé ki pon pé ri man rou seur
1 1 3 3 5 5 7 7 6 6 4 4
On te ra pe la si pon pé la o sé chine
2 3 1 5 3 7 5 6 7 4 6 2
Ou ka zé mé kro ki kou rba ri sto ra yeur
3 2 5 1 7 3 6 5 4 7 2 6
Las de mim or lé ché ver le ko man ta teur
4 5 2 7 1 6 3 4 5 2 7 1
Ô par ra de du man la si la ba rou tine
5 4 7 2 6 1 4 3 2 5 1 7
Va si yan tê le kou lad pa trè sté kon seur
6 7 4 6 2 4 1 2 3 1 5 3
La vwar sour sif ron sé se lê por de a leur
7 6 6 4 4 2 2 1 1 3 3 5
É lu ni ke kor do dé tron pè te ma rine
P.S. du 19/07/15 : tresse verticale à
cinq brins de voyelles phonétiques
i é/è a/â o/ô ou
é/è i o/ô a/â ou
é/è o/ô i ou a/â
o/ô é/è ou i a/â
o/ô ou é/è a/â i
ou o/ô a/â é/è i
ou a/â o/ô i é/è
a/â ou i o/ô é/è
a/â i ou é/è o/ô
i a/â é/è ou o/ô
Vis d'espoir, ô fou
lexicographe, ou
tes beaux discours chiade
hors dégoulinade !
Sors l'outre et bois kir,
l'ouzo par plaisir,
source alcoolisée
à fournir rosée.
Choisis, soûl cerveau,
si l'art est nouveau.
P.P.S. du 26/07/15 : tresse verticale à
six brins de consonnes phonétiques, à savoir les
plus fréquentes en français :
r t s l k p
r s t k l p
s r k t p l
s k r p t l
k s p r l t
k p s l r t
p k l s t r
p l k t s r
l p t k r s
l t p r k s
t l r p s k
t r l s p k
L'épi formé par une telle tresse m'a
inspiré cette improvisation :
Réticent, l'okapi
ressentit que l'épi
serait quête ampoulée :
son coeur épate allée
quand son pas ralentit,
qu'un pissenlit rôtit ;
puis qu'hélas atterrée
peut l'écoute assurée
l'imputer qu'au récit,
l'état perecquien — si
ton leurre est pis, secoue
tes râles, seppuku !
On remarquera que le hara-kiri phynal ampute la rime féminine. ;-)
P.P.P.S. du 10/08/15 : sonnet tressé abstrait
Prenons les quatorze premières étapes d'une tresse
verticale à douze brins de consonnes phonétiques :
s z f r k t l d m p n b
s f z k r l t m d n p b
f s k z l r m t n d b p
f k s l z m r n t b d p
k f l s m z n r b t p d
k l f m s n z b r p t d
l k m f n s b z p r d t
l m k n f b s p z d r t
m l n k b f p s d z t r
m n l b k p f d s t z r
n m b l p k d f t s r z
n b m p l d k t f r s z
b n p m d l t k r f z s
b p n d m t l r k z f s
(Le pénultième vers est donc un anacyclique
consonantique du premier, et le dernier du deuxième).
L'ordre des consonnes a été choisi pour que les
rimes restent raisonnables avec un schéma de sonnet
classique. Ci-dessous, j'ai aussi respecté l'alternance de
ces rimes (pas facile avec cette contrainte), et les sons
vocaliques finals sont volontairement très
différents, en a-é-i-o-u.
Le sonnet qui suit est une expérience d'écriture
semi-automatique : j'ai décidé d'accepter sans
broncher les premiers mots suggérés par la
contrainte, même quand les images engendrées ne me
plaisaient pas. Le résultat est d'une obscurité qui
dépasse l'entendement de l'écriveron
lui-même, mais la grammaire est relativement bien
respectée.
Ce zéphyr écoutant la dame à peine bée
Se faisait quereller : ton monde n'est pas beau.
Fonce accuser l'air en maintenant d'habit peau,
Fais que seule aisément reine tombe dupée !
Que filent sans muser nos rebuts, type ondée,
Quand l'infâme os haineux abhorre pintes d'eau.
Là comme en finesse aube ose parer d'étau
L'âme, que nymphe abaisse épouse déroutée !
Mais la nuit, qu'aux bas-fonds possédés attira,
Mon nu limbe au compas fadasse t'azura :
Ne m'emballe à piquer des foetus, hérésie !
N'abîme pas le don que ta féroce aise eut,
Bon appeau modulant et qui refuse scie :
Bien penaude et mentant, la requise fin sut.
Autonymie asymptotique
Je cherche l'éternel effet d'encerclement
Des lettres et des sens en mes textes en vers,
Et dans l'astral carcan, m'avançant à travers
Le chant, j'inscris d'instinct l'incipit si l'art ment.
Les massifs cumulus futurs du firmament
Et d'ambigus propos vont obscurcir la mer.
Récapitulons-y, stylo subtil, l'amer
Éclat diffus d'onyx, cryptons suffisamment !
Des gradins du cosmos, gommons un clinamen
Établi sur un luth : crus-tu mugir amen
Et n'avilir ici l'infini diffracté ?
Hélas sans grand hasard m'attardant à Babel,
Je reprends l'effréné règlement respecté
Et j'entends lentement crever le ménestrel.
[Les voyelles de ce sonnet forment la structure visuelle suivante
(d'inspiration plus malevitchienne que vasarelyenne) :
e e e e e e e e e e e e
e e e e e e e e e e e e
e a a a a a a a a a a e
e a i i i i i i i i a e
e a i u u u u u u i a e
e a i u o o o o u i a e
e a i u o y y o u i a e
e a i u o y y o u i a e
e a i u o o o o u i a e
e a i u u u u u u i a e
e a i i i i i i i i a e
e a a a a a a a a a a e
e e e e e e e e e e e e
e e e e e e e e e e e e
Comme il n'y a que douze voyelles par vers, l'alternance est ici entre
rimes vocaliques et consonantiques, et non entre masculines et féminines
puisque ces dernières nécessitent au moins un e caduc final de plus.]
P.S. du 02/08/15 : carré vocalique
Esclavitud hoy
(psycho-survivance)
Le décès m'enténèbre entre échecs et revers ;
Je perds régence, legs et Vendée endettée.
L'encre avala ma star, la crachant asphaltée :
Crève ainsi d'iritis l'inscrit biwa des vers.
En l'épais tumulus, guru qui calme nerfs,
Rendez ma tribu dont mont, flots, ô nuit hantée !
L'herbe à diffus ophrys — n'y tonds plus si plantée,
Et le chai du cosy lys où vit l'arbre pers.
Être l'ami d'un blond Photon ou d'Isabelle ?
Le chef vaincu d'un Duc fut purpurin par Elle ;
Je rêvais d'indistincts Djinns initialement.
Trente ans, passant vantard par la pampa damnée,
J'entre-enfle en même temps le rebec de Clément,
Les thèmes de fervents et de fée effrénée.
Gérard-Dinu Voyl
[Carré 14×14 de voyelles concentriques
e e e e e e e e e e e e e e
e e e e e e e e e e e e e e
e e a a a a a a a a a a e e
e e a i i i i i i i i a e e
e e a i u u u u u u i a e e
e e a i u o o o o u i a e e
e e a i u o y y o u i a e e
e e a i u o y y o u i a e e
e e a i u o o o o u i a e e
e e a i u u u u u u i a e e
e e a i i i i i i i i a e e
e e a a a a a a a a a a e e
e e e e e e e e e e e e e e
e e e e e e e e e e e e e e ,
le sonnet respectant cette fois l'alternance m/f des
rimes (et l'absence d'hiatus ou d'e caducs entre voyelle
et consonne). Les deux premiers et deux derniers vers ne sont
donc pas seulement des monovocalismes : chacun doit compter
exactement quatorze e. Comme exemple de
difficulté technique, les troisième et
antépénultième vers doivent être des
alexandrins malgré leurs dix a de suite, ce qui a
été possible grâce à l'élision
d'e caducs et des rimes féminines.
J'ai cherché à coller à l'original de Nerval,
en évitant notamment le vocabulaire
« grotesque » — comme
« flirts » ou « bikinis
diablement » au onzième vers. Yours, Gil
Farèse_]
Couples anagrammatiques : le retour
Les paires de mots anagrammes l'un de l'autre ont beaucoup
été explorées sur la liste oulipo durant
l'été 2009
(et auparavant dans le livre
notes / sténo d'Alain Chevrier).
Le sujet a été réabordé six ans plus
tard sur la même liste, et de nouveaux couples
intéressants ont été remarqués.
J'ai par exemple cherché de tels couples parmi les
1500 mots les plus fréquents en
français, et j'y ai trouvé cette définition
de la
Voyance — deviner devenir
(voisine des deux couples plus cyniques déjà
intitulés Voyance dans le livre d'Alain
Chevrier : déveine devinée,
et devenir déverni),
ainsi qu'une règle de
Popularité politicienne — éviter vérité
(également proche de deux autres couples
d'AC : Séduction — éviter
rétive, et Évolution des
moeurs — vérités
rétives).
Trois de ces couples anagrammatiques issus du
« vocabulaire de base » vont aussi
plutôt bien ensemble :
Addiction à l'alcool — rêver verre...
lever lèvre ;
obéir : boire.
Voici deux autres exemples avec ce vocabulaire
limité :
Entre les deux, mon coeur balance — plaire pareil
Finis l'office, Simon ! — Pierre, prière !
Entre autres recherches du même type, j'ai
ensuite trouvé des combinaisons amusantes de
prénoms et de noms d'écrivains, créant
des chimères anagrammatiques. En voici quelques unes :
|
|
|
Jean-Luc Piedanna a eu l'idée de ne
plus se restreindre à deux mots, mais à des couples
de noms de pays, comme dans
Cameroun + Irak = Maroc + Ukraine
(que j'ai ajouté à sa liste). Je lui ai
immédiatement emboîté le pas avec des noms de
couleurs, créant une sorte de chimie inédite.
Évidemment, beaucoup d'anagrammes réemploient des
racines communes. C'est le cas du record de longueur
cuisse de nymphe + vert émeraude = cuisse de nymphe émue + verdâtre
qui flirte avec la tautologie, mais fait passer
la saturation maximale du vert au rose.
Certaines de ce type restent tout de même assez
amusantes, par exemple :
blanc lunaire + menthe = blanchâtre enluminé
corail bleuté = bleu roi lacté
fer + vert d'eau = feu verdâtre
jaune doré + café = ocre jaune fade
rouge de Mars + citrin = gris de Maure + citron
vert amande + lapis = vert sapin malade
vert olive + argile = olivâtre grivelé
vert sauge + noir = vert anis + rouge
Mes préférées évitent bien
sûr ces répétitions. Celles-ci me semblent
particulièrement réussies :
feu orange = rouge fané (belle définition !)
grenadine + olive = orange + lie-de-vin
orange sanguine brûlée = rouge anglais éburnéen
rose dragée + vert tilleul = gris tourterelle délavé
rouge Andrinople + violet = olivâtre + pelure d'oignon
suivies de près par cette autre fournée :
acajou chenu = jaune cachou
amande + gris de Maure = émeraude smaragdin
cannelle verdie = vanille cendrée
sable + orpiment = platine sombre
soufre saturé = feu roussâtre
tangerine + or = noir argenté
violacé bruni = olive rubican
Après sélection sévère,
c'est-à-dire suppression d'un bon millier d'anagrammes
trop répétitives,
puis de la moitié la moins intéressante
de ce qui restait, nous avons encore cette chouette
centaine :
amande + étain pur = mandarine + taupe
anthracite bis = châtain bistre
argenté + violine = olive + tangerine
argenté livide = grivelé d'étain
argenté nacré = garance terne
asperge + étain = sépia argenté
aubergine + corail = beige clair rouan
auburn rosi = rubis rouan
auburn-noir = rouan bruni
avocat bleuté = tabac velouté
azurin + bis = rubis zain
balais nacré = basané clair
bariolé foncé = bicolore fané
bariolé prune = beurre opalin
bilieux écru = bleui cireux
bis alezan = zain sable
blanc + rouille = bleu corallin
blanc crème saturé = caramel rubescent
blé + sépia = sable pie
blé + vert lime = vermeil blet
blé azurin = zain brûlé
blé rosacé = sable ocre
bleu + crème = blême écru
bleu + mandarine = éburnin malade
bleu acier + or = écru bariolé
bleu ciel bigarré = beige clair brûlé
bleu paon écru = ponceau brûlé
bleu paon terne = éburnéen pâlot
bleu roi + sapin = rubis + opaline
brun + tangerine = argent éburnin
bruni + lie-de-vin = éburnin livide
café doré = ocre fade
caramel + châtaigne = garance + malachite
caramel + saphir = lapis chamarré
caramel noirci = corail carminé
carmin bleui = miel rubican
carmin bruni = cinabrin mûr
carmin de lait = citrin malade
cérule albâtre = écarlate brûlé
cérule d'étain = acidulé terne
céruse + or = rose écru
châtain nacré = nacarat chiné
citron + flave = franc violet
clair d'ivoire = corail viride
corail éburné = bleu roi nacré
corail passé = lapis rosacé
doré cru = dur ocre
étain + garance = nacarat + neige
étain pur + ocre = puce noirâtre
fer + ardoise = fraise + doré
fer blanc = blé franc
feu nacré = écru fané
fraise + argent = grisâtre fané
garance + miel = glace marine
incarnat bilieux = cinabrin laiteux
indigo aubère = beige noiraud
isabelle + pourpre = papier bulle rose
jade + étain pur = jaunet diapré
jais doré = jade rosi
lavande + safre = safran délavé (safre & safran n'ont pas de lien étymologique)
lin + citrouille = tilleul noirci
maïs + citron = mastic noir
maïs bariolé = balais moiré
maïs bronzé = zain sombre
malachite + prune = platine mâchuré
moreau acide = camaïeu doré
nacarat + brou de noix = carnation bordeaux
noir + miel = lin moiré
noir fauve = feu vairon
noir livide = lin d'ivoire
noirâtre glacé = corail argenté
noisette + blanc = cobalt intense
opalin argenté = orange platiné
or + vert absinthe = rose thé vibrant
orange + citrin = argent noirci
orange écru = rouge nacré
parme + noir = marron pie
pastel chair = saphir lacté
pers bleuâtre = beurre pastel
platine rosâtre = pastel noirâtre
prune + albâtre = brunâtre pâle
prune + jais = pers jauni
rosacé + malachite = chamois écarlate
rosi + banane = noir basané
rouge amarante = aurore magenta
roux + cerise = rose cireux
rubis + alezan = sable azurin
safre blanc = sable franc
smalt + sépia = maïs pastel
tabac corallin = cacao brillant
vert rubican = écru vibrant
vert sapin + bai = sépia vibrant
violet + vermeil = vert olive + miel (= olive + vert lime)
J'ai ensuite appliqué la même idée
à des noms d'aliments, donnant de fausses équivalences
caloriques entre menus minimalistes. En voici quelques unes parmi
plus de 1500 :
châtaigne de terre + clou de girofle = flageolet cuit + grenadier de roche
châtaigne de terre + sucre vanillé = cervelle d'agneau + tisane Richter
grande alose + biscotte au son = graines de tounesol + tabasco
grande alose + frites maison = salade frisée + Saint-Morgon
(n'importe quoi) + crème caramel = (n'importe quoi) écrémé + calmar
(n'importe quoi) + galette des Rois = (n'importe quoi) dégraissé + lotte
feuille de chêne + Maltesers = Claresse + feuille de menthe
galinette + feuille basilic = biscuit allégé + Taillefine
serran commun + feuille de sauge = saumon fumé + grenadille sucrée
abats + lieu noir = taboulé + raisin
agrumes + chocolat noir = haricot mungo + scarole
ail + menthe = aneth + miel
amande + sel = nem + salade
amande + thé = edam + aneth
araignée de boeuf + pe-tsaï = foie d'agneau + pâte brisée
bacon + galette des Rois = grande alose + biscotte
basilic + graine germée = gibier + crème anglaise
bergamote + clémentine = mimolette + canneberge
bette à carde + emmental = crème amande + tablette
biscotte au son + margarine = amanite rougissante + corb
blanc d'oeuf + semoule = son de blé + café moulu
blé + carotte = crabe + lotte
brie + cognac = crabe + coing
brocoli + nem = colin + ombre
brownie + mako = ombre + kiwano
cabillaud + tomate séchée = salade mâche + ciboulette
café soluble + noisette = cassoulet (boîte) + nèfle
calamar + oignon = manioc + Granola
calmar + bière = brie + caramel
caneton + grande bardane = gardon + nectar de banane
caneton + raclette = entrecôte + cantal
carassin + pomme de terre = pe-tsaï + crème de marrons
cardine franche + sapote = chapon + nectar de fraise
cardon + petit-suisse = sirop d'anis + sucette
carpe + ortie = pâté + Ricoré
carrelet + pain de mie = épinard + lait écrémé
carrelet + pintade = épinard + raclette
castagnole + lait écrémé = glace caramel-noisette
cèpe + huile = lieu + pêche
cèpes + sirop d'anis = épinards + pois sec
céréales + Orangina light = rason + châtaigne grillée
chou romanesco + ablette = reblochon + sauce tomate
citrouille + nectarine = truite arc-en-ciel + Lion
cointreau + Cola light = gnocchi + ratatouille
cordon bleu + pomme liane = boudoir + pomme cannelle
côte de veau + pintade = endive + patate douce
côtes d'agneau + Maltesers = roussette + glace amandes
courge cireuse + cantal = cointreau + sucre glace
crème de marrons + sel = cresson + Leerdammer
edam + churros = homard + sucre
elbot + glace chocolat noir = Coca-Cola light + Toblerone
épaule + brochet = taboulé + perche
épaule + haricot mange tout = lamproie + tanche-tautogue
épinards + limonade = lardons + pain de mie
escalope de veau + Boursin = son de blé + sauce au poivre
faisan + Mars = maïs + safran
fenouil + edam = limande + oeuf
filet colin pané + Leerdammer = farine complète + mirandelle
filets + sucre = fruit sec + sel
flageolet cuit + épinard = glace Lion + pâte de fruit
gambas + protéines de soja = jambon dégraissé + sapote
jars + moule = merlu + soja
laitue + flageolet = oeuf + tagliatelle
lieu + amande = limande + eau
morue + sel = sole + mûre
mousse de canard + paleron = cresson de Pará + mandoule
muge + citron = goret + cumin
muscade + flan bio = blanc d'oeuf + maïs
nem + algues = sel + mangue
olive + St-Paulin = pistou + vanille
pain complet + Maltesers = marlin + pâtes complètes
patate douce + mandarine = pâte d'amande + cointreau
pâté + origan = panga + ortie
pavé saumon + cidre doux = museau de porc + Viandox
pintade + lait écrémé = raclette + pain de mie
poire + café = carpe + foie
poireau + lait concentré sucré = truite arc-en-ciel + uranoscope
poivre + eau = veau + poire
porc + aneth = carpe + thon
porc + semoule = pomelo sucré
poule + gin = pigeon + Lu
raie + melon = merlan + oie
rognon + faisan = oignon + safran
rôti de cheval + aubergine = bigorneau + lait de chèvre
rouelle de porc + chou-navet = chocolat en poudre + levure
rumsteak + Ice Tea = makaire + sucette
saint-pierre + lait en poudre = Saint-Paulin + poire de terre
saint-pierre + oeuf de lump = rouleau de printemps + fe'i
Saint-Nectaire + corossol = cresson alénois + ricotta
salade frisée + blanc d'oeuf = fane de radis + café soluble
salami + entrecôte = caramel + noisette
thon blanc + sauce aigre-douce = cordon bleu + sauce châtaigne
tofu + chapelure = chou-fleur + pâté
truite arc-en-ciel + mora = Actimel nature + Ricoré
truite de mer + abricot sec = tomate cerise + cidre brut
truite fumée + épinard = meunier + pâte de fruit
truite saumonée + foie gras = truite fumée + Oasis orange
turbot de sable + cerise = bleu de Bresse + ricotta
J'ai aussi cherché des égalités
anagrammatiques entre des couples d'écrivains, comme
Aloysius Bertrand + Michel Tournier = Chrystine Brouillet + André Maurois
mais ces résultats n'ont pas une
interprétation évidente, donc oublions-les.
P.S. du 29/10/17 : j'ai obtenu
selon le même principe quelques centaines
d'équivalences anagrammatiques entre couples
d'instruments de musique.
En voici une seule pour illustrer :
Rature potentielle
El Descolorado
(Le Décoloré)
Blandices d'Aquitaine et princier manoir
Comblant mon coeur épris de fleurs au minois rose,
Je tremble, encré de deuil, quand un sournois rire ose
En m'accablant jeter : Nocturne hoir d'urinoir !
Toi que je cible, en tapinois rends-moi l'hélianthe,
Le pampre mutable en noix revitalisante.
Un royal laminoir blanchit mon front levé
Et l'antre où se noiera l'humble amphibien rêvé.
Dans l'entonnoir dantesque, un diable entraînant tique :
Le génois rimailleur qui me semble, en doublant
Benoîts rites ou sorts, dire une fable antique,
N'oit rien que des soupirs et des cris le troublant.
Benoît Rablanchie
[Une grande croix monochrome biffe
ce douzain d'alexandrins,
les syllabes [nwar] et [blã]
parcourant les deux diagonales :
blan . . . . . . . . . . noir
. blan . . . . . . . . noir .
. . blan . . . . . . noir . .
. . . blan . . . . noir . . .
. . . . blan . . noir . . . .
. . . . . blan noir . . . . .
. . . . . noir blan . . . . .
. . . . noir . . blan . . . .
. . . noir . . . . blan . . .
. . noir . . . . . . blan . .
. noir . . . . . . . . blan .
noir . . . . . . . . . . blan
Les quatrains emploient les trois schémas de rimes possibles.
Diérèse désirée
sur « princi-er » au premier vers,
et mes excuses pour
la césure creuse du sixième
(deux couples anagrammatiques sont ici
indiqués
en gras). Le cinquième vers est un trimètre
césuré 4/4/4,
pour le plaisir
de placer l'expression « en
tapinois » = en se cachant
(notez que la
deuxième personne était impossible pour le verbe en
-bleS).
blandices = charmes
hoir = héritier
hélianthe = tournesol
laminoir = presse aplatisseuse, (fig.) épreuve
oit = troisième personne du verbe ouïr
La signification métatextuelle de ces rayures noire et blanche
est évidemment que Nerval était un drôle de zèbre.]
Autre contrainte visuelle (plus facile) : soleil noir [24/08/15]
Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé, Le prince aquitain sans tour à pourpre abolie : Ma seule idole est morte, et mon luth constellé Porte un sec soleil noir, plein de Mélancolie ! En la nuit du tombeau, toi qui m'eus chamboulé, Rends-moi le Pausilippe et les champs d'Italie, La fleur qui plaisait tant à mon coeur esseulé, Et notre treille où pampre à nos roses s'allie. Fus-je un Amour, Phébus ? Lusignan ou Cesbron ? L'aède est rouge encor d'un baiser à la reine ; J'ai ronflé dans la grotte où reste une sirène. Vainqueur j'ai traversé dix fois par l'Achéron, Transposant tour à tour, sur la harpe d'Orphée, Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.
[Voir aussi ma version
circulaire
de septembre 2000 du même
Desdichado
de Nerval, ainsi que les deux
réécritures
isocèles
de Nicolas Graner.]
Hétéropangrammes pour anciens alphabets
[Voir aussi mes précédents
hétéropangrammes pour
l'alphabet du rotokas.
En mars 2002, j'avais également construit une
dizaine d'hétéropangrammes
pour « prisonniers », c.-à-d. avec les
lettres acemnorsuvwx (sans hampes
ni jambages, les i et z étant parfois aussi
autorisés), mais ils ne méritaient
pas d'être cités sur ces pages.]
El Desmoralizado
[essai d'utilisation de
couples anagrammatiques de
substantifs + adjectifs dans une
morale élémentaire]
prince sombre demi-tour nombre précis dieu mort porte triste soleil grave petit trésor village rose noir visible montagne rare voisin libre roman étrange le coeur vert d'un vieux prince court le rêve d'un vin précieux au lien rose d'amours légères au soin réel de larmes rouges rêve étrange d'un front vide entrée grave d'un vent froid désir nu d'un sein dur soirée puissante ciel sûr poussière sainte cri seul
P.S. du surlendemain : haïkus en anagrimes
[Sortes de définitions à rimes
anagrammatiques — ce n'est pas une
nouveauté ! J'en ai trouvé beaucoup d'autres,
mais je vous fais grâce de leur haïkisation. Il faut
par exemple boire du café Carte Noire pendant la
récréation, les Misérables
d'Hugo sont une masse libre, un petit roman
est forcément signé Tartempion, les
intégristes sont un signe triste de
l'obscurantisme actuel, les parlements sont un mal
présent, mais l'école maternelle
plutôt un mal éternel, on peut être
un noir facile en Californie alors que c'est
plus dur dans le pays de Mme Morano, EDF envoie sa
facturation dès le courant fait, les
Espagnols ont un long passé, un
entrefilet est écrit en lettre fine,
Alain Chevrier a failli devenir un riche ver
à soie il y a dix ans, un propédeute est
un poète perdu, etc., etc.]
Qatra-vingts balais
[Sonnet composé pour le 80e
anniversaire de notre oulipote Alain Zalmanski.
À part les consonnes isolées, tous
les mots emploient dans l'ordre les
trois voyelles a-a-i, communes aux nom &
prénom du dédicataire.
Pour rendre ce sonnet panconsonantique, on peut
remplacer le « pahlavi »
du 13e vers par « qatari »,
mais ça désigne plutôt
les gens que leur langue.]
Tamanin* balais
L'abstrait travail d'Alain garantit d'agrandir
L'assagi magasin d'acabits narratifs
D'alambics d'akvavit : cannabis captatifs,
Paradis attractif gabarit d'Altaïr !
L'abrasif spadassin Zalmanski d'aplatir
Catharsis d'assassins hallalis laxatifs :
« Ramassis malbâtis d'ascaris maladifs,
D'avachis patati-baratins s'affranchir !
J'avais grand-faim : panais, sarrasin, salami,
Navarin basmati, wasabi, pastrami,
Carassin, tamarin, savarin... marcassin. »
Allais jactait français, Adair parlait anglais,
Zalmanski pahlavi, rwandais, maltais, malais...
Alain paraît parfait : jamais d'attrait malsain !
(* Tamanin = 80 en
haoussa, langue africaine)
[Voir aussi le
recueil de la
liste oulipo pour le 70e
anniversaire du même AZ.
Mes propres contributions sont également disponibles
sur mon site.]
Boule de neige d'anagrelles & anagronnes alternées
[Éric Angelini a défini sur la
liste oulipo les notions
d'anagrelle (anagramme de voyelles, consonnes
libres) et
d'anagronne (anagramme de consonnes, voyelles
libres). Ci-dessous, je me suis amusé
à construire des anagrelles et anagronnes successives
contenant de plus en plus de syllabes.]
Comme
le mot,
il t'aime ô
si brillant homme !
Humble, l'astronome
ne juge la cosmo-
logie en jeu : sa cime au
vent, il part aux ruines de Rome.
Il montrera ton vieux paradis
de l'Oulipo sans hapax interdits
aux audiophiles de Paris, s'il t'étonne.
Car l'insistant cordeau des trompettes suivit,
modulant tour à tour sous vos pieds turcs, cet atone
tohu-bohu : chanson, grand engouement qu'on assouvit !
Hémistiches en anagrimes
[Ce sonnet lugubre, faisant quelques allusions
à la tradition du genre, de Dante à Vian,
a été engendré à partir du
couple anagrammatique
demi-souvenir / monsieur vide
du
10e vers, que je trouve réussi. Dans chaque vers,
les deux derniers mots à la césure
ont donc été choisis anagrammatiques des
deux derniers mots à la rime. Les couples
suffisamment naturels que j'ai trouvés dans ce
thème ont fabriqué tout seuls le reste.
Désolé pour la tonalité peu enjouée,
mais l'un des intérêts des contraintes formelles
est justement de nous faire écrire des horreurs que l'on
n'aurait pas osées sans !]
Ouvrage cruel à couleur grave
Longeant le terrain bleu de la libre nature,
J'entends le ciel présent me dire un secret plein :
Ton âme – ô forte peur ! – entre en la forêt pure
De mon entier roman comme un énorme train.
Mais cette lueur sourde arde une douleur sûre
Puisque le moindre avis cache un drame voisin :
Hélas ta lourde vie un jour se voile, dure
Au plus un an certain, se change en art ancien.
Sur ton demi-malheur verse une larme humide,
Un demi-souvenir de ce vieux monsieur vide
Regrettant son pauvre âge et sa trop grave peau.
Pose ton genou bas, car c'est le bon usage :
Vers l'astre rouge sang derrière un gros nuage
Prie en ton cerveau mort devenu vert morceau.
P.S. du 15/11/15 : sonnet de
décasyllabes en distiques anagrammatiques (de
couples de nom & adjectif) inspiré par les tragiques
événements du 13/11/15
Pure peur
Pacificatrice alimentation :
facilitation émancipatrice.
Prolétarisation terminatrice :
moralisatrice interprétation.
Désorientation anticléricale :
latéralisée contre-indication.
Égalisatrice acculturation :
gesticulation caricaturale.
Élargissement éradicateur,
caramélisé désintégrateur,
néantisation inarticulée...
Antinationale insécurité,
investigation inconsidérée,
inconditionnée agressivité.
P.P.S. du 16/11/15 : mise en
alexandrins de ces cinq lignes anagrammatiques
galérer sanctionner
reconnaître sangler
canoniser étrangler
croire ensanglanter
enraciner sangloter
Hôte ensanglanté,
entends sangloter !
Mal vivre de petits boulots payés au noir
Décider de punir ce monde trop injuste
Se sentir mieux compris chez un religieux fruste
Porter un ceinturon explosif sans espoir
Tenir pour saints les fous amants de la Camarde
Tordre le cou de ceux qui passent par mégarde
S'imaginer fidèle en imitant ses chefs
Transformer un concert en cauchemar de guerre
Essayer d'implanter la haine dans les fiefs
Des victimes qu'on cherche en pleurs ou qu'on enterre
« Ya vas lyoubil » de Pouchkine
[copie d'un message adressé à
la liste oulipo]
Le grand
Douglas Hofstadter (auteur notamment du
best-seller
Gödel, Escher, Bach en 1979)
s'intéresse beaucoup à la traduction, et son
Ton Beau de Marot de 1997 avait
par exemple comme fil conducteur un
poème de 28 trisyllabes de
Clément Marot, que l'auteur et ses
amis avaient adapté en anglais d'une bonne soixantaine de
façons différentes. Nos réécritures
à la
Abaclar ou
Zazipo ont un état d'esprit
assez proche, bien que souvent plus tournées vers
l'acrobatie que la fidélité.
En 1999, Hofstadter a carrément retraduit
en anglais la totalité
d'Eugène Onéguine de
Pouchkine en respectant ses aspects formels
(rythme et rimes), prenant donc le contrepied de la version
littérale de
Nabokov — qui avait
lui-même pris le contrepied de
Walter Arndt, dont la traduction respectait
plus la forme que le fond.
Récemment, Hofstadter s'est intéressé
à un célèbre huitain du même
Pouchkine, dont il existe déjà d'assez
nombreuses traductions dans beaucoup de langues.
Cette page d'Anna Ellada est utile car
elle donne une transcription phonétique de l'original
russe, ainsi qu'une traduction mot-à-mot. Bien que ce ne
soit pas indiqué, la traduction française en
décasyllabes rimés, dans la colonne de droite, est
celle de
Jean-Luc Moreau.
C'est l'une des meilleures, avec celles de
Nina Nassakina et
d'Henri Grégoire. Hofstadter cherche
bien sûr à respecter le mieux possible les aspects
sonores de l'original, notamment son rythme alternant rimes
féminines et masculines, et ses allitérations.
Il en a lui-même écrit cinq versions anglaises
(dont l'une selon le mètre du
Ma Mignonne de Marot) et une
française, et a compilé une trentaine des
meilleures traductions déjà existantes ou
récemment composées par ses amis.
On en trouve une bonne
quinzaine
en
français sur Internet, mais beaucoup sont en vers
mal césurés, non mesurés ou mal rimés
(ou alors corrects seulement dans le premier quatrain, ce qui est
presque pire qu'une traduction en prose depuis le début,
car le lecteur est d'autant plus déçu si son
oreille s'habitue au rythme dans la première strophe).
Inutile de vous citer ici les pires. Dans le genre raisonnable
mais plein de faiblesses prosodiques, on peut mentionner
celle de
Barbara Botton. Outre le mètre
irrégulier 10+9+9+10/9+9+15+11, on peut noter
les rimes plates toutes masculines de la seconde strophe
(précisément mfmf/mmmm au lieu des fmfm/fmfm
de Pouchkine), la rime orale entre singulier et pluriel
« espoir/regards », la pauvreté de
« -ment/-tant », cinq hiatus dont deux dans
le seul premier vers, et si l'on chipote, un e caduc
entre voyelle et consonne au 7e vers (qui aurait
grammaticalement dû être aussi présent aux
1er et 5e vers, évitant du coup l'un
des hiatus du 1er vers). Bon, c'est méchant
de décortiquer ainsi, mais j'ai trouvé
d'autres versions bien plus faibles. Et il est possible de
tétratrichotomiser même à propos des
meilleures
traductions, dont les rimes masculines
sont souvent pauvres et sans liaison supposée
(c.-à-d. par exemple entre singulier et pluriel).
La version de Nina Nassakina (parfois
attribuée à tort à
Pouchkine lui-même) est notamment en impeccables
décasyllabes césurés 4/6 à la
française, mais le dernier vers a hélas un
e caduc juste après la césure.
Tout ça pour vous dire que je n'ai pas
résisté à la tentation, et voici ce
que j'ai osé. Seule la première version est
« sérieuse », c.-à-d. cherche
à respecter le sens et l'ensemble des règles
prosodiques françaises. La seconde est un exercice de
monovocalisme,
la 3e est un
isonnetwoosh
(sonnet
twoosh
isocèle),
la 4e est en
holorimes
(avec alternance des rimes, mais hélas sans
césures ni liaisons supposées),
et la dernière imite le schéma de
Ma Mignonne (en citant le prénom
de Pouchkine au même vers où Marot avait inclus
le sien, et en cherchant à conserver l'opposition de phase
de Marot entre groupes sémantiques et distiques à
rimes plates). Pour y respecter l'alternance des rimes
(règle postérieure à Marot mais importante
chez Pouchkine) tout en reprenant comme Marot le 1er
vers au 28e, j'ai été obligé de
placer un quatrain monorime quelque part. Sa position la plus
naturelle était bien sûr au centre, et elle devient
encore plus normale si le schéma de rimes est palindrome
comme ci-dessous : aaBBccDDeeFFggggFFeeDDccBBaa.
Je vous aimais : cet amour en mon âme
N'est pas éteint peut-être entièrement.
Mais n'ayez plus d'inquiétude, Madame ;
Je ne veux point vous causer de tourment.
Je vous aimais sans espoir, en silence,
Parfois timide et quelquefois jaloux ;
Je vous aimais d'une tendresse immense...
Que Dieu vous offre un autre amour si doux.
Je te révère : en mes pensers j'emmène
Cette tendresse, est-ce éternellement ?
En même temps, je ne cherche de gêne :
Je ne présente exprès d'empressement.
Je te révère en secret et j'en rêve
Effervescent, certes désespéré.
Je te révère et ne permets de trêve :
Prends en tes rets l'être cher préféré !
Âme prise mon amour à ce jour n'agonise J'avalise en retour nier cour & hantise Bâillonné passionné je délire en beauté Je désire ta gaieté
Qu'âme en tardant t'aime, vierge Madone !
Ah je t'aimais, et languis d'être offrant
Qu'amant ardent t'émeuve hier ; je m'adonne
À jeter mes élans guidés trop francs.
Épique d'ivresse, ou pire en silence,
Comment je voudrais sans cesse, âcrement
Et pis, que dix vrais soupirants s'y lancent
Comme anges, vous dressant ces sacrements.
Je t'aimais
Antan mais
T'aime encore ;
Et j'ignore
Si périt
Cet esprit
Qui bouillonne.
Ô Madone,
N'ayez peur
De l'humeur
D'Alexandre :
Sans attendre
Il s'enfuit,
Sans un bruit
Dans la nuit.
Éconduit,
Rester tendre ;
Ou s'épandre
En l'aigreur ?
Mon ardeur
Était bonne ;
Dieu te donne
Un chéri,
Puis mari
Qui t'adore !
Ne déplore
Si j'admets :
Je t'aimais.
La Sestina
[sextine autoréférente contenant
quelques homographes
à la rime]
Si la sextine étale
six strophes de six vers,
c'est afin que s'installe
l'ivresse : je dessers
chaque étape en spirale
dans les divins éthers !
Mais ces vides éthers
où la lumière étale
stagne sur sa spirale
ne font pas de beaux vers :
redite, tu dessers
l'art et l'ennui s'installe.
Ton verbiage installe
un nuage d'éthers
car ce que tu dessers
là de nouveau s'étale...
Ta poétique vers
un gros trou noir spirale.
Contre cette spirale
ma colère s'installe :
je rejette tes vers,
somnifères éthers,
comme un navire étale
les vents que tu dessers.
Débarrasse, dessers
ta fatale spirale
d'un blabla qui s'étale
trop longtemps, qui s'installe
dans la mort sans éthers,
dévoré par les vers !
Choisis plutôt des vers
luisants, vole et dessers
les gares des éthers !
Évite la spirale,
fonce tout droit, installe
l'inédit guère étale.
[Voir aussi cette quinine homographique]
A une Damoyselle perduë
[Réécriture du
Desdichado
de Nerval selon le schéma du poème
Ma Mignonne
de Clément Marot, avec reprise du 1er vers
au 28e, citation du prénom de celui
qui parle au 12e vers, et déphasage des
groupes sémantiques par rapport aux
rimes plates. Surcontraintes personnelles :
poème birime respectant les consonnes
d'appui et l'alternance des genres.]
Âme aigrie
Amaigrie
Sans manoir,
Prince noir
Je mendie.
S'irradie
Mon schofar
D'un cafard
De momie.
Toi l'amie
Rends mer, art,
Car Gérard
Te supplie.
Et n'oublie
L'ancolie,
Qui s'allie
Au pommard.
Suis-je Aimard,
Labrunie ?
Mon génie
Pique un fard,
Nénuphar
D'utopie.
Je copie
Au sitar
L'avatar
Qui s'écrie,
Âme aigrie.