Gef's Contributions to the Oulipo Mailing List

[0. Classification of the constraints]
[1. Old oulipian page (90s)]
[2. Translation exercises (96-97)]
[3. Miscellaneous constraints (97)]
[4. Oulipian games & poetry (97-98)]
[5. Oulipoetic constraints (98-99)]
[6. Oulipoetry in 1999]
[7. Y2k texts]
[8. Grannets, tanka & Nerval]
[9. Poetry & symmetry (2000-01)]
[10. Sonnets et al. (2001-02)]
[11. Homophonies, anagrams, etc. (2003)]
[12. Combined constraints (2003-04)]
[13. Some original constraints (2004-06)]
[14. New literal constraints & pangrams (2006)]
[15. Holorhymes, pangrams, etc. (2006-08)]
[16. Polysemy & Pastior (2008)]
[17. Collective poems & vocalic sonnets (2008-09)]
[18. Lists & saturation (June-July 2009)]
[19. Anagram pairs, Loyd & Fournel (2009)]
[20. Rhymes, anagrams et al. (2010-11)]
[21. Cut-up, outlaw, Mathews, etc. (2011-12)]
[22. Complex rhymes, multi-lipograms & self-justification (2013)]
[23. Doublets, arithmonyms, alpharhymes, etc. (2014)]
[24. Homoconsonantisms et al., braids, anagrhymes (2015)]
[25. Anagrams, holorhymes, Morse, etc. (2016)]
[26. Rhythm & pangrams (2016)]
[27. Compositions, holorhymes and new constraints (2016-17)]
[28. Syllabic squares, vocalic sequences, music, etc. (2017)]
[29. Paradoxical constraints (2018)]
[30. Extensions of anancograms & other constraints (2018)]
[31. Express palindromes (2018)]
[32. Digrams, mesonyms et al. (2019)]
[33. Intervals, primes, n-grams & Queneau (2019)]
[34. Statistics and prime ASCII art (2020)]
[35. Extensions of HOGs & palindromes (2020)]
[36. Acrostics, rhythm and many other constraints (2020)]
[37. Block designs, neo-gematria, paronyms & boundaries (2020)]
[38. Metatogs, irrational sonnets, neo-sestinas, etc. (2021)]
[39. Prouhet-Thue-Morse, generalized sonnets and other forms (2021-22)]
[40. Architogs, polysympathy et al. (2022)]
41. Paronyms, protehogs, dichotomy, etc. (2022)
[42. Tropes and generalized palindromes (2022)]
[43. Block designs, binary gematria et al. (2023)]
[44. New express palindromes and octina (2023)]
[45. Paronyms, surdefinitions & palindromes (2023)]
[46. Recent stuff (2024)]
[Appendix: Homages to a few oulipian friends]


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19 juin 2022

Proverbes paronymiques
[Nicolas Graner a relancé le procédé consistant à ne modifier qu'une seule lettre d'un proverbe, comme plusieurs oulipotes l'avaient illustré en juin 2001, notamment Jean Fontaine dans ce message remarquable. Nicolas propose cette fois de les introduire par un distique. Voici la série minimaliste que j'ai tentée pour participer, déformant dix fois le même original. La première version † date en fait de mon enfance, dans les années 1970, la seconde ‡ est l'une des trouvailles de Jean Fontaine en 2001, et les six dernières emploient n métagrammes simultanés (n).
J'y ai ajouté le lendemain un autre jeu de mots de mon enfance †, déjà cité dans cette fausse définition de 1998, et si naturel qu'il a en fait été plusieurs fois réinventé par diverses personnes. Il supprime deux lettres à l'original au lieu d'en substituer. La seule nouveauté ci-dessous est son distique holorime d'introduction.]

Étoile et Terre séparées
Par simples forces de marées
        Le soleil fuit pour tout le monde †

La canicule / est ridicule
        Le soleil cuit pour tout le monde ‡

Notre Galaxie eut envie
De produire un astre de vie
        Le soleil, lait pour tout le monde

Nerval prend dans son désespoir
Son étoile pour un trou noir
        Le soleil, nuit pour tout le monde

Phébus hâté / cause l'été
        Le soleil luit pour août, le mande (2)

Par ce lit artificiel vais-je
Comme vous, depuis la Norvège ?
        De Soleim, duit pour tout le monde (3)

Apollon fait bénéficier
De son talent de pâtissier
        Le soleil cuit four, goût le fonde (4)

Hélios tourne autour de la Terre
Avec un immuable horaire
        Le soleil suit jour : tour de ronde (5)

Observons à la loupe autant
De parasites mijotant
        Hé ! soleil huit poux bout — je sonde (6)

Ce jeune basané détale
Lorsque la police s'installe
        Là Soheïl fuit : peur fout ce condé (7)


Le pire homme à nommer sapeur est — parlez, sots ! —
Le pyromane, ô mess apeuré par les seaux :
        Qui trop embrase mal éteint †

[Voir aussi ces autres proverbes paronymiques de deux mois plus tard]


23 juin 2022

El Desaparejado
[Tronquer ce poème après n'importe quelle strophe donne un hog roubaldien, mais ça n'en est jamais un si l'on coupe ailleurs. Il s'agit donc d'une extension des togs irréductibles, mais avec trois coupures au lieu d'une.]

        Ma tour plie
        J'ai frôlé
Un soleil noir de Folie

Ombre qui m'as consolé
Rends-moi la mer d'Italie
La fleur dont j'ai raffolé
Et le pampre qui s'allie

        Au giron
        De la reine
J'ai rêvé de la sirène
Puis traversé l'Achéron

        Où la fée
        Crie Orphée


25 juin 2022

Aelindiviseurs de digrammes
[Léopold Julia a transmis & illustré sur la liste oulipo une contrainte d'Anthony Etherin, cousine de ses « aelindromes » que nous avions un peu explorés en français début 2019 : un texte est ici encore décomposé en blocs de différentes tailles, mais au lieu d'en inverser l'ordre en les conservant tels quels, Etherin en prend maintenant les anacycliques (inversions littérales) en les gardant dans leur ordre initial. Autrement dit, ses « aelindiviseurs » peuvent être considérés comme des anacycliques littéraux d'aelindromes. Ci-dessous, j'ai commencé l'exploration minimaliste des « aelindiviseurs de digrammes » en français : on inverse l'ordre de toutes les paires de lettres successives pour obtenir la seconde partie du texte. Schématiquement, une chaîne de caractères ABcdEFghIJ... devient donc BAdcFEhgJI... Cette contrainte avait en fait été plagiée par anticipation en 2015 dans cet homovocaloconsonantisme, très dure contrainte dans laquelle les consonnes et les voyelles étaient indépendamment conservées dans l'ordre, mais décalées les unes par rapport aux autres pour obtenir la seconde moitié de l'énoncé.]

L'imam purifia nos petits instruments à vent :
        coranisa ocarinas.
[Chaque mot alterne ici consonne & voyelle (rigidité de l'okapi), donc ce premier exemple respecte la contrainte homovocaloconsonantique de 2015. J'indique juste « okapi » dans la suite lorsque c'est de nouveau le cas.]

Plaisanter chez les pauvres :
        amuser masure.
[okapi]

Patiner une sculpture :
        ambrer marbre.

Bolsonaro face à la pandémie :
        alitons latinos !
[Notez qu'il reste ici une lettre finale isolée, donc non décalée.]

La mauvaise nourriture rend folle la princesse captive :
        La raison se tirait en anti-asilé
        À l'Arsinoé, si tartine naît salie.
[Tentative en alexandrins blancs. De nouveau, il reste une lettre finale isolée, donc non décalée.]

Éternelle flûte des montagnes :
        an pyrénéen,
        nay pérenne.

Quand nous apercevons ces surfaces multicolores, ces ares irisés, toute colère s'étiole, et notre joie s'exprime facilement :
        ire rassise,
        rires aisés.

Une fois le poisson lune localisé, la môle sise, nous lui offrons de la chair de chien de mer, d'émissole, ou plus souvent de limande sans arêtes :
        sole mise,
        os élimés.
[okapi]

Voici votre avenir lu : au lieu d'un ivre alun ou d'un vil urane, l'eau de vaisselle deviendra à la mode pour faire briller le métal.
        Lavure in,
        alu verni.

Ce thon morose demande plus d'eau :
        Mare, je me retire ! Bonite
        amère, je mérite robinet.
[okapi]

Ivresse de l'écriture à contraintes matheuses :
        Légo de numéro et gnôles,
        Éloge d'une mort en glose.

Choix du clinamen comme libération :
        Et un penaud poète hérissé,
        Tenu, épandu, opte hérésies.


P.S. du 28/06/22 : Dans ses propres aelindromes & aelindiviseurs, Anthony Etherin va au delà des simples digrammes. Il décompose en effet un premier texte en blocs de tailles correspondant aux décimales successives d'un nombre célèbre, par exemple π, et obtient un second texte en inversant l'ordre de ces blocs (aelindromes) ou bien l'ordre des lettres au sein des blocs (aelindiviseurs). Les six premiers chiffres de π = 3,14159... découpent par exemple l'expression « Cachette à numéro rémunéré » en cac/h/ette/a/numer/oremunere, et en inversant les lettres de chaque bloc, cela devient cac/h/ette/a/remun/erenumero, soit presque la même chose : « Cachette à rémunéré numéro ». Comme Léopold Julia le 24/06/22, j'ai ci-dessous illustré les vingt-six premiers chiffres de π = 3,1415926535897932384626433... Le texte est introduit par un sélénet, comme pour mes palindromes-express de 2018, et vous pouvez encore passer votre souris sur le texte pour afficher les blocs symétriques sur fond coloré.

Le grand astronome
Songe que la nuit
Est un métronome
Dont l'algèbre luit

Son moteur consomme
L'or noir que produit
Notre Terre et somme
Ses tours de circuit

Moralité :
Nombre, tu iras égaler nos IA exagérées,
à pei
ne velléitaires néo-sagas, noires
sali
nières, fit le docte phare d'Arago.
Mo
rigène ta mer noire, nuage tel !

Mon but érige sa raison relae :
ère ga
ie, pas vénielle en sériations,
à gaso
il assertif. Serein delco pétaradera :
h
omogène giration, rémunéré galet.

nom/b/retu/i/raseg/alernosia/ex/ageree/
sapei/nev/ellei/tairesne/osagasnoi/
ressali/nieresfit/led/oc/tep/haredara/
gomo/rigene/ta/mernoi/renu/age/tel

mon/b/uter/i/gesar/aisonrela/xe/eerega/
iepas/ven/ielle/enseriat/ionsagaso/
ilasser/tifserein/del/co/pet/araderah/
omog/enegir/at/ionrem/uner/ega/let

P.P.S. du 02/07/22 : palindrome-express

Puissent les navettes
Poncer nos soucis,
Faucher pâquerettes,
Ô seul Médicis !

Moralité :
Rase cet inutile tracas, satellite !
Et il le tassa, car t'élit unité, César.


P.3S. du 03/07/22 : aelindrome selon les treize premiers chiffres de
π = 3,141592653589..., puis dans l'ordre inverse 853562951413.

Un subtil mélange
De chiffres est né.
Ô Seigneur, arrange
Cet ordre enchaîné.

Moralité :
Dieu, ô ce tri ! N'altérez le nombre qui lie !
Vous
ôterez erreurs, phénomène encreur. Sphère
zér
otée, vous équilibrerez le nominal troc étudié.

die/u/ocet/r/inalt/erezlenom/br/equili/evous/
ote/rezer/reursphe/nomeneenc/reursphe/rezer/ote/
evous/equili/br/erezlenom/inalt/r/ocet/u/die

P.4S. du 04/07/22 : aelindrome selon les treize premiers chiffres de
e = 2,718281828459..., puis dans l'ordre inverse 548281828172.

En l'effervescence
D'espérés péchés,
Rends cette sentence
Brève d'évêchés :

Représente l'esche
De l'excès des sens ;
Respecte ce prêche,
Tes chefs et le cens.

Sentence :
Des errements, et en ce jerk rêvé, réémets verbe,
s
èche ex-prédelle brevetée et célébrée de lèche,
expr
ès mets ver (berk !), révère jet-set encenser remède.

de/serreme/n/tsetence/je/rkrevere/e/metsverb/es/
echeexpr/edel/lebre/veteeetce/lebre/edel/echeexpr/
es/metsverb/e/rkrevere/je/tsetence/n/serreme/de

cens : dénombrement ou redevance
prédelle : partie inférieure d'un retable


P.5S. du 06/07/22, pour l'anniversaire de Rémi Schulz : aelindrome selon les quatorze
premiers chiffres du nombre d'or φ = 1,6180339887498..., puis dans l'ordre inverse
9478893308161, où le chiffre 0 est représenté par un groupe de 10 lettres.

Quand l'auteur est ivre,
Il ruine son coeur,
Offrant mieux que cuivre
À chaque lecteur.

Le pays du livre
A tant de bienfaits !
Quand on s'en délivre,
On perd ses effets.

Moralité :
Où noce Balzac, l'âme gire mi-schuss :
a
néantie, la bonté du pote à sac !
Qui t
ombe de l'école lit l'or.
Al
ice ensevelit l'orale colombe —
de l
à s'acquitte du potentiel abonné.
A
ssagi, Rémi Schulz a clamé au nocebo.

o/unoceb/a/lzaclame/giremischu/ssa/nea/
ntielabon/tedupote/asacquit/ombedel/
ecol/elitloral/iceensev/elitloral/ecol/
ombedel/asacquit/tedupote/ntielabon/
nea/ssa/giremischu/lzaclame/a/unoceb/o

26 juin 2022

Hog irréductible
[Le hog irréductible a récemment été défini comme un hog qui n'est pas un tog : supprimer des vers de la fin donne toujours un total de syllabes et/ou de vers qui est composé (non premier). Ci-dessous, le hog complet compte 37 vers de 3 ou 7 syllabes, et totalise 163 syllabes — nombre apprécié des matheux car la constante de Ramanujan eπ√163 est presque un entier, avec une erreur de moins de 0,000000000001. L'alexandrin classique « La mort tranche le fil de nos fâcheux travaux » est cité en acrostiche.]

Le poème
A pour thème
Mon chantier,
OEuvre entier.
Rien ne brise
Ta surprise
Tant que la rime instamment
Récidive,
Attentive,
Naviguant au firmament
Comme un brillant dïamant.
Hémistiches
Et postiches
Lasseront
En leur prompt
Formatage
Issu d'âge
Légalement périmé,
Donc à présent supprimé.
Encourage
Notre rage,
O perturbé liseron,
Si l'épreuve
Fait peau neuve
Avec nos coups d'éperon !
Ca délire
Hélas, lyre :
En ce borgnon méridien,
Un céphalo-rachidien
Xylophone
Te siphonne
Rythmiquement la raison
Avant la péroraison.
Vivisecte,
Architecte,
Un profil cassé que seul
Xenakis laisse au linceul.

[Voir aussi ces métatog, architog et tog à trois coupures, dont les rythmes sont similaires bien que les contraintes numériques diffèrent]


30 juin 2022

Double codage simultané
[Rémi Schulz a proposé et illustré une fort difficile combinaison de deux contraintes : un même énoncé doit coder deux mots différents selon la 1-sympathie stricte et en calculant l'écart alphabétique entre les première & dernière lettre de chaque mot — cette différence donnant la valeur gématrique des lettres successivement codées. Voici trois noms propres que j'ai essayés.]

Gay cérébral griot chante hui creux noir.
[La 1-sympathie stricte code « Arthur », et la gématrie relative entre première & dernière lettre de chaque mot donne 18-9-13-2-1-21-4, c.-à-d. « Rimbaud ».]

Arts-drogue combinons, valable record futur testons !
[La 1-sympathie stricte code « Robert », et la gématrie relative entre première & dernière lettre de chaque mot donne 18-1-16-9-12-12-25, c.-à-d. « Rapilly ».]

Magma, vertige : papyrus lança signe, drôle art.
[La gématrie relative entre première & dernière lettre de chaque mot donne 14-9-3-15-12-1-19, c.-à-d. « Nicolas », et la 1-sympathie stricte code « Graner ».]


1er juillet 2022

Protéacrostiche
[Robert Rapilly a propo et illustré le redécoupage de lignes isocèles selon plusieurs longueurs, comme dans les protéonets, la nouveauté étant que chaque présentation doit fournir un acrostiche différent. Voici l'hommage que je lui ai rendu.]

Respirant pour produire art
Ou splendeur il est peinard
Barde à séduire inclassable
Et pas laid livre sculptant
Retable loué quand pourtant
Têt y voit l'inconnaissable

Respirant pour produire
Art ou splendeur il est
Peinard barde à séduire
Inclassable et pas laid
Livre sculptant retable
Loué quand pourtant têt
Y voit l'inconnaissable

[Voir aussi cet antécédent en prose]


13 juillet 2022

Anagramme trilingue
[Anthony Etherin et Pedro Poitevin ont composé deux sonnets en anglais et en espagnol, qui sont à la fois des traductions approximatives et des anagrammes l'un de l'autre. En voici une animation postée sur Twitter (et transmise à la liste oulipo par Alexandre Carret). Comme j'avais autrefois déjà expérimenté sans trop de mal les anagrammes globales, même versifes, j'ai tenté ci-dessous une traduction française de leur sonnet. Hélas, il contient beaucoup trop de A & O, donc j'ai dû me résoudre à les accumuler dans un titre, appel désespéré à Ada Lovelace — fille de lord Byron et première programmeuse sur la machine analytique de Charles Babbage.]

Ô dosage, ôôôôô Adaaaaaaaaaaaaaaa !

Durant des mois, nous avons permuté
Tout meuble, optant pour la place correcte.
On a biffé, bagarré, discuté
En balayant les fautes que j'injecte.

Dans la maison, sais-tu de quel côté
Loger le lit de papy l'architecte,
Ou ce rideau de royale beauté ?
L'amaryllis flamboyant s'y délecte.

Dans notre vie aussi nous recherchons
Où mettre enfin notre âme qui titube.
Homologuons des boomerangs ronchons ;
L'ellipsoïde est-il vu comme un cube ?

Y cahota l'audio du badaud tard,
Y foudroya le logos dans cet art.

[Vérification des anagrammes. Voir aussi ces deux autres sonnets
d'Alexandre Carret, employant les mêmes lettres que ci-dessus.]


P.S. du 17/07/22 : nouvelle traduction française du double sonnet anagrammatique de Pedro PoitevinAnthony Etherin, cherchant à être aussi fidèle que possible aux originaux espagnol & anglais. Le titre résume successivement les quatre strophes.

        Ô duo amoché,
        ô sofa,
        ô âme,
        ô aède !

Durant des mois, on alla transposant
Tout meuble, oeuvrant à l'idéale place.
L'ordre obtenu n'y fut guère apaisant
Car tu voyais mainte tache tenace.

Mon bon sofa rangeons en lieu plaisant,
Et du doyen laissons la table basse
Choir à côté du tapis fort grisant.
Il faut calmer chaque frayeur qui passe.

Lors de la vie autant nous essayons
De choyer l'âme où le joyau titube.
Qu'y coud ma règle ? Oh toujours balayons !
L'ellipsoïde a-t-il un air de cube ?

Ce débogage accommodera tard
L'ode d'aède à combo de cet art.

[Vérification des six sonnets anagrammatiques]


19 juillet 2022

El Protehog
[Ce sonnet de quinze heptasyllabes est en fait un hog
— plus précisément un tog à quatre coupures possibles :
3+3+7 + 3+3 + 7+3 + 3+7+3+3+7+3+3+7+3+3 + 7+3+3+7+3+3]

Je suis triste pessimiste
Prince à l'aboli manoir
Et luthiste veuf j'assiste
À ma chute en un trou noir

Altruïste défunt myste
Rends-moi l'italien terroir
Où le ciste coexiste
Avec la rose en miroir

Ton étreinte m'offre teinte
Rouge ô nixe de Biron
Dans l'enceinte dont l'eau suinte

J'ai su franchir l'Achéron
Car sans crainte mon chant tinte
Passant d'envoûtant juron

À la plainte de la sainte
        Je suis triste
        Pessimiste
Prince à l'aboli manoir

        Et luthiste
        Veuf j'assiste

À ma chute en un trou noir
        Altruïste

        Défunt myste
Rends-moi l'italien terroir
        Où le ciste
        Coexiste
Avec la rose en miroir
        Ton étreinte
        M'offre teinte
Rouge ô nixe de Biron
        Dans l'enceinte
        Dont l'eau suinte

J'ai su franchir l'Achéron
        Car sans crainte
        Mon chant tinte
Passant d'envoûtant juron
        À la plainte
        De la sainte

[Voir aussi ces autres hogs nervaliens ou aux rythmes voisins]


P.S. du 22/07/22 : sélénet qui est en fait un tog à deux coupures possibles :
5+5+2+2+5 + 2+2 + 5+2+2+5

Dans la grise brume
Amical marmot
Exhume ta plume
Pour écrire un mot

Chandelle mortelle
En ce triste lieu
Constelle ma stèle
Pour l'amour de Dieu
Dans la grise brume
Amical marmot
        Exhume
        Ta plume
Pour écrire un mot

        Chandelle
        Mortelle

En ce triste lieu
        Constelle
        Ma stèle
Pour l'amour de Dieu

P.P.S. du 24/07/22 : ballade balladante au schéma de rimes traditionnel
(trois fois AbAbbCC plus un envoi bbCC), qui est en fait un hog
— plus précisément un tog à six coupures possibles :
3+3+7 + 3+3 + 7+7+3+3+3+3+7+7 + 3+3+7+7 + 3+3+3+3+7+7+3+3+7+7+3+3 + 3+3 + 7+7+3+3+3+3
Comme dans ce précédent hog irréductible (qui n'avait rien à voir
avec une ballade), il y a 37 vers de 3 ou 7 syllabes en totalisant 163.

Le poète qui souhaite
Séduire est un parangon
De fluette girouette.
Dans l'extravagant wagon
De vers de ce boulégon,
Volatile versatile,
S'y distille l'inutile.

Planant comme une mouette,
Il repère en un lagon
La bluette désuète
Qu'a sublimée Aragon
Et tente un analogon.
Mais cette île semble hostile :
S'y distille l'inutile.

Au cours d'une pirouette,
En crachant tel un dragon,
Sa luette rompt, muette.
Hélas ! quand on zigzague, on
Change sirène en dugon
Et mutile maint dactyle :
S'y distille l'inutile.

Prince, ne sois pas bougon,
Mais arrête ce jargon !
Dans tout style qui rutile,
S'y distille l'inutile.
        Le poète
        Qui souhaite
Séduire est un parangon

        De fluette
        Girouette.

Dans l'extravagant wagon
De vers de ce boulégon,
        Volatile
        Versatile,
        S'y distille
        L'inutile.
Planant comme une mouette,
Il repère en un lagon

        La bluette
        Désuète
Qu'a sublimée Aragon
Et tente un analogon.

        Mais cette île
        Semble hostile :
        S'y distille
        L'inutile.
Au cours d'une pirouette,
En crachant tel un dragon,
        Sa luette
        Rompt, muette.
Hélas ! quand on zigzague, on
Change sirène en dugon
        Et mutile
        Maint dactyle :

        S'y distille
        L'inutile.

Prince, ne sois pas bougon,
Mais arrête ce jargon !
        Dans tout style
        Qui rutile,
        S'y distille
        L'inutile.

25 juillet 2022

Rimes à signes extérieurs de richesse
Rimes polysyllabiques dans lesquelles manque volontairement une syllabe (généralement la pénultième) afin de paraître plus pauvres. Cette contrainte date de mon adolescence, vers la fin des années 1970, mais je viens seulement de la décrire sur la liste oulipo, donc ça m'a donné envie de la tester sur notre souffre-douleur favori. Voici également une déformation d'un célèbre distique holorime de Charles Cros, proposée pour illustrer la contrainte :

        Dans ces meubles laqués, ces rideaux et dais amples,
        Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des exemples.

El Pobrecito
(Le Pauvret)

Je suis le sombre inconsolé,
Le veuf au deux-mâts mêlant lie :
Mon asile sombre, insolé,
Au fond de ma Mélancolie.

Acolyte en Gironde, ailé,
Rends-moi ta province abolie
Qu'élit tant giron désolé
Quand le ciste âpre au vin s'allie.

Il paraîtra Vercel, Aron,
Si ne l'a ménagé la reine.
En lamé nageait la sirène...

Et j'ai traversé l'Achéron,
Filant sous vihuela d'Orphée
Le silence où vis huer la fée.

                            Gérard Duval


30 juillet – 3 août 2022

Limericks rythmés
[Alain Chevrier vient de publier un livre consacré aux limericks, forme fixe humoristique à l'origine en anglais. Il s'agit de cinq vers rimant selon le schéma AABBA, ceux en A devant contenir trois accents toniques et ceux en B deux accents toniques. Son acclimatation au français a généralement fait perdre ce rythme. Ci-dessous, j'expérimente son respect, en faisant suivre les syllabes accentuées par plusieurs espaces pour aider les lecteurs francophones à retrouver la scansion anglaise. J'ai volontairement essayé plusieurs mètres, d'abord 9/9/6/6/9 comme George du Maurier, chaque groupe de trois syllabes étant un anapeste ⏑⏑—, puis un micro-limerick 3/3/2/2/3 ne contenant que des temps forts, un exemple avec des alexandrins romantiques 12/12/8/8/12, chaque groupe de quatre syllabes étant accentué sur la quatrième ⏑⏑⏑—, et enfin la variante 8/8/5/5/8, qui revient à reprendre le premier schéma 9/9/6/6/9 mais en rendant muette la première syllabe de chaque vers : ⏑— ⏑⏑— ⏑⏑— / ⏑— ⏑⏑— ⏑⏑— / ⏑— ⏑⏑— / ⏑— ⏑⏑— / ⏑— ⏑⏑— ⏑⏑—. Le premier limerick est un hommage au livre d'Alain Chevrier, le second est holorime, le troisième cite un célèbre trimètre romantique de Victor Hugo, en faisant allusion au fait que notre ami Patrick Flandrin est président de l'Académie des Sciences, et le dernier propose une variante de contrepèterie où deux phonèmes consonantiques sont intervertis mais en maintenant leur voisement ou non en leurs positions initiales.]

Un auteur   appelé   Chevrier,
En puissant   littéraire   ouvrier,
        A rimé   des poèmes
        Grivois mais   tu les aimes
Car ils font   notre esprit   se vriller.

*

L'Éternel voit tout

Naître, ô Dieux !
N'être odieux...
        Qu'antique
        Cantique
N'ait trop d'yeux !

Variante avec violation de la liaison supposée :
L'être odieux, / Laid, trop d'yeux / Salissent / Sa lisse / Lettre, ô Dieux !

*

Un immortel   — longtemps avant   Patrick Flandrin,
Pour éviter   trop de salam - alecs sans drain,
        A déclaré   qu'à l'hémistiche
        Toute césure   est un postiche :
J'ai disloqué   ce grand niais   d'alexandrin.

*

À Nîme,   en station   Pont du Gard,
S'enivre   un mari,   l'oeil hagard :
        Cocu   chef de gare
        Au sort   qui s'égare,
Hélas   devenu   con du bar !


P.S. du 05/08/22, limerog : limerick 9/9/5/5/9 qui est en
fait un tog irréductible 3+3+3+3+3+3+2+3+2+3+3 + 3+3.
N.B. : « hog » signifie porc en anglais, et « togs » fringues.

Il existe   un gaillard   à Pornic
Surnommé   l'anal hog   — le porc Nic.
        Ôtant   toute fringue
        Autant   pour la bringue
Que le sport,   ce beatnik   au port nique.
Il existe
Un gaillard
À Pornic
Surnommé
L'anal hog
— Le porc Nic.
        Ôtant
Toute fringue
        Autant
Pour la bringue
Que le sport,

Ce beatnik
Au port nique.

P.P.S. du 09/08/22, limeranka : protéonet qui est à la fois un tanka et un limerick
7/7/5/5/7 — dans lequel les heptasyllabes sont césurés 2/2/3 et les pentasyllabes 2/3.

        Ce soir déjà prie
Otto pour voir geisha qui
        Ôte haut — mytho, çà.

C'est beau, Mito, Sasebo,
Noirceur fraîche à Kyōto.
Ce soir   déjà   prie Otto
Pour voir   geisha   qui ôte haut.
        Mytho,   ça c'est beau :
        Mito,   Sasebo,
Noirceur   fraîche à   Kyōto.

P.3S. du 23/08/22 : adaptation du Desdichado au style olé olé et au rythme des limericks,
ici selon le schéma 2/3/3, 2/3/3, 2/3, 2/3, 2/3/3, qui me semble bien fonctionner en français.

El Limerickado

Un sombre   et veuf prince   aquitain
Vivait   dépouillé   de butin.
        Sa tour   amollie
        Causait   sa folie.
Du coup,   il eut soif   de putain.

Notre homme,   adorant   la tulipe,
Se rend   au grisant   Pausilippe
        Pour s'y   consoler,
        S'y fait   racoler
Et pense :   À présent,   pose-y lippe !

N'étant   Lusignan   ni Biron,
Il n'a   pu baiser   le giron
        Douillet   de la reine,
        Ni mieux   la sirène,
Car il   possédait   un vit rond.

Jouant   sur le luth   qu'eut l'Orphée
L'ahan   d'une sainte   étouffée,
        Il vainc   l'Achéron
        Au son   d'un clairon,
Et brait :   Sauterai-je   alors fée ?

                            Edward de Maurval


10 – 13 août 2022

Lipangrammes autodescriptifs :
énoncés autodécrivant 25 lettres, une voyelle manquant volontairement à l'appel, mais en employant pourtant l'écriture standard des nombres (contrairement aux lipogrammes en E de 1998monovocalismes de 2018)


19 août 2022

Proverbes paronymiques II
[Nouvelle série de proverbes déformés, en imposant cette fois qu'une (seule) lettre soit modifiée dans chaque mot de l'original, même s'il s'agit d'un mot-outil — comme dans le pénultième exemple de juin, noté (7). Un possible jeu est de retrouver les originaux, bien moins évidents que lorsqu'une seule lettre est modifiée dans l'ensemble de l'énoncé. Les solutions s'affichent quand on passe sa souris sous le proverbe.]

Le poète ne prise guère
Cette contrainte trop amère
        Aède loi de fiel n'aimera
        Aide-toi, le ciel t'aidera

Lorsque s'arrêtent les combats,
La collabo fait profil bas
        Boche tondue tait son jeu
        Bûche tordue fait bon feu

De trac, le bouffon va se taire
Devant cet auditoire austère
        Bout sa peur, les prudes
        Tout ça pour des prunes

Savez-vous comment s'ébaucha
Notre révolution, pacha ?
        Ça naît sous des chaos, dont cris
        La nuit, tous les chats sont gris

Ce japonais théâtre instille
Dans le parterre l'inutile
        Ce nô mande bas le vain
        Ça ne mange pas de pain

Tous nos fromages affinés
Sont des trésors pour vos dîners
        Comté en lait bon mit or de bouche
        Comme on fait son lit, on se couche

Rien ne vaut la russe musique
Pour égayer un nostalgique
        Cui le mit tôt content
        Qui ne dit mot consent

Les réunions de ces crétins
Causent des brouhahas lointains
        Des cons comités vont ces sons émis
        Les bons comptes font les bons amis

Clown blanc, jamais tu ne pérores
Pendant ton spectacle aux aurores
        Donnais tôt ton mime
        Connais-toi toi-même

Van Gogh, après l'indécision,
Choisit du midi la vision
        Doute peint, vérité solaire
        Toute peine mérite salaire

Ces délires, je vous l'assure,
Sont seuls à passer ma censure
        Fous, ces bouts vont sans ma rature
        Tous les goûts sont dans la nature

D'où vient ce dessert onctueux ?
Ah, tes renvois le situent, eux.
        Hi ! ce gâteau colle, tes rots parlent des crémiers
        Si le bateau coule, les rats partent les premiers

La veuve dans le noir frissonne
En écoutant le glas qui sonne
        Hui mort, ding
        Qui dort dîne

Chez les riches, un carillon
Tinte de satisfactïon
        Le leur sonne les aises
        La peur donne des ailes

Ce gibet que le monde évite,
François Villon l'a chanté vite
        Lui a rimé de suite
        Qui m'aime me suive

Tel autre, un eunuque pervers,
Répugnant, n'écrit aucun vers
        Lui rime rien, châtré bren
        Qui aime bien, châtie bien

Créons et cachons en styliste
Les proverbes de cette liste
        Mi-tu, mi-conçu
        Ni vu ni connu

Ce matelot est gigolo ;
Essayez-le, c'est rigolo
        Ô marin câlin en démo
        À malin, malin et demi

L'esprit si fermé de l'élite
Vient de cerveaux en bakélite
        Ô raison raide, ambre dort
        À maison laide arbre mort

La religieuse a l'air moqueur
Quand elle sent le froid d'un coeur
        Ô soeur raillant bien l'impassible
        À coeur vaillant, rien d'impossible

Coincé dans un tank immobile,
Le soldat est fichu, débile
        Ô son char con, mat
        À bon chat, bon rat

Poète trop craintif, allez,
Révèle écrire des ballets
        Oh peur, rime ce bout, fais par aveu tour de ronde
        On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde

Un rien peut choquer le centriste,
Jusqu'au discours écologiste
        Oui, même ce vert révolte le tempéré
        Qui sème le vent, récolte la tempête

Mon doigt sur la flûte en cristal
Tourne et joue un plat récital
        Oui, vibra verre
        Qui vivra verra

Lorgnant à travers les serrures,
Le voyeur se grise, ô cambrures
        Pâmais yeux dans trous
        Jamais deux sans trois

Tout bon joueur voit sans calcul
Cette position de match nul
        Pat su par pros
        Pas vu, pas pris

En étalant partout sa frime,
On perd encore plus d'estime
        Rien taire, en baisser pire
        Bien faire, et laisser dire

Ce lied est juste copïé
Car tout le monde m'a pillé
        Rima rien, lui dira ce Vernier
        Rira bien qui rira le dernier

Qu'il est plaisant quand on se marre
Au beau milieu d'un tintamarre
        Rire en foire, fort doux
        Dire et faire font deux

Je rappelle à mon chef bourru
Que la bande l'a secouru
        Ton gang te sauvait, mentor
        Bon sang ne saurait mentir

Au Japon, même de courts thrènes
Peuvent inspirer plusieurs scènes
        Un nô naît par l'odelette : sens passer les veufs
        On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs

Exagéra sa Majesté,
Dès lors son cortège a pété
        Y craque cour, surfit la reine
        À chaque jour suffit sa peine


[Ci-dessous, les énoncés déformés sont des vers célèbres et non plus des proverbes]

Le parquet des Lettres condamne
Toute infractïon, bonnet d'âne
        Mot ouï sans ses lois, cour des peines
        Moi qui sais des lais pour les reines [Apollinaire]

Afin de polir son journal
L'aède efface un vers banal
        Son verbe n'eut bridé gomme : en éclot du rare
        Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire [Apollinaire]

Les cris d'une injuste corneille
Font que chaque ablution m'effraye
        Ut d'inique corbeau, ces trempettes mâtines
        Et l'unique cordeau des trompettes marines [Apollinaire]

La queue en vain reste une action
Qui n'offre pas trop de pression
        Les files du néant n'empochent le karcher
        Ses ailes de géant l'empêchent de marcher [Baudelaire]

L'adroit satyre récupère
Ses biens du clou, ne parlant guère
        L'as lève sans sa glotte or gagé, le silène
        J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène [Nerval]

L'affreux cyclone a torsadé
Même ce long bélonidé
        Modelant tout, ô jour dur, ça gyre l'orphie
        Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée [Nerval]

Le hareng que ce flamand pêche
Fut guidé par la brise fraîche
        Port belge : Éole sort soft, frôle quille. Mord rase alose jà (grise), s'y puise.
        Fort belle, elle dort. Sort frêle ! Quelle mort ! Rose close, la brise l'a prise. [Paul de Rességuier]


31 août – 2 septembre 2022

Poulets qui traversent
[Daniel Bilous a relancé sur la liste oulipo le célèbre mème d'origine britannique consistant à répondre à la question « Pourquoi le poulet a-t-il traversé la route ? » selon différents points de vue. Il a lui-même composé de remarquables pastiches, et la liste oulipo a fini par s'emparer elle aussi de ce thème. Voici les minimalismes que j'ai postés.]

P.S. du 15/09/22 : réponse à la question en deux lignes anagrammatiques

P.P.S. du 16/09/22 : deux ouïseaunets (quatrains de 4/4/3/3 syllabes mentionnant un oiseau et rimant systématiquement entre singulier & pluriel), et deux ouïseaulorimes (ouïseaunets dont les quadrisyllabes sont homophoniques des trisyllabes)

Poulet traversant une route

6 – 13 septembre 2022

Nouvelles dichotomies syllabiques
[Nicolas Graner a relancé sur la liste oulipo les interpolations syllabiques déjà un peu explorées en mai 2004. Son idée initiale était d'insérer une syllabe entre toutes celles de poèmes célèbres afin d'obtenir de nouveaux énoncés. J'ai commencé par le faire sur la totalité d'un grand classique
;-). L'original s'affiche quand on passe sa souris sous le distique.]

Évaluez niveau que l'on corrode, ô perte !
Débattrons-nous peinés, tenant ma lèvre inerte ?
Et l'unique cordeau des trompettes marines [Apollinaire]


Dichotomericks

J'ai ensuite repris le principe de nos dichotomies syllabiques de 2004, c.-à-d. itérer la suppression de toutes les syllabes de rangs impairs afin d'obtenir des suites de plus en plus courtes. Il se trouve qu'un limerick de 6/6/4/4/6 syllabes (avec des accents toutes les deux syllabes) donne un total compatible avec une telle dichotomie.

Ma première tentative évoque la poule qui traverse la route, et cherche à vaguement retrouver l'état d'esprit des limericks :

Lorgnez :   dinde eut   couvée,
Hop ! et   gagnait   sa paie.
        Tarif   signé,
        Duvet   peigné...
Périph   dupait   pépée.

Dichotomie syllabique :

lɔʀ ɲe dɛ̃ dy ku ve ɔ pe ga ɲe sa pe ta ʀif si
    ɲe    dy    ve   pe    ɲe    pe    ʀif
          dy         pe          pe
                     pe

*

Mon second essai décrit un poète en temps de guerre de guerre :

Guerrier   bouclait   l'armure.
Fémurs   variés   l'émurent.
        « Ô geais,   mariez
        Les mûrs   mûriers !
Murgé   lémur,   murmure ! »

Dichotomie syllabique :

gɛ ʀje buk le laʀ myʀ fe myʀ va ʀje le myʀ o ʒe ma
   ʀje     le     myʀ    myʀ    ʀje    myʀ   ʒe
           le            myʀ           myʀ
                         myʀ

murgé : ivre
N.B. 1 : mûr et mûrier n'ont pas de lien étymologique
N.B. 2 : malgré la présence de neuf syllabes « mur », ce poème réussit le tour de force
de ne jamais parler de maçonnerie — tout en illustrant la même chose sans cédille


Dichotogs

J'ai finalement cherché à combiner de telles dichotomies syllabiques avec les règles du hog roubaldien. Le premier est formé de toutes les étapes d'un seul poème dichotomique, et emploie le schéma du plus court architog de 5 vers, à savoir le palindrome 2+2+3+2+2. (Sa propriété est qu'un nombre impair de vers consécutifs totalise toujours un nombre premier de syllabes.)

    Malouin
    hautain,
L'océan
    lointain
    s'éteint.

Dichotomie syllabique :

ma lwɛ̃ o tɛ̃ lɔ se ɑ̃
   lwɛ̃   tɛ̃    se
         tɛ̃

Malouin : habitant de Saint-Malo

[Voir aussi ces cinq poèmes de Nicolas Graner selon le même schéma]

*

Dans mon second poème, seule la première étape est un hog, plus précisément un tanka traditionnel de 5+7+5+7+7 = 31 syllabes. En revanche, ses réductions successives ne sont pas des hogs (à part celle en 2+3+2 = 7 syllabes), et l'ensemble n'en constitue pas non plus car il totalise 57 syllabes, nombre composé (3×19).

    Théorisé tôt
par l'élégiaque ardeur là,
    ce projet vit d'aides.
En ce chant croît, outrageant,
L'oeuf rond d'ample hydrocéphale.

            Osez
            parler,
car la providence encroûte
            en fronts
            plissés.

            Zélée,
        l'avide encre
            emplit

        l'évident

                vide.

Dichotomie syllabique :

te o ʀi ze to paʀ le le ʒja kaʀ dœʀ la sə pʀo ʒɛ vid ɛd ɑ̃s əʃ ɑ̃kʀ wat ut ʀaʒ ɑ̃ lœ fʀõ dɑ̃ pli dʀo se fal
   o    ze    paʀ    le     kaʀ     la    pʀo    vid    ɑ̃s    ɑ̃kʀ     ut     ɑ̃    fʀõ    pli     se
        ze           le             la           vid          ɑ̃kʀ            ɑ̃           pli
                     le                          vid                         ɑ̃
                                                 vid

Autres dichotogs minimalistes

La série de Nicolas Graner mentionnée ci-dessus m'a donné envie de reprendre le schéma minimaliste 2+2+3+2+2. Pour stimuler ma racontouze, j'y ai ajouté des contraintes. Le premier poème ci-dessous emploie le plus de phonèmes possible (ici 5) dans la syllabe la plus souvent répétée. Les sept dichotogs suivants sont monorimes.

Ingrat conservateur aveugle à la beauté abstraite

    Ce laid
    centriste,
tout labeur
    lettriste
    l'attriste.

Dichotomie syllabique :

sə lɛ sɑ̃ tʀist tu la bœʀ
   lɛ    tʀist    la
         tʀist

           *
          * *

Religieux s'expliquant mal par télégramme

    L'oblat
    trembla,
s'accabla,
    blabla
    câbla.

lɔ bla trɑ̃ bla sa ka bla
   bla     bla    ka
           bla

*

Emploi de videur

    Loubard
    jobard
vire en bar
    barbares,
    rembarre.

lu baʀ ʒɔ baʀ vi ʀɑ̃ baʀ
   baʀ    baʀ    ʀɑ̃
          baʀ

*

Conductrice attaquée par de gros porcs fortunés

    De chers
    en chair
phacochères
    cherchèrent
    cochère.

də ʃɛʀ ɑ̃ ʃɛʀ fa kɔ ʃɛʀ
   ʃɛʀ   ʃɛʀ    kɔ
         ʃɛʀ

*

Vishnou finalement réincarné en un turbulent gamin mongol

    Moutard
    fêtard,
l'avatar
    tartare
    va tard.

mu taʀ fɛ taʀ la va taʀ
   taʀ    taʀ    va
          taʀ

*

Offrande tribale de tambours et de médiocre origan

    Goûtâmes
    dictame,
protestâmes ;
    tam-tams
    testâmes.

gu tɑm dik tɑm pʀɔ tɛs tɑm
   tɑm     tɑm     tɛs
           tɑm

*

Descendant d'écrivain relâchant un Maure en Espagne

    Gilbert
    Flaubert,
chez l'Ibère,
    Berbère
    libère.

ʒil bɛʀ flo bɛʀ ʃe li bɛʀ
    bɛʀ     bɛʀ    li
            bɛʀ

*

Danger de l'obsession oulipienne

    Quatrain
    contraint
trop étreint
    train-train :
    pétrin !

ka tʀɛ̃ kɔ̃ tʀɛ̃ tʀɔ pe tʀɛ̃
   tʀɛ̃    tʀɛ̃     pe
          tʀɛ̃

[Voir aussi ces trois dichotogs d'Alexandre Carret]


Interpolation syllabique verlainienne
[Retour à l'idée initiale de Nicolas Graner, à savoir insérer une syllabe entre toutes celles d'un poème célèbre. Ici les syllabes de rangs pairs reproduisent la Chanson d'automne de Verlaine. L'original s'affiche quand on passe sa souris à droite du poème.]

        Pour changer son barde autochtone

Le lettré sans règle, aux jalons
Indécis, vit marteaux-pilons
        Modeler l'ode atone.
D'emblée, à ce sermon vainqueur,
L'induction neurale en vigueur
        Des mots banaux l'étonne.

Juste où pièce eut défaut choquant,
Clarté faible et rythme bloquant,
        La Sorbonne se leurre.
Ce jeu n'amena souvent rien
Que décharge ou ruse en soutien :
        Son message pair fleure.

Réécris, jeune homme entravé,
L'écho qu'inventeur motivé
        Tranquillement supporte.
Barde sans saccades parla
D'appas tirés d'un pianola —
        L'elfe baille main-forte.

                        Jean-Paul Dauvergne-Allen,
                        Apologue écumeux d'oxalate uranien
        Chanson d'automne

Les sanglots longs
Des violons
        De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
        Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
        Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
        Et je pleure

Et je m'en vais
Au vent mauvais
        Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
        Feuille morte.

                        Paul Verlaine,
                        Poèmes saturniens

9 septembre 2022

Distique holorime de circonstance

Mettez oncques la Reine en glaise à Balmoral
Mais taisons que l'arène anglaise a bas l'moral


20 septembre 2022

Code morse julien
[Fin août 2022, Rémi Schulz a eu l'idée d'interpréter la ponctuation de vers comme les traits et points du code morse. Alexandre Carret et Noël Bernard en ont aussi exploré des variantes se servant des lettres accentuées. Le mois suivant, Léopold Julia a préféré éviter tout accent et toute ponctuation, à part les traits d'union, mais tenir compte des points sur les i & j minuscules pour représenter les points du morse. Il a même raffiné cette idée la semaine suivante en imposant ce code morse dans le dernier mot (possiblement composé) de chaque vers, et en interdisant ailleurs les signes diacritiques & ponctuations. J'ai repris son principe pour coder ci-dessous mon dernier hétéropangramme, en cherchant à donner plus de détails de l'histoire correspondante malgré la dureté de cette combinaison de contraintes. Les vers assez courts et l'alternance des rimes l'ont notamment beaucoup influencée. Les traits et points sont indiqués en gras, et leur décodage est facilité par la reproduction des mêmes lettres au début de chaque vers.]

Gendarme dans sa peau-de-bique
Zyeute un club sud-est-asiatique
Y mettre au quatre-vingt-et-un
Rouste aux punks sous un vide-vite

Faut tester leur indique-fuite
La menace radio-induite
Et tout rayon inopportun
X gens de Paray-Vieille-Poste

Voyez ce simili-poulet
Inspecter en bibliognoste
Tournant sa montre-bracelet

Passant quelque laisse-tout-faire
Un casque occipito-frontal
Novateur et bucco-dentaire
Kevlar sus-maxillo-nasal
Se lance notre militaire

Dames ces plombs court-circuitons
Jeunettes de Saint-Paul-de-Serre
Osons chasser les va-t-en-guerre
Manoeuvrons les caps-de-moutons
Berk aux sous-administratrices

Ces psycho-sensori-motrices
Hargnes sans juridictionnel
Aspect sont une indo-persane
Weltanschauung un esprit-de-sel
Quel regret de Nans-sous-Sainte-Anne


25 septembre 2022

Desdichado paronymique
[tout vers est approximativement dupliqué, chaque mot ayant exactement une lettre modifiée]

La mala dicha
(Le mana dicta)

Là, veule époilé morne — oh moi ! — bistre navré,
Le noir Prince à Bordeaux dans tour pas si jolie :
Ma seule étoile morte où mon cistre nacré
Ce soir grince — ô cordeaux sans jour par sa Folie !

Au caveau, pleurs brisez, soeur m'ayant consolé,
Rendez-moi Rome et mer, vu le signe d'algie,
Ou cadeau : fleurs, grisez coeur d'amant convolé,
Tendez mon rose ex-mur où la vigne s'allie.

Être As, Dieu, l'Acheson ?... Laurent, séide sois ?
Je rougis du silène — elfe page vit reine,
De roulis de sirène : elle nage via Seine.

Erre au lieu d'Achéron, lauréat seize fois,
Jouant mage criant maint sort sur cette harpe,
Louant sage priant, saint fort pur, nette carpe.

                                                            Norval Nerval

[Voir aussi cette accumulation de paronymes initiaux de 2020]


2 octobre 2022

Ampoules à contraintes
[Alexandre Carret a transmis à la liste oulipo ces deux tweets d'Anthony Etherin, et en a proposé ces traductions françaises — la première étant particulièrement fidèle au minimalisme de l'original anglais ! En voici d'autres de ma plume, suivies de nouvelles réponses à contraintes dans le même état d'esprit.]

Combien faut-il de palindromistes pour changer une ampoule ?
— Sec, net : six existences !
[Passez votre souris sur la réponse pour afficher sur fond rouge les paires de lettres symétriques]

*

Combien faut-il d'anagrammistes pour changer une ampoule ?
— Un est impératif, mais l'ombre d'un nuage l'accompagnera, hou !

[Voir aussi cette traduction d'anagramme anglaise de l'année dernière, et ces récents sonnets anagrammatiques d'après des originaux espagnol & anglais]

*

Combien faut-il de pangrammistes pour changer une ampoule ?
— Wo, j'y prohibe 6991 kids !

[Cette réponse sous-entend 46 lettres. Voir aussi ces précédents pangrammes numériques, dont certains paraissent encore plus courts.]

*

Maints autres minimalismes du même type peuvent être obtenus à partir de ces listes d'entiers respectant diverses contraintes littérales, par exemple :

Combien faut-il de monovocalistes en E pour changer une ampoule ?
— Entre 7 et 737.

*

Combien faut-il de lipogrammatistes en E pour changer une ampoule ?
— Parfois plus d'un, mais toujours moins d'un googol.

[Voir aussi ces autres réponses des oulipotes]


Vers le trente-sept septembre (réellement le 04/10/22)

Renversement-express

La radioactive
Règle d'inversion
Crée une hâtive
Phrase en conclusion.

Moralité :
En emmêlé rem, eh, pète-sec ! elle me génère brève recette.
Ce réverbère ne gémelle ce set, éphémère lemme né.


P.S. du 07/10/22 : palindrome-express aqueux

Le cours d'eau sanglote,
Gonflant de pression
Fruits de mer et lotte —
C'est l'inondation.

Moralité :
Ému, ce ru engorge bar, crevette, lump,
mulette, ver, crabe, grogneur, écume.


12 octobre 2022

Cacophonie rebelle
[Les consonnes phonétiques du français peuvent être classées en différents groupes, selon les points de vue, par exemple en :
        — occlusives
[ptkbdg]
        — constrictives
[fsʃvzʒ]
        — nasales
[mnɲ]
        — liquides
[lʀ]
        — semi-consonnes
[jwɥ]
Ces cinq groupes m'ont donné envie de composer un nouveau sonX, où les vers rimant entre eux n'emploient que les consonnes phonétiques de l'un de ces groupes. Celui des semi-consonnes rend extrêmement difficile le respect des règles prosodiques classiques.]

Un bigot débutait un cantique en poète
Assez insuffisant, souvent fait sans façon.
Envisageant savants jeux, ainsi sa chanson
Était bègue — ton goût atypique t'embête.

Toute beauté te quitte en dégoûtant ta quête,
Ô jouvenceau fangeux, ô sauvage enfançon !
Sens ces anges fâchés vis-à-vis ce fou son
Qui bogue de beaucoup, handicape et caquette.

Oh aye-aye hawaïen houant houille en haillons,
Ouaille en haut haïe, éon hue — ouille, oyons !
Le râleur hurle à Râ : la rouerie est l'horaire

Menant mon âme même un minime moment,
L'ire enrôlant la lyre et l'erreur leurrant l'ère
Inhumaine où me magne une main m'inhumant.


16 octobre 2022

Sonnet en dichotomie syllabique
[Le poème ci-dessous est obtenu à partir d'une première partie de 86 syllabes, puis en y supprimant toutes les syllabes de rangs impairs, puis en recommençant de tels effacements, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste rien. La nouveauté par rapport à mai 2004 et septembre dernier est que certaines parties totalisent un nombre pair de syllabes. Puisque 86+43+21+10+5+2+1 = 168 = 14×12, l'ensemble constitue un sonnet d'alexandrins. Cette contrainte impose que les deux quatrains n'aient pas le même schéma de rimes. Les parties sont séparées par des points de suspension dans le poème. Dans la transcription en alphabet phonétique de la colonne de droite, les syllabes employant une nouvelle couleur donnent la partie suivante.]

Désagrégation

La leçon débuta, syllabus délétère.
Un éloge usé d'or, soudure à corroder,
Me condamne à sabrer le jargon, le coder
Propre au sanscrit voilé prôneur de l'inventaire.

Âpre est ton ascension, circaète icarien !
Le saussurien sonnet peines soudain endure,
Et la Gorgone lut noirci glyphe hégirien,
Tranquille… déballa d'éternels jus d'ordure.

Or, dès qu'on abrégea, le dey proscrit les noeuds,
L'interprétation qu'a tyrien saurien haineux
D'indus ragots   lucifériens   qu'il… déblatère.

J'eus d'Ur des najas : des cris ne taire, acarien !
Rien ne dure, ô Syrien… L'âge eut déjà critère
Qu'aryen durci…   jugea terrien,   si… jarryen… Rien.

la sɔ̃ deb yt a si la bys de le tɛʀ
œ̃ nɛl ɔ ʒy ze dɔʀ su dyʀ ak ɔʀ o de
kɔ̃ da na sa bʀeʒa ʀgɔ̃ de
pʀɔ pʀos ɑ̃s kʀi vwa le pʀo ʀdə lɛ̃ vɑ̃ tɛʀ
ɑ pʀɛt ɔ̃n a sɑ̃ sjɔ̃ siʀ ka ɛ ti ka ʀjɛ̃
so sy ʀjɛ̃ sɔn ɛ su dɛ̃ nɑ̃ dyʀ
el ag ɔʀg oly nwaʀ si gli fe ʒi ʀjɛ̃
tʀɑ̃ kil

deb a la de tɛʀ
nɛl ʒy dɔʀ dyʀ ɔʀ de
kɔ̃ na bʀe ʒade
pʀos kʀi le lɛ̃ tɛʀ
pʀɛt a sjɔ̃ ka ti ʀjɛ̃
so ʀjɛ̃ ɛ dɛ̃ dyʀ
ag o ly si fe ʀjɛ̃
kil

deb la tɛʀ
ʒy dyʀ de
na ʒa de
kʀitɛʀ
a ka ʀjɛ̃
ʀjɛ̃dyʀ
o si ʀjɛ̃

la
ʒy de
ʒa
kʀi tɛʀ
ka
ʀjɛ̃ dyʀ
si

ʒy
ʒa
tɛʀ
ʀjɛ̃
si

ʒa
ʀjɛ̃

ʀjɛ̃

[Voir aussi ces sonnets dichotomiques d'Alexandre Carret et de Rémi Schulz, selon le même schéma]


P.S. du 24/10/22 : triple sélénet en dichotomie syllabique, c.-à-d. dont les parties successives sont obtenues en supprimant les syllabes de rangs impairs (à part un petit décalage dans la 4e partie, dont je ne me suis rendu compte qu'en y mettant des couleurs — bien trop tard pour être corrigé). Comme en 2004, chaque partie totalise ici un nombre impair de syllabes : 63+31+15+7+3+1 = 120 = 6×20. Elles sont de nouveau séparées par des points de suspension dans le poème.

Forgeant tintamarre,
L'écriteau trompe art ;
Un bouquin démarre,
Assez vain départ.

L'ouvré pentamètre
Se décachetant
Ne vaut mieux qu'émettre
Patchwork révoltant.


L'édit contamine
Ton avis, clic-clac !
L'État moud ta mine.
On peinait au black.

Discourtois… j'entame
L'écho par bouquet,
Ah ! sympa, rétame
Ce qu'attend hoquet.


Paraît en dictame
Ton vil hack : tam-tam.
On est là, courte… âme
Au bout, qu'aspartam !

Chaos patentâmes
Vite, amont, lacs… hauts ;
Haste à maux tentâmes ;
La… casse ôta… mots.
fɔʀ ʒɑ̃ tɛ̃ tam
lek ʀit o tʀɔ̃ paʀ
œ̃ buk ɛ̃d ɛ maʀ
as ev ɛ̃ de paʀ

luv ʀe pɛ̃ tam ɛtʀ
de ka ʃə tɑ̃
nəv o mjø mɛtʀ
pa tʃwœʀk ʀe vɔl tɑ̃


le dik ɔ̃ tam in
tɔ̃ na vi klikk lak
le tam u tam in
ɔ̃ne tob lak

dis kuʀ twa
/ ʒɑ̃ tam
lek o paʀ buk ɛ
as ɛ̃ paʀ ʀe tam
ka tɑ̃ o


pa ʀe tɑ̃ dik tam
tɔ̃ vi lak tam tam
ɔ̃ ne lak kuʀ
/ tam
o buk as paʀ tam

ka o pa tɑ̃ tam
vi tam ɔ̃ lak
/ o
as tam o tɑ̃ tam
lak
/ as o tam / o

[Voir aussi ce triple sélénet d'Alexandre Carret, selon le même schéma]


P.P.S. du 26/10/22 : dichotomie syllabique inverse selon le schéma de la Chanson d'automne de Verlaine. Chaque partie, séparée par des points de suspension dans le poème, est obtenue en éliminant les syllabes de rangs impairs de la suivante : 1+2+4+8+17+34 = 66 = 3×22.

Dichotomne

Les… filés… lais,
Ficelés, … laids,
        L'édifient,
Fils heureux lès…
Parlers qu'ourlets
        Modifient.

Fi ! là figeait
Ce vers. Rejet
        L'étu…die
Par reflet au
Cours d'un lento —
        Monodie.

Suffit l'amphi
Quand l'amorphe y
        Piège et tue :
Ce gouvernant
Retors, gênant,
        L'effectue.
/ fi /
fi
/
         di fi
fi ʀə
/
paʀ kuʀ
        mɔ di fi

fi la fi ʒɛ
vɛʀ ʀə ʒɛ
         ty
/ di
paʀ ʀəf to
kuʀ dœ̃ nto
        di

sy fi lɑ̃ fi
kɑ̃ la mɔʀ fi
        pjɛ ʒɛ ty
gu vɛʀ nɑ̃
ʀə tɔʀ ʒɛ nɑ̃
         fɛk ty

P.3S. du 05/11/22 : sonnet dichotomique de pentasyllabes, selon le découpage 36+18+9+4+2+1 = 70 = 14×5 syllabes, où les séparations de parties sont comme précédemment matérialisées par des points de suspension. Les rimes des quatrains sont volontairement croisées pour qu'ils sonnent comme un sélénet. La brontée est une antique maraca métallique imitant le tonnerre, et le carbet un type de cabane.

Vie brève de Jehanne Dupont

D'une arche squattée,
J'y gobais l'aube et
Tinta la brontée
Car la paix flambait.

La sainte écartée
S'érigeait, nimbait
Plus qu'oie entêtée,
Qu'un… narquois gibet.

Bey, ta bronca rée,
Bée incarcérée,
Bec ouaté qu'un… quoi ?

Bêta carbet carre,
Et couaque un… bécarre
Qu'arc oit, … carquois… coi.
dy naʀ ʃəs kwa te
ʒibe lo be
tɛ̃ ta la bʀɔ̃ te
kaʀ lap e flɑ̃ be

las ɛ̃ te kaʀ te
seʀe nɛ̃ be
ply kwa ɑ̃ te te
kœ̃
/ naʀ kwa ʒi be

be ta bʀɔ̃ kaʀ e
be ɛ̃ kaʀ seʀ e
be kwa te kœ̃
/ kwa

be ta kaʀ be kaʀ
e kwa kœ̃
/ be kaʀ
kaʀ kwa
/ kaʀ kwa / kwa

18 octobre 2022

Marellet
[Robert Rapilly vient de définir le marellet comme une variante de protéonet, dans laquelle les morceaux d'un premier poème sont mélangés pour en donner un second. Ci-dessous, une permutation de Queneau-Daniel effectuée sur douze pentasyllabes donne un quintil d'alexandrins.]

Peu soigné poème
Aux versets trop courts,
Malheureux problème,
Fore un vain discours.

Nous, encore ensuite,
En improvisons
Un bout-rimé : vite
Convient les prisons.

Alors que la fée,
Sans horizons grands
Et d'ore, aime Orphée,
Souvent je comprends.
Souvent je comprends peu, soigné poème, et d'ore
Aime Orphée aux versets trop courts sans horizons,
Grands malheureux ! Problème alors que la fée fore :
Un vain discours convient. Les prisons-nous encore ?
Ensuite un bout-rimé ? Vite en improvisons !

[Voir aussi ces précédents marellets, pas encore baptisés ainsi à l'époque]


P.S. du 23/10/22 : Robert a également ressuscité sous le nom de « gidaille » l'une de ces formes de décembre 2013, en imposant comme Annie Hupé une contrainte de métatextualité, mais avec l'adoucissement que les séquences de syllabes mélangées puissent être à cheval sur plusieurs mots. Ci-dessous, le troisième vers du haïku est obtenu en effectuant une quenine syllabique d'ordre 5 sur le premier (12345 → 51423).

        Motif ondulé,
le chaos du temps fait naître
        les maux du typhon.


P.P.S. du 27/10/22 : sextine syllabique complète (123456 → 615243), comme en mai 2009

Dès les colimaçons
Sondés mal, l'hélico
Qu'haussons — l'idée l'aima —
M'a collé son délit,
Lime à deck au son laid :
L'élit son mât codé.


P.3S. des 6-7/11/22 : nouvelles gidailles en 5-ines syllabiques (12345 → 51423), l'un des pentasyllabes ne comptant qu'un seul mot.

        N'hésitait Roger
à retourner tous ses biens :
        générosité.

        Téléphonera-
t-il aux révolutionnaires ?
        Rater ne les faut !

        Tant se mentir : eux
roulent sur la pente d'un
        retentissement...

        Militer n'a cri
mieux tourné que « Virons votre
        criminalité ! »

        Si logique, ô toc
de poison ! Tu m'as roulé,
        toxicologie.

        Mi-logis, notaire
nous embobine avec sa
        terminologie.

        Maniabilité
du col roulé torsadé :
        t'es ma ligne, habit !

        Tour se mendiait
au manège — ô merveilleux
        étourdissement !

        Râlerez qu'au cas
où les chevaux de bois ne
        caracoleraient.

        Hélicoïdale
est cette route qu'on a
        dallée illico.

        Circulairement,
l'ancestral Épiménide
        ment, si reculé.

        (Et que ment typo
à sa rotative, assez
        poétiquement !)*

        Bonnement, bilan
positif : réitérons
        l'embobinement !

        Car le rond t'aimait,
les lois métatextuelles
        m'écartèleront.

[* Alexandre Carret en a proposé le lendemain cette superbe variante :
        Et que mentit Poe
glissant dans le Maelstrom
        poétiquement]


28 octobre 2022

Superstructure astucieuse (3-bambochade consécutive)
[Sur Twitter, Éric-Marie Gabalda a suggéré à Noël Bernard une variante fortement endurcie de sa contrainte des bambochades d'avril dernier : au sein de chaque mot, N lettres consécutives de l'alphabet doivent apparaître dans l'ordre et accolées. Dans le tanka ci-dessous, j'ai illustré le cas N = 3.]

        Stupre défendu !
Damnons costumes stupides,
        défauts gestuels !

Stupeur : défilé afghan
déferla, hijabs défaits.

[Voir aussi mes précédentes bambochades]


10 novembre 2022

Minéralogie
[Claude Chautard a proposé à la liste oulipo de composer des vers à partir de la lecture phonétique de plaques d'immatriculation françaises. Ci-dessous, j'ai tenté une adaptation de notre sempiternel Desdichado, en interdisant les voyelles I, O & U dans les plaques conformément à la législation actuelle.]

                El Mineralógico
                (Haché sans vécu)

Ai l'air de sang de jais, — décavé, — sans ses aides,
Hère et mat roi   sans cité d'où   bleu vais cesser :
Si s'en vint s'étêter décent synthé cassé,
        Baissant car hantés feux décèdent.

Sans qu'à tort, zélé Râ, descende des gibets,
Paie hui sensés Édens paissant vin de tes baies
Et mer qu'âtre sent très hellène, double oeuvé
        Zée, rose et raucité cuvée.

Descendis d'Écus, ha ! chassant vain Seth avec ?
Apaise héros vaincu, déesse de centre aise ;
J'étais hélas en cette âgée cave et sans Cèze...

Géhenne efface, en soi sente de pays grec,
Agissant si servais cas d'essence égéenne :
        Sens saint béat et airs sans haine.

                                            Gégé de Sancet-Eiffel

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TD-105-TK CB-140-FE DC-214-LR AD-102-DJ BP-800-CZ
NP-122-TB MR-413-LN EW-006-TQ VD-110-DQ HA-127-AV
KP-020-QD SE-213-GT LA-107-AG KV-116-GN FA-162-PY
AJ-106-RV KD-100-CG NE-105-BA TR-100-NE GG-207-FL

[Voir aussi mes précédents textes alphabétiques épelés]


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